mercredi 30 juin 2021

F.L.I.C. Tome 2 – Résurgence, Abby Soffer (Elixyria, 10/2020)


 

F.L.I.C. Tome 2 – Résurgence, Abby Soffer (Elixyria, 10/2020)

💙💙💙💙

J’avais quitté Ashley Johnson il y a quelques temps, à deux doigts de démissionner de la Police de New- York pour intégrer une unité d’intervention gouvernementale américaine secrète nommée FLIC. Cette tête brûlée qui ne mâche pas ses mots et cultive un cynisme acerbe à l’encontre de ses contemporains n’est en rien impressionnée par l’équipe de surdoués qui entourent Ayden Moore, le boss. Dans ce second tome de la saga, Ash va apprendre à travailler avec cette nouvelle équipe.

 

« Tu es humaine, et c'est humain de poursuivre sa route, malgré la douleur, c'est humain de regarder demain, qui abritera peut- être un peu moins de douleur qu'aujourd'hui. » Ashley est toujours éplorée suite à la mort de son ancien collège, Zyan, qui était aussi son meilleur ami et le père de sa filleule adorée, Cassie. C’est sur ce terrain meurtri que vont devoir éclore ses nouvelles relations de travail.

 

« [On t'aime.] Je n'y répondrai pas, je ne le fais jamais. Je ne sais pas ce que c'est "aimer". C'est un mot qui n'a pas de sens à mes yeux. Je me soucie des personnes qui me sont proches, j'essaie de leur rendre la vie plus facile. Si c'est ça "aimer" alors, peut- être, mais rien n'est moins sûr. » L’amour est un sentiment qu’Ash ne comprend pas, ne perçoit pas. Dans ce tome 2, d’ailleurs, des réminiscences douloureuses et dérangeantes de son enfance vont remonter mystérieusement à la surface… Mais néanmoins sans lui permettre de tisser le fil lui permettant de retrouver son identité initiale complète ni d’ancrer ses premières années dans un contexte spatio- temporel concret. L’amnésie de ses débuts dans la vie persiste...

 

« Qui s'autoproclame juge et bourreau, quand la tolérance et le pardon sont les préceptes fondateurs de tout ce en quoi ils prétendent croire.
Qui distribue la haine, quand les croyances prônent l'amour.
Qui offre la mort pour honorer la vie. »

C’est donc parti pour la première enquête d’Ashley au sein du FLIC ; elle aura lieu en France, dans la petite ville de Chessa, où un attentat terroriste extrêmement meurtrier vient d’avoir lieu. Son intuition, à coup de « glop » instinctifs terriblement efficaces, va permettre à l’enquête d’avancer de manière concluante. Et c’est sans compter sur les compétences hors normes de ses collègues, qui, en plus de surprendre la jeune femme par leur efficacité, vont lui assoir une place parmi eux, même si les nombreuses prises de bec avec Moore vont la laisser (et nous avec !) bien perplexe !

 

J’ai vraiment bien aimé ce deuxième tome dans lequel, l’empathie d’Ashley pour les petites filles victimes de la cruauté du monde résonne comme une quête initiatique dans laquelle elle semble se jeter inconsciemment. Vivement le tome 3 qu’on en apprenne davantage !

lundi 28 juin 2021

Voyage au centre d’un cerveau d’autiste, Babouillec (05/2021)



 Voyage au centre d’un cerveau d’autiste, Babouillec (05/2021)

💓💓💓💓

« Je me sens prisonnière dans un bocal, un aquarium à taille humaine. » Difficile de parler de ce petit livre d’Hélène Nicolas, surnommée Babouillec. Cette trentenaire a été diagnostiquée autiste très déficitaire dès son plus jeune âge. Elle est enfermée dans le silence, incapable d’écrire, de parler, du fait d’une habilité motrice insuffisante. C’est sa mère qui va lui apprendre pas à pas, durant des années, à utiliser les 26 lettres cartonnées qu’elle lui a confectionnées, pour lui permettre d’exprimer ses pensées. Un documentaire a d’ailleurs été réalisé sur cette expérience d’un « apprendre à apprendre » inédit ; « Dernières nouvelles du cosmos ». Il a été nominé aux Césars 2017 du meilleur film documentaire.

