mardi 30 novembre 2021

Les yeux d’Iris, Magali Collet (Taurnada, 11/2021)

 



Les yeux d’Iris, Magali Collet (Taurnada, 11/2021)

💓💓💓💓💓

 

Prenez une bonne goulée d’air avant d’ouvrir ce roman noir ! Pourquoi ? C’est qu’une fois entré dans le récit, vous ne pourrez plus relever la tête du livre, happé par l’ambiance terriblement oppressante qu’a réussi à y instaurer l’auteure. Celle- ci, Magali Collet, avait déjà frappé fort avec son précédent, « La cave aux poupées », huis clos dérangeant et âpre. Ici, de nouveau, la femme va être la proie de l’homme, déguisé en prédateur, mais dans un cadre, et un scenario, tout autre.

 

« J'observe un type accoudé au comptoir, les yeux rivés sur le poste de télévision accroché en hauteur. Comme les autres, il réagit à la moindre action des joueurs et ne fait pas attention à ce qui l'entoure. Il ne me connait pas et pourtant je sais tout de lui. » Un meurtre et un suicide. Trois hommes. Trois femmes. Et des réminiscences amères, couplées à un pacte de vengeance, terreau sur lequel se dresse cette question : l’amitié a-t-elle un prix ? Morgane revient d’Irlande au pied levé, à la demande de Julie, son amie restée en France. Frédéric, son frère l’accueille à bras ouverts, ravi de pouvoir combler sa solitude. En effet, ils se considèrent comme orphelins depuis que leur sœur aînée, Iris, s’est mystérieusement suicidée, et depuis que leurs parents sont décédés dans un accident de voiture troublant.

 

« Je suis restée parce que je suis déjà morte. Je suis morte le 24 janvier 2012 peu après minuit dans le souterrain d'une gare. C'est pour ça que j'ai rompu. Tu es vivante, contrairement à moi. Ce que mon corps subit ne m'atteint plus. Une morte ne souffre pas, une morte ne ressent rien. » Une femme = une victime. Des amis = la possibilité d’une vengeance. Mais jusqu’à quel point faut-il être tordu pour élaborer un stratagème punitif en se basant sur des souvenirs incertains ? Est-il possible de ronger son frein pendant des années et s’en sortir indemne ?

 

Magali Collet prend ici la cause des femmes à cœur. Celle de toutes ces victimes, qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, qui avaient un décolleté trop plongeant ou une jupe trop courte, qui disaient « non » mais pensaient « oui » ; par coquetterie ??? C’est bien connu, les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent… Ici, le crime est atroce et la vengeance est diabolique par les méandres qu’elle emploie.

 

Au final, un roman lu en apnée. Des scènes glauques, qui tordent l’âme et les boyaux. Une intrigue complexe, dans laquelle il m’est arrivée de me perdre. Mais une histoire forte, servie par une plume percutante, qui va me hanter longtemps. Nous connaissons tous des Morgane, des Julie, et des jeunes femmes aux yeux d’Iris…

lundi 29 novembre 2021

Quand dansent les âmes, Tome 1 – D’une vie à l’autre, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2020)

 


Quand dansent les âmes, Tome 1 – D’une vie à l’autre, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2020)

💙💙💙💙💙

Cap sur la Bretagne, terre de légendes !!!! Anna, jeune femme de vingt- cinq ans, qui fuit toute attache familiale depuis sa majorité s’y rend suite au message post- mortem de sa grand- mère maternelle, qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer : « Tu ne me connais pas. Pourtant, j'ai grand espoir. » Mais pourquoi est-elle celle de la famille qui a hérité du manoir de l’aïeule près de Saint- Malo ? Et puis, cet espoir, il cache quoi ?

 

« Mais le 16 juin 2018, au crépuscule, "Karreg An Tan" se mit à flamber.
Certains croiront, d'autres non.
Certains se prépareront, d'autres resteront dans l'ignorance. »

L’arrivée d’Anna à Saint- Malo ne passe pas inaperçue. Elle qui venait en Bretagne en se posant mille questions se trouve désarçonnée lorsqu’elle rencontre la bande d’habitués du Bleiz and Breizh. Pourquoi semblent-ils la connaître avant même son arrivée ? Quel est le lien qu’ils entretenaient avec Adelaïde, sa grand- mère qu’ils semblent avoir si bien connue ?

