mercredi 29 juin 2022

Petites histoires à faire peur… mais pas trop ! Livéric et Priscilla Grédé (Elixyria, 04/2022)


 

Petites histoires à faire peur… mais pas trop ! Livéric et Priscilla Grédé (Elixyria, 04/2022)

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J’apprécie beaucoup la plume de Frédéric Livyns lorsqu’il écrit, pour les « grands », des nouvelles à tendance horrifique ; alors là, j’ai été très curieuse de découvrir ses récits destinés aux « petits » (8 à 10 ans). Et ma foi, j’ai passé un très bon moment ! L’auteur, qui choisit le pseudonyme de Livéric lorsqu’il publie en littérature jeunesse, réutilise les poncifs du genre comme les fantômes, les sorcières et autres êtres magiques en les agrémentant à la sauce sucrée de la pré- adolescence !

 

« D'ordinaire, la gamine était obéissante, mais aujourd'hui était un jour spécial. C'était l'anniversaire de sa maman. Pour lui faire plaisir, elle souhaitait lui offrir un bouquet de fleurs magnifiques. Et si on racontait beaucoup de choses effrayantes au sujet de cet endroit, on affirmait aussi qu'au plus profond de la forêt poussaient des fleurs très rares et extraordinairement belles. » Ah, la forêt ! Monde merveilleux le jour, et si terrifiant une fois la nuit tombée ! Et ces petites maisons qu’on y décèle alors qu’on se croit perdu ? Aucun doute, elles ne peuvent être qu’habitées par des êtres maléfiques ! Livéric sait toutefois retourner la situation à l’avantage de ceux- ci, par un effet de pirouette rassurante pour nos jeunes lecteurs.

 

« - Disons que mes connaissances effraient les gens. Et cette peur s'est transformée en méchanceté avec le temps. Les hommes ont souvent peur de ce qu'ils ne comprennent pas. » Sorcières d’hier et d’aujourd’hui ; même combat ! C’est l’ignorance qui conduit à l’exclusion, nos petits personnages vont en faire l’expérimentation.

 

« Lorsque Steven constata que le rez- de- chaussée était entièrement plongé dans le noir, son rythme cardiaque s'accéléra à son tour. Il se passait réellement des choses anormales ici. Il frissonna lorsqu'un courant d'air vint le transpercer jusqu'aux os. Il en chercha la provenance mais, d'où il se trouvait, il ne distinguait rien. Il n'avait pas le choix. Il devait descendre des marches et s'avancer dans le noir jusqu'à l'interrupteur. » Qui n’a jamais eu peur du noir, des craquements et chuchotements perçus alors qu’on est seul la nuit ? Vaut-il mieux se cacher sous la couette ou affronter le danger ?

 

Livéric saura emmener les jeunes lecteurs tout juste à la frontière de la peur, grâce à des nouvelles qui empruntent quelques idées aux contes populaires comme le Petit Poucet ou la légende des Ondines mais qui surtout, mettent en valeur la nature qui nous entoure, en partageant des réflexions très adroites sur la nécessité pour nos générations futures de préserver notre planète. Des contes écolos- terrifiants réussis et joliment illustrés !

Et que quelqu’un vous tende la main, Carène Ponte (Fleuve, 04/2022)

 


Et que quelqu’un vous tende la main, Carène Ponte (Fleuve, 04/2022)

💙💙💙💙💙

 Le titre vous interpelle ? C’est en effet la deuxième phrase du refrain d’un titre bien connu du groupe Sinsemilla, intitulé « Tout le bonheur du monde ». Un joli clin d’œil pour une histoire qui colle parfaitement aux intentions de ladite chanson. Carène Ponte nous offre ici un roman aux portées psychologiques optimistes ; ou du moins, pleines d’espoir. Prêts pour un ascenseur émotionnel ?

 

« Il m'a fallu moins d'une minute pour perdre le contrôle. Pour laisser échapper tout ce que je tenais à bout de bras depuis des semaines. Comme lorsqu'on transporte un objet beaucoup trop lourd et volumineux et qu'on le sent glisser un peu plus à chaque pas.
En moins d'une minute tout a volé en éclats.
Ce matin- là, j'ai perdu pied. »
Le Jardin des Cybèles accueille des femmes qui ont craqué, un jour, devant un quotidien devenu trop lourd à gérer, suite à un deuil, ou à un traumatisme insubmersible. Des femmes brisées par la vie qui ont pris le chemin de cette maison de repos, ultime recours à une tentative suicidaire.

