lundi 27 décembre 2021

Atlanteä – Tome 1, La prophétie des étoiles, Julianna Hartcourt (Elixyria, 12/11/2021)



 Atlanteä – Tome 1, La prophétie des étoiles, Julianna Hartcourt (Elixyria, 12/11/2021)

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Je referme ce livre avec un petit regret ; celui de déjà devoir quitter Cerise, Zellon, et les autres principaux protagonistes de cette histoire. En effet, en presque 600 pages, Julianna Hartcourt a réussi à m’emmener dans un univers dépaysant, surprenant, aux personnages attachants. L’idée que Cerise, l’héroïne, vienne de notre Terre et atterrisse mystérieusement dans un autre monde où la magie opère, aurait pu produire un récit plein de clichés, mais ce n’est absolument pas le cas, et j’ai vraiment adhéré à l’histoire à 200%.

 

« Et ils se demandent encore comment nous en sommes arrivés là, songea-t-elle avec un soubresaut de colère. C'est à cause de leur magie infernale et de leur soif de pouvoir que notre monde est en train de disparaître, ils n'apprennent même pas de leurs erreurs.
Les imbéciles. »
Alors que Cerise tombe du ciel sur les terres de Zamoryä ; les habitants sont dans un état de panique qui s’amplifie de jour en jour : Asphobia, la déesse des ténèbres grignote peu à peu le territoire et ceux qui y vivent, n’y installant rien de moins que le néant. Zellon de Teä, le roi, tente par tous les moyens de lutter contre cette menace qui est liée à une prophétie. En vain…

 

« Comment un héritier était- il censé régner sur un caillou vide et sur une bande d'aristocrates au cœur puant et vénal ?
A cette sombre pensée, il éclata d'un rire sarcastique. Il n'avait jamais voulu être le dirigeant de cette noblesse décadente. Il s'intéressait avant tout à son peuple dans sa globalité, pas seulement à une maigre partie. »
Zellon est généreux, et certains de ses courtisans en profitent, et se jouent de lui. L’arrivée impromptue de Cerise le trouble ; il y voit presque un signe du destin. Mais à la cour, les nobles restent sur leurs gardes et comptent bien le lui faire savoir. De plus, l’arrogance de la jeune fille ne plaît pas à cette société guindée misogyne. A Zamoryä, les hommes décident, les femmes obéissent. Dur à avaler pour une jeune terrienne du XXIème siècle ! Et Cerise ne se gêne pas pour le leur dire !

 

Au final, j’ai donc adoré ce roman ! Les points de vue sont différents selon les chapitres : la narration à la première personne est faite par Cerise, et par Zellon en alternance avec des chapitres racontés d’un point de vue extérieur à la troisième personne. Ces trois focalisations permettent une vision omnisciente de l’histoire globale, tout en affinant la psychologie des personnages principaux. Et en ayant les attentes, les espoirs de l’un et de l’autre en tête, le lecteur avance dans le récit tout en se rendant compte des limites extérieures à leurs envies. Ce procédé apporte une bonne dose de suspens ! Et je n’ai qu’une hâte : lire la suite !

vendredi 24 décembre 2021

Le chat du bibliothécaire, Tome 1 – Succès mortel, Miranda James (J'ai lu, 11/10/2021)

 



Le chat du bibliothécaire, Tome 1 – Succès mortel, Miranda James (J'ai lu, 11/10/2021)

 💙💙💙

Un détective amateur- bibliothécaire de surcroît – accompagné d’un chat ; voilà des ingrédients bien attirants ! Je garde en effet un très bon souvenir des enquêtes menées par Jim Qwilleran et ses deux siamois, Koko et Yom Yom, dans la série écrite par Lilian Jackson Brown. Nous sommes ici dans la même configuration : Charlie Harris, quinquagénaire veuf et vivant seul avec son chat, nommé Diesel du fait de ses ronrons bruyants. Ce personnage est mu par une curiosité sans bornes et sait tirer à profit ses bonnes relations avec les habitants d’Athena pour aller fouiner partout.

