vendredi 30 juin 2023

L’infiltrée, Lou Garance (Addictives Luv, 03/2023)




 

L’infiltrée, Lou Garance (Addictives Luv, 03/2023)

 💙💙💙💙💙

Sokal, ville imaginaire, mais probablement existante dans un coin méconnu et caché de notre monde perverti. Elena y officie en tant que prostituée depuis l’âge de 16 ans. Gamine abandonnée ayant croupi des années entre les quatre murs d’un orphelinat gangrené, elle n’a pu trouver la liberté qu’à travers la marchandisation de son propre corps. Et celui- ci, elle y tient, n’appartient qu’à elle- même : elle refuse de le vendre au nom du plus célèbre souteneur du coin, le perfide Baulieu, propriétaire de la Niche.

 

« Mes illusions de gamine se sont évaporées à la seconde où j'ai compris qu'aucun foyer ne voudrait de moi. Une enfant à problèmes et mal dans sa peau, ça ne fait rêver personne. Quoi que les gens croient faire comme une bonne action, ils ne sont pas mieux que ceux qui nous abandonnent. » Elena n’a jamais connu l’amour familial, la sécurité d’une maison. Elle a construit un semblant d’équilibre à l’aide de Dixie, une autre orpheline, qui vit avec une fratrie de trafiquants de voiture, avec son petit frère, Alan. C’est parce que ce dernier va entrer à son tour dans la délinquance qu’Elena va se voir confier une mission périlleuse.  

 

« Et je n'en tire aucun plaisir. Je n'en ai jamais aucun avec eux. Je simule. Je fais semblant et joue un rôle. C'est ça, mon métier. Et j'en accepte chaque part d'ombre car ça me fait me sentir vivante. » Elena a tout à fait conscience d’exercer une profession malsaine, et quand la police va s’en servir pour l’infiltrer dans la Niche, parmi les « chiennes » de Beaulieu, elle va utiliser tout son talent pour suivre sa mission ; à ses risques et périls.

 

« Un désir, certes, mais certainement pas un "faible". Car ça voudrait dire qu'elle m'intéresse pour une raison autre que son physique. Cela voudrait dire que je m'inquiète pour elle, pour sa sécurité, pour son bien- être. Que j'ai envie d'apprendre à la connaître, de tout savoir de ses peurs, de son passé, de ses envies. Non. Il n'y a rien de tout ça entre elle et moi. » Dax Aleksev est le lieutenant de police qui chapeaute l’opération. Inévitablement, il tombe sous le charme d’Elena. Mais comment un flic peut- il espérer avoir une relation durable avec une prostituée ?

 

Au final, une romance classée « dark » qui joue avec les règles du roman policier : les disparitions et les meurtres s’enchainent, les trafics en tous genres font froid dans le dos, et le rythme du récit est mené tambour battant. On ne s’ennuie pas une seconde, et la relation entre un flic et une prostituée amène bien des remous psychologiques au côté romantique de l’histoire !

lundi 26 juin 2023

The sound of my soul, Tome 1, Rin Saitô (Akata, 09/2022)



 The sound of my soul, Tome 1, Rin Saitô (Akata, 09/2022)

🎻🎻🎻🎻🎻 

Ce manga est le premier tome d’une tétralogie fictionnelle basée sur la vie de Mizuki Shikimachi, un violoniste professionnel souffrant d’un handicap rendant son statut exceptionnel ; une hypoplasie cérébrale provoquant une paralysie partielle. Rin Saitô l’a connu particulièrement et lui rend ici un très bel hommage ; une ode à la différence.

 

« Mon cerveau... est spécial.
Il a quelque chose bien à lui. Il m'a été transmis par ma mère... un don, obtenu d'une force supérieure bienveillante. Je peux changer... tout ce qui existe en ce monde... grâce à la musique. »
Parce qu’il est né prématurément, Mizuki souffre d’un handicap moteur qui le gêne dans les apprentissages physiques. Il peine à marcher correctement et il se fatigue vite. Heureusement, sa mère tient à ce qu’il soit aussi éveillé qu’un enfant lambda. C’est ainsi qu’au détour d’une rue, il se découvre un talent inné pour la musique, puis plus précisément pour le violon.  