 

« Toutes ces années à user tes fonds de culotte sur les bancs de la certitude ne racontent pas toujours la profondeur, ni la taille des espaces aménagés pour comprendre. » Babouillec a tout à fait conscience de sa différence. Elle a suivi l’école maternelle durant deux ans, et elle sait que c’est dans les établissement scolaires que l’on est censé apprendre. Là où elle ne peut pas aller. Mais aucun regret : elle a compris que son cerveau n’était pas modelé comme le voudrait la « norme sociale ».

 

« Le cerveau stimulé depuis la naissance dans le processus de ressemblance apprend.
Il apprend la grandeur de l'autre dans sa loi des limites humaines, la survie sociale. »
La jeune femme est capable de formuler une analyse extrêmement éclairée de ce qu’elle vit au quotidien. Et c’est troublant !

 

« Tout est noir dans l'escarcelle du cerveau reptilien. Pas de croas, croas dans ma mémoire animale. » Babouillec assume sa différence ; la regarde même avec humour. Ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas parler à voix haute, ni écrire d’un geste fluide sur une feuille ou sur un ordinateur qu’elle va refreiner ses envies de s’exprimer, de partager ses réflexions sur le monde, sur ce qu’elle ressent dans son corps, dans son âme.

 

« C'est tous feux éteints que sans crier gare, l'esprit se faufile dans les limbes, assoiffé de visiter le paradis dont il ne connait pas l'adresse. » Emplis de poésie, ces courts textes m’ont fait sourire, m’ont fait réfléchir, m’ont perdue aussi parfois, mais je ressors de cette lecture très émue, et troublée. Une auteure à découvrir !

Pietà, Daniel Cole (Robert Lafont, 07/2021)


 

Pietà, Daniel Cole (Robert Lafont, 07/2021)

💓💓💓💓

 Ce n’est pas la première fois que je lis un roman policier dans lequel un criminel s’inspire d’œuvres d’art pour mettre en scène ses victimes, mais j’avoue avoir été bien étonnée ici par le machiavélisme du personnage du meurtrier. J’ai lu ce livre en deux jours ; avide de connaître la suite des événements mais aussi, et surtout, de voir jusqu’où Daniel Cole allait s’aventurer. Et je n’ai pas été déçue…

 

« - "Le penseur" de Rodin, annonça-t-il. Ce qui signifie que sur les deux scènes de crime, les corps ont été disposés de façon à imiter des sculptures célèbres. » Le sergent Chambers est envoyé sur une bien étrange affaire : on a découvert des corps disposés à la manière de statues légendaires. Cette particularité l’amène à rapidement faire un lien entre les deux meurtres qui ont été perpétrés. Aidé par l’agent Winter, Chambers remonte vite la piste de deux suspects potentiels. Mais voilà que leur chef refuse d’aller dans leur direction… Et qu’un accident met nos deux enquêteurs hors service.

 

« Au fil des ans, son apparence non conformiste lui avait souvent valu d'être comparée à un vampire, comparaison qui sonnait encore plus juste quand elle travaillait de nuit en hiver. » Marshall, jeune recrue de la Metropolitan Police, assume complètement son look de gothique et ses tatouages qui détonnent dans l’univers policé des flics londoniens. Stagiaire au stups, elle va avoir l’audace de remonter le fil de l’enquête menée sept années plus tôt sur cette affaire qu’elle n’a jamais pu oublier. Sa hardiesse va lui permettre de faire une découverte déterminante. Mue par la force de ses nouvelles pistes, elle va contacter Chambers et Winter.

 

« - Et tu cherches un démon sous forme humaine. Tu savais déjà que ce tueur était intelligent. Maintenant, tu sais aussi qu'il peut être violent. Tu es là à sourire comme si c'était un jeu, mais ça n'en est pas un. C'est ta vie, et aujourd'hui elle se retrouve liée à la sienne, à celle d'un tueur en série. » Après sept années d’accalmie, le tueur reprend soudainement du service, titillé par les découvertes de Marshall, et au grand dam de Chambers.  En retrouvant Winters et en prenant Marshall sous son aile, il ne s’attendait certainement pas à vivre les cauchemars qui seront les siens durant les semaines qui vont suivre, s’épuisant à traquer un criminel à l’esprit terriblement tordu et sans scrupule ; celui d’un monstre se nourrissant de légendes antiques et artistiques.