 

« Tandis que j'inspectais l'écriture précise mais minuscule du registre concerné, à la recherche d'un dénommé Bushrod Kennington, je captai des bribes de conversation. Tout à ma tâche, je ne leur accordai guère d'attention. Mais les termes "meurtre" et "Priest" me firent soudain tendre l'oreille. » Une information qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et qui va se révéler importante puisque le corps de Godfrey Priest, écrivain à succès né à Athena, va être retrouvé quelques heures plus tard. Qui donc en veut à cet enfant du pays devenu millionnaire grâce au succès de ses thrillers ? Charlie va remuer des secrets bien peu glorieux…

 

« - Si cela était en mon pouvoir, j'informerais M. Priest que nous ne souhaitons pas accueillir les œuvres d'un homme qui a prostitué son art pour figurer sur les listes des best- sellers. » Charlie découvre que peu d’habitants d’Athéna se réjouissaient du retour de Godfrey, par sentiment de jalousie, désir de vengeance ou pure inimitié. La liste des potentiels assassins va s’avérer bien longue….

 

Au final, un livre qui se lit facilement grâce à une écriture abordable et fluide, aidée par une parfaite maîtrise de la chute de fin de chapitre qui en font un parfait exemple de « page- turner ». Mais j’ai trouvé que le contenu des chapitres manquait de consistance. Les personnages ne sont pas non plus suffisamment élaborés pour qu’on s’y attache. J’aurais notamment aimé en savoir plus sur le passé de Charlie. Et mon plus gros regret réside dans le fait que le chat Diesel ne fait qu’office de figurant. Je m’attendais à ce qu’il ait un rôle plus décisif dans l’enquête. Un roman vite lu, qui sera vite oublié, je pense.

mardi 21 décembre 2021

Trois vœux pour s’aimer, Laura Emann (11/2021, Elixyria)


 

Trois vœux pour s’aimer, Laura Emann (11/2021, Elixyria)

💙💙💙💙💙 

Si pour vous Noël est synonyme de magie, sachez que vous n’êtes pas les seuls : Laura Emann s’est servi de ce terreau fertile que sont les contes, que l’on a longtemps narrés au coin du feu, pour élaborer un récit « noëlesque »  teinté de fantastique. Cap sur les Highlands, en Ecosse, où la jeune Kate va trouver refuge dans le cottage qu’elle vient d’hériter de sa tante Susanne, après avoir perdu son petit- ami et son travail, et ce en seulement quelques heures…

 

« Mes mains deviennent moites, j'aimerais vraiment croire en cette explication rationnelle. Mais cela est difficile, car je dois bien admettre que ce qui vient de se produire est exactement ce que j'avais souhaité dans ma tête. » Dès le rendez- vous de succession chez le notaire, des phénomènes surnaturels se produisent. Serait- ce lié au fait que Kate se sente lésée par rapport à ses cousines quant à l’héritage immobilier et qu’elle se demande si on ne se moque pas d’elle quand Maître Green lui annonce fièrement qu’elle a le privilège de se voir léguer une boule à neige qui appartient à la famille depuis des décennies ?!

 

Une fois en Ecosse, Kate retrouve ses habitudes de petite- fille lorsque, naguère, elle venait passer ses vacances chez sa tante. Elle y rencontre Finn, qui a été le petit- ami de l’une de ses cousines ; Ted aussi, au comportement particulier. Et puis, au milieu d’une soirée de désespoir éthylique, voilà qu’un jeune homme d’origine orientale apparaît dans le salon. Il s’appelle Malik. Il est le génie que renfermait la boule à neige !!!

 

« J'ai l'impression que tous mes repères se brisent. Je vis dans un monde où la magie et les phénomènes paranormaux ont leur place ?! Face à une telle révélation, je me sens comme Luke Skywalker lorsqu'il apprend que Dark Vador est son père : je suis choquée, mais je sais que c'est vrai, car au plus profond de mon être, je sens (depuis toujours) que ce genre de choses existent vraiment. » Kate voit son existence complètement chamboulée par cette incursion de la magie dans son quotidien. Malik est charmant, mais comme il est compliqué d’avoir un génie dans sa vie !!!

