samedi 29 février 2020

Tu seras mon arbre, Valentine Goby

Tu seras mon arbre, Valentine Goby (Thierry Magnier, 2018)

★★★★★

Un roman graphique qui réécrit le mythe de Daphné, poursuivie par les ardeurs d’Apollon dans les « Métamorphoses » d’Ovide. Elle court, elle court, elle court pour tenter de sauver sa peau. Implorant son père, celui-ci la métamorphosera en laurier pour échapper – façon de parler – aux ardeurs du jeune dieu grec.

Ici, Daphné est une jeune femme bien de nos jours. Elle travaille, prend les transports en commun, sort en boîte avec ses copines. Elle veut être libre. Le fait savoir. Pourquoi ce type s’incruste-t-il dans sa vie ? Pourquoi la suit-il ?

Valentine Goby réécrit ce conte et le dédier à toute « cette cohorte de femmes qui hurlent depuis des siècles la même prière vaine, l’écrivent dans la buée, la griffent aux visages, la bégaient, la jettent aux rafales, la martèlent de leurs bottes en courses effarées ». Cette prière tient en deux mots : « laisse-moi ».

Essentiel.

Le chant de nos filles, Deb Spera

Le chant de nos filles, Deb Spera (Charleston, 01/20)

★★★★★

Quel beau roman ! Deb Spera signe là son premier roman et nous offre une histoire envoûtante et percutante. Les personnalités de Gertrude, Retta et Annie vont rester longtemps dans mon esprit ; j’en suis sûre.

Nous sommes en 1924, en Caroline du Sud. Les alligators pullulent dans les marais et il faut bien faire attention à l’endroit où l’on pose le pied. Gertrude sait comment procéder. Elle a été élevée comme un garçon et sait chasser et manier les armes. Hélas, cela ne l’empêche pas d’être victime des coups de son mari alcoolique.

Retta est descendante des esclaves exploités par les colonialistes européens. Même si elle jouit d’une liberté relative, elle demeure au service des Blancs. Ceux-ci, ce sont les Coles. La mère, Annie, est tiraillée entre un mari autoritaire, ses deux fils si différents et le questionnement lié à la fuite de leurs deux filles qui ont brutalement coupé les ponts avec leur famille. Alors que le « Campement », grand rassemblement politique, s’annonce, elle va faire une découverte qui va la perturber profondément…

Le lecteur suit le destin croisé de ces trois femmes qui, malgré les coups, la misère, les trahisons et les terribles secrets, se tiennent droites, le poing levé et la tête haute. Le talent de l’auteure réside dans la construction de ses personnages. Ils sont si bien aboutis psychologiquement parlant, que l’on ne peut qu’avoir la sensation de vivre leurs mésaventures en même temps que les héroïnes !

Au final, je me suis vraiment régalée à lire ce roman, et je pense sincèrement que Deb Spera est une auteure à suivre.

jeudi 27 février 2020

L'enfant océan, Jean- Claude Mourlevat

L'enfant océan, Jean- Claude Mourlevat (PKJ)

★★★★☆

Ouvrir un roman écrit par Jean-Claude Mourlevat est toujours une jolie surprise. Que ce soit un roman destiné aux adultes ou un récit écrit pour les enfants, c’est toujours un plaisir de le lire. L’enfant océan ne déroge pas à la règle. Cette réécriture du conte du Petit Poucet à la sauce contemporaine se lit avec grand plaisir.

Un matin, très tôt, Yann, le petit dernier d’une fratrie composée de trois paires de jumeaux, réveille ses aînés, persuadé que leurs parents, pauvres comme Job, ont le projet de les tuer. Les sept gamins quittent donc le domicile familial à l’aube et sous la pluie. Cap sur l’ouest : Yann veut les emmener à l’océan.
Bien évidemment, le voyage ne sera pas de tout repos, les rencontres ne seront pas toutes motivées par de bonnes intentions et les garçons avanceront grâce à un sens de la ruse bien aiguisé !

