dimanche 31 octobre 2021

Human food, Gab Stael (Elixyria, 05/2019)


 

Human food, Gab Stael (Elixyria, 05/2019)

💓💓💓💓 

Quelle lecture surprenante ! Je ne regrette pas de l’avoir choisie dans le cadre de cet étrange événement qu’est Halloween ! On part sur des penchants cannibales pour embrayer sur un tueur en série qui œuvre sur Nancy et choisit ses victimes selon des critères bien particuliers ! Un roman noir, aux scènes parfois glauques, servis par des personnages étonnants ; et une ambiance vraiment originale !

 

« Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets. » Ernest Frish est un personnage complexe ; il souffre d’un trouble de personnalités multiples. La nourriture qu’il ingère est une obsession : « A l'instant même où il a enfourné sa première fourchette de joue de petite fille, Ernest a décrété que plus rien au monde ne le forcerait à traquer dans la forêt, à se rouler dans la boue, pour avaler du sanglier ! » C’est décidé, il va devenir cannibale !

 

« On ne peut pas affirmer la préméditation, malgré la dislocation pointue. Un boucher ? Un chasseur ? Un toubib ? Des tas de métiers correspondraient volontiers à cette dépersonnalisation. »  Des corps de femmes disloqués sont retrouvés dans des lieux publics. Qui prend donc plaisir à faire souffrir et à exposer ensuite des corps à la manière d’œuvres d’art ? Le commandant Edouard Burke va mener l’enquête, en compagnie de sa chère collègue , Cécilia Barbara. Mais des événements dans leur vie personnelle va stopper leurs avancées dans leurs recherches ; d’autant plus qu’un copycat se met en action….

 

« Quitte à être un monstre, autant l'être avec classe, non ? » Les pages se tournent, et voilà que le coupable se dénonce lui- même au lecteur. Etonnement. Trouble. Explications. Quelques extraits du passé avaient mis la puce à l’oreille ; si glauques, si dérangeants.

 

Au final, un récit qui se dévore (sic !). La plume de Gab Stael est vraiment très agréable à lire, agrémentée de références pertinentes et ponctuée de piques ironiques qui prêtent souvent à sourire malgré les scènes bien glauques rédigées. Cela a été un moment de lecture vraiment agréable, et je me répète, surprenant ! J’ai hâte de lire « Ernest », qui reprend la genèse de ce personnage schizophrène vraiment extravagant !

samedi 30 octobre 2021

Les eaux noires, Estelle Tharreau (Taurnada, 10/2021)


 

Les eaux noires, Estelle Tharreau (Taurnada, 10/2021)

💓💓💓💓

Dans son dernier roman noir, Estelle Tharreau entraîne son lecteur dans des eaux ô combien fangeuses. Dans cette Baie des Naufragés, près d’Yprat, quelques habitants pataugent dans une boue pétrie par les secrets, les jalousies et les non- dits. C’est le meurtre de la jeune Suzy, dix- sept ans, qui va remuer cette bourbe et faire tomber bien des masques.

 

« Tout était dit. Tout était fait. Sans le savoir, Jo venait d'entrer dans l'engrenage du malheur et de la culpabilité. Elle n'en était qu'au commencement. » Jo, diminutif de Joséfa, est la mère de Suzy. Déjà affectée quelques années auparavant par le décès de son mari, la voilà effondrée par la disparition de sa fille ; et la découverte du corps de celle- ci rejeté peu de temps après par la mer.

 

« Plus tard, bien plus tard, les faits allaient montrer à Jo à quel point elle avait eu tort ce jour- là comme tant d'autres jours qui restaient à venir. Victime ou pas, ils allaient lui montrer que tout peut s'effacer dans les paroles, mais que rien ne disparaît dans les esprits. » Jo découvre peu à peu la véritable nature de ses voisins. Elle sent qu’on lui cache des choses et que déjà, des rumeurs inadmissibles, à son sujet ou à celui de sa fille, circulent. L’assassin demeure introuvable. Jo se désespère et se renferme sur elle- même. En qui faire encore confiance ?

