mercredi 9 juillet 2025

La dernière allumette, Marie Vareille (Le Livre de Poche, 04/2025)


 

La dernière allumette, Marie Vareille (Le Livre de Poche, 04/2025)

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J’avais été tentée par ce roman au moment de sa sortie, et puis le temps a passé, d’autres livres ont eu la priorité et je l’ai oublié. Sa sortie en poche et une nouvelle « hype » sur les réseaux sociaux à cette occasion m’ont poussée à le lire. Et j’en suis ravie !

 « Alors pour qu'on soit heureux tous les quatre, pour pas que Papa soit en colère, j'invente des histoires dans le bureau du docteur Hassan. J'invente des histoires dans ma tête, quand je parle à Gabriel, à Maman, aux autres enfants de l'école. » Abigaëlle est une petite fille surdouée qui a le malheur de vivre dans une maison où la violence est quotidienne. On la découvre par le biais d’un récit rétrospectif qu’elle mène depuis le couvent dans lequel elle s’est réfugiée une fois adulte, mais aussi grâce à des extraits du journal intime qu’elle a rédigé naguère.  

« Peut- être est- ce une loi fondamentale de l'univers que la lumière et l'obscurité cèdent toujours à la tentation de se fondre l'une dans l'autre. » Gabriel, le grand frère, a fui sa famille, à peine majeur. Il est devenu un artiste reconnu pour la beauté de ses dessins, malgré la noirceur qui habite son âme. Et puis il rencontre Zoé, toujours souriante, toujours joyeuse. Réussira-t-elle à redonner le sourire au jeune homme ?

« Avoir des remords, même sincères, n'a rien à voir avec le fait d'assumer ses responsabilités et de prendre des mesures concrètes pour canaliser sa violence et protéger ceux qui en sont victimes. » Le docteur Garnier, psychiatre à l’aube de sa retraite, accueille, lui, une patiente chaque vendredi à 17h. Très vite, il se rend compte qu’elle est victime de violences conjugales. Comment l’aider ?

Au final, un roman polyphonique qui débute en douceur, le temps de poser les pions de l’intrigue, qui vont très vite engendrer une ambiance lourde dont le lecteur ne parvient pas immédiatement à dénouer les fils. Et puis, les liens vont se nouer les uns après les autres, les pages vont tourner à un rythme croissant et affolant, pour éclater dans un final glaçant. Une histoire poignante qui va me hanter longtemps…

lundi 7 juillet 2025

Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon (Editions du sous- sol, 02/2025)

 



Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon (Editions du sous- sol, 02/2025)

😮😮😮😮


Pour un premier livre, Adèle Yon s’est appuyée sur sa crainte personnelle de devenir folle et ses recherches universitaires au sein du laboratoire SACRe ; lesquelles aboutiront à ce récit qui constitue sa thèse de doctorat. Un récit glaçant qui va au- delà de l’exploration d’un cas de schizophrénie identifié dans l’histoire familiale.

« Ce que je veux savoir, moi, c'est si mon arrière- grand- mère était schizophrène comme on le dit. Ce que je veux savoir, moi, c'est s'il y a un risque, pour moi et toute ma descendance jusqu'au siècle des siècles. » La narratrice se trouve entre deux relations amoureuses, entre deux orientations professionnelles, et elle se sent perdre la tête. Etant donné que son arrière- grand- mère prénommée Betsy avait été diagnostiquée schizophrène, elle se demande si la « folie » n’est pas une maladie héréditaire.  

« Il est aisé de penser, maintenant qu'un homme est mort, mais pourtant si juste, que cette histoire ne pouvait mener qu'à ce point précis, qu'il fallait un corps d'un bond soit jeté en chute libre pour remplacer un autre corps, emporté par des hommes en blanc un autre matin de janvier soixante- dix ans plus tôt. » Le récit commence par le suicide d’un homme de la famille, l’un des fils de Betsy. On comprend très vite que dans cette famille nombreuse appartenant à la bourgeoisie, il y a de nombreux non-dits et que ceux- ci ont généré une longue série de souffrances. En silence.

« Je me demande s'il n'y a pas quelque chose de l'ordre de la lignée de femmes, qui est tellement violentée qu'il n'est pas anodin d'être femme dans cette famille. » La narratrice remonte le fil des souvenirs des membres de la famille autour de Betsy. Les rencontres sont retranscrites entre les écrits narratifs, ainsi que les compte- rendus médicaux que l’auteure a retrouvés en fouillant les archives des hôpitaux psychiatriques. On en apprend ainsi énormément sur la lobotomie et son utilisation abusive, notamment sur les femmes…

Mais ce qui ressort le plus, c’est le constat effarant de la maltraitance envers les femmes qui manifestaient le moindre désir d’indépendance. Pour elles, impossible d’exister par autre chose qu’un mari et des enfants. Et l’histoire d’Adèle Yon ne date pas d’un siècle : Elisabeth est décédée en 1990. Un livre choc et utile.

mercredi 2 juillet 2025

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)


 

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)

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Cap vers le Québec à la toute fin du XIXème siècle, aux côté d’Almanda, la propre arrière- grand- mère de l’auteur, Michel Jean. Orpheline aux origines irlandaises, élevée par un couple de fermiers québécois par pur charité chrétienne, cette jeune fille de quinze ans va tomber sous le charme de Thomas, un jeune Innui qui vit de chasse et de pêche avec sa famille nomade.

« J'ai fixé les yeux de celui qui me demandait de le suivre jusqu'au bout du monde. J'y ai vu la rivière, le lac long et, au milieu, moi et ce jeune homme aux larges épaules et au regard confiant. » Entre Almanda et Thomas, le coup de foudre est immédiat. Malgré les réticences de ses parents adoptifs, la jeune fille va très vite épouser le jeune Indien et partir vivre à ses côtés une existence bien différente de celle qu’elle avait connue jusque-là.

