mercredi 31 mars 2021

Le vallon des lucioles, Isla Morley (Seuil, 03/2021)



Le vallon des lucioles, Isla Morley (Seuil, 03/2021)

💓💓💓💓💓 

Ah, mais ce roman, quelle beauté ! C’est un véritable hymne à l’amour inconditionnel et à la nature bienveillante qui nous entoure ! Cela fait un petit moment que je n’avais pas été bouleversée par une histoire ; et le fait que cette fiction s’inspire de faits réels lui donne une dimension encore plus émouvante !

Tout commence avec une mission, portée par Clay Havens, photographe, et Ulys Massey, journaliste, envoyés dans le cadre du New Deal pour réaliser un reportage sur les paysans pauvres de l’Amérique des années 30 demeurant dans un coin reculé des Appalaches. Ces deux- là ont besoin de se refaire un nom et ils se sentent prêts à tout pour parvenir à obtenir un scoop. « Selon son patron, Pomeroy, Havens doit saisir la nature sauvage et inébranlable de ceux qui vivent en montagne, qu'elle soit réelle ou non, et montrer leur souffrance afin de susciter la compassion de l'opinion publique et faire voter chacun du bon côté. »

A peine arrivés dans le bourg de Chance, ils sont rapidement mis au fait : une famille vit à l’écart du fait de la couleur bleue de certains de ses membres. Mais si Massey sent la fortune lui sourire, Havens, lui, développe un autre point de vue : « Un esprit anti- Bleus se transmet à un enfant tout autant qu'un nez crochu ou que la bosse des maths, et Ronny a reçu une double dose. »  Et quand notre photographe rencontre Jubilee, la fille de cette famille, les Buford, le coup de foudre est immédiat. Mais alors, un dilemme cornélien surgit : peut- il publier ses photos, leur article pour dénoncer le racisme dont sont victimes les Buford, ou faut- il continuer à les préserver, au risque de voir le scoop leur passer sous le nez et de voir intervenir des journalistes moins délicats qu’eux ?

« Ce que l'on n'explique jamais au sujet des trains, c'est que, quelle que soit leur destination, la personne qui monte à bord n'est plus la même que celle qui en descend. » Havens et Jubilee, après bien des déboires, vont prendre chacun un train qui les mènera vers un avenir distinct, douloureux, et néanmoins, déterminant… Pourront- ils se retrouver un jour ?

Au final, j’ai été très émue, chamboulée, ébranlée par ce roman inspiré par un fait médical qui a autrefois existé. L’amour de la nature, l’acceptation de la différence et l’ode à l’amour véritable qui se dégagent de ce récit intelligent et poétique sont devenus si rares qu’il serait dommage de vous en priver… Personnellement, je n’oublierai pas Jubilee de sitôt. Impossible…

 

Un dernier extrait, une merveilleuse métaphore de l’acte d’amour, si beau pour vous convaincre, encore : « C'est ainsi que la forêt pousse lorsque personne ne regarde. D'épaisses racines s'entremêlent, les plantes grimpantes s'enchevêtrent et s'accrochent aux branches, l'écorce frémit lorsque la mousse s'éclipse, se détricote d'un coup, et l'arbre frissonne - et pendant ce temps le sol s'assouplit, se cambre, et la rivière, autrefois retenue par un barrage, surgit plus bas, dans le lit du ruisseau qui l'attendait. »

lundi 29 mars 2021

Dette de sang, tome 1 : Un paquet d’os et d’or, Hailey Turner (MxM Bookmark, 03/2019)


 

Dette de sang, tome 1 : Un paquet d’os et d’or, Hailey Turner (MxM Bookmark, 03/2019)

💙

 Le premier tome de cette saga met en place les éléments qui permettrons à Patrick Collins, le personnage principal, d’évoluer face aux divers obstacles que va lui opposer la secte de Dominion. Alors qu’il était prêt à prendre un avion pour rejoindre les plages de Maui, le voilà réassigné de toute urgence sur une affaire de meurtre surnaturel à New- York. Un corps a été retrouvé à moitié dévoré et la Police compte sur cet l’Agence des Opérations Surnaturelles, dont fait partie Patrick, pour résoudre rapidement cette affaire et surtout, arrêter le coupable.