 

Au final, un roman policier addictif, que j’ai vraiment dévoré. J’ai regretté le côté un peu confus de certains passages de la première partie, puis la deuxième partie, beaucoup plus fluide et explicite m’a embarquée jusqu’à la fin. Il n’y a pas à dire, Daniel Cole est un auteur que j’apprécie !

vendredi 25 juin 2021

F.L.I.C. Tome 1, Implosion, Abby Soffer (Elixyria, 02/2020)


 

F.L.I.C. Tome 1, Implosion, Abby Soffer (Elixyria, 02/2020)

💓💓💓💓

F.L.I.C. : Forte, Loyale, Intuitive, Charismatique. Quatre lettres, quatre adjectifs qui décrivent parfaitement le personnage d’Ashley Johnson, inspectrice à la brigade criminelle de New York. Cette femme athlétique, au caractère bien trempé, qui se nourrit de donuts et de chocolat, ne fait pas dans la dentelle. C’est plutôt un garçon manqué, toujours prête à se battre pour faire régner la justice à sa manière. Mais voilà qu’après avoir été trop imprudente sur une affaire, elle est sanctionnée d’une mise à pied. Rester tranquillement chez elle le temps qu’une enquête interne soit menée ? Certainement pas…

 

« Rares sont ceux qui ont réussi à percer cette armure pour découvrir celle qui se cache en moi. » Ashley vit seule, totalement dévouée à son travail. De nombreuses zones d’ombre entourent son passé, d’autant plus qu’elle souffre d’une amnésie partielle. L’auteure distille les éléments au compte- gouttes, mais parvient tout de même à en faire un personnage attachant grâce à un point de vue interne très enrichi au niveau des émotions et des sentiments ressentis par Ashley, qui est aussi la narratrice.


« Petit un : les adolescents ne pensent qu'au sexe, à l'alcool, à la fête et à la prochaine connerie qu'ils vont faire.

Petit deux : réfléchir et puberté sont deux notions totalement incompatibles.
Enfin petit trois : l'arrogance est l'apanage des imbéciles. »
Le récit opère plusieurs retours dans le passé pour permettre au lecteur de comprendre les rouages de l’affaire qui a mal tourné. Les réflexions satiriques de notre inspectrice sur ses semblables sont savoureuses !

 

« Parfois, reconnaître sa défaite est la seule chose intelligente à faire. » Un étrange personnage va intervenir dans la vie d’Ashley, lui donner des pistes, la protéger. La jeune femme va peu à peu baisser les armes, face à cet homme qu’elle se plaît à surnommer « Godzilla » ou « T. Rex ». Pourquoi toujours résister ?

 

Au final, un roman policier que j’ai lu avec énormément de plaisir car l’héroïne, Ashley, cache sous sa rudesse une personnalité touchante, et puis parce que la plume d’Abby Soffer est vraiment très plaisante. J’ai maintenant hâte de lire le tome 2 !

dimanche 20 juin 2021

Sans alcool, Claire Touzard (Flammarion, 01/2021)


 

Sans alcool, Claire Touzard (Flammarion, 01/2021)

💙💙💙

Alors que les terrasses des cafés viennent de rouvrir, que les gens, enfin libérés des obligations liées à la Covid, s’y sont précipités, j’ai trouvé intéressant de lire ce récit de vie, qui questionne la consommation d’alcool en France. Claire Touzard est journaliste, vit à Paris et il y a deux ans, elle a décidé d’arrêter de boire, un premier janvier. Elle raconte ici son parcours, jonché de difficultés et d’épreuves, pour tenir bon vers une sobriété durable et installée.