 

Au final, un roman vraiment addictif ! Dès les premiers chapitres je me suis retrouvée embarquée par un récit qui m’a littéralement captivée ! Par contre, j’ai du mal à le classer dans la catégorie « romance » tant celle- ci m’a paru secondaire. J’ai plutôt retenu le chemin que parcourt Kate pour connaître son histoire familiale ; d’autant plus que c’est en remontant le temps qu’elle se trouvera enfin elle- même. J’ai très souvent ri aux nombreux traits d’humour insérés par l’auteure, et j’ai beaucoup aimé l’univers fantasmagorique qu’elle propose ici, basé sur la légende des génies. Bref un roman savoureux, magique et joyeux !!!

lundi 13 décembre 2021

Banana Split : la vie est une surprise- party, Sabrina Bakir Rio (Blackephant, 10/2021)

 



Banana Split : la vie est une surprise- party, Sabrina Bakir Rio (Blackephant, 10/2021) 

 💛💛💛

Si vous cherchez une lecture légère, sans prise de tête, avec une petite pointe d’humour ; « Banana Split » de Sabrina Bakir Rio est fait pour vous ! La bonne humeur de son héroïne, Lucia Alvaro saura vous donner le sourire et vous permettre de passer un bon moment de lecture.

 

« Ce jour est à marquer d'une pierre blanche : je vis en Bretagne et j'ai décidé de ne plus boire d'alcool. Ce n'est pas une blague. » Lucia est une fêtarde et son arrivée dans cette région conviviale de France dont est originaire Tom, son cher et tendre, lui colle parfaitement à la peau ! Son emploi de secrétaire dans une école à mi-temps lui permet d’avoir du temps pour s’amuser, mais aussi de s’occuper de leur fils, Félix.

 

« Quand je pense à toutes les années qu'on a passées ensemble, à tous nos bons moments, à nos voyages, à nos caractères si différents, moi le jour et lui la nuit, moi l'été et lui l'hiver, la pot de colle et le solitaire... et pourtant ça a marché, et pourtant on y a cru, et pourtant qu'est- ce qu'on a ri ! Et tout ça envolé, pfffit, terminé, scratché en plein vol sur un petit Post- it vert un lundi matin... » Un matin, Tom part, lassé de l’immaturité de Lucia…

 

« Il faut être dans la vie, Lucia, ne reste pas toute seule, une eau qui stagne, elle croupit, la vie c'est de l'eau, ça circule, ça coule, ça roule. » Si la séparation que lui a fait supporter Tom l’a profondément ébranlée, Lucia fait le point sur ses envies, sa personnalité, et trouve finalement son équilibre.

 

Au final, un roman qui se lit tout seul. Une plume fluide et plaisante. Personnellement, j’ai regretté les ellipses sur la carrière artistique de Lucia, qui n’apparaît qu’à la fin, ainsi que le manque d’informations sur Tom. Mais je pense que le but initial de ce récit est de distraire, pas de se poser mille questions. Bref, un bon « feel good book ».

dimanche 12 décembre 2021

Willy, Marie Sellier (Thierry Magnier, juin 2021)



Willy, Marie Sellier (Thierry Magnier, juin 2021)

💙💙💙💙 

Marie Sellier signe ici un roman court, qui se lit d’une traite, mettant son lecteur en apnée jusqu’à l’estocade finale. Car Willy, le personnage principal éponyme, est un petit garçon Africain, qui a des rêves bien plus grands que lui. Mais quand on naît, pauvre, en Afrique, et qu’on rêve de devenir médecin en Europe, une seule solution : l’immigration clandestine et ses écueils .

 

« De tous les enfants, Willy était celui qui, à l'école, travaillait avec le plus d'ardeur. Physiquement moins solide que ses frères, il avait toujours aimé étudier et avait très tôt fait sienne la maxime inscrite sur le panneau rouillé financé par le ministère de l'Education et l'Unicef, qui se trouvait planté devant l'entrée du collège :
"Je veux aller et réussir à l'école." »

Orphelin de mère, et de faible constitution, Willy, qui a de bons résultats scolaires, s’imagine déjà sauver des vies, plutôt que de travailler aux champs comme les hommes robustes de sa famille. Mais son envie de bien faire et sa naïveté ne vont pas lui permettre de reconnaître les faux- amis qui se dressent sur son chemin.

 

Un récit qui se clôt par une dépêche de l’A.F.P. si proche de la réalité que c’en est malaisant.

Une lecture à mettre entre toutes les mains des adolescents qui ne se rendent pas compte qu’ils ont bien de la chance de vivre et d’étudier en France.

samedi 11 décembre 2021

Quand dansent les âmes, Tome 2 – S’affranchir du mal, Lucie Goudin (Elixyria, 11/2020)



 Quand dansent les âmes, Tome 2 – S’affranchir du mal, Lucie Goudin (Elixyria, 11/2020)

💙💙💙💙💙

Voilà un tome 2 qui tient toutes ses promesses ! J’ai été tout d’abord désarçonnée car l’héroïne principale n’était plus Anna, comme dans le précédent, mais Sélène, une métamorphe appartenant à la Meute de la Croix depuis longtemps. Et puis, très vite, j’ai apprécié me retrouver à nouveau dans cette Bretagne légendaire et mystique, auprès de ces êtres humains qui ont la capacité de se transformer en loups, et qui maintiennent un certain équilibre en protégeant des territoires peuplés de créatures surnaturelles.

