lundi 30 juin 2025

Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)


 
Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)

💗💗💗💗

Envie d’un thriller psychologique flippant ? Partez à la rencontre de Clara, M. Concerto, et Charles. Leurs points communs ? Ils sont tous les trois enfermés pour des raisons différentes et portent le même tatouage, le signe des Gémeaux, à l’intérieur du bras. Qui sont- ils ? Qu’ont- ils fait pour mériter d’être séquestrés ?

« La mort ne valait - elle pas mieux que ce simulacre d'existence ? Cette misérable vie qui le dépouillait de toute liberté avait- elle de l'importance ? » Charles vit reclus dans sa cave depuis qu’il a fêté ses soixante- cinq ans. Son épouse, Rose, vit dans la maison et descend voir son mari à l’heure des repas. Elle se montre la plus discrète possible car personne ne doit savoir que son mari se cache…

« Durant la journée qui s'était d'emblée annoncée obscure et rude, elle avait fait l'objet de représailles à chaque tentative de révolte. Elle n'avait pas le droit de parler, et encore moins celui de crier. » Clara est enfermée, elle, dans une pièce obscure et humide envahie par la vermine. Elle ne se souvient plus des raisons qui l’ont menée là ; ses gardes la droguant à intervalles réguliers. Elle ne pense qu’à une chose : s’échapper.

« Dans un coin de ce qui était devenu son repaire, son antre, sa tanière, il plaqua les mains sur ses oreilles pour ne plus entendre les voix qui s'emparaient de lui, l'enivraient, l'aliénaient. » M. Concerto est interné dans un asile psychiatrique. Il entend des voix jour et nuit. Il aimerait que les médecins parviennent à le guérir, mais son cas semble bien les désarçonner…

Au final, un thriller envoûtant, dans lequel on trouve une première partie distinguant les trois histoires puis une seconde partie mêlant les trois destinées de nos personnages jusqu’à la révélation finale, qui se révélera surprenante !  C’est un récit spiralaire rondement mené, dans lequel le lecteur va perdre ses repères. Original !

dimanche 29 juin 2025

Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

 


Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

🌞🌞🌞🌞

Cap sur le Guatemala pour une histoire de secrets de famille comme je les aime ! Maya, une adolescente de quatorze ans en pleine recherche d’identité, a été adoptée au Guatemala par Zach et Cat (cette dernière étant décédée récemment) elle émet l’envie de découvrir son pays d’origine. D’autant plus que c’est aussi celui de Mamita, sa grand- mère paternelle d’adoption.

« Personne ne se souvient des premiers instants de sa vie. L'entourage les relate et ça suffit. Pour moi, c'est différent puisque j'ai été adoptée. Aucun membre de ma famille n'était là à ma naissance et dans les mois qui ont suivi. Il me manque le début de mon histoire. » Maya est d’humeur morose depuis quelques mois. Elle entend sa grand-mère raconter sa propre enfance au Guatemala alors qu’elle- même ne peut pas avoir ce genre de souvenirs du fait de son adoption.

« Mes souvenirs sont des remèdes à mes soirées de désespoir. L'amour a le pouvoir de tout garder en mémoire. » Zach, le père adoptif, culpabilise devant l’air chafouin de sa fille. Sa femme n’est plus là pour le conseiller et il a du mal à faire son deuil. Quand l’idée d’emmener Maya au Guatemala pour qu’elle puisse visiter la terre de ses ancêtres le prend, il pense trouver dans ce voyage l’occasion de retrouver la complicité qu’il avait eue jusque-là avec sa fille.

« Ce ne sont pas toujours les plus beaux récits qui forgent notre histoire. » Sur place, les surprises vont se succéder et la pauvreté, tout comme l’insécurité ambiante, vont choquer nos voyageurs français. Les découvertes vont parfois se transformer en déconvenues, mais heureusement, ils pourront compter sur la gentillesse des membres de la famille de Mamita et d’une avocate française rencontrée sur place.

Au final, une histoire bouleversante, qui part tranquillement sur une idée de voyage faisant office d’un retour aux sources, et qui, va se transformer en enquête qui dénoncera des faits véridiques absolument abjects. Pour le coup, les secrets révélés sont surprenants et la double narration entre le père et sa fille a été vraiment bouleversante. A lire sans hésitation.


mardi 24 juin 2025

Le pays de Rêve, David Diop (Rageot, 03/2024)


 

Le pays de Rêve, David Diop (Rageot, 03/2024)

💛💛💛💛

Voici un conte allégorique très court mais très agréable à lire. Nous y retrouvons une adolescente, prénommée Rêve, et sa grand- mère, qui vivent ensemble au milieu d’un bidon- ville jonché de déchets. Quel avenir pour la petite ? Partir ?

