mardi 29 mars 2022

Le Pain perdu, Edith Bruck (Editions du sous- sol, 01/2021)



 Le Pain perdu, Edith Bruck (Editions du sous- sol, 01/2021)

💔💔💔💔

 

Vous allez vous dire « encore un récit sur Auschwitz et les camps de concentration », et vous aurez raison. Mais personnellement, en ces temps troublés par l’invasion de l’Ukraine, je pense qu’il est nécessaire de rappeler, encore et encore, ce que l’homme a été capable de faire subir à ses semblables. Et puis ce qui est remarquable dans ce récit, c’est que l‘auteure nous apporte un témoignage sur ce qu’a été sa vie avant et après sa détention dans les camps de la mort.

 

« La peur, que les parents tentaient de dissimuler aux plus jeunes de leurs enfants, s'exprimait par une impatience, une nervosité, des interdictions de sortir ou de se défier à la course dans les ruelles. » Edith Bruck est née en Hongrie en 131. Enfant, elle se rend très vite compte qu’une différence est faite entre ses deux amies juives, elle- même et les autres enfants. Même si son jeune âge ne lui permet pas de tout comprendre, elle perçoit très bien la menace grandissante qui pèse sur la tête de toute sa famille et de celle de ses amies.

 

« - Si une nullité merdeuse, une Juive immonde a le courage de porter la main sur un Allemand, si elle le fait, elle mérite de survivre. Dieu vous maudisse ! » Un matin, les militaires les emmènent dans un ghetto, puis les embarquent dans un wagon à Bestiaux à destination d’Auschwitz, où le docteur Mengele décidera du destin de chacun dès leur descente du train. Faim, saleté, coups et humiliations deviennent le quotidien d’Edith et de Judit, sa sœur aînée.

 

« Nous avons vécu dans l'agonie, au milieu des morts, dans le froid, la faim jusqu'au dernier appel du 15 avril, mais de l'aube à neuf heures, personne n'est venu nous compter. La kapo qui nous mettait en rang à coups de bâton, parce que certaines d'entre nous ne pouvaient tenir debout, avait disparu.
L'abandon total signifiait- il la mort ? »
Et puis les Américains, et puis les marches de la mort et une arrivée au milieu de nue part, fantômes faméliques et hagards. Peu à peu, on réapprend à vivre, mais à quel prix ? L’Histoire a fait table rase du passé ; plus de maison, plus de famille ; on fait comment pour se reconstruire ?

 

Au final, un témoignage touchant qui m’a fait penser à celui de Marceline Loridan- Ivens, dans son désir de vivre hors les murs, loin de la promiscuité et avec un accès illimité à la liberté. Quand on se rend compte, à treize ans, de la violente brièveté de la vie, on ne peut que rêver d’en profiter au maximum, non ? Un récit parfois complexe à lire du fait de la langue mais essentiel à l’Histoire.    

dimanche 27 mars 2022

Père de sang, frère de cœur, Arthur Hopfner (Elixyria, 01/2021)


 
Père de sang, frère de cœur, Arthur Hopfner (Elixyria, 01/2021)

💖💖💖💖💖

 

J’avoue avoir été sceptique un moment en débutant ma lecture. Quoi ? Un récit qui se déroule dans le milieu des commandos, avec des militaires, des armes et des missions risquées en pays hostile ? Je n’avais jamais lu ça ! Allais – je aimer un roman bourré de testostérone et de corps meurtris par des exercices physiques à la limite du supportable ? Hé bien, figurez- vous que oui, j’ai aimé le roman pas si romancé que cela d’Arthur Hopfner. Les pages sentent le vécu de cet ancien de la Marine nationale, et c’est ce qui donne un sel bien savoureux à son récit.

 

« Depuis tout petit déjà, je sais que je serai commando marine, je me suis toujours nourri des histoires de mon père, des histoires de ses amis et très tôt je me suis mis à rêver de ce béret. Je voulais devenir, comme mon père, un héritier de ceux du 6 juin 1944 ! » Michael rêve depuis tout petit de marcher sur les pas de son père, un fusilier marin de renom. Mais en a-t-il le cran ?

 

« - Ah ! Tu veux faire commando ? Eh bien ! On va voir, mais pour l'instant tu n'es rien, tu n'es personne. Moi, des Mandrier, je n'en connais qu'un, alors tu ne seras personne ! A partir de maintenant ton nom est "Personne" ! » Michael souhaite faire partie de l’élite des fusiliers marins de Lorient. Le voilà qui s’engage dans un stage commando dans le but de pouvoir porter le fameux béret vert réservé aux meilleurs. Les blessures, la fatigue, la sueur, le froid ; rien n’est épargné aux jeunes combattants. Chaque jour voit son lot de candidats éliminés. Michael, qui a trouvé en Guillaume un compagnon de souffrance, sera- t- il suffisamment fort pour aller jusqu’au bout de ce chemin de croix ?