La narration en relais permet au lecteur d’aborder l’histoire avec fantaisie ; j’ai adoré cette ronde de personnages !
Les mots sont choisis avec soin, accessibles aux plus jeunes sans forcément jouer dans la simplicité.

C’est au final une fable sociale touchante : « Pour moi, la seule vérité est que ce "gosse", comme ils disent, était un gosse justement. Un simple petit gosse. Qui demandait seulement qu'on le tienne au chaud et qu'on lui dise des gentillesses de temps en temps. Comme tous les autres gosses. »
A lire en famille !

samedi 22 février 2020

La machine à brouillard, Tito Desforges


La machine à brouillard, Tito Desforges (Taunada, 02/20)

★★★★☆

Waoh ! Quel récit ! A lire d’une traite !

Tito Desforges nous entraîne dans les méandres de l’esprit quelque peu perturbé de Mac Murphy, ancien soldat, un dur de chez dur, revenu traumatisé du Vietnam. Il est persuadé d’avoir une « machine à brouillard » dans sa tête… A l’aide d’un traitement, des médecins militaires vont essayer de l’aider, de trouver le moyen de mettre un terme au brouillard qui lui embrume l’esprit et qui a emporté une bonne partie de ses souvenirs. Les scientifiques vont lui demander de passer par l’écrit, et à l’aide d’une médication, lui intimer de transcrire par écrit des bribes de souvenirs :
« Seigneur, que c'est bon d'écrire.
J'aime ça. Vraiment.Ou bien c'est le produit, là, le métamachin. »

Pourquoi ce traitement ? Parce que Mac Murphy clame que sa fille a disparu dans le village australien de Grosvenor-Mine. Il est même persuadé que les habitants, tous ligués entre eux, l’ont volontairement enlevée. Que s’est-il réellement passé ?

L’intrigue avance à coups de comptes-rendus médicaux dans lesquels notre soldat perd souvent l’usage de la conjugaison, utilise des expressions qui m’ont fait bien rire et sème le trouble dans l’esprit du lecteur ! J’ai adoré le passage dans lequel un Aborigène intervient ; quelle loufoquerie !

C’est au final un très bon moment de lecture : le récit est récit captivant et original pour un thriller. Les références à un certain film célèbre s’accentuent jusqu’à l’explication du dénouement final ; que personnellement, je n’ai pas vu venir.

Bref, les éditions Taurnada, ont encore réussi à atteindre leur objectif avec moi : me captiver avec leur tourbillon de mots !!!

jeudi 20 février 2020

Crève, mon amour, Ariana Harwicz

Crève, mon amour, Ariana Harwicz (Seuil, 01/2020)

★☆☆☆☆

Mais qu’est-ce donc que ce « roman » ?!! Il faut qu’on m’explique le but de ce récit, là ! Si au début, j’ai cru comprendre l’histoire que raconte cette narratrice (notez que j’ai cru comprendre avoir affaire avec un narrateur à un moment…), à savoir une mère déjantée qui ne supporte plus son bébé au prétexte qu’il pleure tout le temps ; j’ai complètement décroché au fur et à mesure des chapitres.
Les phrases n’ont ni queue ni tête. Ajoutez à cela l’utilisation, excessive à mon goût, de grossièretés à foison et vous comprendrez ma lassitude, mon écœurement.
Oui, j’avoue, j’ai terminé la lecture de ce livre que j’ai vraiment du mal à qualifier de roman, en le lisant en diagonale.

Ce que j’en ai compris ? Une femme oisive qui se plaint de son bébé, de son compagnon, qui passe son temps allongée dans l’herbe, qui apprend aussi à conduire occasionnellement, qui se rappelle de son beau-père plutôt particulier. Ah oui, elle tue le chiot aussi ; seul moment dans ces 203 pages où elle m’a semblé lucide.

Bref, pour moi, c’est ce que j’appelle une « lecture catastrophique ».