« La beauté d'une jeune femme dans le pays de Rêve était dangereuse, un appel au crime. Dans l'attente de jours meilleurs, la grand- mère l'avait enlaidie de haillons, de crasse et de misère. » La grand- mère de Rêve sait très bien ce qui arrive aux filles trop jolies dans son pays en guerre. Elle en a elle- même été victime. Alors elle cache sa petite- fille du mieux possible.

« La rouille qui mange les parois de notre taudis dévore mon cœur. Je le sens s'effriter, il tombe en poussière... » Vient le jour où Rêve en a assez de la misère. Pour elle, une seule solution ; partir. Mais peut- elle laisser sa grand-mère ?

« Comment une telle fleur de beauté avait- elle pu éclore dans la boue fétide des bas- fonds de la ville- bidon sans que personne au Palais ne l'ait su ? » Et puis un homme découvre la beauté de rêve ; son destin en sera très vite modifié….

Au final, un conte qui fait réfléchir sur le partage inégalitaire des richesses mais surtout le destin des filles dans un pays en guerre, où seuls les hommes armés ou riches ont le pouvoir de décider de leur sort. Un récit bien triste, un peu trop court à mon goût, mais dont j’ai adoré la poésie des mots. Un auteur à découvrir !

lundi 23 juin 2025

Solitudes, Niko Tackian (Calmann- Levy, 01/2021)

 



Solitudes, Niko Tackian (Calmann- Levy, 01/2021)

❄❄❄❄

Alors que nous sommes en pleine canicule, un petit tour dans les massifs du Vercors enneigés était une bonne idée. L’occasion de passer un moment avec Elie, un garde forestier à l’histoire personnelle compliquée. En effet, il a reçu une balle dans la tête douze ans auparavant et s’en est miraculeusement sorti… mais en subissant une totale amnésie de son passé. Quand il découvre une femme suppliciée pendue à un arbre dans le massif qu’il gère, des réminiscences troubles vont venir le perturber.

« L'homme n'était pas un animal prévisible et ça expliquait en partie la raison pour laquelle Elie préférait vivre ici, à l'écart de tout. » Un cadavre découvert en plein milieu de son espace de travail va profondément perturber le quotidien d’Elie, mais aussi son chef, Reda l’Indien. De mauvais esprits semblent avoir envahi leurs montagnes. C’est la lieutenant Nina Mellinsky qui va être envoyée sur le coup ; l’occasion pour elle de rebondir après une affaire qui l’a particulièrement perturbée...

« De cette nuit sans visage au milieu d'une casse, douze ans auparavant, il ne conservait que l'obscurité, la douleur et le froid abyssal du canon se posant sur son front. La balle avait emporté sa mémoire et sa chair. » L’enquête se resserre autour d’Elie, mais Nina est persuadée qu’il est innocent. Son instinct ne l’a jamais trompée jusqu’à présent. Mais comment composer avec un homme sans passé, sans souvenirs ?

Au final, une intrigue vraiment intéressante avec des personnages attachants. Les passages descriptifs de la montagne, ainsi que les moments oniriques liés au personnage de Reda l’Indien m’ont un peu ennuyée mais dans l’ensemble j’ai bien aimé cette histoire. Les rebondissements de la fin de l’enquête sont inattendus et nous tiennent en haleine jusqu’au bout. 

mercredi 18 juin 2025

Destination extrême – Fontaine de Jouvence, Mikaël Archambault (Mortagne, 02/2024)


 

Destination extrême – Fontaine de Jouvence, Mikaël Archambault (Mortagne, 02/2024)

Nouveau séjour avec l’agence DATO par procuration ! Cap sur les îles Bimini dans l’archipel des Bahamas, aux côtés de Pamela et de son fils Eloi, à la recherche de la fontaine de jouvence, dernière solution pour soigner l’adolescent atteint d’une tumeur au cerveau.

