samedi 31 octobre 2020

Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin (La manufacture de livres, 08/2020)

 


Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin (La manufacture de livres, 08/2020)

💜💜💜💜💜

Pour un premier roman, c’est un texte d’une qualité remarquable ! La plume est sensible, tout en étant incisive à coups de phrases courtes mais lourdes de sens. Les émotions que Laurent Petitmangin veut transmettre à son lecteur sont profondes, et le mettent au bord du malaise. Il en ressort un sentiment de tension extrême.

« Est- ce qu'on est toujours responsable de ce qui nous arrive ? Je ne me posais pas la question pour lui, mais pour moi. Je ne pensais pas mériter tout ça, mais peut- être que c'était une vue de l'esprit, peut- être que je méritais bel et bien tout ce qui m'arrivait et que je n'avais pas fait ce qu'il fallait. » Nous sommes en Lorraine, auprès d’un père, veuf, qui élève ses deux garçons, Fus et Gillou, de bons gamins bien élevés. C’est un univers ouvrier où rode le spectre du chômage et le père veille d’un oeil sur la scolarité de ses fils, tout en les laissant choisir leur voie. Il fait partie de la section locale du Parti socialiste qui a repris le flambeau des communistes mais le F.N. se fait de plus en plus présent, voire arrogant…

« La page continuait sur des trucs de rap que je ne saisissais pas, mais surtout sur un tas de commentaires où on niquait et enculait tout ce qui n'était pas pur blanc breveté. ! Juifs et pédés étaient les mieux servis, suivis de près par les Arabes, mais comme tout s'accompagnait d'une kyrielle de petits smileys, j'imagine que ça ne portait pas trop à conséquence. » Le père n’a pas anticipé la claque qu’il allait se prendre…

Un roman familial sombre, dans lequel on se pose de nombreuses questions ; et si cela nous arrivait ? Il prend aux tripes tant on s’attache au papa narrateur qui pense faire au mieux pour élever ses fils et qui se voit rattraper par un bien méchant destin.

Ce roman est une véritable pépite parmi les publications de la rentrée ; à ne pas louper !

jeudi 29 octobre 2020

L’inconnu de l’ascenseur et moi, Sophie S. Pierucci (Addictives, 05/2020)

 


L’inconnu de l’ascenseur et moi, Sophie S. Pierucci (Addictives, 05/2020)

💖💖💖💖


J’avoue, j’ai eu du mal à l’ouvrir, ce livre… Reçu suite à une Masse critique de Babelio, je l’ai posé sur ma table de chevet après avoir lu les premières pages, puis je l’y ai laissé. Ce qui m’a gênée ? L’utilisation de termes vulgaires. Je sais, je suis vieux jeu, mais c’est quelque chose qui continue à me rebuter.

Et puis j’ai décidé de passer au- delà, et je me suis laissée embarquer par l’histoire de Charlyne et Matthew, grâce notamment à la narration en points de vue alternés qui sert habilement l’évolution de la romance. Le titre en dit d’ailleurs déjà beaucoup : nous sommes en présence de deux voisins qui vont vivre une histoire d’amour. Mais ce qui est intéressant ici, c’est la personnalité de chacun des protagonistes, ainsi que leur nécessaire évolution.

« Bordel, ce mec est une bombe humaine. Je persiste, le Seigneur est fou ! Un nez fin, une bouche large aux lèvres pleines et une mâchoire carrée. N'importe quelle fille rêverait d'un tel étalon. Il faudrait juste qu'il soit muet et certainement moins con ! » Lorsque Charlyne croise son nouveau voisin dans l’ascenseur, elle pense qu’il s’agit d’un psychopathe. Comme Matthew est toujours caché sous une cagoule et un tour de cou, la jeune femme, ainsi que Vic, sa meilleure amie et colocataire, pensent qu’il s’agit forcément d’un assassin qui se cache.

Mais voilà qu’une pomme roule, que deux mains se croisent pour la rattraper, et de fil en aiguille, nos voisins de palier vont apprendre à se connaître, puis à s’apprécier, jusqu’à…« Aimer, c'est rattacher chaque ressenti, chaque image, chaque phrase à un souvenir de l'autre. » Mais avant de penser à l’avenir, il va falloir tracer une croix sur le passé. Celui de Matthew m’a bouleversée…

Au final, j’ai beaucoup aimé cette lecture ! Comme quoi, il ne faut pas toujours se fier aux premières impressions… J’ai vibré avec les personnages, j’ai râlé parfois devant leurs silences ou leurs réactions et j’ai été émue lorsqu’enfin, des solutions étaient trouvées.