 

« La magie noire était interdite pour bien des raisons, une des premières étant que la plupart des victimes finissaient raides mortes. Patrick en savait quelque chose. Il avait survécu à une attaque préméditée et portait toujours les cicatrices - physiques, mentales et magiques - du jour où, enfant, un démon avait presque réussi à lui arracher le cœur. » Patrick est un ancien soldat, une tête brûlée qui n’en fait plus qu’à sa tête. Mais face aux démons récalcitrants, il est d’une efficacité sans faille. Son sarcasme en fait un personnage sympathique, voire attachant.

 

Malheureusement, avec moi, ça n’a pas marché. J’ai eu du mal à trouver de quoi donner une consistance au personnage de Patrick, et l’univers dans lequel il évolue est bien trop confus pour moi : entre les métamorphes, les mages, les démons, les dieux de l’Olympe et les oracles nordiques, je me suis totalement perdue ! Force est de constater que je ne suis pas faite du tout pour ce genre de fantasy, ou qu’il faut que je me familiarise avec le genre de personnages et les rituels qu’on y rencontre, avant de me lancer de nouveau dans ce genre de lecture !

Le Cid en 4e B, Véropée (La Boîte à bulles, 05/2019)



 Le Cid en 4e B, Véropée (La Boîte à bulles, 05/2019)

💙💙💙💙💙

Ce que j’ai ri en lisant cette bande dessinée !!! Etant moi-même professeur de français en train de faire lire et étudier « Le Cid » de Corneille à mes classes de 4e, je ne pouvais que m’identifier dans cette situation et revivre en bulles des scènes de classe vécues !

 

« Allez, on se dépêche de s'installer, dans le calme. Aujourd'hui, on commence un chapitre sur le théâtre, on va travailler "Le Cid".
- On va encore faire Molière ?
- J'ai toujours confondu Molière avec les dents du fond.
- Le Cid, ça a rapport avec le sida ?
- Le cidre !
- ça va parler de "l'Âge de glace" ?

Le théâtre du XVIIe siècle est au programme de nos collégiens du XXIe siècle ; aberration ou souci de référence culturelle ? Sempiternel débat ! Quoi qu’il en soit, donner envie aux élèves d’aujourd’hui, de se frotter aux vers d’auteurs classiques comme Corneille, c’est toujours une sacrée paire de manches !

 

Cette bande dessinée montre que malgré toutes les craintes que l’on peut opposer à l’étude de ce genre de classiques, il suffit d’un enseignant motivé et tolérant, capable d’adapter son enseignement de façon à le rendre accessible à ses élèves, pour que ceux- ci puissent de rendre compte que les valeurs qui se confrontent dans l’histoire d’amour de Rodrigue et Chimène sont toujours d’actualité. Et que les 400 années qui nous séparent nous paraissent, d’un coup, insignifiantes.

 

Au final, des éclats de rire, de l’attendrissement, et une grande envie de partager cette bande dessinée avec ma propre 4eB !!!

samedi 27 mars 2021

Malédiction, Tome 1 - Les larmes d'Azraël, Cécilia Armand (Elixyria, 08/2020)



Malédiction, Tome 1 - Les larmes d'Azraël, Cécilia Armand (Elixyria, 08/2020)

 💙👼👼💙

Je suis toujours frileuse face aux romans dont l’intrigue s’ancre dans les mythes de la Création. Le Paradis et l’Enfer ont été, à mon goût, déjà trop souvent le théâtre d’histoires bien trop rocambolesques, et je n’aime pas que ce que l’on m’a raconté, durant de longues heures de catéchisme, puis d’études littéraires, soit trop facilement dénaturé à coup d’anges défroqués et de démons lubriques. Heureusement, la saga « Malédiction » ne nous emmène pas dans ces détournements extrêmes !

« Mon peuple a l'interdiction de tomber amoureux des humains, sous peine d'en subir les conséquences. J'ai été égoïste et impétueux de penser que cela serait différent pour moi ». Azraël est un ange de grande valeur au Paradis : c’est celui qui donne le Baiser de la Mort, celui qui permet à l’âme du défunt de s’évader de son enveloppe terrestre pour être jugée et rejoindre, selon la sagesse de la vie qu’il a menée, soit le Paradis, soit l’Enfer. Mais voilà que pour la deuxième fois de sa perpétuelle existence, Azraël tombe amoureux d’une humaine, prénommée Rosalie (et surnommée Rose).