 

« En Bretagne, il est dit que l'oiseau de la mort voltige autour de la maison et frappe à la vitre quand vient la mort. Ce soir- là, pour sûr, la mort rodait. On pouvait entendre le grincement des roues que produisait la charrette de l'Ankou, plus communément appelé l'Ange de la Mort. » Anna ne tarde pas à être confrontée à des scènes qui dépassent son entendement. Une bête monstrueuse, du sang, un crime. Était- ce vraiment un loup- garou ? Son esprit cartésien doute… Et qu’en est- il de Lan, cet homme si séduisant qui semble toujours apparaître là où elle est en danger… Qui est- il ? Pourquoi est-elle autant attirée par lui alors qu’il semble la rejeter ?  

 

Ce premier tome d’une quadrilogie pose des questions, puis y répond au fur et à mesure des chapitres, avec un suspens palpable. L’auteure distille ses informations au compte- gouttes ! J’adore l’univers qu’elle propose ici, entre réalité et légendes ancestrales ! Sa plume fluide et addictive m’a empêchée de reposer le roman plusieurs fois, trop avide d’en apprendre plus et surprise par les multiples retournements de situation ! La psychologie des personnages est, comme toujours avec Lucie Goudin, très aboutie, et je me suis très vite attachée à Anna. Les multiples péripéties qui se présentent à elle m’ont prise au dépourvu, tant l’évolution de l’intrigue est inattendue. J’ai vraiment hâte de lire la suite afin de découvrir ce que vont devenir Anna, Lan, et les autres membres de la « meute » de Tristan !

dimanche 21 novembre 2021

Lucia, les diamants au paradis, Diane Garance (M+ éditions, 10/2021)


 

Lucia, les diamants au paradis, Diane Garance (M+ éditions, 10/2021)

💘💘💘💘💘 

Oh mais quelle lecture extraordinaire ! Dépaysement – en Thaïlande – et amusement garantis ! Le personnage imaginé par Diane Garance est savoureux de cocasserie, et j’ai énormément apprécié lire ses aventures, enfin, plutôt mésaventures, étant donné les situations improbables dans lesquelles elle se retrouve ! Oh oui, j’ai bien ri !

 

« Dans les films, ça semble réjouissant de traquer et démasquer les méchants, mais là, dans la vraie vie, nous sommes deux filles avec pour seul équipement du matériel multimédia. Ce n'est pas avec sa montre connectée qu'Angie ripostera en cas de problème. » Lucia, comptable au chômage, s’ennuie… Alors quand on lui propose une mission d’enquêtrice adjointe, elle se glisse derechef dans la peau de Jennifer Hart (la série « Jonathan et Jennifer », vous vous souvenez ?) et prend le premier avion pour la Thaïlande avec Angie, « le Dragon », sa patronne tyrannique.

 

« Je vous fais le topo en diagonale : Jeanne Plantier, trente- cinq ans, célibataire sans enfants, sans emploi, sans famille, sans hobbies. Ça fait beaucoup de "sans". Tout ça pour se faire enlever en plein jour par deux gros bras, un petit avec une grosse tête et un grand baraqué avec une petite tête. » Avec Lucia, pas de langue de bois ! Tout le monde en prend pour son grade ! Son œil cynique et ironique dresse le portrait de chaque protagoniste de l’histoire, souvent en lien avec sa culture cinématographique. Et en la plaçant en tant que narratrice du récit, l’auteure offre au lecteur un point de vue omniscient savoureux !

 

« Il fait noir, j'ai mal partout, sans parler de mon trouillomètre qui oscille entre zéro et moins douze ? Je perds connaissance quelques instants. Mon espérance de vie vient de prendre un sacré coup au compteur. De toute façon, personne ne va se rendre compte que je suis perdue, perdue à jamais. » Notre enquêtrice n’a pas froid aux yeux et rien ne l’arrête, ni les truands, ni une patronne revêche, ni les conditions de l’enquête. La voilà qui s’élance entre concurrente de Koh – Lanta et Rambo au féminin (une scène savoureuse !!!!) dans la jungle thaïlandaise. Mais comment reprendre une vie « normale » après ça ?!!

