dimanche 24 novembre 2019

Benzos, Noël Boudou


Benzos, Noël Boudou

★★★★★

« Un cachet pour une prise de tête avec un collègue ou ma supérieure au boulot. Deux en cas de mauvaise nouvelle. Trois en prévention d'une crise de panique devant une grosse, grosse merde. Je suis un somnifère ambulant à libération prolongée. » Ces cachets, ce sont des comprimés de Benzodiazépine, composé moléculaire utilisé dans les médicaments classés comme anxiolytiques, traitement médical de l’anxiété et de l’insomnie, entre autres pathologie du système psychique.



Vous comprenez maintenant le titre. « Benzos », c’est en quelque sorte un petit surnom affectueux, car ces cachetons, ce sont les meilleurs amis de Nick Power, le narrateur. Ils sont toujours là pour l’aider quand ça ne va pas. Et ceci, depuis qu’il souffre d’insomnie chronique ; depuis ses quatorze ans si vous voulez savoir.



Est-ce l’usage à long terme qui fait que Nick, d’un coup, semble perdre la raison ? Le voilà qui, un petit matin, se retrouve dans un remake du film « Un jour sans fin » : il se réveille dans des endroits autres que ceux dans lesquels il s’est couché et le jour semble toujours être le même, à quelques variantes près. Devient-il fou ou se moque-t-on de lui ?



Noël Boudou connaît son sujet (lire l’avant- propos). Il emmène son lecteur dans un univers branché « sexe, drogue et rock’n’roll » dans un rythme trépidant et addictif sur les traces d’un homme qui a tout pour être heureux mais qui n’arrive pas à dormir. Qui a souffert d’insomnie ou a dû avoir recours aux fameux comprimés quadri sécables se reconnaîtra en Nick, ce narrateur au nom de super-héros. La vie est invivable sans sommeil réparateur.



Impossible de lâcher ce roman : on est accro !!! Les riffs de guitare de Metallica (les premiers albums, hein, pas les ballades commerciales, que ce soit clair !) et de Pantera déterminent la ligne de conduite qui oscille entre réalité sous cacheton et coma éthylique. Les personnages collent parfaitement à l’ambiance : âmes sensibles et bien pensantes s’abstenir. Le style est lui aussi particulier : très bien écrit tout en utilisant le registre familier : "La mort est un remède à trouver quand on veut, et l'on doit s'en servir le plus tard que l'on peut." Cet enfoiré de Molière ne racontait pas que des conneries. J'ai foutrement besoin de trouver La Mort pour m'en servir au plus vite. » Il est percutant, adapté au propos et à la prose de Noël Boudou, qui est, très certainement, un auteur à suivre.
« Welcome home, boy !»

jeudi 21 novembre 2019

Le Cheptel, Céline Denjean

Le cheptel, Céline Denjean

★★★★★


Comment parler, en seulement quelques lignes, de ce roman si dense ?

L’auteure, que j’ai eu la chance de rencontrer en septembre dernier au salon du polar de Lisle-sur-Tarn, m’avait prévenue : ce thriller est construit comme un puzzle dont les pièces s’assemblent au fur et à mesure des chapitres. Mais que de pièces, et quel poids portent-elles !!! Au départ, chaque chapitre porte un personnage différent, une quête particulière et aucun lien ne semble s’articuler entre ces éléments. 


Louis Barthes, tout d’abord. Ce notaire de 73 ans découvre, en mettant de l’ordre dans les papiers de son père qui vient de s’éteindre, un acte de décès à son propre nom daté de trois jours après sa naissance : qui est-il, s’il n’est pas Louis Barthes né le 15 juillet 1942 et déclaré mort le 18 juillet de la même année ? Son univers empli de certitudes s’écroule et il décide derechef de partir à la recherche de sa véritable identité.

Atrimen, elle, a quinze ans. Elle vit dans une communauté vivant en autarcie dans les Pyrénées. Sa vie est rythmée par les travaux de la ferme et ses responsabilités envers les « moyens » depuis qu’elle est devenue une « grande ». Bientôt, elle sera unie à son promis, Anten. Elle doit aussi réfréner les ardeurs de sa meilleure amie, Elicen, qui semble irrémédiablement attirée par le monde extérieur aux murs érigés autour de leur zone de vie par leur Grande Prêtresse, Virinaë.

Bruno, treize ans, est lui embarqué contre son gré par son frère Kévin et leurs cousines dans une expérience de canyoning sauvage dans le torrent qui cerne Bagnères-de-Bigorre. Pour cet intello habitué à passer des heures et des heures devant son ordinateur, crapahuter dans les rochers est d’une violence inouïe !

Et puis il y a ces trois têtes-à-claques, Jane, Paul et Gautier, nés avec une cuillère d’argent dans la bouche et de ce fait, défendus par un avocat d’envergure (malgré sa petite taille) qui tire les ficelles d’un monde pas du tout beau à fréquenter.

Et enfin, enfin, Eloïse Bouquet, capitaine de gendarmerie aux nerfs à fleurs de peau mais tellement, profondément humaine ! J’ai eu plaisir à retrouver ce personnage que j’avais rencontré dans « Double amnésie », et vraiment, il faut que je lise « La fille de Kali », le premier tome de ses enquêtes afin de cerner cette jeune femme dans toutes ses complexités.