« Dès que mes lèvres se posent sur les siennes, tout signe de vie s'envole de son corps. Je suis parcouru d'un frisson quand son âme me traverse pour rejoindre son dernier royaume. La pluie inonde mon visage, je lève les yeux au ciel, amer, pour constater que l'averse a cessé. Je porte ma main à ma joue. Pour la première fois, la Mort verse des larmes de fer sur l'amour. » Désillusionné par sa première expérience, Azraël veut dans un premier temps tout faire pour ne pas s’attacher à Rose… Mais trop tard, le (M)al est fait…

« Quand on dit que l'amour rend aveugle, c'est vrai. Je suis tellement obnubilé par mes sentiments que je ne remarque même pas ce qu'il se passe sous mon nez. Lucifer doit bien rire de moi. » Dès qu’Azraël s’immisce dans la vie de la jeune fille, l’univers de Rosalie va être profondément bouleversé. Même son meilleur ami, Tristan, ne sera pas épargné. Des secrets liés au passé vont resurgir et pousser le joli couple de plus en plus près du portail des Enfers. Là où les attend, avec impatience, un Lucifer avide de vengeance.

 

Au final, j’ai beaucoup aimé l’univers proposé par Cécilia Armand. Les heures de recherches documentaires sur les mythes, les croyances et la lithothérapie sont bien palpables et elles n’alourdissent en rien le récit ; ce qui est remarquable – et appréciable ; j’adore apprendre en lisant ! L’intrigue tient la route, et les éléments qu’elle ne délivre qu’au compte- gouttes permettent de distiller un certain suspens. Quelques passages sont moins dynamiques que d’autres mais dans l’ensemble, j’ai eu du mal à poser le livre tant je me suis laissée embarquer par l’histoire. Maintenant, j’ai hâte de lire les tomes 2 et 3 !

jeudi 25 mars 2021

Missouri 1627 =>, Jenni Hendricks & Ted Caplan (Bayard, 02/2021)


 

Missouri 1627 =>,  Jenni Hendricks & Ted Caplan (Bayard, 02/2021)

💙💙💙💙💙

En lisant la page des remerciements, j’ai découvert que les auteurs de ce road-trip adolescent avaient pour but d’écrire « un livre drôle sur l’avortement », et je me suis dit qu’ils avaient effectivement bien atteint leur objectif ! Néanmoins si j’ai ri à plusieurs reprises, je dois avouer que j’ai failli tout de même verser une larmichette à deux ou trois reprises…

 

 « J'ai une moyenne de 18/20, je suis membre de la National Honor Society qui distingue les meilleurs élèves, et j'ai été admise à Brown University. Je suis quand même capable de pisser sur un bâton. » Veronica Clarke est la star de son lycée de Columbia ; cette élève brillante et populaire est promise à un bel avenir. Le couple qu’elle forme avec Kevin Decuziac, le joueur star de l’équipe de foot de l’établissement, fait fantasmer toutes les filles. Mais voilà ; malgré le port de sa bague de virginité qui n’est là que pour tromper les apparences, Veronica a « fauté » plus d’une fois avec son beau blond. Et malgré les précautions prises, la réalité, sous la forme de deux petites bandelettes roses, va faire s’écrouler son joli petit univers et remettre en question ses projets d’avenir.

 

Heureusement pour elle, la fin de l’année scolaire approche, et comme les années précédentes, Veronica a prévu d’aller passer un week-end de révisions avec ses trois meilleures amies, Kaylee, Jocelyn et Emily, dans une cabane à l’extérieur de la ville. C’est surtout l’occasion pour elles de se passer en boucle les films de Ryan Gosling et de se goinfrer de bonbons. Mais cette fois, Veronica leur fera faux bond : elle doit aller se faire avorter. Seule. « Ce sont mes meilleures amies, mais pas le genre de personnes à qui je peux parler ouvertement. Notre amitié s'est construite sur des succès, et non sur des échecs. »

 