 

« Coupable d'avoir laissé sa fille seule la nuit.
Coupable de ne pas avoir compris qu'elle devenait femme.
Coupable de s'être réfugiée dans une confiance aveugle.
Coupable d'avoir laissé faire pour ne pas déplaire.
Coupable d'avoir eu peur d'être abandonnée.
Coupable d'un égoïsme meurtrier.
 »

Les mois passent. L’enquête est au point mort. Mais au fil du temps, les soupçons sont passés d’une maison à une autre au sein de la Baie des Naufragés. Et puis voilà qu’arrive un flic un peu fêlé, Casano. Lui, n’a pas peur de marcher dans la boue, de remuer cette fange de manière à ce que la vérité, même sale, même honteuse, soit mise à jour. Mais Joséfa, elle, sera-t-elle prête à l’accepter ?

 

Au final, un roman noir captivant tant la plume de l’auteure est habile pour enserrer son lecteur dans un engrenage malaisant. Les chapitres sont courts et donnent un rythme parfait aux brusques changements de direction que prennent les enquêtes successives. Les personnages sont psychologiquement bien élaborés : on les apprécie puis on les déteste et inversement. Bref, un excellent thriller psychologique qui ne lâche le nom du coupable qu’à la toute fin du récit ; ce qui devient rare dans les productions actuelles.

mercredi 27 octobre 2021

Menteurs, Greg Hocfell (Elixyria, 07/2018)

 



Menteurs, Greg Hocfell (Elixyria, 07/2018)

💙💙💙💙

Un truc, un machin, une chose, échoué sur la plage, et voilà que notre esprit, à l’instar de celui de Greg Hocfell, s’affole ! Lovecraft et King auront laissé des traces indélébiles dans nos esprits, c’est indéniable, du genre de celles qui nous soufflent que nous ne voyons pas tout avec nos simples yeux d’humains ; qu’une autre dimension existe, trouble toujours, malfaisante souvent, qui modifie certains aspects de notre quotidien. Bienvenue sur la plage, à Couronne- Sur- Mer, là où les pin-up rêvent encore d’aller exhiber leurs derniers deux- pièces.

 

« Un promeneur avait découvert, ce matin, la carcasse d'un truc, d'une chose, d'un machin... personne ne se faisait une idée précise de ce que cela pouvait être, toujours était- il que ça avait gonflé en se décomposant sur la petite plage de Couronne- Sur- Mer, donc ce machin, cette chose, ce truc, avait respiré, vécu par le passé comme tout être vivant, et péri. » Quand Mickaël a signé son contrat étudiant à la mairie, on ne lui a jamais dit qu’il aurait à aller s’occuper du nettoyage de la plage. Et pourtant, ce matin- là, le voilà aux côtés de Roland, prêt à aller ramasser une masse non identifiée mais pestilentielle qui a échoué sur la plage. Le maire tient à garder ses touristes, donc aux premières heures du matin, voilà nos deux hommes dans la Saxo communale, partis à la première heure pour ramasser la cochonnerie et aller la balancer à la déchetterie. Sauf qu’une fois sur place, tout n’apparaît pas aussi simple que sur l’ordre de mission.

 

« Il n'y avait ni dieu ni aquarelle inachevée, il n'y avait qu'un putain d'océan dont certains secrets abominables s'échouaient parfois sur le rivage. » Questions, puis incompréhension : qu’est- ce que cet être à quatre pattes équipé d’un bec et de tentacules ? D’où vient-il ? Et d’ailleurs, vit-il encore ? Aux questions vont succéder les surprises puis les déconvenues. On reviendra armés, non mais ! L‘esprit s’égare entre rêve et réalité, entre passé et présent, entre espoirs et désillusions. Où se trouve la réalité au cœur de cette fiction ?

 

Au final, un récit captivant qui mêle préoccupations réelles d’aujourd’hui et onirisme d’hier, et qui se transforme au fil du récit en un conte écologique. On louvoie parfois dans les ellipses de l’esprit fantasque de l’auteur mais sans jamais perdre le fil conducteur de l’histoire. Les pages se tournent, et puis vient l’évidence allégorique, la prise de conscience que la fiction est peut- être bien plus raisonnable que le réel…

La fille de Kali, Céline Denjean (Pocket 2021, Marabout, 2016)



La fille de Kali, Céline Denjean (Pocket 2021, Marabout, 2016)

 💓💓💓💓💓

 Cap sur Toulouse, avec quelques détours en Inde compris dans le voyage ! Voici la première enquête d’Eloïse Bouquet, jeune capitaine récemment promue à la Section de Recherche de la gendarmerie toulousaine. Sa première affaire est des plus glauques : deux corps d’hommes atrocement mutilés sont découverts, en même pas un mois, la tête manquante. A leurs côtés, des pétales de fleurs, quelques piécettes et un sawastika tracé au mur ; l’assassin obéirait- il à un certain rituel en l’honneur de la redoutable déesse hindoue Kali ?