« L'annonce du DATO offrait des expéditions vers un point des Caraïbes dont les eaux souterraines auraient la vertu de soigner n'importe quelle maladie : rien de moins que la mythique fontaine de Jouvence ! » Pamela souffre de voir son fils atteint de la même affection qu’elle au même âge ; une tumeur au cerveau. Si elle a pu être opérée et guérie en son temps, il n’en est pas de même pour son fils qu’aucun spécialiste ne se risque à opérer. Elle cherche toutes les solutions, y compris celles proposées par le dark net et se retrouve engagée dans une expédition organisée par la mystérieuse DATO.

« - Quoi ?! Vous... vous ne venez pas avec nous ?!
Les narines de son interlocuteur frémissent. Il paraît terrifié.
- Non, madame... Je ne mets plus les pieds là- bas... »
Pamela est désappointée. Elle qui croyait participer à un séjour organisé se retrouve à devoir se débrouiller seule avec son fils sur une île hostile. Qui va l’aider à trouver la fontaine de jouvence sur cette île au décor particulièrement hostile ?

« C'est beaucoup d'émotions pour son cœur de mère. Il n'y a rien de plus difficile pour un parent que de voir son enfant souffrir. » Une fois débarqué sur la fameuse île, Pamela et Eloi vont se retrouver confrontés à des épreuves aussi inattendues qu’abominables. A défaut d’en sortir en meilleure santé, vont- ils pouvoir en sortir vivants ?

Au final, un roman surprenant ! Les péripéties se suivent sans jamais se ressembler, notamment grâce à l’humour spécifique de l’auteur ! Certaines scènes méritent d’avoir un estomac bien accroché, mais on ne peut être qu’ému par la détermination de Paméla, personnage digne de figurer aux côtés des meilleurs super héros de la fiction ! Personnellement, j’ai beaucoup aimé les références au monde de la piraterie, et particulièrement « L’île au trésor » de Stevenson. A lire pour un bon moment de détente !

lundi 16 juin 2025

Blondie, Guillaume Perrotte (Kubik, 04/2025)

 



Blondie, Guillaume Perrotte (Kubik, 04/2025)

☺☺☺

Intrusion dans le monde obscur de la prostitution aux côtés de Blondie, une femme de joie aux tendances intellectuelles et littéraires suffisamment développées pour lui permettre d’écrire un journal de bord de son quotidien auprès de trois de ses collègues (d’infortune) et de leur souteneur, Momo.

« Cet homme providentiel, beau parleur faussement altruiste, lui a promis de faire éclore tous ses talents sur la grande scène du monde. Ses yeux noirs l'ont transpercée, regard envoûtant dans lequel elle a aperçu le miroir d'un fascinant danger reflétant mille feux scintillants. » Momo a quatre filles sous ses ordres de proxénète. Ling, l’asiatique, Nath, la panthère noire, Sonia, la rousse incendiaire et Blondie, la blonde psychologue qui fait craquer les papys.

« Alors brusquement, en regardant Ling, Marguerite Duras s'est imposé à moi. Mon histoire tournerait autour de "L'Amant". Elles ont apprécié ce choix esthétique ambitieux. » Momo a une idée qu’il pense être de génie : filmer l’une de ses filles pour surfer sur la mode des vidéos tendancieuses. Un premier pas vers la prise de risque dans un milieu dans pitié…

« Lorsqu'il disait qu'il allait ruer, il massacrait vraiment, et rarement à l'anglaise. En matière de crime, il œuvrait dans le gore. Du sang et des tripes dans tous les coins. La générosité dans le carnage était son mode opératoire. » Momo est un sanguin. Pour masquer ses dérives meurtrières, il a tissé des liens avec des ripoux de la Police. Mais comment gérer les apparences entre les dérives des uns et des autres ?

Au final, un roman vraiment prenant durant les deux premiers tiers, puis qui prend une orientation qui ne m’a pas plu. J’ai pourtant beaucoup aimé le style littéraire de la narration, le récit cru de certaines déviances de la part des clients de cette espèce de communauté, narré avec une certaine délicatesse. Attention toutefois à quelques scènes très dérangeantes… Mais les délires de Blondie dans les derniers paragraphes, franchement, non merci. J’ai décroché, pas du tout adhéré à la fin. Dommage.   

dimanche 15 juin 2025

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)


 

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)

Mathilde Beaussault est enseignante, écrivaine et fille d’agriculteurs. Dans son premier roman, elle retranscrit parfaitement l’ambiance qui règne dans l’univers rural de nos campagnes les plus reculées. C’est un monde de rustres, de « culs terreux » comme ils se nomment eux- mêmes, où les affaires sensibles se règlent entre paysans, et non en faisant appel aux fonctionnaires de justice. Un monde à part, parfaitement retranscrit par l’auteure.