Kevin n’étant pas fiable non plus, Veronica devra se fier à la seule personne capable de la comprendre et de l’aider : Bailey Butler, son ex- meilleure amie, à qui elle avait jadis tourné le dos. Et avec qui elle va donc devoir parcourir plus de 1600 kilomètres pour se rendre dans le centre d’avortement le plus proche dans lequel une mineure est acceptée, à Albuquerque, dans le Missouri…

 

Au final, un road trip plus qu’émouvant, qui s’appuie sur le thème de l’avortement mais qui révèle un sujet plus profond : la quête de sa véritable identité à l’adolescence. Veronica et Bailey auront appris beaucoup sur elles- mêmes lors de ce long voyage. Le lecteur, lui, aura ri et pleuré avec elles, mais aura aussi réfléchi à ce fameux culte des apparences, entretenu encore et toujours par les réseaux sociaux qui pervertissent si facilement la jeunesse actuelle. A lire et à faire lire !

mercredi 24 mars 2021

Une arête dans la gorge, Christophe Royer (Taurnada, 03/2021)



Une arête dans la gorge, Christophe Royer (Taurnada, 03/2021)

💓💓💓💓  

J’ai retrouvé avec grand plaisir Nathalie Lesage, capitaine de police, promue commandant à la fin du premier tome de ses enquêtes, Lésions intimes ; et mutée à la brigade de Lyon selon ses propres désirs. En quittant Paris, elle quitte la brigade de la répression du proxénétisme pour rejoindre celle des affaires criminelles. Nathalie est une femme d’action, de terrain. Elle est efficace. Elle arrive pourtant comme un cheveu sur la soupe dans sa nouvelle équipe, pilotée par une femme commissaire qui n’a pas l’attention de faire le moindre effort pour accueillir avec bienveillance celle qu’elle considère d’emblée comme une rivale.

 Cependant, dès son arrivée, de mystérieux crimes vont avoir lieu dans la capitale des Gaules. « Derrière ces deux meurtres, Nathalie percevait clairement une violence destructrice que rien ne pouvait arrêter. » La jeune femme et son adjoint, Cyrille, vont rapidement trouver des concordances entre les deux premiers crimes particulièrement violents ; ainsi qu’un lien certain avec l’univers secret et légendaire de la Franc- Maçonnerie…

Mais malgré les efforts et les entorses aux règles judiciaires, Nathalie et son équipe ne parviennent pas à faire cesser les meurtres. Elle va alors se lier avec un mystérieux informateur, prénommé Raphaël, qui va lui enseigner les mystères de la ville de Lyon, de ses légendes et de ses souterrains. Mais seul un esprit détraqué pourra la mettre sur la bonne voie… « Comme une mauvaise mélasse collante, tout se mélangeait dans son esprit : le passé, le présent, les raisons de sa colère. »

 

La plume de Christophe Royer m’a de nouveau entraînée dans un thriller haletant, rondement mené et à l’intrigue inscrite dans l’histoire de l’Art et du patrimoine lyonnais. Les habitants de cette ville devraient prendre un plaisir immense à lire ce récit ! De mon côté, j’ai très envie de découvrir les traboules, bouchons, et ce fameux quartier de la Croix- Rousse ! Mais je resterais sur mes gardes !!!

 

Au final, un roman qui se visualise vraiment bien mentalement à la lecture grâce à l’écriture cinématographique de l’auteur. La plume est enlevée et on sent les recherches documentaires préparatoires au récit. J’aime avoir l’esprit titillé par des questions ésotériques comme ce fut le cas ici. Par contre, j’avoue avoir préféré « l’énergie » de la précédente enquête !

vendredi 19 mars 2021

Les espionnes racontent, Chloé Aerberhardt et Aurélie Pollet (Arte éditions, 01/2021)



 Les espionnes racontent, Chloé Aerberhardt et Aurélie Pollet (Arte éditions, 01/2021)

💚💚💚💚

C’est une lecture vraiment plaisante que ce documentaire réalisé sous la forme d’un roman graphique ! Les illustrations d’Aurélie Pollet, en couleurs et noirs et blancs, sont magnifiques ! La journaliste Chloé Aeberhardt nous narre ici son enquête concernant les femmes ayant joué le rôle d’espionnes. Elles sont ici au nombre de six : Geneviève, Martha, Jonna, Gabriele, Ludmila et Yola…