 

« Est- ce qu'une mère peut haïr sa fille ? Toi, tu as peut- être un avis sur la question… Moi, je sais… Moi, je suis la réponse. D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais vu dans les yeux de ma mère que la désolation de m'avoir enfantée. Rejet viscéral. Dégoût. Parce que je suis l'incarnation même de son drame… » Calcutta. Plus tôt. La petite Nilin voudrait tellement que sa mère la regarde… l’aime. Elle tutoie le lecteur pour le rendre plus proche du drame de sa vie, incompréhensible, celui d’être rejetée par sa mère. Cette petite fille délaissée va être la clef de voûte de ce récit.

 

« - Il faut me croire ! Mon père était le dernier des salauds !
- ... Et alors ? questionna le détective, interloqué par cette réflexion.
- Les salauds ne se suicident pas. »
Toulouse, 2013. Danny Chang, détective privé, reçoit une jeune femme avide de récupérer un héritage, lequel dépend des conditions de décès de son père. Elle est persuadée que les gendarmes se sont fourvoyés. Amanda Kraft, elle, est une journaliste avide de gloire, à l’affut du scoop qui enfin la mettra en lumière aux yeux de la France entière. Et pendant ce temps- là, Eloïse lance ses hommes aux trousses d’une potentielle tueuse en série…

 

Céline Denjean utilise avec talent l’alternance de trois enquêtes aux finalités différentes pour offrir à ses lecteurs un récit à la forme spiralaire qui permet d’aborder différents aspects d’une affaire qui se révèlera aussi complexe que morbide. Les différents personnages sont psychologiquement finement ciselés au point qu’on ne peut que ressentir de la sympathie envers certains ou de la défiance pour d’autres. Personnellement, j’ai clairement un petit faible pour Jean- Marc, ce flic adepte des locutions latines ou citations littéraires de haut vol… Au final, un roman noir qui se dévore, qui évolue d’une façon qui fait que le lecteur sent le cercle des soupçons se resserrer afin de donner un point final à toute l’histoire, et avec brio ! Si vous ne connaissez pas encore Céline Denjean, foncez, et enchainez avec les deux enquêtes d’Eloïse Bouquet qui suivent : « Le Cheptel » et « Double amnésie », tout aussi excellents.

samedi 23 octobre 2021

La résonance des cœurs, Mélane Lor (Elixyria, 08/2021)


 


La résonance des cœurs, Mélane Lor (Elixyria, 08/2021)

💜💜💜💜

Et si vous mettiez un peu de musique dans votre cœur ? Mélane Lor fait vibrer la corde sensible des émotions en racontant une romance qui se noue dans l’univers des concerts, l’une de ses passions, entre une chanteuse, nommée Elya, et un « roadie », le bel Adrien.

 

« J'avoue, j'ai la trouille. La trouille que nous ne soyons pas sur la même longueur d'onde, peur que s'il se passe quelque chose, ça finisse mal et que je perde mon job. Je ne peux pas prendre ce risque. »  Savez- vous ce qu’est un « roadie » ? Je ne le savais pas moi- même et je l’ai appris en lisant ce roman ; c’est ainsi que l’on nomme le personnel qui monte et démonte le matériel qui se trouve sur scène. Ils sont donc toujours sur les routes, suivant les artistes dans leurs tournées. Adrien, jeune et beau roadie, vient de décrocher un contrat pour suivre le groupe Arcange, qu’Elya vient d’intégrer, elle aussi, en tant que chanteuse.