 

Au final, un roman que j’ai dévoré, amusée et captivée ! Les chapitres courts font se tourner les pages rapidement et dans la bonne humeur. En ces moments moroses d’automne et de pandémie, le dépaysement en compagnie d’un personnage haut en couleur, sans jamais être pathétique, fait un bien fou ! L’écriture de Diane Garance est très cinématographique et on visualise mentalement les meilleures scènes du roman (ah ! quand Lucia se prend pour Céline Dion !!!!) Il me semble qu’il y aura une suite aux aventures de Lucia, et personnellement, j’ai vraiment hâte de la lire !!! 

jeudi 18 novembre 2021

Pandémonium, Sylvain Kermici (Les Arènes, 08/2021)



Pandémonium, Sylvain Kermici (Les Arènes, 08/2021)

💔

 Bienvenue au Leviathan, un cinéma établi sur au moins trois niveaux, dans lequel se retrouvent  des sadiques, des prostituées, des mafieux, et les adeptes d’un gourou nommé Jacob. Le vice est à chaque étage et les films porno projetés sont réservés à un public averti. Franck, Elsa et d’autres viennent chercher un « je ne sais quoi » de subversif dans ces lieux où la violence et l’immoralité s’éclatent.

 

« Qui oserait affirmer que la douceur et l'amour ont présidé à l'apparition de la vie ? Qui oserait affirmer que la vie et la violence sont deux choses distinctes ? » Jacob, le gourou, se la joue philosophe, assassin du complexe d’Œdipe et de tant d’autres troubles de l’enfance. Lecteur, accroche- toi.

 

« Les gens ont tort de se plaindre des sociétés capitalistes modernes. Elles sont l'image parfaite de la psyché humaine : brutales, cannibales, autoritaires, profondément injustes et inégales, malgré d'apparentes velléités, disons humanistes, auxquelles personne ne croit d'ailleurs. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles demeurent instables. Le Tout se nourrit du chaos de l'Un. » L’injustice, cette excuse universelle de vengeance, de violence, de rébellion et de chaos. Nous sommes ici au- delà. Mais le discours proposé n’est jamais analysé ni remis en question. Il est juste le prétexte, la justification de tout acte violent.

 

Au final, un livre que j’ai survolé, bien trop éthéré, bien trop fataliste et vain. Les phrases et les chapitres sont courts, alors les pages se tournent très vite, mais moi, je suis restée sur ma faim. J’aurais aimé trouver des analyses, un éclairage, aux propos souvent scandaleux, aux actes glauques. Mais non, la violence est ici gratuite, et cela juste « parce que » comme répondraient des gamins de sept ans. Dommage…

mercredi 17 novembre 2021

Pas dormir, Marie Darrieussecq (P.O.L., 09/2021)



Pas dormir, Marie Darrieussecq (P.O.L., 09/2021)

💙💙💙💙💙 

J’ai été attirée par le dernier livre de Marie Darrieussecq pour deux raisons : la première réside dans le fait que j’ai toujours aimé son écriture, intelligente et cultivée sans jamais être pesante ; et la deuxième se trouve dans l’intérêt que je porte à ce sujet si délicat du sommeil… 


« Cachée dans ns combles, tapie sous nos matelas, glissée entre les lattes du temps, d'où vient l’insomnie ? Des fantômes ? Du cerveau ? Du mal à l’âme ? Du monde ? Qu'est- ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ? » L’auteure souffre d’insomnie depuis une vingtaine d’années. Ce livre, qui n’est pas un roman mais plutôt un essai littéraire, reprend ses diverses solutions (somnifères, alcool, hypnose et autres…) et les allie à des références littéraires diverses qui remontent jusqu’à l’Antiquité. Car, il faut le savoir, le sommeil qui résiste et ne se présente pas a fait couler beaucoup d’encre !


« J'ai essayé des tisanes. Des champs entiers. Aucune ne me fait dormir. L'idée même m'amuse. Mais il y en a d'excellentes. » Marie Darrieussecq a le don de ne pas dramatiser ce trouble qui lui gâche la vie jour après jour ; quelques- unes de ses réflexions m’ont d’ailleurs fait sourire. 