« Petit pas à petit pas, mon corps autant que mon esprit s'adaptaient au mouvement quotidien de l'existence nomade. Au fil des jours, la notion même de temps devenait diffuse. » Dans la tribu de Thomas, on vit sous la tente et on mange ce que l’on pêche ou chasse au jour le jour. Ces nomades se déplacent autour du lac Saint -Jean (Pekuakimi en Innu), selon les saisons, et vendent les peaux qu’ils tannent eux- mêmes. Mais peu à peu, les Blancs envahissent leurs terres, coupant les arbres et construisant des chemins de fer pour faire venir encore plus de colons, intéressés par la richesse naturelle des lieux.

« J'avais beau savoir lire, écrire et calculer mieux qu'eux tous, je restais une ignare là-bas. » Les enfants de Thomas et Almanda ne sont pas voués à aller à l’école. Leur éducation se fait dans la nature, avec l’unique but de vivre libre. Mais les colons vont changer la donne et enlever les enfants des Indiens pour les envoyer dans des établissements scolaires gérés par des prêtres ; pour le malheur de tous…

Au final, j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce récit, pour ces personnages si touchants et pour la plume extraordinaire de Michel Jean. J’ai lu les dernières pages avec le cœur gros. Je compte bien me plonger dans ses autres romans. Un auteur à découvrir et à suivre !

lundi 30 juin 2025

Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)


 
Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)

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Envie d’un thriller psychologique flippant ? Partez à la rencontre de Clara, M. Concerto, et Charles. Leurs points communs ? Ils sont tous les trois enfermés pour des raisons différentes et portent le même tatouage, le signe des Gémeaux, à l’intérieur du bras. Qui sont- ils ? Qu’ont- ils fait pour mériter d’être séquestrés ?

« La mort ne valait - elle pas mieux que ce simulacre d'existence ? Cette misérable vie qui le dépouillait de toute liberté avait- elle de l'importance ? » Charles vit reclus dans sa cave depuis qu’il a fêté ses soixante- cinq ans. Son épouse, Rose, vit dans la maison et descend voir son mari à l’heure des repas. Elle se montre la plus discrète possible car personne ne doit savoir que son mari se cache…

« Durant la journée qui s'était d'emblée annoncée obscure et rude, elle avait fait l'objet de représailles à chaque tentative de révolte. Elle n'avait pas le droit de parler, et encore moins celui de crier. » Clara est enfermée, elle, dans une pièce obscure et humide envahie par la vermine. Elle ne se souvient plus des raisons qui l’ont menée là ; ses gardes la droguant à intervalles réguliers. Elle ne pense qu’à une chose : s’échapper.

« Dans un coin de ce qui était devenu son repaire, son antre, sa tanière, il plaqua les mains sur ses oreilles pour ne plus entendre les voix qui s'emparaient de lui, l'enivraient, l'aliénaient. » M. Concerto est interné dans un asile psychiatrique. Il entend des voix jour et nuit. Il aimerait que les médecins parviennent à le guérir, mais son cas semble bien les désarçonner…

Au final, un thriller envoûtant, dans lequel on trouve une première partie distinguant les trois histoires puis une seconde partie mêlant les trois destinées de nos personnages jusqu’à la révélation finale, qui se révélera surprenante !  C’est un récit spiralaire rondement mené, dans lequel le lecteur va perdre ses repères. Original !

dimanche 29 juin 2025

Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

 


Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

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Cap sur le Guatemala pour une histoire de secrets de famille comme je les aime ! Maya, une adolescente de quatorze ans en pleine recherche d’identité, a été adoptée au Guatemala par Zach et Cat (cette dernière étant décédée récemment) elle émet l’envie de découvrir son pays d’origine. D’autant plus que c’est aussi celui de Mamita, sa grand- mère paternelle d’adoption.

« Personne ne se souvient des premiers instants de sa vie. L'entourage les relate et ça suffit. Pour moi, c'est différent puisque j'ai été adoptée. Aucun membre de ma famille n'était là à ma naissance et dans les mois qui ont suivi. Il me manque le début de mon histoire. » Maya est d’humeur morose depuis quelques mois. Elle entend sa grand-mère raconter sa propre enfance au Guatemala alors qu’elle- même ne peut pas avoir ce genre de souvenirs du fait de son adoption.

« Mes souvenirs sont des remèdes à mes soirées de désespoir. L'amour a le pouvoir de tout garder en mémoire. » Zach, le père adoptif, culpabilise devant l’air chafouin de sa fille. Sa femme n’est plus là pour le conseiller et il a du mal à faire son deuil. Quand l’idée d’emmener Maya au Guatemala pour qu’elle puisse visiter la terre de ses ancêtres le prend, il pense trouver dans ce voyage l’occasion de retrouver la complicité qu’il avait eue jusque-là avec sa fille.

« Ce ne sont pas toujours les plus beaux récits qui forgent notre histoire. » Sur place, les surprises vont se succéder et la pauvreté, tout comme l’insécurité ambiante, vont choquer nos voyageurs français. Les découvertes vont parfois se transformer en déconvenues, mais heureusement, ils pourront compter sur la gentillesse des membres de la famille de Mamita et d’une avocate française rencontrée sur place.

Au final, une histoire bouleversante, qui part tranquillement sur une idée de voyage faisant office d’un retour aux sources, et qui, va se transformer en enquête qui dénoncera des faits véridiques absolument abjects. Pour le coup, les secrets révélés sont surprenants et la double narration entre le père et sa fille a été vraiment bouleversante. A lire sans hésitation.