 

« - Mon fils, j'ai toujours autant peur aujourd'hui qu'hier sous l'uniforme. Cette peur, il faut que tu t'en fasses une alliée, une amie. Elle va devenir pour toi la plus belle et la plus fidèle des compagnes. » Pour trouver le courage de se dépasser, Michael ressasse les paroles réconfortantes de son père. Il sait que quoi qu’il lui arrive, il pourra toujours compter sur lui.

 

Au final, un roman très intéressant, et captivant même pour les personnes qui ne connaissent rien à l’univers militaire ! Les chapitres sont courts et s’enchaînent très vite. L’auteur sait nous faire ressentir les émotions de ses personnages. Il y a d’ailleurs beaucoup de chaleur humaine dans ce récit. J’ai beaucoup aimé voir Michel évoluer par rapport au regard de son père, et l’entraide qui se transforme en amitié sincère avec Guillaume. Un beau roman !   

vendredi 25 mars 2022

Red Stories, tome 1 : Dark shadow (Plumes du web, 01/2022)



 Red Stories, tome 1 : Dark shadow (Plumes du web, 01/2022)

💓💓💓💓

 

Ce qui est bien avec les romans de Geny H. David, c’est que l’on a l’assurance de lire des histoires de femmes fortes rédigées avec une plume pleine d’élégance et de délicatesse ! Dans ce premier volet d’une duologie concernant deux combattantes qui appartiennent à deux clans différents évoluant au cœur du conflit nord- irlandais, nous suivons Jennifer Flannighan sur deux temporalités. En 1997, elle est membre active de « Troid », une faction républicaine dirigée par son père. Mais voilà qu’elle tombe dans les bras de Sean Griffin, capitaine d’une milice loyaliste adverse : le drame. Après avoir semé des morts sur son passage, la belle rousse se voit obligée de fuir.

 

« Il n'y a pas de répit, pas de pause pour moi, juste une longue agonie qui se poursuit jour après jour. Sauf que, depuis quelque temps, j'ai décidé de reprendre le combat là où je l'avais interrompu. Je suis partie un matin de Cork et j'ai roulé autant que possible. J'ai oublié la fatigue, la route et jusqu'à mon propre nom. » Jennifer revient sur ses terres, avide de trouver des réponses aux questions qui la rongent depuis son départ. Elle retrouve Sean. Entre eux deux, c’est comme avant ; une évidence que n’acceptent pas leurs clans.

 

« Sara n'a pas tort : un coup de fil et une vieille connaissance auront suffi à réveiller le capitaine de milice. J'en viens à penser que la mort vous marque de son ADN, quoi que vous fassiez. Combattre sans sourciller, serait- ce plus une affaire d'inné que d'acquis ? » Le couple, aussitôt reformé, se retrouve derechef au cœur de règlements de compte et de tentatives d’assassinat. Qui est donc le traitre derrière tout cela ?

 

« C'est la petite- fille de Dolorès, c'est pas du sang qu'elle a dans les veines, c'est du whisky. Quand tu respires son souffle, tu sens la poudre. Cette fille, c'est un général ! » Jennifer ne lâche jamais l’affaire, mais l’identité du traitre va la faire tomber de haut…

 

Au final un roman captivant. La romance est secondaire au récit qui traite davantage des complots entre les divers clans qui séparent l’Irlande du nord. G.H. David a fait de nombreuses recherches documentaires et j’ai apprécié d’en apprendre plus sur ce conflit que je ne connais que très peu. L’auteure possède un véritable talent d’écriture ; j’adore son style littéraire au registre soutenu mais jamais pompeux. N’hésitez pas à la découvrir !

mercredi 23 mars 2022

La familia grande, Camille Kouchner (Points, 01/2021)



 La familia grande, Camille Kouchner (Points, 01/2021)

💔💔

Mais pourquoi ce livre a-t-il reçu un accueil si favorable lors de sa publication ? Je ne peux m’empêcher d’être persuadée que c’est uniquement par la faute d’une curiosité malsaine façon « Paris Match » de lecteurs avides de découvrir la face obscure (ou « poker face », comme le dit si bien l’auteure) de la déchéance familiale des noms de la « jet set » française. Kouchner, Pisier, Duhamel ; des noms que l’on a vu à outrance dans les journaux, à la télévision, entre paillettes et déchéance juridique.