 

« Au fond d'elle, elle savait que l'Oméga avait besoin d'elle, et dans une meute, on venait toujours en aide à son prochain.
Devenir une louve solitaire ne lui donnait guère envie.
Redevenir une louve Inférieure encore moins. »

La fête des Remparts, à Dinan bat son plein. Sélène en est une habituée. Chaque année elle participe à cette manifestation qui permet aux curieux de se plonger dans l’époque du Moyen Âge. Mais alors qu’elle se prépare pour aller y passer une nouvelle journée divertissante, Tristan, l’Alpha de sa meute, l’appelle pour lui demander de remplir une mission : l’un des jeunes de leur clan vient de se faire enlever par leurs ennemis, les loups de la Meute Noire. Etant une femelle Bêta, elle se doit de lui obéir, d’autant plus qu’elle est une guerrière téméraire et rusée. Mais en se rendant au « Club de Minuit », cette boîte de nuit obscure où elle pense trouver une piste, elle va faire de bien mauvaises rencontres.

 

« Sélène fit de son mieux pour ne pas songer au jour où sa louve prendrait définitivement le contrôle, où plus personne ne pourrait l'aider à revenir à la surface, où elle deviendrait un danger à la fois pour tous et pour elle- même. »

Devenue captive des loups les plus sanguinaires de Bretagne, Sélène va devoir affronter ses propres côtés obscurs. Néanmoins, parmi les membres de la Meute Noire, Riley, semble jouer un double- jeu... Il lui tourne autour mais pour quelles raisons : profiter d’elle ou la sauver des griffes de ses congénères ?

 

Au final, un tome qui se dévore (à coups de crocs !!!). Lucie Goudin possède une imagination sans borne et fait subir bien des déboires à ses personnages ! Impossible de savoir à l’avance ce qu’il va advenir d’eux ! J’ai hâte de lire le tome 3, qui semble mettre en scène un nouveau personnage. Et je me demande bien ce que réservera le tome 4 ; le dernier de cette saga ! 

mardi 30 novembre 2021

Les yeux d’Iris, Magali Collet (Taurnada, 11/2021)

 



Les yeux d’Iris, Magali Collet (Taurnada, 11/2021)

💓💓💓💓💓

 

Prenez une bonne goulée d’air avant d’ouvrir ce roman noir ! Pourquoi ? C’est qu’une fois entré dans le récit, vous ne pourrez plus relever la tête du livre, happé par l’ambiance terriblement oppressante qu’a réussi à y instaurer l’auteure. Celle- ci, Magali Collet, avait déjà frappé fort avec son précédent, « La cave aux poupées », huis clos dérangeant et âpre. Ici, de nouveau, la femme va être la proie de l’homme, déguisé en prédateur, mais dans un cadre, et un scenario, tout autre.

 

« J'observe un type accoudé au comptoir, les yeux rivés sur le poste de télévision accroché en hauteur. Comme les autres, il réagit à la moindre action des joueurs et ne fait pas attention à ce qui l'entoure. Il ne me connait pas et pourtant je sais tout de lui. » Un meurtre et un suicide. Trois hommes. Trois femmes. Et des réminiscences amères, couplées à un pacte de vengeance, terreau sur lequel se dresse cette question : l’amitié a-t-elle un prix ? Morgane revient d’Irlande au pied levé, à la demande de Julie, son amie restée en France. Frédéric, son frère l’accueille à bras ouverts, ravi de pouvoir combler sa solitude. En effet, ils se considèrent comme orphelins depuis que leur sœur aînée, Iris, s’est mystérieusement suicidée, et depuis que leurs parents sont décédés dans un accident de voiture troublant.