 

« Elle a raison, je n'ai même pas pensé qu'elle se mettait en danger elle aussi. » Alors qu’ils se sentent irrémédiablement attirés l’un vers l’autre, la raison les empêche de céder à la tentation : Elya et Adrien sont sur cette tournée pour travailler ensemble, et si leur histoire venait troubler l’harmonie de la tournée, nul doute que l’on mette fin au contrat de l’un ou de l’autre…

 

« - De nos cœurs. Ils battent fort, mais le plus troublant c'est cette impression qu'ils s'accordent l'un avec l'autre, jusqu'à résonner ensemble. » Vous l’aurez deviné, nos deux amoureux vont finir par entamer une relation des plus passionnées ; et advienne que pourra…

 

Au final, une romance à la mode « montagnes russes », entre les désirs et les craintes de nos deux protagonistes, servie par une plume limpide et sensible, qui donne la parole alternativement à l’un et l’autre. On se rend compte que le fait d’être sur les routes à longueur d’année ne facilite pas les relations à long terme. Alors quand Arcange termine sa tournée, et qu’Adrien est bien obligé de suivre un autre groupe à travers le monde, on s’inquiète…. Leur couple résistera t- il à l’absence et à la distance ? Je vous laisse le découvrir à votre tour…

jeudi 14 octobre 2021

Artifices, Claire Berest (Stock, 08/2021)


 

Artifices, Claire Berest (Stock, 08/2021)

💙💙

 Ce roman à la couverture magnifique, je l’ai ressenti tout d’abord comme une invitation au monde de l’Art performatif. En effet, l’auteure mêle ici une enquête policière concernant Abel Bac, flic qui vient d’être suspendu, et réflexions sur le parcours de Mila, une artiste multimillionnaire dont les œuvres d’art sont particulièrement dérangeantes. Ce sont des indices, placés comme les pièces d’un puzzle, sur le chemin du lecteur qui vont permettre à celui- ci de dénouer les fils d’une intrigue dont les racines sont ancrées d’un un passé douloureux et tragique.

 

« Que doit- on faire quand on nous prive de la raison des heures jusqu'alors si parfaitement établie ? Il est un chien perdu. Son activité organisée depuis quinze ans : horaires précis, métro, dossiers, interventions, auditions, paperasse, collègues. Structure essentielle anéantie » Je n’avais encore jamais lu Claire Berest, et j’ai été surprise par son écriture « râpeuse », son style incisif, ses phrases nominales saturées d’adjectifs. Il faut avouer que cela colle pourtant bien au personnage d’Abel Bac, ce flic suspendu sans qu’on ne lui donne la moindre explication. Ce grand solitaire qui n’accepte que la compagnie de ses nombreuses orchidées et qui ne vit que pour enquêter jusqu’à pas d’heures.

 

« C'est curieux comme les artistes pensent que les gens qui ne s'intéressent pas à l'art sont paumés en plein désert. Ou les écrivains qui pensent que les gens qui ne lisent pas sont déboussolés. » Une nuit, Elsa, sa voisine du dessus, s’effondre devant sa porte, totalement ivre. Parce qu’elle se sent redevable envers Abel, qui lui a permis de rentrer saine et sauve chez elle, la jeune femme fantasque va s’immiscer dans la vie du flic bourru. Et comme elle est en pleine rédaction d’une thèse en histoire de l’Art ; cela va être l’occasion pour nos deux voisins d’enquêter ensemble sur les mystérieux coups d’éclat que connaît soudainement le monde des musées parisiens…  

 

 

Au final, comme dit plus haut, il m’a été difficile d’entrer dans la lecture du récit. La narration est dense, foisonnante, laissant peu de place aux dialogues, et j’ai eu du mal à m’y retrouver, à poser les bases de l’intrigue de manière claire. Autant j’ai aimé les passages du récit consacré à Abel, concrets mais conformes à l’étrangeté du protagoniste, autant les parties dédiées à Elsa m’ont rapidement agacée. Son côté loufoque n’est pas suffisamment construit, ni crédible. Et je n’ai pas aimé qu’ici Claire Berest revienne inlassablement sur Marina Abramovic, comme si le lecteur était un inculte, incapable de comprendre l’essence de ses performances artistiques. Si son roman m’a attirée, c’est justement parce que je m’intéresse au monde artistique ! Il n’y a pas que les Parisiens qui lisent, et se cultivent !!