 

« J'étais ivre et titubante. J'avais atteint ce point. Celui où le cerveau s'arrête de tourner et où les anxiétés sont englouties. J'avais bu deux, cinq, dix verres. Voilà que je le trouvais. Cet oubli, ce moment où vous n'existez plus vraiment, où vous vous décollez de vous- mêmes. J'ai cherché ce point toute ma vie, depuis mes seize ans, frénétiquement. » La narratrice a clairement un problème avec l’alcool. Son milieu professionnel ne l’aide pas : les soirées dans le monde de la presse sont légion. Elle en ressort à chaque fois totalement ivre, et le matin, se retrouve dans l’incapacité de se remémorer les détails de la veille. Mais ce n’est pas grave, le soir- même elle recommence, car comme on le lui a si souvent répété : « on guérit le mal par le mal ».  

 

Claire Touzard porte quelques traumatismes de l’enfance, qu’elle dévoile au fur et à mesure des pages. Serait- ce là l’origine de son alcoolisme ? « J'avais la même relation à l'amour qu'à l'alcool. Cette peur de l'abandon héritée de l'enfance, cette fragilité me rendait accro à l'autre. J'étais peu regardante sur la qualité de l'amour, tant qu'on m'en filait la bonne dose. »

 

« En Bretagne, comme dans beaucoup de régions en France, boire est incontournable. L'alcool est le psy inexistant, le Lacan des âmes torturées du village. » On dit que certaines régions françaises sont plus touchées que d’autres par les ravages de l’alcool. Être née dans une famille où l’on biberonne les enfants au cidre, ne serait- ce pas là aussi une explication à sa consommation excessive d’alcool ? D’ailleurs, lorsque Claire Touzard apprend à son entourage qu’elle a décidé de devenir sobre, sa famille et ses amis ont des réactions étonnantes, comme si elle reniait ses origines, son sang…

 

Au final, un récit de vie très intéressant à lire car il pose les bonnes questions sans jamais jeter l’opprobre sur quiconque. L’auteure a été alcoolique et elle en prend la responsabilité. Elle interroge nos habitudes, cette manie française de déboucher une bouteille à la moindre occasion et à regarder d’un drôle d’œil celui qui reste sobre dans le groupe. Si au début du récit j’ai eu l’impression de lire une snobinarde, j’ai apprécié de découvrir au fil des pages une jeune femme plus humble qu’il n’y paraissait. Quelques zones d’ombres du passé demeurent et j’espère quelles seront dévoilées si jamais il y a, comme évoqué, une suite à ce récit. 

jeudi 17 juin 2021

Le cerf- volant, Laetitia Colombani (Grasset, 06/2021)



Le cerf- volant, Laetitia Colombani (Grasset, 06/2021)

💛💛💛💛 

Laetitia Colombani, pour son troisième roman, a choisi de repartir en Inde, dans l’esprit de La tresse, son premier roman au succès désormais mondial. Elle reprend ainsi la recette qui a fait sa renommée : des filles, des femmes en détresse, soumises à des diktats ancestraux et de fait désuets, mais surtout particulièrement révoltants quand on appartient soi- même au beau sexe. Ici, c’est un cerf- volant qui va servir de lien entre Léna, Française anéantie par un drame personnel, Lalita, petite orpheline de dix ans déjà exploitée, et Preeti, chef d’une brigade de jeunes femmes qui pratiquent les sports de combat dans le but de porter secours aux trop nombreuses filles agressées.

 

« Léna observe son visage, ses cheveux tressés, sa silhouette menue dans cet uniforme d'écolière qu'elle arbore tel un étendard, cette tenue qui n'est pas seulement un morceau de tissu mais une victoire. » Léna est enseignante en France. Venue en Inde pour essayer de se retrouver après un drame qui l’a anéantie, c’est sa rencontre avec la petite Lalita qui va lui donner une motivation capable de lui redonner envie de vivre : fonder une école dans un petit village indien pour éduquer les filles, afin de leur offrir la possibilité d’avoir un emploi et d’échapper aux trop nombreux mariages forcés.