« Fallait- il donner du grain à moudre aux moulins des mauvaises langues ! Peut- être. Marie- couche- toi- là. Et comme un prénom prémonitoire, Marie n'a plus été vierge à l'aube de ses quinze ans. » Le nœud de l’intrigue tient dans le meurtre de Marie, dix- sept ans, fille des pharmaciens du patelin, dont le corps a été retrouvé dans la Coulée, au lieu- dit de La Basse – Motte, là où vivent les paysans. Loin de son univers de privilégiée, dans la Haute – Motte. Qui a bien pu attenter aux jours d’une adolescente issue d’un milieu privilégié ?

« Elle ne comprend pas les histoires de grands comme dit sa mère quand elle veut se débarrasser du regard de moineau de sa fille qui la fixe par en dessous. » En parallèle de l’enquête, le lecteur suit Marguerite, petite sauvageonne qui traîne ses guêtres en tétant les manches de ses pulls partout où on ne l’attend pas. La petite est quelque peu délaissée par ses parents, des éleveurs débordés. Une gamine malmenée, harcelée à l’école mais dans l’indifférence générale. Taiseuse comme son père, elle distille ses mots judicieusement. Jusqu’à révéler des secrets dérangeants…

Au final, un roman noir rural qui respire l’authenticité de ce milieu qui survit grâce à ses propres règles. Les personnages sont terriblement attachants, entre la petite Marguerite, négligée mais dont les réflexions relatées par la narration sont terriblement perspicaces, et la tenancière du Bar, Mimi, dont l’intellectualité littéraire et éclairée va subjuguer les gendarmes en charge de l’enquête. Une plume oppressante et immersive… à suivre. 

lundi 9 juin 2025

La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

 


La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

💙💙💙💙

A l’occasion du tournoi annuel de Roland- Garros, je me suis décidée à lire le roman écrit par notre championne de tennis française, Alizé Cornet. Il n’y est absolument pas question de tennis, mais d’une saga familiale inspirée par les femmes de l’entourage de l’auteure. Cap sur Nice dans les années 60…

« Les livres étaient plus que jamais devenus son refuge, l'échappatoire qui lui permettait encore de laisser son esprit vagabonder librement, chose qu'elle ne s'autorisait que rarement désormais. Elle dévorait tout ce qui lui tombait sous la main ; des romans d'amour, des cahiers de poésie, des contes pour enfants, des classiques de la littérature. Hugo, Sartre, Zola, Molière, Hemingway, tout y passait. » La petite Jeanne est une fillette à l’intelligence vive. Au sein de sa famille, entre une sœur aînée délurée, un père employé et une mère au foyer, elle semble en décalage.

« Mais une fois la limite franchie, ce ne fut toutefois qu'une escalade exponentielle. Il se mit à l'insulter, à la menacer, à la violenter alors que les enfants étaient dans la pièce d'à côté, la tenant parfois si fort par le bras qu'elle gardait pendant plusieurs jours des marques qu'elle s'appliquait à camoufler de son mieux. » Le père de Jeanne est de plus en plus violent à cause de l’alcool. Hélène, femme battue, n’en peut plus de montrer cet exemple à ses enfants. Mais comment fuir, dans les années 60, quand on n’a aucune ressource, aucun diplôme, aucune expérience ?

« Oui, elle était heureuse, mais elle avait appris à ses dépens que cela ne durait pas. Elle chassa de son esprit le constat menaçant : oui, la vie était belle, mais pour combien de temps ? » Cette question, chacune des femmes de ce roman va se la poser. Hélène, Mouna, Jeanne, Sylviane, Ludmila… Les jours, les mois et les années passent. Les femmes acquièrent quelques libertés et le lecteur suit cette évolution sociétale en s’attachant à chacune des protagonistes.