« Dormirais-je si je n'étais pas hantée ? Et si d'autres autour de moi ne l'étaient pas ? Et qu'est- ce que ça veut dire, la hantise ? » Pour qui suit l’auteure, il est facile de comprendre que les fantômes qui la poursuivent, un frère, un enfant ; ce ne peut qu’être de profonds tourments, aptes à maintenir éveillé celui qui reste ancré dans un quotidien constitué d’absences à jamais comblées. 


Au final, une lecture à la fois très intéressante et enrichissante : je ne pensais pas qu’autant d’écrivains, ou d’artistes en général, étaient insomniaques et en avaient rendu compte dans des écrits, pour certains restés confidentiels. Vous ne trouverez pas ici de remèdes à vos insomnies, peut-être quelques pistes de traitement (pas toujours efficaces…) mais matière à relativiser ce trouble qui touche un nombre considérable de personnes, que ce soit de manière constante ou ponctuelle. Et puis, vous aurez un livre qui est fait de manière à être posé sur une table de chevet au cas où le sommeil se fait capricieux. Marie Darrieussecq ; une amie, je vous dis !

dimanche 14 novembre 2021

Propagation T.2., Lindsay Lorrens (Elixyria, 09/2021)


 

Propagation T.2., Lindsay Lorrens (Elixyria, 09/2021)

💖💖💖💖💖 

Comme je l’attendais, cette suite de la dystopie « Propagation » !!! L’auteure n’avait pas forcément en tête de l’écrire, à l’origine, mais le succès du tome 1 et les doléances de ses lecteurs et éditeurs l’ont poussée à reprendre le fil des aventures, ô combien mouvementées, de Sarah, Mike, Jack et les deux enfants sauvés que sont Elliot et Rosie. Et comme nous avons bien fait de la réclamer !!!

 

« Le retour à la réalité n'est jamais évident après m'être promenée dans mes souvenirs. Car, même si je ne regrette aucun de mes choix depuis que j'ai pris la route en compagnie de ma tête à claques de voisin, le présent n'a rien d'une partie de plaisir. Il faut lutter constamment pour survivre, pour trouver de la nourriture, se chauffer. J'ai peur en permanence pour ceux qui partagent désormais ma vie. » Sarah et Mike, son voisin, se sont retrouvés seuls survivants de leur quartier alors qu’un virus propagé par les rats décimait la population à une vitesse folle. Ces deux adolescents, qui se détestaient au lycée, ont dû s’allier pour pouvoir survivre dans une Amérique dévastée, dans laquelle, très vite, des milices de survivants sans pitié se sont organisées pour piller, voler et agresser à tout va. Heureusement, Mike a rapidement eu le réflexe de rejoindre, avec Sarah, son oncle, ranger dans un parc situé à l’écart de la civilisation dans les Rocheuses.

 

« Ce que nous ne savions pas, à ce moment- là, c'est que tout cela n'était qu'une simple accalmie avant la tempête. » Diverses péripéties ont secoué le trio. Deux enfants abandonnés et en danger les ont rejoints. Mais voilà, comment survivre dans le long terme à cinq, dans le climat si froid des Rocheuses ?

 

« D'autres êtres humains nous regardent. Cela me fait toujours un choc de voir apparaître ces gens, juste en face de nous. Leur rengaine n'a pas changé, je dirais qu'ils améliorent leur discours au fur et à mesure, l'enrichissent pour le rendre le plus attrayant possible. La question est : peut-on leur faire confiance ? » Au fur et à mesure des mois, d’autres communautés de survivants se sont créées, essentiellement dans des lieux reculés. Mais comment faire confiance à des inconnus quand les quelques humains que l’on a rencontrés jusque-là, dans un monde dévasté, se sont révélés être des scélérats complètement amoraux ?