 

« Le long de la célèbre Falkland Road, il n'est pas rare de voir des fillettes de douze ans en cage : les plus jeunes sont les plus chères et les plus prisées. » Il ne fait pas bon naître fille d’une caste inférieure en Inde. Laetitia Colombani appuie son récit sur des données chiffrées implacables et des informations dûment documentées. Son personnage, ultra- attachant, de Preeti s’en fait le porte- parole : « Naître femme et "Dalit" est ainsi la pire des malédictions. Elle- même peut en témoigner, comme chaque membre de sa brigade. Toutes sont des rescapées, toutes victimes d'un cruel paradoxe : ces filles qu'on ne doit pas toucher, on n'hésite pas à les violer. »

 

« Pas besoin d'avoir le même sang pour être sœur, fille ou mère, songe Léna. » L’esprit de sororité est bien le seul élément capable de faire évoluer les choses dans certains pays comme l’Inde, même en 2021. L’auteure dénonce ces violences faites aux femmes par le biais d’une jolie histoire, richement documentée et agrémentée d’une plume fluide et pleine d’émotion. Son trouble se perçoit dans certains passages, comme si elle s’adressait directement à son lecteur : « tu te rends compte ? ».

 

Au final, un roman très bien écrit, très émouvant, frustrant aussi car on aimerait tellement venir en aide à ces filles qui n’ont d’autre destin que d’être asservies de leur naissance à leur mort. Par contre, j’ai peur que ce récit ne soit un peu trop catalogué « pour les femmes » alors qu’il faudrait que les hommes, aussi, et surtout, prennent conscience de ce qui se passe pour celles qui sont leurs égales, à un niveau mondial.

dimanche 13 juin 2021

Seule la haine, David Ruiz Martin (Taurnada, 06/2021)


 

Seule la haine, David Ruiz Martin (Taurnada, 06/2021)

💛💛

 

Un cabinet de psychanalyste, en centre ville. Elliot, quinze ans, n’a pas rendez- vous mais il parvient à s’y incruster. Larry Barney pense que cet adolescent a besoin de s’épancher, mais il va vite déchanter. Le voilà menotté à son fauteuil, face à un gamin armé venu se venger…

 

« L'être humain est faible et Elliot en est conscient.
Notre monde va mal et Elliot en est conscient.
Son frère s'est logé une balle dans la tête et Elliot en est conscient. »
Simon, le frère du jeune garçon, s’est suicidé. Elliot, qui ne parvient pas à faire son deuil, est persuadé que si son aîné a mis fin à ses jours, c’est de la faute du psychanalyste qui le suivait.

 

« Pour une raison que j'ignore, ce gosse se joue de moi. Il prend un plaisir non dissimulé à me faire perdre mes moyens. A me détourner de mes pratiques habituelles, et je n'aime pas ça. J'ai soudain très chaud. J'ai soudain envie de hurler. J'ai soudain envie de lui coller la gifle qu'il mérite depuis son arrivée ! » Elliot va alors se mettre à narrer une drôle d’histoire, dans laquelle Larry se retrouve bien plus impliqué qu’il n’y paraît. Ses certitudes vacillent face aux propos de l’adolescent intellectuellement précoce.

 

« L'être humain est une espèce lâche, Doc, vous le savez bien. Les gens préfèreraient laisser couler un môme au fond d'un lac plutôt que de prendre le risque de saloper leur précieux costard. » L’adolescent, désabusé, semble prêt à tout, même au pire. Jusqu’où cette confrontation en huis clos va -t- elle aller ? Comment vont-ils, l’un et l’autre, s’en tirer ?

 

Les personnes qui aiment se perdre dans les thrillers psychologiques à huis clos vont sûrement adorer cette lecture qui retourne bien les méninges dans touts les sens. Qui dit vrai ? Le doute s’installe dans la tête du narrateur, Larry, mais aussi dans la tête du lecteur, de manière durable. Les faits racontés par Elliot sont monstrueux et on compatit rapidement à son envie de venger son frère. Mais personnellement, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans le récit, puis j’ai trouvé quelques longueurs, et répétitions, qui m’ont fait décrocher de l’histoire. Je n’arrivais plus à y croire. C’est dommage.