Bref, vous l’aurez compris, j’ai vraiment adoré cette enquête aux visages multiples et j’adhère complètement à ce que propose l’auteure. Je n’ai qu’une envie, lire « La fille de Kali », le premier tome de la trilogie, et enchainer avec la relecture des deux thrillers suivants !

samedi 16 novembre 2019

Le corps, Stephen King


Le corps, Stephen King

★★☆☆☆


« Plus jamais je n'ai eu d'amis comme à douze ans, et vous ? » Cette phrase résume à elle seule le « pitch » de cette nouvelle de Stephen King. 
Gordon Lachance, le jeune héros de l’histoire semble en effet représenter le double de papier de l’auteur et nous raconter une aventure à caractère initiatique, tout en évoquant les débuts littéraires du maître du suspense.

Gordon et ses trois amis vont donc partir à la recherche du corps d’un garçon de leur âge à une dizaine de kilomètres de leur ville, Castle Rock (la ville imaginée par le King qui sert de cadre à plusieurs de ses récits). A cet âge, on ne se déplace qu’à pied et il va s’agir d’une véritable expédition, entre les trains à éviter le long des rails, le molosse qui garde la décharge à ne pas taquiner et les grands frères qui viennent toujours fouiner dans leurs affaires. Et puis, la nuit, il y a de drôles de bruits…

Gordon raconte des histoires pour leur changer les idées.

Mais tout de même, voir un cadavre à cet âge-là, ça laisse des traces.


J’ai lu cette nouvelle en attendant la touche de fantastique de Stephen King… mais elle n’est pas venue, et j’en suis déçue. Les images de l’adaptation cinématographique de cette histoire sous le titre « Stand by me » me sont nettement revenue en tête et avec plaisir. C’est d’ailleurs la seule raison qui m’a permis d’aller jusqu’au bout du livre…

dimanche 10 novembre 2019

Nouvel an, Juli Zeh


Nouvel an, Juli Zeh

★★★★☆


Ce roman m’aura vraiment déstabilisée… L’auteure part d’une situation familiale banale pour finalement embarquer son lecteur dans les méandres torturés de l’esprit d’un personnage.

Ainsi, Henning et Theresa, d’origine allemande, se rendent sur l’île de Lanzarote avec leurs deux jeunes enfants, pour y passer les vacances de fin d’année au soleil.


Après avoir passé la soirée de la Saint-Sylvestre au restaurant, en famille, Henning décide d’aller se défouler sur un vélo de location, histoire de faire honneur dès le premier jour de l’an aux bonnes résolutions prises en ce jour fétiche initiant la nouvelle année. Il se retrouve rapidement rattrapé par un monstre qui l’obsède depuis si longtemps et qu’il nomme « la Chose ». Il pédale de plus belle.


Il grimpe, grimpe, grimpe le Pico Redondo sous un soleil inespéré en ce mois de janvier, puis voilà une masure qui l’interpelle. Un mur constellé d’araignées, un puits où l’eau ne semble pas si potable qu’elle en a l’air… Et le voilà projeté dans un espace-temps vieux de trente ans, dans lequel « la Chose » a, semble-t-il, tiré ses origines.

Je n’en dirai pas plus.


Les premières pages auront été presque ennuyeuses car trop factuelles, puis au deux-tiers du roman, tout s’accélère, les tripes sont prises et vite, il faut pouvoir reprendre sa respiration après un effort trop intense, et ouf, la fenêtre s’ouvre enfin au dernier moment, et apporte un air neuf et apaisant…

lundi 4 novembre 2019

Brume, Stephen King


Brume, Stephen King

★★★★★


Les éditions Albin Michel ont eu la bonne idée de créer une nouvelle branche à leur catalogue jeunesse. Celle-ci s’intitule Wiz et reprend des titres de récits fantastiques adaptés à la lecture des adolescents de plus de treize ans. L’objet-livre est très beau : un coloris vif et une illustration en relief sur une couverture solide mais souple, ainsi qu’un texte aéré. Le prétexte était pour moi trop beau : j’allai grâce à cette collection, faire connaître le King à mon fils. Mais bien sûr… Qui l’a lu en premier, je vous le donne en mille : moi-même !


C’est évidemment toujours un plaisir de retrouver la plume experte de Stephen King. Il a l’art de capter son lecteur dès les premières pages en frôlant sans cesse la limite entre surnaturel et réalité.  Il est capable de partir de phrase anodine, telle « Les gosses de cinq ans ont autant de questions en réserve qu’il y a de gouttes d’eau dans la mer » pour parvenir quelques pages plus loin à « quelque chose sortit de la brume et le coupa quasiment en deux ».


Le point de départ ? C’est devenu une banalité, d’autant plus aux Etats-Unis : après un été caniculaire se lève une tempête. Un cyclone dévaste tout sur son passage, y compris la baie vitrée de la maison de David, Stephanie et leur fils Billy. L’heure est donc au déblayage des arbres tombés et aux réparations multiples. Il manque toujours un outil et pour David, il est évident qu’il faut aller au supermarché du coin pour faire quelques courses afin de se dépanner et de remplir les placards du fait de la panne d’électricité.

Il a bien remarqué le nuage de brume qui avançait doucement sur le lac bordant sa maison mais n’en a pas été plus inquiété que cela ; les décalages de température sont prompts à ce genre de phénomène météorologique.

Mais une fois dans la file de caisse du supermarché, il va se passer de bien drôles de choses et le confinement à l’intérieur du bâtiment va devenir une évidence quand la brume va tout recouvrir de son voile opaque…

Les chapitres courts s’enchaînent, tiennent en haleine… Bref, le King porte vraiment bien son nom !