 

Au final, un deuxième tome captivant, qui m’a fait passer par bien des émotions. Lindsay Lorrens sait très bien insuffler le suspens au fur et à mesure de son récit, de manière à mener son lecteur par le bout du nez dans des directions inattendues. Le top, c’est que la fin offre, à mon avis, une possibilité de tome 3 ; on le lui réclame ?!!!

dimanche 7 novembre 2021

2019, Fabienne Lejamble ( Kissilow, 11/2020)


 

2019, Fabienne Lejamble ( Kissilow, 11/2020)

💓💓💓

 Troisième et dernier tome de cette saga lovecraftienne. Nous retrouvons Blanche, personnage du précédent, sur le Sentier Noir. Son histoire a pris un autre tournant puisqu’elle a créé une Agence aux Etats- Unis, afin de former des Agents capables de repousser les créatures de l’Outre- Plan. Tyler, le narrateur, est l’un d’entre eux, et il va nous entraîner dans cet étrange univers, dans lequel règnent l’inattendu et la terreur.

 

« J'avais le moral comme un Rubik's cube mélangé, délaissé, et j'étais curieux de savoir ce que le Doc avait à me dire, même si j'avais peur de rester longtemps dans ce trou. » Tyler se réveille à l’hôpital. Il comprend qu’il a passé quelques temps dans le coma après un accident de la route. Mais personne ne veut se prononcer sur son cas. Ses quelques souvenirs le laissent dans le flou. Il découvre qu’il a une collègue, Maya ; saura-t-elle l’aider ?

 

« Classe, coiffée et fringuée comme dans les années quarante, la poitrine bien pointue sous la veste de tailleur gris et fermée à la taille. Mains croisées sur la table, l'une portant un gant de velours vert. » Après quelques révélations étranges, quelques incidents mystérieux, Tyler rencontre Blanche… Et à partir de cet instant le récit plonge dans un univers fantastique déconnecté de la réalité.

 

« Tous les deux étaient aussi passés par là, ils connaissaient la frénésie de la découverte, de savoir ce qu'il y a derrière. Aussi me laissèrent- ils ainsi deux jours pleins, au bout desquels je m'écroulai, tête près du Livre. » Tyler va découvrir à son tour les sombres desseins du Livre maudit ; pour quel avenir ?

 

Au final, une première partie que j’ai dévorée, curieuse du personnage de Tyler, de son passé, de son avenir, mais j’avoue avoir eu du mal à suivre la suite, notamment par rapport à ces créatures dénommées « Iaos ». Je m’y suis perdue entre les rituels et les sortilèges runiques. Mais au global, la trilogie aura été très plaisante à lire, grâce au style de l’auteure, fluide et addictif. Je recommande pour les fans du fantastique à tendance horrifique !

1943, Fabienne Lejamble (Kissilow éditions, 11/2019)


 

1943, Fabienne Lejamble (Kissilow éditions, 11/2019) 

 💓💓💓💓💓

Halloween est terminé mais vous reprendrez bien un petit peu d’horreur, non ?! Après « 1902 », qui m’avait permis de découvrir l’univers du « Sentier noir », dans lequel les sortilèges les plus morbides permettaient à quelques illuminés de faire aboutir des projets insensés, nous voilà en « 1943 », en plein cœur de l’Occupation. Dans quelles mains le Livre maléfique est- il tombé, en cette période trouble ?

 

« Ce soir- là, après le repas, je me décidai enfin à montrer ma cachette à Blanche, là- haut, dans les poutres, et bien sûr, Marcel suivit. Nous étions allongés, occupés à écouter les grands qui s'inquiétaient chaque jour un peu plus de l'avenir de la guerre.
C'est là qu'on toqua fort à la porte. »
Notre jeune narrateur, son petit frère Marcel, et leur cousine Blanche ont bien fait de se cacher en cette soirée funeste : des soldats allemands viennent arrêter leurs parents, assimilés aux Juifs. Nos adolescents vont ensuite tenter de se débrouiller seuls, mais en vain. Ils n’auront d’autre choix que de se laisser prendre en charge dans un orphelinat géré par des religieuses, aux pratiques bien douteuses…

 

1985. Changement de décor. Trois frères désobéissent à leur parent et restent dans l’eau de la rivière alors qu’un orage approche. Les conséquences seront funestes. Mais à l’approche de Pâques, qui symbolise la Résurrection, les miracles seront- ils permis ? Blanche, elle, réapparaît…