Bref, si vous aimez les romances et les émotions en montagnes russes, ce roman est fait pour vous !

lundi 26 octobre 2020

Dentelle et magie noire, Delman (Plumes du web, 08/2020)

 


Dentelle et magie noire, Delman (Plumes du web, 08/2020)

💜💜💜💜💜

J’ai été littéralement charmée par la plume élégante, sans être pompeuse de Delman. C’est un régal de lire un roman au vocabulaire élaboré et bien choisi, et qui correspond parfaitement au cadre temporel du récit, à savoir l’époque victorienne. En effet, nous sommes ici en 1888, en Angleterre. Serena Fendwick, jeune femme de vingt ans, se désespère. Elle appartient à la petite noblesse, et vit avec son père et sa tante Jane. Sa mère est décédée depuis plusieurs années, et la sœur de son père, elle- même veuve, a pris la suite de son éducation et n’a qu’une idée en tête : la marier. Sauf que Serena n’est pas du même avis. Elle se voit en femme libre, indépendante, complètement en décalage avec les attentes de son rang et de son époque : « Si seulement j'étais née garçon, j'aurais pu étudier et voyager tout mon soûl. Tandis que là, bloquée dans un corps de femme, je ne pouvais qu'espérer. » 

Mais voilà qu’un soir, un homme venu de nulle part atterrit sous ses yeux dans le jardin de la demeure Fendwick. Mue par son désir d’aventures, elle se faufile à l’extérieur et vient alors en secours à un homme mystérieux, qui dit s’appeler Marcus Templethorn. Le lendemain, Serena découvre qu’il s’agit de l'héritier d’une fortune colossale, dont la famille est même en lien avec la reine d’Angleterre !

Pour la remercier de ses soins, Marcus l’invite dans sa demeure de Londres, avec l’accord de Lord Fendwick, pour qu’elle puisse découvrir la bonne société de la capitale, et rencontrer de nouveaux prétendants… Mais le caractère de Serena va vite se faire remarquer : « Je peux affirmer sans me tromper que sous cette apparente fragilité se cache un caractère de feu. Une femme dont le courage va de pair avec les ennuis. Une entêtée avec un sourire d'ange. Un esprit libre et sans attaches qui suit son propre chemin et nous force, pauvres mortels que nous sommes, à soupirer dans son sillage. » 

La curiosité de Serena va cependant l’amener vers des phénomènes étranges, qui peu à peu, vont la conduire vers l’univers de la magie. Et ça, l’auteure nous l’apporte au compte- goûte : en utilisant la narration à la première personne, afin de permettre au lecteur de se glisser dans la peau de l’héroïne et d’aller avec elle, de découvertes en déconvenues. 

Une fois le contexte posé, Delman vous entraîne dans un rythme de plus en plus enlevé, dans une histoire finement élaborée, aux multiples rebondissements qui utilisent les possibilités de l’imaginaire à bon escient. 

Bref, c’est un vrai plaisir de lecture, original, bien écrit, que je ne peux que recommander!

mercredi 21 octobre 2020

Apprendre à parler avec les plantes, Marta Orriols (Seuil, 05/2020)


 


Apprendre à parler avec les plantes, Marta Orriols (Seuil, 05/2020)

💚💚💚💚

Voilà un roman particulièrement poignant, qui ne peut se lire d’une traite tant il est nécessaire parfois de le poser, pour reprendre ses esprits, se changer les idées, s’échapper de la tension lourde à en avoir mal au ventre qu’a su y insuffler l’auteure. Avec des mots justes, un rythme particulier, elle a su explorer les sentiments les plus noirs avec une profondeur rare.

 

« A chaque geste correspondent une dimension, une hauteur et un poids, la somme étant la mesure du vide et de la douleur que j'éprouve dès que j'essaye d'assumer que je ne faisais déjà plus partie de ses projets d'avenir. » Paula, 42 ans, pleure. Elle pleure d’être seule. Ayant l’âme d’une femme forte et indépendante, elle avait toujours refusé le mariage et les enfants à Mauro, l’homme de sa vie. Et un jour, Mauro est parti. Doublement parti ; il venait de lui annoncer qu’il la quittait pour une autre femme quand, quelques heures plus tard, il meurt sur son vélo, fauché par un camion.

