Les yeux d’Iris, Magali Collet (Taurnada, 11/2021)
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Prenez une bonne goulée d’air avant d’ouvrir ce roman noir !
Pourquoi ? C’est qu’une fois entré dans le récit, vous ne pourrez plus
relever la tête du livre, happé par l’ambiance terriblement oppressante qu’a
réussi à y instaurer l’auteure. Celle- ci, Magali Collet, avait déjà frappé
fort avec son précédent, « La cave aux poupées », huis clos dérangeant
et âpre. Ici, de nouveau, la femme va être la proie de l’homme, déguisé en
prédateur, mais dans un cadre, et un scenario, tout autre.
« J'observe un type accoudé au comptoir, les yeux rivés
sur le poste de télévision accroché en hauteur. Comme les autres, il réagit à
la moindre action des joueurs et ne fait pas attention à ce qui l'entoure. Il
ne me connait pas et pourtant je sais tout de lui. » Un meurtre et un suicide. Trois hommes. Trois femmes. Et des
réminiscences amères, couplées à un pacte de vengeance, terreau sur lequel se
dresse cette question : l’amitié a-t-elle un prix ? Morgane revient
d’Irlande au pied levé, à la demande de Julie, son amie restée en France.
Frédéric, son frère l’accueille à bras ouverts, ravi de pouvoir combler sa solitude.
En effet, ils se considèrent comme orphelins depuis que leur sœur aînée, Iris,
s’est mystérieusement suicidée, et depuis que leurs parents sont décédés dans
un accident de voiture troublant.
« Je suis restée parce que je suis déjà morte. Je suis
morte le 24 janvier 2012 peu après minuit dans le souterrain d'une gare. C'est
pour ça que j'ai rompu. Tu es vivante, contrairement à moi. Ce que mon corps
subit ne m'atteint plus. Une morte ne souffre pas, une morte ne ressent
rien. » Une femme = une victime. Des amis =
la possibilité d’une vengeance. Mais jusqu’à quel point faut-il être tordu pour
élaborer un stratagème punitif en se basant sur des souvenirs incertains ?
Est-il possible de ronger son frein pendant des années et s’en sortir
indemne ?
Magali Collet prend ici la cause des femmes à cœur. Celle de
toutes ces victimes, qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, qui
avaient un décolleté trop plongeant ou une jupe trop courte, qui disaient
« non » mais pensaient « oui » ; par coquetterie ???
C’est bien connu, les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent… Ici, le crime
est atroce et la vengeance est diabolique par les méandres qu’elle emploie.
Au final, un roman lu en apnée. Des scènes glauques, qui
tordent l’âme et les boyaux. Une intrigue complexe, dans laquelle il m’est
arrivée de me perdre. Mais une histoire forte, servie par une plume percutante,
qui va me hanter longtemps. Nous connaissons tous des Morgane, des Julie, et
des jeunes femmes aux yeux d’Iris…