 

« Aujourd'hui, moins d'un tiers des fonctionnaires de la DGSE sont des femmes, le plus souvent cantonnées à des postes administratifs de catégories B ou C. Une sous- représentation regrettable, soupire Edmond en sirotant son Earl Grey, car "d'ordinaire, dans le renseignement comme dans la vie, les femmes ont plus d'intuition que les hommes." C’est ce triste constat qui a donné à la journaliste envie d’en savoir plus sur ces femmes qui ont réussi à aller au- delà d’un simple rôle de secrétaire et ont risqué leur vie en voulant aller, comme les hommes, sur le terrain.

 

« Comment expliquer, s'il existe des professionnelles surpassant leurs collègues masculins, que l'imaginaire collectif continue de les associer à des James Bond girls juste bonnes à coucher ? » Geneviève, Martha, Jonna, Gabriele, Ludmila et Yola n’ont vraiment pas le profil de James Bond girls. Certaines d’entre elles sont même mères de famille. Leurs motivations, elles, sont différentes, entre un patriotisme exacerbé pour Gabriele, le souhait de suivre son mari dans la Police pour Geneviève, ou l’envie de vivre des aventures comme Yola…

J’ai aimé apprendre, à la fin du livre, ce qu’elles étaient devenues après avoir pris leur « retraite » du monde de l’espionnage !rtfgfv

 

Au final, un livre qui se lit avec intérêt, qui se révèle dépaysant grâce aux illustrations magnifiques et qui fourmille d’anecdotes instructives : « Il a fixé le rendez- vous à "dix- sept heures, moins deux, plus trois". Je m'étonne de cette précision horlogère. "Elle nous vient des Russes", m'éclaire- t- il. "Si le contact n'apparaissait pas sur zone entre deux minutes avant, et trois minutes après l'heure convenue, l'entrevue était reportée". Un très bon moment de lecture !

jeudi 18 mars 2021

Lésions intimes, Christophe Royer (Taurnada, 09/2019)




Lésions intimes,  Christophe Royer (Taurnada, 09/2019)

💓💓💓💓💓

Whow ! En voilà un thriller qui tient en haleine du premier au dernier chapitre ! En entremêlant habilement deux histoires toutes aussi sordides l’une que l’autre, Christophe Royer ne laisse aucun répit à son lecteur ! Âmes sensibles s’abstenir !

 

« Les yeux brillants de la femme fixaient une forme oblongue noire nacrée, légèrement courbée sur laquelle de fines lignes de couleur ivoire couraient et s'entrecroisaient sur toute la surface. De l'autre main, elle dégagea prestement la lame de son fourreau. Elle tendit le petit sabre en direction de Pascal pour en admirer le fil fraîchement aiguisé. » Tout commence par un double meurtre. Le lecteur assiste au premier en se demandant ce qui a bien pu arriver à ce pervers sexuel, attaché nu, les bras en croix, dans un garage surchauffé. Tout va très vite, et fait songer à une vengeance préméditée avec soin. C’est ce que pense aussi Nathalie Lesage, capitaine au sein de la brigade de répression du proxénétisme, qui connaissait bien la victime pour ses précédentes affaires de mœurs. Mais très vite, les éléments vont s’enchaîner, s’ajouter à un accident dans un bar qui va fortement perturber le quotidien de Nathalie.

 

En plus de cela, la capitaine va apprendre que son frère vient de mourir, et la voilà de retour sur ses terres familiales pour l’enterrement, là où ses souvenirs d’enfance étaient restés, jusque-là, bloqués derrière elle…

 

Il faudra à Nathalie et à ses collègues beaucoup d’obstination et de confiance mutuelle pour arriver à résoudre une enquête liée à un énorme réseau de proxénétisme aux tendances vraiment glauques. En parallèle, Nathalie Lesage cherche à comprendre les troubles dont elle souffre depuis son accident, enquêtant sur son propre passé, et son propre entourage. Glaçant !