 

Le roman débute juste après le décès de Mauro, et relate l’année de remise en question qui va suivre pour Paula, une année de deuil douloureux, où les réminiscences vont accentuer la détresse de sa nouvelle solitude. « La mort me met en colère. Depuis qu'il est parti, la mort m'agace, m'exaspère par son insolence et son impertinence, par sa façon d'étouffer Mauro alors qu'elle est, elle- même, si vivace. »

 

Il y a dans ce roman plusieurs degrés de narration ; le présent de Paula, dévastée, qui compte sur son métier de médecin en néonatalogie pour donner un sens à sa vie, le passé qui relate sa vie avec Mauro ; mais aussi des passages, situés en fin de chapitre, où la narratrice s’adresse à son compagnon décédé.

 

Au final un roman bouleversant, très bien écrit (bravo au traducteur), mais à éviter tout de même si vous n’avez pas le moral…

lundi 19 octobre 2020

Challenge cocooning automnal 2020: menu "Bougies allumées" validé!

            

                          Menu "Bougies allumées" validé!!!!


Dans l’univers musical : Romantic call, Natacha Pilorge 

https://www.labiblideval.com/2020/09/romantic-call-natacha-pilorge-elixyria.html

Ancêtre de la PAL : Orgueil et préjugés, Jane Austen (1813) 

https://www.labiblideval.com/2020/09/orgueil-et-prejuges-jane-austen-1813.html

Fantasy : Terra – Luna, Tome 2, Eva Justine

https://www.labiblideval.com/2020/10/terra-luna-tome-2-eva-justine-elixyria.html

Le héros est masculin : Carne, Julia Richard

https://www.labiblideval.com/2020/10/carne-julia-richard-les-editions-de.html

Votre auteur (e) préféré(e) : Fragments du passé, Lucie Goudin

https://www.labiblideval.com/2020/10/fragments-du-passe-lucie-goudin.html

Un one shot : Les noces mécaniques, Marie Kneib

https://www.labiblideval.com/2020/10/les-noces-mecaniques-marie-kneib-plume.html





 

Les noces mécaniques, Marie Kneib (Plume blanche, 04/2020)

 


Les noces mécaniques, Marie Kneib (Plume blanche, 04/2020)

 💛💛

Je ressors de ce roman "Steam punk" assez mitigée, je dois le dire…

Pourtant, tout avait bien commencé ; une plume dynamique, des personnages charismatiques, de l’originalité dans l’univers créé, de l’humour dans certaines répliques, et puis les pages ont tourné, et la lassitude s’est installée…

 

« Quoi, tu n'as jamais vu d'entrée théâtrale ? Enfin, je suppose que tout le monde ne peut avoir un quotidien aussi trépidant que le mien. Désolée, ma belle, mais je ne peux pas rester, j'ai quelqu'un à poursuivre. »

La jeune Clara voit son mariage anéanti par l’intervention d’un détective farfelu nommé Octavius. Issue d’une famille de notables, et alors qu’elle avait réussi à faire accepter à sa famille le fait qu’elle désirait épouser d’amour Wilhelm, un artiste peintre désargenté, voilà que la jeune femme se retrouve dans l’obligation d’épouser l’illustre inconnu qui vient d’interrompre la cérémonie, sous peine de déséquilibrer l’énergie de la ville de Néacity. Et voici qu’aussitôt les consentements échangés, Octavius prend la fuite ! Clara, au tempérament tout feu tout flamme, ne l’entend pas de cette oreille et file à sa poursuite, courant comme une échevelée dans les rues de la ville, écrasant des pieds et distribuant des gifles aux gens qui se mettent sur son passage en espérant la raisonner.  Vont s’ensuivre toute une série de mésaventures, liées à la découverte de terribles secrets et dont ils ne se sortiront indemnes qu’avec l’aide d’un journaliste habile en camouflage, Felice, et une sorcière bien arrangeante, Camellia.