 

« Lorsqu'elle a estimé que je n'avais plus besoin d'elle, que j'étais assez grande pour me préparer avant de partir à l'école, pour en revenir, expédier mes devoirs et me faire à manger, elle a décidé de rattraper le temps perdu. J'avais dix ans, une grand- mère décédée, un père qui avait foutu le camp et une mère qui me demandait de l'appeler "Sabine" plutôt que "Maman". » Valérie souffre de ne pas savoir aimer ses filles, n’ayant pas eu le « mode d’emploi » de la mère aimante et attentive. Elle n’a pas connu l’amour maternel en amont et ne sait pas comment montrer à ses filles ses propres sentiments. Avoir en plus un mari qui ne comprend pas, une maison à gérer, des responsabilités toujours plus lourdes à assumer au niveau professionnel. Valérie craque.

 

« Je propose de porter un toast aux jolies rencontres, ces petits cadeaux de la vie qui nous aident à supporter tout le reste, dit-elle en levant son verre. » Au Jardin des Cybèles, Valérie va rencontrer la jeune Anna, au traumatisme ô combien douloureux (ce que j’ai pleuré…), mais aussi Charline, qui tient le salon de thé et de pâtisseries situé à quelques mètres de la maison de repos. Entre ces trois femmes aux profils et aux traumatismes différents, va naître une formidable amitié, qui va permettre à chacune de panser quelques plaies, mais surtout, de reprendre confiance en elle- même, et plus simplement, dans le destin – leur destin.

 

Au final, un roman qui ma retournée comme une crêpe… Le deuxième que je lis de l’auteure et je pense que je vais continuer à la suivre. Le personnage de Valérie, outre le prénom, a fait raisonner tant de choses en moi… Et puis Anna… Carène Ponte insuffle un tel élan de vie à ses personnages qu’il est difficile de ne pas avoir envie de les connaître, ou mieux, de les prendre dans nos bras. Un roman psychologique sensible, dans lequel tout le monde se reconnaîtra d’une manière ou une autre, forcément.  

lundi 27 juin 2022

Myrmécia, la cité aux 10 000 lumières, Anna Wendell (Elixyria, 03/2022)


 

Myrmécia, la cité aux 10 000 lumières, Anna Wendell (Elixyria, 03/2022)

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Voilà une dystopie terriblement actuelle ! Entre la canicule, la guerre en Ukraine et la récente révocation du droit constitutionnel à l’I.V.G. aux Etats- Unis ; j’ai eu l’impression d’avoir les pieds bien ancrés sur notre Terre qui part en sucette et l’esprit qui s’égare dans les tunnels de Myrmécia. Passionnant. Captivant. Terrifiant…

 

« La terreur s'enroula autour de ses entrailles quand elle comprit enfin où elle se trouvait.
Un cercueil, un cauchemardesque cercueil de verre ! »
L’intrigue commence au réveil d’Hazel. Cette jeune femme née en 2036 ne comprend pas pourquoi elle ouvre les yeux dans une boîte aux parois de verre, pourquoi son crâne est rasé et pourquoi elle porte diverses cicatrices. Autour d’elle, d’autres corps sont endormis dans un silence mortuaire. Où est-elle ? Que fait- elle là ? Quel est donc cet étrange endroit ?

 

« Qui aurait pu imaginer qu'Ange Barraco, multimilliardaire, requin de la finance, se serait retrouvé ici en train de jouer un remake de "La Petite Maison dans la prairie" version solitaire ?
Personne. »
2015. Dubaï. Ange Barraco est un homme d’affaires sans scrupules. Multimilliardaire, son quotidien est rythmé par les verres d’alcool, les rails de coke, et la visite de prostitués. Mais l’attentat du Bataclan, le 13 novembre de la même année, va profondément bouleverser sa vie.  

 

« - Sentez sa force. Gaïa nous aime, et dans ses entrailles, nous bâtirons notre salut ! Notre renouveau, une société améliorée ! Une utopie ! Nous devrons y dissimuler les plus précieux trésors de notre civilisation, les semences de chaque espèce, nos connaissances, notre histoire, et ce, jusqu'au jour où, enfin, la surface redeviendra viable. » Nous voilà en « 315 post- GC (Grand Cataclysme). » S’inspirant du mode de fonctionnement d’une colonie de fourmis, Myrmécia, cité futuriste et utopiste, a été creusée, aménagée et peuplée sur les terres du Quercy. Hazel et Gabriele nous en font la visite, entre stupeur et effroi...