 

« Un handicap peut vite rendre les choses très compliquées, vous comprenez ? » Mizuki est doué, mais très vite, on lui met des bâtons dans les roues. Malgré sa volonté sans faille de réussir, on ne voit chez lui que son handicap. Et quand il entre au collège, c’est encore pire…. A l’adolescence, la différence est synonyme de moquerie. Et Mizuki ne va pas échapper à la règle…

 

Au final, un manga vraiment très touchant. Le lecteur est en oscillation permanente entre la pugnacité de ce petit bonhomme différent et la méchanceté de ceux qui l’entourent. Les dessins sont touchants. J’ai hâte de lire la suite, de lire comment ce garçon talentueux mais moqué va leur en mettre plein la vue, à tous ces imbéciles. Tellement criant de vérité. Hélas.  

vendredi 23 juin 2023

Decay, Amélie C. Astier (Auto- édition, 08/2020)


 

Decay, Amélie C. Astier (Auto- édition, 08/2020)

💛💛💛 

Voici une nouvelle M/M issue du roman « Unlawful », et donc inspirée par le milieu de l’urbex. Nous y retrouvons Wes, qui fait partie de l’équipe de youtubeurs français ayant du succès avec leurs vidéos d’exploration urbaine. Cette fois, il s’associe avec un Américain partageant la même passion, pour un urbex en Italie qui promet de « faire le buzz » !

 

« Kay ne montre jamais son visage, peu de personnes issues du milieu ont la "chance" de le connaître sans son légendaire foulard tête- de- mort qui lui cache presque tout le visage. Il aime cultiver son anonymat. J'ai été forcé de signer un accord de confidentialité m'interdisant de diffuser des images de Kay sans son masque, au risque de recevoir une amende salée. Le reste du monde est condamné à ne voir que ses yeux sombres dans ses vidéos, et j'admets qu'il est parfois flippant avec son regard peu sympathique. » Kay et Wes ne se retrouve que trois ou quatre fois dans l’année pour tourner des vidéos sur des lieux abandonnés. A chaque rencontre, leurs sentiments évoluent.

 

« Je t'ai déjà dit ce que je ressentais et pensais vraiment, et t'as flippé. Alors si tu veux bien, on va continuer de faire semblant jusqu'à cette nuit, et puis on profitera de l'obscurité pour faire toutes ces choses que t'es pas capable de faire la journée, OK ? Ne changeons pas les bonnes habitudes, c'est pas ce que tu m'as dit ? » D’admiration en amitié, voilà l’amour qui les saisit. Mais comment faire quand on vit à des milliers de kilomètres l’un de l’autre ?  

 

« Parfois, je regrette le temps où nous n'étions que de simples ennemis. Défier l'autre sur Internet était vraiment un jeu et non des préliminaires pour nous satisfaire. » En plus de la distance, il y a la question des apparences : si Wes assume son homosexualité, ce n’est pas le cas de Kay…

 

Au final, j’ai eu plaisir à retrouver l’ambiance et les personnages de « Unlawful ». Par contre, je suis restée sur ma faim quant au personnage de Kay. J’aurais aimé connaître son enfance et les raisons qui font qu’il soit si obnubilé par le paranormal. Mais le format de la nouvelle ne le permettait pas. 

mercredi 21 juin 2023

Jefferson, Jean- Claude Mourlevat (Gallimard jeunesse, 03/2018)


 

Jefferson, Jean- Claude Mourlevat (Gallimard jeunesse, 03/2018)

🦔🦔🦔🦔🦔

Une fable écologique dont le personnage principal est un hérisson, écrite par Jean- Claude Mourlevat ? Mais pourquoi ne l’ai-je pas lu plus tôt ?

 

« Ce qui le mettait en joie ce matin- là était peu de chose : il avait décidé de se rendre chez son coiffeur. Cela lui avait sauté aux yeux alors qu'il faisait sa toilette : sa gracieuse houppette était en bataille. Or, il détestait avoir l'air négligé. Voilà : il irait en ville se faire rafraîchir la houppette ! » Jefferson, notre petit hérisson, héros de cette histoire, est un personnage ordonné. Il aime que son logis soit propre et rangé et que ses vêtements ne présentent aucun pli. Aussi, ce matin- là, lorsqu’il voit que sa houppette est un peu trop longue, il décide de se rendre au salon « Défini- Tif » afin de se la faire rafraîchir. Mais horreur, malheur, arrivé sur place, il découvre le corps de son coiffeur au sol, assassiné sauvagement.  