 

« Je suis restée parce que je suis déjà morte. Je suis morte le 24 janvier 2012 peu après minuit dans le souterrain d'une gare. C'est pour ça que j'ai rompu. Tu es vivante, contrairement à moi. Ce que mon corps subit ne m'atteint plus. Une morte ne souffre pas, une morte ne ressent rien. » Une femme = une victime. Des amis = la possibilité d’une vengeance. Mais jusqu’à quel point faut-il être tordu pour élaborer un stratagème punitif en se basant sur des souvenirs incertains ? Est-il possible de ronger son frein pendant des années et s’en sortir indemne ?

 

Magali Collet prend ici la cause des femmes à cœur. Celle de toutes ces victimes, qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, qui avaient un décolleté trop plongeant ou une jupe trop courte, qui disaient « non » mais pensaient « oui » ; par coquetterie ??? C’est bien connu, les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent… Ici, le crime est atroce et la vengeance est diabolique par les méandres qu’elle emploie.

 

Au final, un roman lu en apnée. Des scènes glauques, qui tordent l’âme et les boyaux. Une intrigue complexe, dans laquelle il m’est arrivée de me perdre. Mais une histoire forte, servie par une plume percutante, qui va me hanter longtemps. Nous connaissons tous des Morgane, des Julie, et des jeunes femmes aux yeux d’Iris…

lundi 29 novembre 2021

Quand dansent les âmes, Tome 1 – D’une vie à l’autre, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2020)

 


Quand dansent les âmes, Tome 1 – D’une vie à l’autre, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2020)

💙💙💙💙💙

Cap sur la Bretagne, terre de légendes !!!! Anna, jeune femme de vingt- cinq ans, qui fuit toute attache familiale depuis sa majorité s’y rend suite au message post- mortem de sa grand- mère maternelle, qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer : « Tu ne me connais pas. Pourtant, j'ai grand espoir. » Mais pourquoi est-elle celle de la famille qui a hérité du manoir de l’aïeule près de Saint- Malo ? Et puis, cet espoir, il cache quoi ?

 

« Mais le 16 juin 2018, au crépuscule, "Karreg An Tan" se mit à flamber.
Certains croiront, d'autres non.
Certains se prépareront, d'autres resteront dans l'ignorance. »

L’arrivée d’Anna à Saint- Malo ne passe pas inaperçue. Elle qui venait en Bretagne en se posant mille questions se trouve désarçonnée lorsqu’elle rencontre la bande d’habitués du Bleiz and Breizh. Pourquoi semblent-ils la connaître avant même son arrivée ? Quel est le lien qu’ils entretenaient avec Adelaïde, sa grand- mère qu’ils semblent avoir si bien connue ?

 

« En Bretagne, il est dit que l'oiseau de la mort voltige autour de la maison et frappe à la vitre quand vient la mort. Ce soir- là, pour sûr, la mort rodait. On pouvait entendre le grincement des roues que produisait la charrette de l'Ankou, plus communément appelé l'Ange de la Mort. » Anna ne tarde pas à être confrontée à des scènes qui dépassent son entendement. Une bête monstrueuse, du sang, un crime. Était- ce vraiment un loup- garou ? Son esprit cartésien doute… Et qu’en est- il de Lan, cet homme si séduisant qui semble toujours apparaître là où elle est en danger… Qui est- il ? Pourquoi est-elle autant attirée par lui alors qu’il semble la rejeter ?  

 

Ce premier tome d’une quadrilogie pose des questions, puis y répond au fur et à mesure des chapitres, avec un suspens palpable. L’auteure distille ses informations au compte- gouttes ! J’adore l’univers qu’elle propose ici, entre réalité et légendes ancestrales ! Sa plume fluide et addictive m’a empêchée de reposer le roman plusieurs fois, trop avide d’en apprendre plus et surprise par les multiples retournements de situation ! La psychologie des personnages est, comme toujours avec Lucie Goudin, très aboutie, et je me suis très vite attachée à Anna. Les multiples péripéties qui se présentent à elle m’ont prise au dépourvu, tant l’évolution de l’intrigue est inattendue. J’ai vraiment hâte de lire la suite afin de découvrir ce que vont devenir Anna, Lan, et les autres membres de la « meute » de Tristan !

dimanche 21 novembre 2021

Lucia, les diamants au paradis, Diane Garance (M+ éditions, 10/2021)


 

Lucia, les diamants au paradis, Diane Garance (M+ éditions, 10/2021)

💘💘💘💘💘 

Oh mais quelle lecture extraordinaire ! Dépaysement – en Thaïlande – et amusement garantis ! Le personnage imaginé par Diane Garance est savoureux de cocasserie, et j’ai énormément apprécié lire ses aventures, enfin, plutôt mésaventures, étant donné les situations improbables dans lesquelles elle se retrouve ! Oh oui, j’ai bien ri !