Par ailleurs, je passerai sur les passages – peu nombreux, heureusement- consacrés à Camille Pierrat, la collègue flic dont la grossièreté fait suinter les mots… Déçue, avec un grand « D ».

mardi 12 octobre 2021

Quand le rire sucre nos souvenirs, Lindsay Lietin (autoédition, 01/2021)


 

Quand le rire sucre nos souvenirs, Lindsay Lietin (autoédition, 01/2021)

💛💛💛

Rosie est à la tête d’un salon de thé qu’elle a souhaité à son image : cosy et et rassurant grâce à un large choix de pâtisseries fines réalisées par ses soins. Ce havre de paix est fréquenté par une clientèle régulière et la jeune femme peut se féliciter d’avoir réussi à monter une affaire qui roule toute seule, sans l’aide de personne. Et pourtant, quelque chose l’empêche d’être heureuse, mais elle ne sait pas identifier ce sentiment de malaise avec certitude : est- ce le départ de sa Mémé Léontine, du jour au lendemain ? Est- ce ce sentiment de solitude qui l’étreint lorsqu’elle plonge dans ses souvenirs d’enfance ?

 

« Ces terrils s'érigent vers le ciel pour rendre hommage à ceux qui extrayaient du sol, au péril de leur vie, une ressource essentielle à la société. Aujourd'hui je n'ai pas le coup de grisou mais j'ai grise mine en y repensant. Dans le Nord, nous avons dans notre famille, ou nous connaissons pour la plupart, des descendants de mineurs de fond. » Dans le Nord de la France, c’est bien connu, les habitants ont dans leur cœur le soleil qu’ils n’ont pas au- dehors. Cette maxime se vérifie ici dans les personnages qui vont accompagner Rosie dans son quotidien suite à un accident : Fernande et Mauricette. Ces deux mamies au franc- parler ch’ti et aux manières rustres vont tout faire pour soutenir la jeune femme. Même si le salon de thé raffiné va vite être « transformé en un tour de main en bistrot bonne franquette ! »

 

« J'avais décidé de créer ce salon de thé de suite à la sortie de l'école en ayant qu'un simple certificat d'aptitude en poche et les secrets de grand- mère de Mémé Léontine. J'avais aussi en moi cette rage qui vous fait gravir les montagnes et construire des édifices. » Alors qu’un étrange personnage, Eustache, pointe son nez au salon de thé, accompagné par une jeune fille surnommée Lulu, qui, elle, a fui l’Italie pour de mystérieuses raisons, Rosie sent son mal- être s’intensifier. D’où lui viennent cette rage et ce sentiment de violence qui l’ont fait jusqu’alors tenir debout ?

 

« - Tourne- toi vers le soleil, ton cœur aura chaud ! » Pour Rosie, il est temps de se retourner vers son passé, de partir, grâce au van d’Eustache, dans une quête personnelle où elle trouvera les réponses aux questions qui l’empêchent d’être enfin une femme épanouie.

 

Au final, une lecture vraiment « feel- good », notamment grâce aux dialogues en Ch’ti des deux mamies. Etant originaire de la région, mais n’y vivant plus, j’ai bien ri en lisant certaines expressions « d’min coin » ! L’histoire est plutôt bien ficelée, le personnage de Rosie est sympathique, on se laisse facilement embarqué par le récit. J’ai cependant regretté quelques coquilles et des maladresses concernant les temps utilisés ; cela arrive dans l’autoédition.  *** L'auteure m'a informée du fait que la nouvelle édition de son roman a été corrigée avant publication***. En tout cas, c’est une lecture qui vous fera voir la vie en rose « Rosie » !!! 

Entrez…, Frédéric Livyns (Elixyria, 07/2019)

 



Entrez…, Frédéric Livyns (Elixyria, 07/2019)

💙💙💙💙💙

 

Halloween approche… Et si vous racontiez des histoires pour faire frémir votre entourage le 31 octobre ? Ce recueil de 22 nouvelles horrifiques sera le support adéquat ! Eteignez les lumières, sortez vos lampes de poche et cachez vous sous la couette, puis « Entrez… »

 

« - Qui est là ? demanda-t-il en priant intérieurement qu'on ne lui réponde pas. » Dans les maisons que nous fait visiter l’auteur, il y a toujours une chaise qui bouge, des objets qui changent de place sans qu’on les touche, des ombres qui se meuvent dans le dos des protagonistes. « Ils eurent alors l'impression d'entendre un bruit se rapprocher. Comme quelque chose que l'on frotte légèrement sur le sol. Le bruit produit par un délicat frôlement entre les murs se dirigeait vers eux. » Vite, il faut fuir ! Mais encore, faut-il que cela soit possible…