 

Au final, un roman foisonnant qui oscille entre le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui et un hypothétique futur à plus de trois cents ans d’écart. Le contenu est intelligent car nourri par de sérieuses recherches qui n’alourdissent jamais le récit. Le personnage d’Hazel est attachant, mais celui d’Ange, est particulièrement bien ciselé au niveau psychologique. L’intrigue ressemble à celle d’un thriller, avec des indices disséminés au fil des pages, notamment grâce à des retours judicieux dans le passé, pour permettre au lecteur de comprendre le pourquoi du comment de Myrmécia. Bref un roman particulièrement réussi à glisser impérativement dans votre valise cet été !  

mardi 14 juin 2022

The Salt wolves, Tome 1 : Quand je suis près de toi, Delphine Clever (auto- édition, 03/2022)

 


The Salt wolves, Tome 1 : Quand je suis près de toi, Delphine Clever (auto- édition, 03/2022)

💓💓💓💓

 

Voilà une romance étonnante, dans lequel le rock et les sentiments amoureux flirtent avec la mafia irlandaise ; autrement dit, il y a du mouvement dans ce tome 1 de la quadrilogie « The Salt wolves » ! Cap sur Salt Lake City où le destin d’une jeune fille emprisonnée va rencontrer la vie citadine, et empreinte de liberté, de plein fouet grâce à un jeune inconnu !

 

« Il doit être 18h30 à peu près quand ma vie bascule. Enfin, c'est autre chose qui bascule, en fait, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots. » Cassie, 17 ans, a toujours vécu en vase clos dans la ferme familiale, avec ses trois frères aînés. Elle n’est jamais sortie de là et a grandi sans télé, sans Internet, et sans lien social avec ses pairs, sa mère leur faisant l’école à la maison. Alors quand Jared, guitariste dans un groupe de rock se retrouve victime d’un accident de la route en se rendant à un concert, juste devant la ferme, Cassie prend conscience de l’éventualité d’une vie toute autre, et surtout, ailleurs…

 

« Lorsque je rêvais au prince charmant, je n'envisageais pas du tout les choses de cette manière. Normal, vous allez me dire, avec ma vie surprotégée. Je nous imaginais discuter pendant des heures sous la véranda de notre maison, rire ensemble, nous câliner, oui, mais ça ? Comment aurais-je pu anticiper toutes ces émotions et toutes ces sensations ? » Jared va honorer sa promesse : revenir chercher Cassie qui le supplie de l’emmener loin des siens, avec qui les tensions vont croissantes. Mais voilà que le sauveur va tomber, comme dans les meilleurs contes, amoureux de la belle qu’il vient de libérer d’un bien triste sort.

 

« Avec tout ce qu'il se passe dans ma vie en ce moment, j'ai réussi à oublier un peu la situation délicate dans laquelle je me trouve. Je tente de me reconstruire, de faire des choix qui m'appartiennent en propre, et mon père est quelque part, à manigancer pour me récupérer. J'en ai des frissons. » Hélas, le patriarche de la famille O’Brian n’est pas près d’accepter la fuite de sa seule fille ; il avait en effet d’autres tristes projets pour elle. Et nos deux tourtereaux ne sont pas près de roucouler en paix…

 

Au final, c’est une romance très dynamique, dans laquelle on ne peut que s’attacher aux principaux protagonistes, pleins de bonne foi mais victimes des aléas de leur passé respectif. L’auteure sait partager les émotions liées à la relation amoureuse (attention, scènes olé- olé !!!), mais aussi en lien avec l’amitié, avec ce que cela comporte en notions de confiance et de sincérité. Mention spéciale pour le personnage de Cassie, extrêmement touchante ! 

mercredi 8 juin 2022

La corde de Mi, Christian Guillerme (LBS noir, 11/2021)


 

La corde de Mi, Christian Guillerme (LBS noir, 11/2021)

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Quand le thriller croise la route du metal (ou inversement) ; ça claque ! Même si « La corde de Mi » est le premier roman de Christian Guillerme, il connait ces deux milieux sur le bout des doigts. Lui-même bassiste dans des groupes de rock, il met en scène ici un huis- clos diabolique se déroulant dans les studios de répétition de deux groupes de metal, à quatre ans d’intervalle…

 

« C’était une corde de Mi, la plus grosse des quatre d’une basse, d’une couleur rouge vif. Elle avait de toute évidence connu des jours meilleurs au vu des spirales de fils métalliques autour de l’âme d’acier, complètement effilochés. Le bassiste n’avait pas pu détacher les yeux de cette corde, un sentiment de malaise était venu creuser son estomac comme une vague érode la falaise. » Eric, le bassiste d’un groupe de metal, en trouvant cette corde de Mi laissée par un étrange individu ayant surgi durant l’une de leur répétition, va involontairement se retrouver dans la peau d’un enquêteur.