 

« Depuis l'Outre- Plan, le Iaos, qui depuis 1902 avait un peu continué à prendre de la substance, observait les événements terrestres sous l'œil apeuré de ses victimes, toujours piégées dans sa décoration. Et il se mit à rire de joie, et se félicita d'avoir laissé sur le livre un sortilège de scrutation. » L’influence de Lovecraft est palpable, et Fabienne Lejamble nous en offre une adaptation captivante. Les histoires, différentes au départ, s’imbriquent pour accentuer le côté horrifique de la légende inventée dans ce récit. Les pages défilent et les surprises sont de taille, portées par la plume fluide et manipulatrice de l’auteure ! Quel bonheur de savoir qu’il y a un troisième tome !  

samedi 6 novembre 2021

Ernest, Gab Stael (Elixyria, 10/2021)

 


Ernest, Gab Stael (Elixyria, 10/2021)

💓💓💓💓 

J’avais vraiment adhéré à l’univers proposé par l’auteure dans l’un de ses précédents romans noirs, intitulé « Human food » : Ernest, un personnage schizophrène souffrant d’un trouble dissociatif de l’identité : plusieurs personnes vivent à tour de rôle (voire en même temps !) dans sa tête ; se retrouvait confronté à une enquête policière dans laquelle des femmes étaient retrouvées étranglées, le corps démembré. Ici, point de police, mais un tour complet du personnage complexe d’Ernest ; un roman à lui tout seul !

 

« La matinée est silencieuse, cela ne lui plaît pas du tout ! Heureusement, il connaît le meilleur moyen pour entrer en contact avec les Autres quand ils décident de l'ignorer. Suffit d'appliquer la recette de maman. Sans hésiter, il se plante devant le miroir de la salle de bain, s'observe attentivement, grimace. » Ernest vit avec « les Autres » depuis son enfance. Ils prennent possession de son esprit, de son corps, et le font agir telle une marionnette. Et quand ils se font silencieux, notre bonhomme se sent en danger, comme un enfant abandonné.

 

« Ernest connaît l'inventaire dangereux de l'antre de son père. Il comptait les objets pour supporter les coups. Il souffrait moins. Ça passait plus vite. Là- dedans, on l'a presque battu à mort pendant des années. On lui a fait manger des excréments, des cadavres de bestioles. Les seuls souvenirs qu'il possède ici sont maculés de sang, et les preuves y dorment encore. » L’enfance est la période dans laquelle Ernest semble être resté. On comprend pourtant vite que ça a été un calvaire plus qu’autre chose. La fratrie en a d’ailleurs fait les frais.  

 

Au final, un récit « compagnon » du roman « Human food » mais qui peut se lire de manière indépendante. La vie d’Ernest est glauque et l’auteure manie les mots, l’expression des sentiments de manière à ce que son lecteur soit tour à tour épouvanté et ému. Personnellement, j’aime beaucoup la plume de Gab Stael. Je ne soupçonne jamais ce qu’elle va me narrer, ni où elle va m’emmener et j’aime ça. Mais attention, âmes sensibles s’abstenir !!!

Dans l'œil du démon, Junichirô Tanizaki (Picquier Poche, 08/2021)




Dans l'œil du démon, Junichirô Tanizaki (Picquier Poche, 08/2021)

💙💙💙

Et vous, si on vous proposait d’assister à un meurtre sans aucun risque vital ni conséquence judiciaire ; accepteriez- vous ? C’est ce qui est proposé au narrateur, un écrivain en mal d’inspiration. Son meilleur ami, Sonomura, a réussi à déchiffrer un message secret grâce à sa connaissance du code utilisé dans la nouvelle d’Edgar Poe, « Le Scarabée d’or ». Ce dernier contient des informations sur le lieu, la date et la manière dont sera perpétré un assassinat.