 

Au final, les premières pages m’ont vraiment séduite, mais la suite m’a énormément déçue car j’y ai trouvé beaucoup de facilités – c’est souvent le piège lorsqu’on imagine un univers de toutes pièces - et j’avais parfois l’impression d’être dans un épisode de « MacGyver » : à chaque problème on trouve immédiatement une solution, on crochète une serrure, on manipule mentalement, etc. Et puis il y a beaucoup de coquilles… C’est dommage.

mercredi 14 octobre 2020

Fragments du passé, Lucie Goudin (Elixyria, 08/2020)


Fragments du passé,
Lucie Goudin (Elixyria, 08/2020)
 

💚💚💚💚

C’est toujours un régal, pour moi, de retrouver la plume de Lucie Goudin. En cette étrange année 2020, je peux dire que c’est l’auteure qui a le plus su me charmer avec ses diverses histoires, que ce soit de la fantasy, de la romance ou du thriller. Je me réjouis d’ailleurs du fait de son jeune âge ; étant donné qu’elle n’a que 25 ans, cela promet encore de nombreux romans à lire !

 

Nous voilà ici dans une bien sombre histoire : Aurora se réveille à l’hôpital après avoir passé deux ans dans le coma suite à un étrange accident de voiture. « Ce fut à l'instant où je voulus m'enquérir de l'heure que je réalisai que tout, ou plutôt rien, me frappa de plein fouet. » La jeune femme découvre qu’elle a complètement perdu la mémoire. Et plutôt que de se laisser mener sur la voie de souvenirs potentiels par sa famille et ses amis, elle va vouloir aller elle- même chercher la vérité sur ce qui lui est arrivé. Très vite, elle va justement découvrir que tous ceux qui l’entourent lui cachent bien des secrets et que ceux- ci semblent avoir eu des conséquences plutôt graves. Quand elle tombe sur une enquête menée précédemment par ses propres soins sur un tueur en série surnommé « le tueur de blouses », elle va se demander jusqu’à quel point elle est mêlée à cette histoire criminelle…

 

Sur son chemin, va se positionner un voyou au charme fou, nommé Ryder ; « Je buvais ses mots, son histoire. J'étais propulsée à ses côtés, vivais avec lui les douleurs qui transparaissaient dans son récit, les coups durs et les incertitudes, mais aussi le regain d'espoir et l'épanouissement. » Mais est-il vraiment honnête avec elle ? Pourquoi semble-t-il la surveiller ? Que cherche-t-il à lui cacher ?

 

De fil en aiguille, les cartes vont tomber et les vrais visages vont être révélés… Lucie Goudin laisse volontiers le suspens titiller le lecteur jusqu’à la fin et dévoile au final un scénario machiavélique ! J’ai lu ce roman avec beaucoup de plaisir même si j’ai un gros regret : ne pas en avoir su davantage sur les femmes assassinées par le « Tueur de blouses » : qui étaient – elles ? Comment sont-elles tombées dans le piège ? Comment ont-elles été assassinées ? Il m’a manqué un peu de « gore » !

dimanche 11 octobre 2020

Carne, Julia Richard (Les éditions de l'Homme Sans Nom, 06/2020)

 Carne, Julia Richard (Les éditions de l'Homme Sans Nom, 06/2020)

💜💜💜💜


J’ai frôlé le coup de cœur pour cette fable d’anticipation originale aux accents très actuels ! En effet, il y est question d’une pandémie mondiale dont on ne comprend pas l’origine. On ne parvient pas à maitriser la propagation du virus, et on ne trouve pas de traitement médical pour soigner les contaminés. Tiens, tiens…  La particularité de ce virus, ici, est de transformer l’humain qui en est atteint en « zombie » ; mais attention, nous sommes loin de la série « The walking dead » et autres films de morts – vivants ! Ici les contaminés gardent – plus ou moins – toute leur tête. Ils peuvent continuer à vivre en famille, à aller au travail, faire les courses, etc, plus ou moins normalement. Mais attention aux pulsions qui les animent !!!

 

Simon, le personnage principal de ce roman, découvre avec stupeur, et dans une scène qui désolera les amoureux des animaux, qu’il est atteint de cet étrange virus. Le voilà prêt à tuer pour manger animaux et humains tout crus. Une découverte déconcertante :

« C'est moi qui l'ai tué ? Comment ai-je pu avoir la force de faire ça ? Je suis un monstre. »

 

Par contre, l’esprit se trouble et il est parfois difficile de passer de l’état « humain » à l’état de « monstre » : « Je sais que j'ai déjà vécu ce moment ; il n'est pas à sa place dans la chronologie. Le présent n'en est pas. Le présent est du passé depuis tant de temps ! » Et cette confusion, l’auteure en joue en mélangeant les chapitres ! On passe ainsi du chapitre – 2 au chapitre 19 en passant par un chapitre 404 (il y en a plusieurs). Ne cherchez pas à les lire dans l’ordre, cette chronologie particulière sert parfaitement la fantaisie du récit.