 

« Les gars du groupe ont été retrouvés massacrés dans l’enceinte du studio le surlendemain d’une répétition. L’une des rares à laquelle je n’assistais pas. Tu imagines ? » Quatre ans plus tôt, les membres du groupe « Sleazy curse » ont été massacrés sans aucune raison apparente… Sauf qu’en surfant sur le « deep web », Éric va trouver de drôles de coïncidences… Et si son groupe était le prochain sur la liste des proies ciblées par l’assassin des « Sleazy curse » ?

 

Au final, une lecture très agréable ; un peu lente au début car les repères, temporels notamment, sont durs à trouver, et parce que le monde du rock est longuement explicité : utilisation des divers instruments, références à des groupes ou musiciens diversement connus. Un peu complexe pour les néophytes, je pense… Mais une fois le contexte posé, l’enquête d’Éric s’avère de plus en plus intéressante et angoissante. Par ailleurs, le profil psychologique de l’assassin est très bien élaboré et on craint de rencontrer un jour ce genre de type !!! 

samedi 4 juin 2022

Le choc: Des forces spéciales à la police municipale, Arthur Hopfner (Elixyria, 03/2022)


 

Le choc: Des forces spéciales à la police municipale, Arthur Hopfner (Elixyria, 03/2022) 

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J’aime décidément beaucoup la plume d’Arthur Hopfner ; il écrit simplement, sans chichi ni fioriture, mais avec des termes précis et une émotion que l’on sent vibrer à fleur de peau à chaque mot. Et pourtant, direz- vous, c’est un militaire, un dur de chez dur qui a passé près de vingt ans dans la Marine nationale. Et bien, avec ce deuxième roman que je lis de lui, je peux affirmer, sans trop me tromper je crois, qu’Arthur Hopfner est un véritable dur au cœur tendre !

 

« Les lieux sont imprécis, les personnages fictifs, c'est un choix, mon but n'est pas de critiquer, mais de faire rentrer le lecteur dans cet univers particulier, dans le quotidien de ces hommes, de simples policiers de proximité au service de leur commune. Le but de ce livre est de partager ce quotidien avec tous mes lecteurs. » Mathias, commando dans la Marine nationale (comme le fut l’auteur), approche la quarantaine et se remet en question suite à l’hospitalisation de l’un de ses enfants. Et s’il passait à côté de l’essentiel, en passant le plus clair de son temps en missions dans les pays les plus dangereux du monde ? Ses enfants grandissent si vite, loin de lui. Et sa femme, dont il est encore éperdument amoureux, lui manque de plus en plus. Après une période de mure décision, il décide de continuer à servir sa patrie corps et âme mais dans un autre corps, la Police municipale.

 

« Décidément, je n'ai pas porté un seul coup, juste secoué un jeune impoli et ils en font toute une affaire. Je suis assez surpris et presque déçu. C'est donc ça mon nouveau travail ? On m'insulte, je réponds avec un stylo, on me provoque, je réponds avec un stylo. Mais le jeune, lui, pendant ce temps, pense qu'il est un caïd craint par les "mini pipeaux", comme il nous appelle. » Mathias réussit facilement le concours et toute la petite famille déménage dans la commune où il est affecté. Mais le père de famille déchante vite. Il découvre que sur le terrain, il est difficile, voire impossible de faire respecter la loi aux jeunes délinquants des cités…

 

« Mon sang ne fait qu'un tour, j'ai envie de l'exploser, de lui mettre une droite "éducative". Pire encore, j'ai envie de lui expliquer le mot "respect", mais à ma manière, à l'ancienne. » Devant le laxisme de la justice et l’impunité offerte à ceux qui agressent ses collègues, Mathias déprime. Les moqueries dont souffrent ses enfants finissent de le démotiver par rapport à ses nouvelles fonctions. Mathias s’étiole et son désespoir touche sa famille. Il devient vital pour lui de trouver une solution, de trouver comment rebondir…

 

Au final, un roman qui a les couleurs du témoignage, et qui reflète parfaitement l’incapacité pour nos forces de l’ordre de se faire respecter et de faire respecter les lois à des délinquants, souvent jeunes, mais de plus en plus violents au nom de la paix sociale. Il n’y a aucun prosélytisme, aucun jugement, mais de la réflexion. Certains passages sont bouleversants… Je le recommande à 200%.