 

« On aurait dit un assemblage de sons gutturaux n'ayant pour lui aucun sens. Il essaya encore de s'enfuir, mais c'était peine perdue. » Frédéric Livyns est doué pour nous faire « entendre » ces bruits terrifiants sans qu’aucun son ne sorte de ces pages ! L’ambiance est à chaque fois cinématographique, sans que jamais ce ne soit grotesque ou caricatural. Les nouvelles sont courtes et vont à l’essentiel, et les chutes proposées sont redoutables ! Je me suis exclamée à plusieurs reprises, horrifiée !!!

 

Bref, j’ai beaucoup aimé ce recueil dans lequel le thème de la maison hantée est abordé sous divers angles : fantômes, créatures dignes de l’univers de Lovecraft, folie, et tableaux envoûtés dynamisent le concept de base et vous surprendront à coups sûrs ! Osez « Entrez… » !

samedi 9 octobre 2021

Ces orages- là, Sandrine Collette (JC Lattès, 01/2021)


 

Ces orages- là, Sandrine Collette (JC Lattès, 01/2021)

💔

 Mais qu’est- il donc arrivé à Sandrine Collette ? Où sont donc passés ses personnages aux actions dérangeantes et aux paroles qui claquent ? Quel ennui dans « Ces orages- là » !!!! Je suis péniblement arrivée à la moitié du roman parce que je m’attendais à ce que tôt ou tard, il y ait de l’action, un retournement de situation, du sang quoi !!! Mais non, rien qu’une narration sans fin, quasiment sans dialogue, qui nous relate la manière dont Clémence essaie de se reconstruire après trois ans d’une relation toxique avec un véritable pervers.

 

« Elle, elle court dans les bois. Elle voit mal. Elle devine, plutôt – pourtant elle le connaît, cet endroit. Plusieurs fois, des branches ont giflé son visage et elle a failli tomber en trébuchant sur des racines. » Ce prologue qui rejoue la légende de Daphnis et Apollon selon Ovide m’avait pourtant semblé être un bon signe : la nymphe est poursuivie jusqu’à l’épuisement par le Dieu des Arts puis se transforme en laurier pour enfin définitivement lui échapper. Comment Sandrine Collette, que l’on devine amoureuse de la nature, allait- elle réinterpréter ce mythe ? Que se passe t-il quand Thomas – Apollon rejoint Clémence – Daphnis ? Silence.

 

« Pourquoi elle, hein ? Pourquoi, si ce n’est qu’elle le portait sur la gueule ? Une petite fille trop maigre avec des grands yeux timides. Autant l’admettre : la victime idéale. » Pourquoi rapporter ces paroles ordurières du passé de manière indirecte, pourquoi ne pas remonter le temps et permettre au lecteur d’assister à la scène ? Cette passivité forcée m’a endormie…

 

« Je viens de servir de serpillière à un homme que j’ai pris pour le prince charmant pendant trois ans et j’ai l’impression que c’est entré dans mon ADN. Serpillière un jour, serpillière toujours. » Je me suis aussi lassée de cet auto- apitoiement récurrent. Pourtant, j’en ai lu des récits sur l’emprise, les violences faites aux femmes, notamment par ceux que l’on surnomme les « pervers narcissiques ». J’en ai été émue.  Mais ici, je n’ai ressenti aucune empathie pour Clémence, personnage tellement fuyant qu’il n’aura pas su s’inscrire dans mon âme de lectrice.

vendredi 8 octobre 2021

Mon mari, Maud Ventura (L'Iconoclaste, 08/2021)



Mon mari, Maud Ventura (L'Iconoclaste, 08/2021)

💚💚💚💚💚

 Maud Ventura signe là un premier roman autant déroutant que jouissif sur le quotidien d’un couple à l’apparence des plus banale mais au fonctionnement des plus loufoque ! Le narratrice prend le parti de nous raconter une semaine de sa vie conjugale, n’omettant rien de ses tracas, ô combien perturbants : elle aime son mari, passionnément, à la folie… et pour elle, il est évident que c’est un problème !