 

Au final, j’ai vraiment aimé ce roman qui sort clairement du lot, tant par son thème abordé avec originalité, que par son écriture rock’n roll qui dépote ! Les personnages de Simon et de Jessica, sa fille, sont finement élaborés  (ils en deviendraient nos potes !). Par contre, il est dommage que quelques coquilles soient passées inaperçues ici et là, et je n’ai pas compris l’intérêt de mettre deux fois le chapitre 30, même avec une différence minime *. Néanmoins, c’est un roman qui mérite vraiment d’être découvert, et si vous aimez les histoires qui sortent de la norme, foncez !

* L'auteure m'a expliqué le pourquoi du comment de ce double chapitre 30, mais je ne le dévoilerai pas, je préciserai simplement que cette répétition sert la trame narrative et n'est pas une anomalie!

jeudi 8 octobre 2020

La peine du bourreau, Estelle Tharreau (Taurnada, 10/2020)


La peine du bourreau,
Estelle Tharreau (Taurnada, 10/2020)

💚💚💚💚 


J’ai bien aimé ce roman noir en huis clos à la « sauce américaine », dans lequel une double narration permet de suivre les rencontres faites par le bourreau de la prison de Walls, et le parcours du prisonnier surnommé Ed 0451, condamné à mort pour cinq assassinats. Le premier se confie au gouverneur républicain Thompson, prêt à statuer sur la possibilité de gracier Ed, 4h avant l’injection létale. Pour nourrir sa réflexion, McCoy, le bourreau, va énumérer les cas des condamnés qu’il a amenés à la chaise électrique, qu’ils soient coupables, ou malheureusement innocents. Il estime que Thompson ne sera pas capable de prendre une décision sans avoir fait le tour de ce qu’il appelle sa « réserve à horreur ».

Le second est un homme éduqué comme le sont les hommes du Texas ; à la dure, « dressé » par un père prônant des valeurs contradictoires : la foi exacerbée côtoie ainsi le racisme le plus extrême, et la notion de pardon se noie sous la cruauté la plus animale. Témoin de scènes où l’injustice et la violence lui sautent aux yeux, Ed ne parvient pas à discerner vraiment ce qui différencie le Bien et le Mal.

« Si un jour, des hommes oublient leur devoir, tu devras t'en charger à leur place. N'oublie jamais ça et ne tremble pas au moment de le faire. Pense aux tiens. »

 

Je découvre avec ce roman le talent de conteuse d’Estelle Tharreau. On devine les heures de recherches préparatoires tant le récit est fouillé, truffé de références historiques et sociologiques, et sans que cela n’appesantisse l’écriture. Je me suis laissée emporter par cette histoire qui mêle si bien les réflexions et les parcours atypiques de personnages de fiction.

La thématique n’était pas évidente à aborder, surtout sans laisser apparaître de parti pris.

C’est donc au final un roman que je recommande chaudement à tous les adeptes des huis clos très noirs, et des grandes causes sociétales à défendre. 

lundi 5 octobre 2020

Chavirer, Lola Lafon ( Actes sud, 08/2020)


Chavirer,
Lola Lafon ( Actes sud, 08/2020)

💚💚💚💚 

Que dire, qu’écrire sur ce roman qui suit la vague #Metoo, le récent témoignage de Vanessa Springora sur sa propre expérience, et sur toutes ces émissions et articles qui traitent de cette nouvelle victimologie qui a sévi dans certains milieux parisiens distingués et qui se dévoile désormais au grand jour ?

Les victimes de prédateurs sexuels osent en effet depuis quelques temps s’exprimer, dévoiler l’identité de ces hommes, pédophiles des années 80 – 90 qui semblent découvrir en 2020 que les actes qu’ils prenaient pour des distractions entre mâles Alpha font d’eux des criminels.

Dans ce roman, la prédation est organisée ; elle porte même un nom, celui de « Galatée », un statut de « fondation » et a pour mission d’aider certaines jeunes filles, triées sur le volet, à réaliser leurs rêves.