 

« Dans les films, ça semble réjouissant de traquer et démasquer les méchants, mais là, dans la vraie vie, nous sommes deux filles avec pour seul équipement du matériel multimédia. Ce n'est pas avec sa montre connectée qu'Angie ripostera en cas de problème. » Lucia, comptable au chômage, s’ennuie… Alors quand on lui propose une mission d’enquêtrice adjointe, elle se glisse derechef dans la peau de Jennifer Hart (la série « Jonathan et Jennifer », vous vous souvenez ?) et prend le premier avion pour la Thaïlande avec Angie, « le Dragon », sa patronne tyrannique.

 

« Je vous fais le topo en diagonale : Jeanne Plantier, trente- cinq ans, célibataire sans enfants, sans emploi, sans famille, sans hobbies. Ça fait beaucoup de "sans". Tout ça pour se faire enlever en plein jour par deux gros bras, un petit avec une grosse tête et un grand baraqué avec une petite tête. » Avec Lucia, pas de langue de bois ! Tout le monde en prend pour son grade ! Son œil cynique et ironique dresse le portrait de chaque protagoniste de l’histoire, souvent en lien avec sa culture cinématographique. Et en la plaçant en tant que narratrice du récit, l’auteure offre au lecteur un point de vue omniscient savoureux !

 

« Il fait noir, j'ai mal partout, sans parler de mon trouillomètre qui oscille entre zéro et moins douze ? Je perds connaissance quelques instants. Mon espérance de vie vient de prendre un sacré coup au compteur. De toute façon, personne ne va se rendre compte que je suis perdue, perdue à jamais. » Notre enquêtrice n’a pas froid aux yeux et rien ne l’arrête, ni les truands, ni une patronne revêche, ni les conditions de l’enquête. La voilà qui s’élance entre concurrente de Koh – Lanta et Rambo au féminin (une scène savoureuse !!!!) dans la jungle thaïlandaise. Mais comment reprendre une vie « normale » après ça ?!!

 

Au final, un roman que j’ai dévoré, amusée et captivée ! Les chapitres courts font se tourner les pages rapidement et dans la bonne humeur. En ces moments moroses d’automne et de pandémie, le dépaysement en compagnie d’un personnage haut en couleur, sans jamais être pathétique, fait un bien fou ! L’écriture de Diane Garance est très cinématographique et on visualise mentalement les meilleures scènes du roman (ah ! quand Lucia se prend pour Céline Dion !!!!) Il me semble qu’il y aura une suite aux aventures de Lucia, et personnellement, j’ai vraiment hâte de la lire !!! 

jeudi 18 novembre 2021

Pandémonium, Sylvain Kermici (Les Arènes, 08/2021)



Pandémonium, Sylvain Kermici (Les Arènes, 08/2021)

💔

 Bienvenue au Leviathan, un cinéma établi sur au moins trois niveaux, dans lequel se retrouvent  des sadiques, des prostituées, des mafieux, et les adeptes d’un gourou nommé Jacob. Le vice est à chaque étage et les films porno projetés sont réservés à un public averti. Franck, Elsa et d’autres viennent chercher un « je ne sais quoi » de subversif dans ces lieux où la violence et l’immoralité s’éclatent.

 

« Qui oserait affirmer que la douceur et l'amour ont présidé à l'apparition de la vie ? Qui oserait affirmer que la vie et la violence sont deux choses distinctes ? » Jacob, le gourou, se la joue philosophe, assassin du complexe d’Œdipe et de tant d’autres troubles de l’enfance. Lecteur, accroche- toi.

 

« Les gens ont tort de se plaindre des sociétés capitalistes modernes. Elles sont l'image parfaite de la psyché humaine : brutales, cannibales, autoritaires, profondément injustes et inégales, malgré d'apparentes velléités, disons humanistes, auxquelles personne ne croit d'ailleurs. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles demeurent instables. Le Tout se nourrit du chaos de l'Un. » L’injustice, cette excuse universelle de vengeance, de violence, de rébellion et de chaos. Nous sommes ici au- delà. Mais le discours proposé n’est jamais analysé ni remis en question. Il est juste le prétexte, la justification de tout acte violent.