mercredi 9 juin 2021

Les jumeaux de l'enfer, Antoine Léger (M+ éditions, 05/2021)



Les jumeaux de l'enfer, Antoine Léger (M+ éditions, 05/2021)

💚💚💚💚

 « La violence, c'est la réponse extrême de l'incompris. Le recours à la violence vient toujours signer une souffrance. » Des personnages qui souffrent, vous en trouverez dans les pages de ce court thriller haletant. De la violence aussi ; et cela, crescendo. Antoine Léger semble ne pas connaître la pitié, la condescendance. Le lecteur de thriller veut du sang, de l’injustice : il va les lui fournir sous le prétexte de l’Histoire.

 

« La batterie et la basse fusionnent maintenant sur un rythme rock improvisé. Les murs vibrent. L'immeuble résonne.
Ce soir, pour eux, un unique objectif : s’éclater ! »
31 décembre 2018, Occitanie : les personnages présents, que l’auteur nous a présentés dans la première partie, sont prêts à passer le réveillon de la Saint- Sylvestre. Certains sont pressés de recevoir leurs invités pour une soirée de folie, d’autres vont en profiter pour régler quelques comptes, mais deux jumeaux néo- nazis, eux, vont s’organiser pour s’échapper de la prison dans laquelle ils sont retenus depuis plusieurs années, prêts à célébrer un anniversaire qui n’a rien de festif.

 

« Le silence laisse la place au bruit du billet. Ben est songeur, puis soudainement, sur un ton assuré et direct, reprend du poil de la bête.
- Je peux te proposer 2000 euros dès ce soir.
- Quoi ? Tu te fous de ma gueule ? lâche le jeune intéressé.
Les yeux du jeune homme s'écarquillent. Surprise, Rachel se retourne, étonnée, vers son frangin à terre.
- Oui, mais c'est pour un contrat à exécuter ce soir.
En guise de conclusion une goutte d'eau vient de tomber du plafond dans le seau jaune. »

Toutes les personnes qui se retrouveront à Montauban, au 18, quai Montmurat, n’auront pas tous un accès direct au Paradis. Les jumeaux Zoma vont leur offrir un aller simple pour l’Enfer…

 

Au final, un thriller qui m’a vraiment prise par surprise ! Je ne pensais pas du tout faire ce détour par l’Histoire de France et ses périodes sombres. J’ai été scotchée par l’accélération inattendue des événements et par une montée de violence exponentielle. J’avoue que j’aurais aimé en savoir plus sur les frères Zoma, juste pour essayer de comprendre comment ils en étaient arrivés là. Mais Antoine Léger a peut- être raison de laisser ce passé sous silence ; ce serait peut-être l’occasion de donner une fausse excuse donnant des circonstances atténuantes à ces deux êtres abjects… Auteur à suivre de près !

lundi 7 juin 2021

Liz – T. 5.1 – Traque en eaux troubles, G.H. David (Elixyria, 11/2020)



Liz – T. 5.1 – Traque en eaux troubles, G.H. David (Elixyria, 11/2020)

💙💙💙💙

C’est toujours un plaisir de retrouver l’écriture élaborée et sensible de G.H. David. J’ai aimé replonger dans la saga Liz, retrouver son ambiance particulière, entre grand banditisme et alcôves sensuelles. Ici l’auteure a déclaré vouloir orienter davantage son intrigue du côté du thriller et c’est fort bien réussi. Il faut dire que le personnage trouble d’Alex, ayant un rôle prépondérant dans le début de la saga, se prête parfaitement au jeu subtil du prédateur multipliant ses proies avec tact et sadisme.

 

« Mes mâchoires se crispent de rage, parce que je prends toute la mesure du monstre que je suis, comme l’étaient mon père et son père avant lui : une dynastie de tarés sanguinaires. Les bêtes comme nous ne sont pas faites pour aimer et être aimées. Nous sommes des trous noirs absorbant toute bonté et, dans notre âme, la lumière ne perce jamais. » Alex se fait appeler ici Alistair. Nous avions eu des informations sur son enfance brisée dans la saga Liz, mais ici, les détails qui sont distillés donnent la chair de poule. Ils expliquent aussi, peut-être, les raisons qui ont fait de ce personnage un être si tourmenté.