 

« Au milieu de la nuit, vers une heure du matin, quelque part dans Tokyo, un forfait... que dis- je un forfait, un meurtre va être commis. Et moi, j'ai bien envie de m'y préparer dès maintenant, pour me rendre sur place avec toi et y assister, qu'en dis- tu ? Tu n'as pas envie de voir ça ? » Cette proposition ne peut que titiller l’esprit de notre narrateur. D’un côté, il craint de voir son meilleur ami tomber dans un traquenard, de l’autre, son imagination a indéniablement besoin d’un coup de pouce…

 

« Cette fois, il était devenu fou, cela ne faisait plus aucun doute. La montée de sève de ce mois de juin maussade et étouffant - et l'on dit que c'est la période de l'année où se déclarent le plus grand nombre de maladies psychiatriques - avaient dû lui porter au cerveau. » Sonomura est un riche héritier oisif qui a tendance à développer des troubles psychiatriques : faut- il croire ce qu’il raconte ? Notre narrateur doute….

 

« Mon principal étonnement, plus exactement, me vint de l'extraordinaire beauté de sa silhouette. Si jusque- là toute mon attention était accaparée par le crime, quelle ne fut pas ma stupéfaction en apercevant son visage ! » Nous sommes dans un roman japonais, et très vite, les possibilités d’une scène glauque font place à un détail plein de grâce : l’un des commanditaires du meurtre est une femme splendide. Alors, d’un coup, le récit s’égare dans la contemplation…

 

Au final, un roman très court, qui se lit d’une traite, et qui fait plutôt penser au genre de la fable. Ne pensez pas lire un thriller, on en est bien loin. Mais pour ce qui est du style, typique de la littérature japonaise, de la psychologie des personnages et de la manière d’amener les retournements de situation, c’est une expérience de lecture intéressante.

mercredi 3 novembre 2021

Ceux du Chambon, Kanellos Cob et Matz (Steinkis, 10/2021)



Ceux du Chambon, Kanellos Cob et Matz (Steinkis, 10/2021)

💙💙💙💙 

Une bien jolie bande dessinée, émouvante, d’autant plus qu’elle base son intrigue dans une histoire vraie. Un témoignage d’une époque qui s’éloigne dans le temps et qu’il est bon de rappeler aux nouvelles générations ; l’Histoire, dit- on, étant amenée à se renouveler…

 

Matz est scénariste de bande dessinée. Il a ici recueilli et illustré le témoignage d’Etienne Weil, qui a dû fuir Paris et se cacher durant l’Occupation, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Le fait qu’il soit né de confession juive faisait de lui un indésirable aux yeux des Aryens d’Hitler. Etienne Weil revient sur son parcours, mais aussi sur celui de sa famille ; partiellement éliminée dans les camps de concentration SS. L’abnégation de son père, qui coûte que coûte veut conserver un emploi et n'hésite pas à changer de région pour cela, ainsi que le courage de la maman, qui se dévoue à sa famille, jusqu’à accepter de se séparer de ses garçons pour leur donner toutes les chances de survivre, sont montrés avec force et pudeur. J’ai été émue par ses parents si forts, qui ne baissent jamais les bras face à l’ennemi.

 

« Le Chambon- sur- Lignon était un village protestant, dans une région qui avait eu à subir les persécutions, et qui en avait gardé la mémoire. » Autant je connaissais l’existence de ceux que l’on nomme remarquablement les Justes, autant je n’avais jamais entendu parler de ce village de Chambon- sur- Lignon. Ses habitants ont été vraiment admirables et ce livre rend un très bel hommage à leur courage.

 

Au final, une bande dessinée que j’ai dévorée. Une lecture fluide et agréable, servie par de beaux dessins soucieux du détail. Un livre que je vais m’empresser de mettre à disposition de lecteurs adolescents, et que je vais vivement recommander. Bientôt Noël ; pensez- y !

mardi 2 novembre 2021

Etre divisé, Blanche Edenn (Plume Blanche, 09/2017)



 Etre divisé, Blanche Edenn (Plume Blanche, 09/2017)

💛💛

 Ce sont des vidéos sur Booktube qui m’ont donné envie de découvrir ce petit livre. A l’heure d’Halloween, chacun y allait de ses propositions de lectures qui « font peur » et « Etre divisé » était unanimement cité comme étant une œuvre originale et apte à faire frémir n’importe quel quidam. La quatrième de couverture ne nous donne pas énormément d’informations spécifiques quant à l’intrigue, outre trois verbes : « envier, désirer, obtenir. » Alors voilà ; j’ai assouvi ma curiosité.