 

Au final, un livre que j’ai survolé, bien trop éthéré, bien trop fataliste et vain. Les phrases et les chapitres sont courts, alors les pages se tournent très vite, mais moi, je suis restée sur ma faim. J’aurais aimé trouver des analyses, un éclairage, aux propos souvent scandaleux, aux actes glauques. Mais non, la violence est ici gratuite, et cela juste « parce que » comme répondraient des gamins de sept ans. Dommage…

mercredi 17 novembre 2021

Pas dormir, Marie Darrieussecq (P.O.L., 09/2021)



Pas dormir, Marie Darrieussecq (P.O.L., 09/2021)

💙💙💙💙💙 

J’ai été attirée par le dernier livre de Marie Darrieussecq pour deux raisons : la première réside dans le fait que j’ai toujours aimé son écriture, intelligente et cultivée sans jamais être pesante ; et la deuxième se trouve dans l’intérêt que je porte à ce sujet si délicat du sommeil… 


« Cachée dans ns combles, tapie sous nos matelas, glissée entre les lattes du temps, d'où vient l’insomnie ? Des fantômes ? Du cerveau ? Du mal à l’âme ? Du monde ? Qu'est- ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ? » L’auteure souffre d’insomnie depuis une vingtaine d’années. Ce livre, qui n’est pas un roman mais plutôt un essai littéraire, reprend ses diverses solutions (somnifères, alcool, hypnose et autres…) et les allie à des références littéraires diverses qui remontent jusqu’à l’Antiquité. Car, il faut le savoir, le sommeil qui résiste et ne se présente pas a fait couler beaucoup d’encre !


« J'ai essayé des tisanes. Des champs entiers. Aucune ne me fait dormir. L'idée même m'amuse. Mais il y en a d'excellentes. » Marie Darrieussecq a le don de ne pas dramatiser ce trouble qui lui gâche la vie jour après jour ; quelques- unes de ses réflexions m’ont d’ailleurs fait sourire. 


« Dormirais-je si je n'étais pas hantée ? Et si d'autres autour de moi ne l'étaient pas ? Et qu'est- ce que ça veut dire, la hantise ? » Pour qui suit l’auteure, il est facile de comprendre que les fantômes qui la poursuivent, un frère, un enfant ; ce ne peut qu’être de profonds tourments, aptes à maintenir éveillé celui qui reste ancré dans un quotidien constitué d’absences à jamais comblées. 


Au final, une lecture à la fois très intéressante et enrichissante : je ne pensais pas qu’autant d’écrivains, ou d’artistes en général, étaient insomniaques et en avaient rendu compte dans des écrits, pour certains restés confidentiels. Vous ne trouverez pas ici de remèdes à vos insomnies, peut-être quelques pistes de traitement (pas toujours efficaces…) mais matière à relativiser ce trouble qui touche un nombre considérable de personnes, que ce soit de manière constante ou ponctuelle. Et puis, vous aurez un livre qui est fait de manière à être posé sur une table de chevet au cas où le sommeil se fait capricieux. Marie Darrieussecq ; une amie, je vous dis !

dimanche 14 novembre 2021

Propagation T.2., Lindsay Lorrens (Elixyria, 09/2021)


 

Propagation T.2., Lindsay Lorrens (Elixyria, 09/2021)

💖💖💖💖💖 

Comme je l’attendais, cette suite de la dystopie « Propagation » !!! L’auteure n’avait pas forcément en tête de l’écrire, à l’origine, mais le succès du tome 1 et les doléances de ses lecteurs et éditeurs l’ont poussée à reprendre le fil des aventures, ô combien mouvementées, de Sarah, Mike, Jack et les deux enfants sauvés que sont Elliot et Rosie. Et comme nous avons bien fait de la réclamer !!!

 

« Le retour à la réalité n'est jamais évident après m'être promenée dans mes souvenirs. Car, même si je ne regrette aucun de mes choix depuis que j'ai pris la route en compagnie de ma tête à claques de voisin, le présent n'a rien d'une partie de plaisir. Il faut lutter constamment pour survivre, pour trouver de la nourriture, se chauffer. J'ai peur en permanence pour ceux qui partagent désormais ma vie. » Sarah et Mike, son voisin, se sont retrouvés seuls survivants de leur quartier alors qu’un virus propagé par les rats décimait la population à une vitesse folle. Ces deux adolescents, qui se détestaient au lycée, ont dû s’allier pour pouvoir survivre dans une Amérique dévastée, dans laquelle, très vite, des milices de survivants sans pitié se sont organisées pour piller, voler et agresser à tout va. Heureusement, Mike a rapidement eu le réflexe de rejoindre, avec Sarah, son oncle, ranger dans un parc situé à l’écart de la civilisation dans les Rocheuses.