 

« Parce qu'avec tout ce que j'ai vécu durant ces dernières heures, je ne sais même plus qui je suis : deux existences viennent de se percuter de plein fouet, une femme inconnue vient de faire irruption dans mon inconscience, une personne que je ne connais plus assez pour lui faire confiance : "Bonjour, c'est moi, je t'ai manqué ?" Pas du tout... » Estelle est commandant de police. Fraîchement mutée au commissariat de Nice, elle se montre d’entrée froide et distante avec toute son équipe. Son souci ? Elle est amnésique suite à un accident de voiture. Totalement insensible, elle se lance à corps perdu dans une enquête concernant des assassinats de femmes s’étant déroulés dans d’étranges conditions…

 

« Je me tourne pour observer mon épaule sensible. Elle porte l'empreinte de ses dents, les canines ont déchiré l'épiderme d'où s'échappe une perle de sang. Je l'avais déjà dans la peau. Alistair a marqué ma chair de son sceau. » Nos deux âmes tourmentées vont se rencontrer, et peu à peu s’apprivoiser. Les zones d’ombres de l’un et de l’autre vont se percuter avec violence, avec passion, mais jusqu’à révéler des secrets qu’il faudrait peut-être finalement taire pour toujours... A Estelle de choisir, mais cela sera visiblement l’objet d’un prochain tome…

 

Au final, un tome qui se lit tout seul, captivant, grâce à la plume enlevée de l’auteure. Les rebondissements sont nombreux et l’alternance des narrations permettent d’aborder la double intrigue, policière et amoureuse, avec recul. J’aurais néanmoins souhaité en apprendre plus sur le passé d’Estelle et j’espère que des éléments nous seront révélés prochainement ! Alors à quand le 5.2, Geny ?!!

vendredi 4 juin 2021

Push, Annelise Heurtier (Casterman, 06/2021)



Push, Annelise Heurtier (Casterman, 06/2021)

💜💜💜

 « Persist Until Something Happens » Un mantra que Tessa se répète depuis qu’elle l’a lu sur le dos du tee- shirt de son nouvel entraîneur. La gymnastique, c’est toute sa vie… enfin presque. C’est plutôt un style de vie, la mère de l’adolescente voyant à travers ses deux filles la championne olympique qu’elle rêvait de devenir. Mais on ne lui a pas donné sa chance, à elle. En offrant un journal intime à Tessa, l’aînée, elle est persuadée de l’aider à s’épanouir. Et c’est à travers les pages d’écriture de la jeune fille que l’on va suivre son histoire…

 

« Mais en compétition, au moins, on sait exactement ce que l'on a à faire. On a tant de fois répété que le corps se récite comme une poésie. » Tessa est une gymnaste d’un excellent niveau, entraînée par sa propre mère depuis sa plus tendre enfance. Son groupe d’amies est composé des gymnastes de son âge, qu’elle connaît depuis la baby- gym. Sa petite sœur, Coline, est encore plus douée qu’elles toutes. Leur mère est persuadée que la petite pourra intégrer l’équipe de France et participer un jour aux Jeux Olympiques. Dans ce but, caché, elle va embaucher un coach professionnel, Raphaël.

 

« On ne s'arrête pas quand on est fatiguée, on s'arrête quand on a terminé. » Raphaël ne cesse de le leur répéter. C’est un entraîneur exigeant ; les straps, les ampoules et l’arnica sont entrés dans le quotidien des filles. Très vite, des progrès sont observés. Les médailles, elles, s’enchainent avant la dernière compétition de la saison, la plus importante. Et c’est alors que Camille, la gymnaste avec qui Tessa s’entend le moins, laisse tomber son équipe. C’est la catastrophe. Non seulement parce qu’il faut trouver une remplaçante dans l’urgence, mais surtout parce que Tessa a été témoin du drame qui est arrivé à Camille…

 

« Je connais l'exigence, la souffrance et la joie, l'envie de bien faire, le besoin d'être appréciée de son entraîneur, les rapports parfois ambigus que l'on peut nourrir avec lui, quand on n'a que 15 ans et qu'on est en construction. » Dans l’esprit de Tessa, la culpabilité du coach dans ce drame est trouble : Camille ne l’a – t- elle pas cherché avec son attitude provocante ?