Au final, un roman attachant comme ses personnages. Chacune de ses femmes trouve bien des barrières sur son chemin et Alizé Cornet sait très bien les mettre en scène. Sa plume est fluide tout en étant élaborée. Elle nous permet aussi de réfléchir au fait qu’on ne peut que se féliciter de vivre dans un pays qui a œuvré pour nous permettre de pouvoir aujourd’hui être indépendantes des hommes. Une auteure à découvrir…

mercredi 4 juin 2025

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)


 

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)

💙💙💙💙

Vous vous intéressez aux faits divers et au fonctionnement des tueurs en série ? Ce roman adressé aux adolescents à partir de quinze ans vous fera vivre une enquête « de l’intérieur », aux côtés d’un garçon ayant assisté aux meurtres perpétrés par ses parents. Une fiction largement inspirée par des affaires judiciaires ayant vraiment existé, comme l’affaire Fourniret (entre autres).

« Comme si c'était possible, ne pas être terrorisé à l'idée de ce qui m'attendait. J'allais rencontrer la Veuve Duval. Ma Mère.
La revoir. Elle. »
Clément accepte de rencontrer sa mère, emprisonnée depuis dix ans pour complicité de meurtre. Elle a en effet aidé son mari, Etienne, à enlever et éliminer plusieurs jeunes filles.

« Il restait huit corps.
Huit. Les huit dernières victimes du couple Duval. Les huit mortes qu'ils avaient gardées pour eux. »
La mère de Clément monnaye leurs rencontres à coups de révélations sur l’emplacement des corps ensevelis par elle- même et son mari.

« Elle veut que je me souvienne de tout et, peu à peu, ça me revient. Ça remonte des profondeurs.
Je crains de découvrir du sale. »
Clément a trouvé la paix en étant accueilli par la famille Aubry, des agriculteurs ayant la main sur le cœur. Grâce à eux, il a trouvé un semblant d’équilibre, la possibilité de se projeter dans un avenir en oubliant son passé. La démarche de sa mère risque de mettre à mal la stabilité du jeune homme de dix- sept ans.

Au final, un récit captivant. Personnellement, je ne me suis jamais projetée dans l’esprit d’un enfant de criminel et ce roman en donne un aperçu criant de vérité. Comment faire face au parent restant, insistant pour se justifier ? Que faire du conflit de loyauté ? Certains passages font froid dans le dos. Une lecture marquante.  

mardi 3 juin 2025

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)


 

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)

💥💥💥💥💥

Je referme ce livre avec énormément d’émotion, les larmes au bord des yeux. Jérôme Colin a su parler à l’adolescente que j’ai été jadis, explosive et parfois (probablement souvent) violente face à mon incompréhension du fonctionnement du monde et mon statut actuel de professeur en collège, cette fois, désarmée par la souffrance ressentie par certains de mes élèves…

« Les bibliothèques ordonnées sont des cimetières. "Comment tu veux t'y retrouver dans ce foutoir", disait- elle. Elle n'a jamais compris que j'aimais justement m'y perdre. Promener mon regard sur les dos, saisir un roman au hasard, humer ses pages, retrouver une phrase soulignée lors de sa lecture. Chercher un livre. En trouver dix autres. » Jérôme, 35 ans, se retrouve en difficulté lorsque sa compagne depuis dix ans lui demande de coller au schéma sociétal attendu : un couple, une maison, un chien, des enfants. Pour cela, il faut ranger la maison. Et la bibliothèque ; ce lieu plein de secrets et de mystères…

« Quand doit- on rouvrir les pages de son enfance ? Quand est- il temps de retourner à l'endroit exact où l'on s'est pourtant promis de ne jamais revenir ? » Sur l’étagère, un carton plein de souvenirs de fin d’enfance… Enfin, plutôt d’adolescence, lorsque Jérôme a été interné dans un centre fermé pour jeunes en difficultés sociales et psychologiques. Le début d’une prise de conscience, ou plutôt une rencontre éclairante avec une certaine Colette, fardée de noir et suicidaire.

« Pour avoir envie de s'asseoir au premier rang, il faut y croire. Il faut avoir confiance en ce monde et envisager de pouvoir y trouver sa place. Or, je n'avais pas confiance. Et la place qu'ils avaient prévue pour moi, je n'en voulais pas. J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait. » Jérôme énonce des problèmes intrinsèques à son enfance ; ce rejet de la vie trop « normale » de ses parents et la difficulté d’y trouver une place. Jérôme a envie « d’autre chose » mais ne sait pas de quoi exactement…

Au final, une lecture bouleversante, fracassante même. Personne ne peut en sortir indemne, que ce soit du fait de son histoire, de celle de ses enfants, de cette société dans laquelle on ne se reconnaît plus. Indispensable.