1984. Cléo, treize ans, rêve d’intégrer un corps de ballet. D’origine modeste, les seuls cours que ses parents sont en mesure de lui payer sont ceux de la MJC de quartier. Quand Cathy, une femme élégante et cultivée, l’aborde à la sortie d’un cours en lui promettant un bel avenir si elle était sélectionnée, Cléo se sent pousser des ailes. Elle fera tout pour faire plaisir à Cathy, et tout pour espérer être la bénéficiaire de la bourse octroyée par la Fondation Galatée… même si cela va la pousser à accomplir des actes pour lesquels elle n’est pas prête mais aussi la mener à recruter d’autres filles de son âge. Mais très vite, sa conscience va la rattraper :

« Cette souffrance en veille ressurgissait à tout propos, celle d'une ancienne gamine à qui des adultes avaient enseigné la solitude des trahisons. »

C’est sous le prétexte d’un appel à témoins, prétexte à l’élaboration d’un documentaire sur la Fondation Galaté, que l’auteure a dessiné la trame de son intrigue. C’est rondement bien mené, avec des passages poignants, dans les deux premiers tiers du roman. Puis des répétitions, des ajouts de personnages, et des rallonges, inutiles à mes yeux, vont quelque peu amoindrir les sentiments ressentis au long de cette lecture. L’approche spiralaire de l’intrigue et l’écriture incisive de l’auteure donnent aussi à ce roman une ambiance bien particulière, qui peut plaire… ou pas.

Au final, un roman qui a su aborder le phénomène #Metoo sous un autre angle, celui de l’organisation d’adultes prédateurs, qui a le mérite de mettre en scène un personnage attachant, celui de Cléo, mais qui souffre de s’être trop éparpillé sur la fin.

jeudi 1 octobre 2020

Terra – Luna, tome 2, Eva Justine (Elixyria, 09/2020)

 


Terra – Luna, tome 2, Eva Justine (Elixyria, 09/2020)

💜💜💜 

Un tome 2 que j’ai bien apprécié, notamment par le plaisir de retrouver le personnage si attachant de Gus, ici davantage mis en valeur ; mais aussi pour la plume limpide de l’auteure, ainsi que l’univers onirique qu’elle propose.

« Quand le soleil brûlerait tout, les êtres humains seraient obligés de s'enfouir sous terre pour survivre, et s'ils découvraient un jour l'existence des magiciens, nul doute que cela finirait en guerre. » Ces magiciens, ce sont des êtres à l’apparence humaine qui, sur Terre, vivent en paix sur un 7ème continent camouflé par une bulle qui les cache aux yeux du reste du monde. Vivant en complète harmonie avec la nature, ces magiciens vivent une vie paisible depuis des lustres.

Malheureusement, certains se sont révélés ivres de pouvoir et leur rêve est de faire disparaître le bouclier d’invisibilité qui les protège, pour pouvoir se battre contre les Terriens des autres continents afin de les anéantir une bonne fois pour toute.

« L'homme est à la fois fort et faible. Le fort désire toujours plus et ne peut s'empêcher de convoiter ce qui ne lui appartient pas. La guerre fait malheureusement ressortir tout ce qu'il y a de plus obscur chez lui. Elle le rabaisse même souvent au rang d'une bête assoiffée de sang. »

Pour contrer ces rebelles, Terra – Luna compte une armée de Sentinelles, composée de magiciens ayant des pouvoirs en lien avec la défense d’une terre et des hommes : maîtrise du feu, lévitation, paralysie. Lyïs, que nous suivions au premier tome, a retrouvé ici son rôle de gardienne du bouclier. Son « souffle de vie « ( son âme- sœur), Louan, son frère Vulkan, ainsi que ses amis Abraham, Kassus, et Opale vont être sollicités à plusieurs reprises : Livia, prêtresse du mal, et cheffe des rebelles, est en en effet plus décidée que jamais à atteindre son but…

Notre petite équipe va donc évoluer au gré des missions qui leur seront confiées pour protéger le 7ème continent, mais aussi des gaffes de notre impayable Gus !

 

Au final, un tome qui se lit avec plaisir. Cependant, j’avoue avoir regretté certaines coïncidences un peu trop évidentes et personnellement, j’aurais aimé voir le trio formé par Livia, Rakel et Rénael mettre un peu plus d’ardeur et de félonie dans leur mission…