 

Au final, un roman dont on sait dès le prologue qu’il sera question des abus sexuels dans le milieu du sport ; l’auteure citant en exemple Sarah Abitbol. Mais cette agression dramatique arrive dans les dernières pages, auréolée de flou et d’incertitudes. J’ai davantage eu l’impression de lire un roman sur la gymnastique ; d’autant plus que diverses figures sont régulièrement mentionnées, et cela, c’est dommage, sans aucune explication… J’ai tout de même apprécié cette lecture grâce à la plume de l’auteure, intelligente et poétique… mais il m’aura manqué du tranchant, de l’offuscation, et de l’émotion.

mardi 1 juin 2021

Opération récupération, Withney G. (MxM Bookmark, 05/2021)



 Opération récupération, Withney G. (MxM Bookmark, 05/2021)

💙💙💙💙

 

J’ai été agréablement surprise par cette romance contemporaine qui met en scène un jeune quarterback, ayant la réputation d’être un coureur de jupons invétéré en plus d’être horriblement prétentieux, et d’une étudiante au profil de l’intello parfaite, cumulant deux Masters, la responsabilité d’un internat et le tutorat d’élèves en difficulté. C’est d’ailleurs dans ce cadre que nos deux personnages vont se rencontrer.

 

« - Eh bien, déjà, tu es imbu de toi- même, arrogant, et tu as tendance à considérer les femmes comme des pions sur un échiquier. Il y a ça d'abord, et ensuite, je suis presque sûre que tu penses que tu es un cadeau des dieux offert aux femmes. Alors, oui, tu m'as déjà offensée. Maintenant, quel cours de littérature vas- tu suivre ce semestre ? » Grayson Connors est promis à une carrière de footballeur professionnel une fois ses études achevées. Mais en se consacrant au sport, il n’a pas réussi à valider les crédits en littérature qui lui permettrait d’obtenir son diplôme de l’université de Pittsburg. Des cours de rattrapage lui sont alors proposés. De son côté, Charlotte Taylor doit valider son double cursus et pour cela, elle va se voir proposer le tutorat de Grayson. Une aberration pour cette jeune femme renfermée, obnubilée par sa future carrière en droit, et qui va refouler d’entrée le jeu de séduction du sportif.

 

Mais… « A ce jour, je n'avais jamais aimé personne comme je l'avais aimée, elle. En toute sincérité je n'avais "aimé" personne depuis Charlotte, parce qu'aucune autre femme ne lui arrivait à la cheville. Cela me mettait d'autant plus hors de moi qu'elle n'avait jamais eu la décence de me dire au revoir. » Grayson est subjugué par cette jeune femme qu’il n’avait jusqu’alors jamais remarqué sur le campus. Et au fur et à mesure de rendez- vous plus ou moins studieux, une histoire d’amour va éclore entre nos deux étudiants. Mais la fin d’année approche : le football professionnel attend Grayson tandis que Charlotte doit intégrer l’une des meilleures facultés de droit. Séparation voulue ? Séparation subie ? Nos deux protagonistes vont se retrouver sept ans plus tard et régler leurs comptes…

 

Au final, une romance qui se lit avec intérêt et plaisir. Ce n’est jamais mièvre ni scabreux. Les personnages sont attachants et parfois déstabilisants dans leurs décisions. Au fur et à mesure des pages, leur véritable nature apparaît. La double temporalité du récit nous permet d’avancer dans leur période estudiantine de l’apprivoisement mutuel, ainsi que dans l’époque plus mature de leurs retrouvailles. Un parallèle que j’ai trouvé très intéressant, et constructif sur l’évolution des personnages et leur prise de responsabilités. Seul le personnage de Kyle m’a fortement agacée. Mais en même temps, qui n’a pas connu de Kyle dans son entourage lors de sa jeunesse ?!!