 

Bref, j’ai dévoré ce thriller captivant et aux scènes au réalisme dérangeant. Si vous avez le cœur bien accroché, n’hésitez pas à découvrir la plume de Christophe Royer. En ce qui me concerne, je file lire la seconde enquête du capitaine Lesage, qui vient tout juste de paraître sous le titre « Une arrête dans la gorge ».  

dimanche 14 mars 2021

Camille with love, Julie - Anne De Sée (Elixyria, 01/2021)



Camille with love, Julie - Anne De Sée (Elixyria, 01/2021)

💚💙💚💙 

Camille with love pourrait être désigné par une appellation du genre « livre de vie ». En effet, dans ce roman, il n’y a pas d’intrigue à proprement parler. L’auteure nous propose ici de partager une année de vie avec ses personnages, un homme et une femme, ayant la particularité d’être tous deux prénommés Camille.

 

A chaque fois que je prenais ce livre en main me revenait un slogan des années 80 pour une chaîne de magasin de chaussures, qui jouait sur le côté androgyne de certains modèles portés par des mannequins entonnant « Est- ce une fille ou un garçon ? Un garçon aux cheveux longs ? Ou une fille en pantalon… » Car les deux Camille de ce roman m’apparaissaient interchangeables : même sensibilité, mêmes goûts raffinés, même appétence culturelle… Et mêmes déboires amoureux. « Chacun portait les cicatrices toutes fraiches des coups de griffe d'un passé si proche qu'elles pourraient bien se remettre à saigner s'ils n'y prenaient pas garde. »

 

Ces deux trentenaires bobos parisiens sont tous deux professeurs de lycées. Ils se sont d’ailleurs rencontrés lors de l’affichage des résultats de l’agrégation. Leur amitié est devenue rapidement intense et ils semblent parfois incroyablement fusionnels. Pourquoi ne sont-ils pas amoureux l’un de l’autre ? Parce le jeune homme, lui, préfère les garçons. Alors chacun d’eux cherche sa moitié, souvent avec de grandes parts de déception. « Comment diantre pouvait - il avaler si tôt le matin un thé d'après- midi ? S'il avait fallu une raison supplémentaire et rédhibitoire pour partir, elle était là toute trouvée ! »

 

Au final, j’ai vraiment aimé passer cette année avec les deux Camille. Leurs désespoirs amoureux m’ont peinée et fait sourire ; leurs profils psychologiques étant si bien dressés que l’on ne peut que s’attacher à ces deux êtres sensibles, ne se supportant finalement que l’un l’autre, avec autour d’eux une ribambelle d’animaux choyés. Un « roman – doudou », pour reprendre l’expression d’une amie, qui fait du bien en cette période si morose !

mardi 9 mars 2021

L'hiver de Solveig, Reine Andrieu (Préludes, 02/2021)


 

L'hiver de Solveig, Reine Andrieu (Préludes, 02/2021)

💜💜💜💜💜

Quel petit bijou que ce roman !!! Ce récit choral dont l’intrigue principale se situe dans la période de l’Occupation allemande m’a passionnée ! J’ai vraiment apprécié le fait que divers protagonistes racontent l’histoire d’un point de vue interne, et que le va- et -vient entre 1940, 1946 et 2011 puisse permettre au lecteur de se mettre dans la peau d’un témoin, comme s’il pouvait enrôler la fonction d’un éventuel collègue pour Justin, le gendarme chargé de résoudre l’affaire ici présente. En effet, le point de départ de cette histoire réside dans l’apparition d’une petite fille complètement amnésique, blessée et dénutrie sur la place de Bournelin, un village du Bordelais, en 1946.

 

Le lecteur est alors projeté en 1940, à Lignon, commune proche de Bordeaux, chez la famille Lenoir. Armand est médecin, et son épouse, Noémie, est mère au foyer, comme c’est l’usage à l’époque dans les familles nobles. Ils ont deux enfants, Solveig et Valentin ; ainsi que deux domestiques à demeure, Germain qui s’occupe de l’extérieur et Ernestine, qui s’occupe de la maison et des enfants. Le quotidien de ce petit monde va être fortement ébranlé lorsque les Allemands leur imposent d’héberger l’un de leurs adjudants, Günter Kohler. « Leur obséquiosité m'horripilait. Ils vous servaient du "Madame Machin" à toutes les phrases, comme si cela devait les rendre plus aimables et nous faire oublier que nous étions sous leur férule odieuse. » Les Lenoir sont outrés, gênés par cette intrusion dans leur univers franchement patriote.