 

« A table, ce qu'il reste de nous : un aîné, Colin, deux jumeaux, Victor et moi, deux adoptions, Luz et Pablo. Cinq en tout. Fierté de ma mère : cinq enfants, deux accouchements. Qui dit mieux ? !" Un groupe de rock un peu cabossé. » La « familia grande » c’est un regroupement de familles et d’amis autour des couples Pisier – Kouchner (puis Duhamel) et de leurs amis du quartier Saint- Germain- des- Prés dans une villa agrandie de Sanary- sur- Mer. Tout le monde y vit nu, on y pratique l’échangisme et les adultes se plaisent à l’idée de « déniaiser » les plus jeunes…

 

« Ma mère, mon Evelyne à moi, ne mise que sur l'intelligence. Celle de son étudiant, de sa fille à 5, 8 ou 16 ans. Elle appelle la discussion, essaye de convaincre, et présuppose toujours, chez ses interlocuteurs, les plus hautes qualités. » Evelyne Pisier est une femme intelligente, politologue respectée mais au mœurs franchement délétères…

 

« Le jour où ma grand- mère s'est suicidée, c'est moi que ma mère a voulu tuer. L'existence de ses enfants lui interdisait de disparaître. Nous étions le rappel de sa vie obligée. J'étais sa contrainte, son impossibilité. » Les rapports mère- fille sont complexes. L’auteure se sent rejetée par celle qui lui a donné la vie et qui porte la Liberté comme un étendard ; liberté de se détacher de ses enfants en fermant les yeux quand surtout ça l’arrange. « Ma culpabilité est celle du consentement. Je suis coupable de ne pas avoir empêché mon beau- père, de ne pas avoir compris que l'inceste est interdit. » Victor, le frère jumeau de l’auteure a, durant son enfance, été victime d’abus sexuels de la part du compagnon d’Evelyne Pisier, Olivier Duhamel. Une fois le secret révélé, les amis élégants et puissants leur tournent vite le dos. Quel courage !

 

En 2022, tout le monde est au courant de ce crime étant donné le battage médiatique qu’il y a eu autour de ces révélations, dans la foulée du « Consentement » de Springora et du courant #Metoo. Au final, un témoignage mal écrit, surfant sur un sujet à la mode aux dépens d’un frère ; mais quelle moralité a donc cette famille ? L’écriture est abrupte, saturée de phrases non verbales, sans talent d’écriture. A lire par curiosité mais pas par plaisir…  

dimanche 20 mars 2022

Le résident, Frédéric Livyns (Elixyria, 12/2017)

 



Le résident, Frédéric Livyns (Elixyria, 12/2017)

💙💙💙💙 

Vous avez envie de frissonner, mais pas trop ? Vous êtes irrémédiablement attirés par les romans catégorisés « horreur » mais êtes vite impressionnés ? Tentez la lecture de ce court roman, vous aurez bien quelques moments de doute mais pas de quoi faire des cauchemars. De plus, l’histoire est bien écrite et intéressante, notamment en ce qui concerne les liens familiaux.

 

« En effet, lorsque le générique commença, Bertrand vint s'asseoir aux côtés de sa fille. Delphine, quant à elle, débarrassait la table. Le feuilleton n'en était pas encore à la moitié qu'un hurlement les fit sursauter. » Bertrand, Delphine et leur fille Alice viennent d’emménager dans une maison située dans un village, ravis d’être enfin propriétaires. Mais des manifestations étranges viennent peu à peu perturber le quotidien de la famille

 

« - C'est ridicule ! Les maisons hantées n'existent pas ! C'est une invention de romanciers à quatre sous. » De regards en coin en messages sous- entendus étranges, Alice, 16 ans, va chercher une explication au changement d’humeur de son père et à ses propres cauchemars. Et si tout venait de cette maison ?

 

« - Il a été prouvé scientifiquement que certaines demeures enregistrent les événements qui s'y sont passés, et sous certaines conditions, restituent ces scènes par après. » Et si cette explication apportée par la jeune Sophie expliquait tout, mais alors quelles seraient ces scènes, quelles seraient leur origine, et surtout, comment faire pour que cela cesse ? Alice n’est pas au bout de ses surprises, ni de ses déconvenues.

 

Au final, un roman que j’ai lu quasiment d’une traite. J’ai été absorbée par les déboires de la famille Deltend, et j’ai bien aimé le personnage d’Alice, cette jeune fille qui, malgré son jeune âge, pose un regard objectif sur ses parents et les phénomènes paranormaux qui viennent progressivement entacher leur quotidien. Je suis facilement impressionnable mais ici je n’ai pas été effrayée au point de risquer de faire des cauchemars ces prochaines nuits. Et puis, décidément, j’aime vraiment la plume stylée de Frédéric Livyns !