 

« Dans ma vie, le mauvais goût est toujours resté un péril constant, car j'ai vite compris que l'argent de mon mari ne m'achèterait ni l'élégance ni les bonnes manières. » Le choix de l’auteure d’utiliser une narration omnisciente permet au lecteur de ressentir très vite une certaine empathie envers cette quadragénaire qui doute d’être aimée par son mari autant qu’elle- même en est éprise. La différence sociale est- elle cependant un prétexte au comportement de la narratrice ? Certaines de ses pensées font en tout cas, bien sourire…

 

« J'espère que mon mari n'arrivera pas à se rendormir et que son insomnie lui laissera tout le temps nécessaire pour réfléchir à sa trahison. C'est important qu'il s'interroge : comment a-t-il pu réduire sa propre femme au rang de vulgaire clémentine ? Et pourquoi pas une banane ? » Alors qu’elle a une vie parfaite, un mari qui semble idéal et deux enfants bien élevés, cette professeure d’anglais et traductrice de romans à succès est persuadée d’être la femme la plus malheureuse du monde. Chaque moment passé avec son mari est analysé, décortiqué, et raconté dans un carnet.

 

« Quand j'aime, je deviens sévère, triste, intolérante. J'installe une ombre de gravité autour de mes amours. J'aime et je veux être aimée avec tellement de sérieux que cet amour devient vite épuisant (pour moi, pour l'autre). Bref, j'ai l'amour malheureux. » Et quel gâchis, peut- on penser ! Mais en même temps, cet amour fou à en être loufoque, ces rituels ridicules, ces raisonnements pitoyables que l’on découvre, éberlué, au fil des pages qui se tournent toutes seules, ne sont-ils là que pour pointer du doigt un phénomène sociétal poussé ici à son paroxysme?  Cette obsession qui tourne à la folie de ne pouvoir tout contrôler s'exprime dans une phrase du premier chapitre : « Mon mari n'a plus de prénom, il est "mon mari", il m'appartient. »

 

Au final, un très bon moment de lecture ! Maud Ventura possède un style bien particulier qui permet au lecteur d’avancer de surprise en surprise. J’ai bien cru que la narratrice se ferait tôt ou tard avoir à son propre jeu, et je n’ai absolument pas vu cet épilogue arriver !!! D’ailleurs, je ne sais toujours pas qu’en penser : époustouflant ou monstrueux ? Vous, qui l’avez lu ; vous en pensez quoi ?!!

jeudi 7 octobre 2021

La fille qui voyait le mal, Ludovic Bouquin (M+ Editions, 10/2021)


 

La fille qui voyait le mal, Ludovic Bouquin (M+ Editions, 10/2021)

💓💓💓💓

Un policier – thriller saupoudré d’ésotérisme et planté dans le décor du Vatican ; ça vous dit ? J’avoue qu’au début, j’étais sceptique… Encore un remâché du « Da Vinci Code » ? Hé bien, non, pas du tout. Pas de recherches symboliques ni bibliques ici. Nous sommes bien ancrés dans le présent, avec même un pied dans un futur que d’aucuns souhaitent rendre chaotique. Et pour lutter contre cet immonde complot, Ludovic Bouquin nous propose une héroïne attachante dotée d’un don particulier, celui de voir le Mal…

 

« Elle distinguait une personne et deux spectres colorés à gauche et à droite de cette personne. Le spectre de couleur variait du blanc jusqu'au noir, sans omettre une seule des couleurs qui existaient sur terre. Dans une version simplifiée, ça représentait le bien et le mal chez tout individu. » Dossi fait partie de la garde suisse qui a pour mission de protéger le Pape lors de ses déplacements. D’origine béninoise, elle a hérité de sa famille un don particulier : celui de percevoir l’aura des personnes et donc de pouvoir discerner les éventuels actes de violence à venir.

 

« - Je doute toujours de ce que je vois, c'est une accusation très grave. J'attends, impuissante, que le pire arrive et je ne me trompe pas jamais. » Malgré son talent inestimable, Dossi est une jeune femme humble, qui ne rêve que de vivre paisiblement, loin de l’agitation et de la foule. Mais voilà qu’on lui donne une mission à remplir : enquêter sur des actes brusques et violents qui se déroulent en plein jour et en plein Paris. Et on lui adjoint deux équipiers : Axelle, la policière rebelle, et Gédéon, le psychiatre farfelu. Ce trio improbable va devoir se serrer les coudes pour remonter la piste des ignobles comploteurs qui ont pour objectif de mettre le monde sans dessus dessous.