 

« L'idée d'aller boire un verre au bar d'un hôtel donna à Jefferson la sensation d'être dans un roman policier, sauf qu'il ne se sentait pas les épaules pour. Est- ce qu'il serait obligé de boire un whisky, ce truc dégoûtant qui avait le goût d'un remède ? » Jefferson, accusé du crime, se voit obligé de fuir. Son meilleur ami, Gilbert, l’emmène en voyage organisé dans la société appartenant à sa famille, incognito. L’occasion de mener leur enquête dans le monde des Humains…

 

« Tout en haut, les humains, pas peu fiers de leur supériorité. En- dessous, il y a nous, que les humains regardent de haut, mais bon, on a la parole, on peut se défendre, un peu. En dessous encore, les animaux de compagnie, qui n'ont pas la parole, mais que les humains ont choisis, à qui ils donnent des noms et qu'ils protègent. Et en- dessous, tout en bas, il y a la sous- catégorie des animaux d'élevage, des animaux de boucherie, quoi... » A Villebourg, nos deux compères découvrent les habitudes de vie des humains, et les différentes strates les catégorisant. Certaines découvertes seront traumatisantes…

 

Au final, une histoire pour les jeunes qui poussera peut- être les adultes d’aujourd’hui et de demain à prendre conscience, à ouvrir les yeux sur la condition animale. Un récit construit habilement comme une enquête policière, parsemée de bribes d’humour, typiques de l’écriture de l’auteur. A mettre entre toutes les mains. 

mardi 20 juin 2023

Under your appearance, Tessa Wolf (Auto- édition, 01/2023)


 

your appearance, Tessa Wolf (Auto- édition, 01/2023)

💗💗💗💗💗

 

J’ai découvert ce roman au salon Romance Fever de Vendargues (34) au mois de mai. C’est la couverture, façon manga, qui m’a attirée. Je n’ai malheureusement pas pu rencontrer l’auteure, mais la quatrième de couverture a titillé ma curiosité : « Sous son apparence parfaite et l’indifférence du monde adulte, son trouble autistique est facilement ignoré ». Comment, sur ses éléments, Tessa Wolf avait- elle pu construire une romance ?

 

« - Waouh...
Mon apparence agit sur eux, ça ne fait aucun doute.
Certains pourraient s'en amuser, en user, en abuser. Pour ma part, c'est contre ma nature. Je n'arrive pas à regarder une personne en face plus de trois secondes. Le seul œil que je parviens à fixer est celui de l'objectif d'un appareil photo.
 » Brooklyn, dix- sept ans, n’avait que six ans lorsqu’elle a été élue la « plus jolie petite fille du monde ». Depuis, elle vit sous les flashes des plus grands photographes, posant pour les marques les plus luxueuses de la planète. A l’aube de sa majorité, ses parents décident de la scolariser afin qu’elle puisse développer ses aptitudes sociales. Mais très vite, la jeune fille se retrouve mise à l’écart et harcelée : en plus d’être sublime, au point d’attiser les jalousies féminines, elle ne parvient pas à comprendre les réactions de ses camarades e classe. Impossible pour elle de trouver sa place, malgré des capacités intellectuelles hors du commun.

 

« Avec lui, j'ai appris que les gens entrent dans ta vie, puis repartent comme ça. Et parfois, ils y laissent quelque chose. Quelque chose qui te ronge. J'aimerais être forte. Faire comme si ça n'avait aucune importance. Faire semblant. Comme Charly. Être fausse. Comme lui. » Et puis voilà Cameron, beau comme un dieu. Tout le monde l’adore, et il se prend étonnement d’affection pour Brooklyn, que personne ne comprend. De soutien en amitié, on arrive à des sentiments amoureux. Mais la jeune femme ne les comprend pas ; déstabilisée par les sensations nouvelles que lui envoie son corps.

 

« - Saurais- tu définir ce qu'est l'amour, Cameron ? Toi qui m'as aimée comme un mensonge. » Nos deux protagonistes vont tenter de suivre leurs sentiments, mais la fracture sociale qui les sépare, et la personnalité de Brooklyn, hantée par son trouble, vont compliquer bien des choses.

 

Au final, une romance rédigée avec énormément de sensibilité, de poésie, mais aussi de réalisme quant au trouble du spectre autistique. Une histoire magnifique, dont la fin, somme toute inattendue, ne pourra que vous émouvoir.