 

« Je connaissais cette maison dans ses moindres recoins. C'était d'ailleurs ce que je connaissais le mieux, les endroits sombres depuis lesquels, chaque jour et chaque nuit, durant sept ans, j'avais observé la vie de ma famille. » Alors que la naissance de jumelles fait le bonheur d’un jeune couple, une ombre est née, elle aussi ; une petite fille qui aurait pu être une triplée. Et pourtant, elle n’est qu’une ombre, à son plus grand désespoir. Elle qui rêve tant d’être câlinée, tout comme ses sœurs, par les bras de sa maman, ne peut vivre que dans l’obscurité et l’immatérialité.

 

« Pourquoi mes couleurs disparaissaient- elles ?
Pourquoi ne tenaient-elles pas sur mon âme ? »

Notre petite fille de l’ombre parvient à ses fins. Elle n’a pas de scrupule ; rappelez- vous la liste des verbes : envier, désirer, obtenir. Ses envies sont gigantesques et sa jalousie n’a aucune limite : elle a obtenu ce qu’elle voulait ; mais à quel prix ?

 

Au final, un petit roman qui met en avant la cruauté des enfants en prenant appui sur le folklore nordique mais dans lequel j’avoue m’être ennuyée. Le style est un peu trop surfait à mon goût et les personnages sont bien trop éthérés pour qu’on s’y attache. L’histoire est pourtant originale mais le style aurait mérité d’être retravaillé et les fautes (aïe la conjugaison !) corrigées avec davantage de rigueur. Alors oui pour le fond, mais non pour la forme. Dommage.

lundi 1 novembre 2021

Nuits silencieuses, Till Lindemann (L'Iconoclaste, 10/2021)



Nuits silencieuses, Till Lindemann (L'Iconoclaste, 10/2021)

💛💛💛 

J’avoue, je ne suis pas fan de poésie. Je m’explique cela par le fait d’avoir dû en lire et en étudier en trop grande quantité, et toujours de manière imposée, durant mes études de Lettres. Ai- je tord ? Toujours est- il que la collection « Iconopop » gérée par Cécile Coulon, une auteure que j’apprécie, m’a attirée plus d’une fois grâce à ses couvertures bariolées. Et quand j’ai vu que le chanteur du groupe de métal allemand « Rammstein », Till Lindemann, venait d’y faire publier un recueil de ses poèmes traduits en français, je me suis précipitée sur ce livre, ma foi, fort joliment réalisé. J’aime ce que fait le groupe ; aimerais- je ce qu’écrit le chanteur ?

 

« Comment peux- tu rêver
que je te dise
ce que j'ose à peine penser »

On découvre au cœur de ces pages une certaine sensibilité ; l’amour y ayant une place essentielle. Mais attention, nous sommes dans l’univers du métal et la maxime « sex, drug and rock’n’roll » semble être d’usage – attention à l’image ! Point de déclarations romantiques ou passionnelles, mais des propos souvent crus, et parfois à la limite de la vulgarité. Les illustrations de Matthias Matthies sont d’ailleurs dans la même veine…

 

« Quand les roses fleurissent au jardin
par les roses nous sommes tous captivés
or la violette soupire un si doux parfum
que l'on ne saurait les distinguer »

La nature est également au cœur de ce recueil, comme un puits d’inspiration sans fond, un retour à l’origine, à la Mère Nature que l’on peut remercier ou haïr, en fonction de son propre parcours de vie. La femme est au centre de la plupart des poèmes de Till Lindemann, comme elle l’est dans les chansons du groupe, avec un rapport – inévitable ? – à la violence.

 

Au final, une expérience de lecture en demi- teinte. Certains poèmes sont émouvants, tandis que d’autres m’ont paru vains : pas de rythme, ni de rime ; la faute à la traduction ? Emma Wolff exprime ses difficultés à traduire les nuances des pensées du chanteur dans une postface éclairante. Ceci dit, cette expérience littéraire m’a donné l’envie de découvrir d’autres titres de la collection. Et vous ; êtes- vous tentés ?