 

Et puis, au fil de regards échangés, de gestes attentionnés, Noémie va éprouver une attirance de plus en plus violente pour l’occupant de sa demeure. « Je compris que c'en était fini de ma vie d'avant. Je compris que cet homme qui allait être convalescent sous notre toit incarnerait ma perte, qu'il serait tout à la fois ma torture et mon enchantement. » Cette liaison interdite se fait à couvert, mais dans une période trouble où chacun espionne son voisin, au risque de le dénoncer, quelles conséquences risque-t-elle d’entraîner ? Le lecteur, lui, se demande, dans la première partie du roman quel sera le lien avec cette petite fille amnésique retrouvée en 1946. Mais il va le comprendre assez vite, et personnellement, c’est ce qui fait que ce roman n’a pas été un coup de cœur…

 

Sinon, ce récit m’a véritablement embarquée et la plume de Reine Andrieu est un vrai plaisir de lecture, fluide, savante, sans être pompeuse. On sent les heures de recherches documentaires pour nourrir le récit mais aussi un véritable travail de style dans l’écriture. Je ne peux que conseiller ce voyage littéraire plaisant et touchant !

jeudi 4 mars 2021

Le résident, Elsa Vasseur (Robert Laffont, 01/2021)

 



Le résident, Elsa Vasseur (Robert Laffont, 01/2021)

💙💙💙💙

Connaissez- vous les résidences d’écrivains ? Le concept, très répandu aux Etats- Unis, est en train de se développer en France ; tout comme les ateliers d’écriture d’ailleurs. Le principe ? Permettre à des auteurs de s’isoler, durant plusieurs semaines, loin des contraintes et des bruits de la vie quotidienne afin de leur permettre de consacrer tout leur temps à l’écriture.

Jacques Cascade, le personnage principal de ce roman, est ainsi un auteur français en mal d’inspiration. Son éditeur, croyant bien faire, l’a donc envoyé à White Falls (« cascades blanches » ; clin d’œil moqueur de l’auteure !), dans une résidence nommée « Oscar Wilde », dans le but de lui permettre de boucler son dernier roman en cours. Il est prévu qu’il y passe six semaines en compagnie de cinq autres écrivains. La cohabitation n’est pas évidente, au premier abord, tant les personnalités des résidents diffèrent. Cependant, Jacques va se rapprocher de la jeune Cheyenne, auteure américano iranienne, et réaliser un cheminement mental inattendu…

 

« Mais fallait-il vraiment tout se dire par amour ? Jacques était convaincu qu’un peu de mystère nourrit l’amour, et qu’on ne désire jamais que ce que l’on ne possède pas tout à fait. » L’épouse de Jacques, Alicia, n’est pas du même avis. Elle souffre de ne rien connaître du passé de son mari, de ne pas comprendre ses silences, ses sautes d’humeur. Le séjour de l’auteur est de ce fait l’occasion pour le couple de faire une pause et d’envisager quelle suite donner à leur vie de famille.

 

« Jacques avait pratiquement renoncé à lire ses contemporains, craignant que les mots des autres ne l’éclaboussent. » Être en compagnie d’auteurs à temps complet est difficile pour lui. Et l’inspiration, au lieu de se délier, se bloque, plongeant étrangement Jacques dans des souvenirs qu’il pensait avoir enfouis si profondément qu’il n’aurait plus jamais à y revenir… Et finalement, une question va se poser à lui : incapable d’écrire la moindre ligne, que va-t-il retirer de ce séjour à White Falls ?

 

Au final un roman extrêmement agréable à lire. J’ai souri plus d’une fois, rapprochant certains passages de l’écriture de Philip Roth, pour son regard sarcastique sur notre société, si cathartique de nos jours ! Le personnage de Jacques est d’abord véritablement risible et puis, peu à peu, la plume d’Elsa Vasseur va habillement le présenter sous un jour beaucoup plus tragique, et certains passages ne donnent plus envie de sourire du tout. Un premier roman très bien maîtrisé, à la plume originale et intelligente. L’auteure est sans conteste une plume à suivre !