 

« Elle avait réussi à créer le chaos, elle pouvait toucher plus de personnes. Les applications étaient multiples et redoutables. Le monde allait changer profondément, et elle serait à l'origine de sa mutation. » Le Vatican cache bien des mystères, et quelques cardinaux à l’âme bien impure. L’argent, le pouvoir et l’orgueil sont des vices intrinsèques à la plupart des Hommes, quels qu’ils soient. Et quand des scientifiques promettent de trouver un moyen d’insérer la violence « à la demande » sur Terre, les billets s’abattent sur la table entre les mains de bien vils scélérats. Notre trio va devoir surmonter bien des épreuves pour arriver à faire tomber les coupables…

 

Au final, un roman qui se lit tout seul. La première moitié est menée tambour battant, et le rythme est intense, entre les rencontres et les revers de fortune de nos trois protagonistes. La dernière partie est un peu plus lente ; on sent un peu la fin arriver ! Sinon, j’ai énormément apprécié le personnage de Dossi ; j’aurais presque envie de la rencontrer en vrai !!! Gédéon est lui aussi très attachant. Personnellement, j’aimerais bien qu’il y ait une suite !

mercredi 6 octobre 2021

La Loi des hommes, Wendall Utroi (Le Livre de Poche, 09/2021)



La Loi des hommes, Wendall Utroi (Le Livre de Poche, 09/2021)

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J’ai découvert la plume captivante de Wendall Utroi dans « Les yeux d’Ava » cet été ; je l’ai par la suite fait lire à tout mon entourage tellement je l’avais trouvé poignant ! J’avais donc précommandé « La Loi des hommes » dont la sortie en format poche était annoncée en cette fin septembre. Et je n’ai vraiment pas été déçue par ma lecture !

 

« A Houtkerque, ce Hardwell a été, pendant des décennies, le sujet de mille rumeurs, on le disait enfui d'Angleterre, endetté, criminel, rentier, chercheur et même écrivain raté, et Jacques va vider sa tombe. » Jacques est cantonnier à Houtkerque, commune située à quelques kilomètres de Dunkerque. C’est à lui que revient la tâche de déplacer les restes des personnes dont la concession vient d’expirer au cimetière. Une mission repoussante mais qui va permettre au quinquagénaire de faire une étrange découverte : un coffre rouillé se trouvait enterré aux côtés du mystérieux J. Wallace Hardwell… A l’intérieur se trouve un manuscrit rédigé en anglais très bien conservé : Jacques va en découvrir le contenu et le partager avec nous, lecteurs.

 

« Pendant ma courte carrière, j'avais vu des choses repoussantes, malodorantes, sanguinolentes, morbides, mais je n'avais jamais ressenti ce malaise, cette envie de me boucher les oreilles. Je n'avais jamais eu cette nausée qui me faisait désespérer de l'Homme. » Cap sur l’époque victorienne, en plein cœur de Londres, où Hardwell exerce le métier d’enquêteur au sein de Scotland Yard. Notre policier va se retrouver chargé d’une mission pour le moins délicate : il doit entendre des témoins aux attitudes fallacieuses afin d’éviter qu’un scandale mettant en cause la Couronne royale éclate.

 

« Une fois qu'on tombe dans la prostitution, c'est comme marcher sur une planche savonneuse, tu voudrais t'en sortir, mais à chaque tentative tu glisses un peu plus. » Hardwell, grâce à une intelligence tactique, va démêler les écheveaux d’une histoire de famille retors, dans laquelle la misère et la rue ont produit des mœurs inconcevables. Pour un esprit probe comme lui, il va être dur d’accepter l’hypocrisie des nantis qui maintiennent un voile sur les actes ignobles perpétrés sur des êtres misérables.

 

Au final, un roman qu’il est impossible de lâcher. L’auteur vous plonge dans les bas- fonds de Londres, ses relents nauséabonds, ses crimes ignobles sur fond d’histoire vraie. La double temporalité permet au lecteur de souffler momentanément lorsqu’il retrouve Jacques, de nos jours. Néanmoins, Wendall Utroi n’en oublie pas de nous glacer les sangs avec les révélations liées au réel de notre société actuelle dans les derniers pages… A LIRE !