 

« Ce que nous ne savions pas, à ce moment- là, c'est que tout cela n'était qu'une simple accalmie avant la tempête. » Diverses péripéties ont secoué le trio. Deux enfants abandonnés et en danger les ont rejoints. Mais voilà, comment survivre dans le long terme à cinq, dans le climat si froid des Rocheuses ?

 

« D'autres êtres humains nous regardent. Cela me fait toujours un choc de voir apparaître ces gens, juste en face de nous. Leur rengaine n'a pas changé, je dirais qu'ils améliorent leur discours au fur et à mesure, l'enrichissent pour le rendre le plus attrayant possible. La question est : peut-on leur faire confiance ? » Au fur et à mesure des mois, d’autres communautés de survivants se sont créées, essentiellement dans des lieux reculés. Mais comment faire confiance à des inconnus quand les quelques humains que l’on a rencontrés jusque-là, dans un monde dévasté, se sont révélés être des scélérats complètement amoraux ?

 

Au final, un deuxième tome captivant, qui m’a fait passer par bien des émotions. Lindsay Lorrens sait très bien insuffler le suspens au fur et à mesure de son récit, de manière à mener son lecteur par le bout du nez dans des directions inattendues. Le top, c’est que la fin offre, à mon avis, une possibilité de tome 3 ; on le lui réclame ?!!!

dimanche 7 novembre 2021

2019, Fabienne Lejamble ( Kissilow, 11/2020)


 

2019, Fabienne Lejamble ( Kissilow, 11/2020)

💓💓💓

 Troisième et dernier tome de cette saga lovecraftienne. Nous retrouvons Blanche, personnage du précédent, sur le Sentier Noir. Son histoire a pris un autre tournant puisqu’elle a créé une Agence aux Etats- Unis, afin de former des Agents capables de repousser les créatures de l’Outre- Plan. Tyler, le narrateur, est l’un d’entre eux, et il va nous entraîner dans cet étrange univers, dans lequel règnent l’inattendu et la terreur.

 

« J'avais le moral comme un Rubik's cube mélangé, délaissé, et j'étais curieux de savoir ce que le Doc avait à me dire, même si j'avais peur de rester longtemps dans ce trou. » Tyler se réveille à l’hôpital. Il comprend qu’il a passé quelques temps dans le coma après un accident de la route. Mais personne ne veut se prononcer sur son cas. Ses quelques souvenirs le laissent dans le flou. Il découvre qu’il a une collègue, Maya ; saura-t-elle l’aider ?

 

« Classe, coiffée et fringuée comme dans les années quarante, la poitrine bien pointue sous la veste de tailleur gris et fermée à la taille. Mains croisées sur la table, l'une portant un gant de velours vert. » Après quelques révélations étranges, quelques incidents mystérieux, Tyler rencontre Blanche… Et à partir de cet instant le récit plonge dans un univers fantastique déconnecté de la réalité.

 

« Tous les deux étaient aussi passés par là, ils connaissaient la frénésie de la découverte, de savoir ce qu'il y a derrière. Aussi me laissèrent- ils ainsi deux jours pleins, au bout desquels je m'écroulai, tête près du Livre. » Tyler va découvrir à son tour les sombres desseins du Livre maudit ; pour quel avenir ?

 

Au final, une première partie que j’ai dévorée, curieuse du personnage de Tyler, de son passé, de son avenir, mais j’avoue avoir eu du mal à suivre la suite, notamment par rapport à ces créatures dénommées « Iaos ». Je m’y suis perdue entre les rituels et les sortilèges runiques. Mais au global, la trilogie aura été très plaisante à lire, grâce au style de l’auteure, fluide et addictif. Je recommande pour les fans du fantastique à tendance horrifique !

1943, Fabienne Lejamble (Kissilow éditions, 11/2019)


 

1943, Fabienne Lejamble (Kissilow éditions, 11/2019) 

 💓💓💓💓💓

Halloween est terminé mais vous reprendrez bien un petit peu d’horreur, non ?! Après « 1902 », qui m’avait permis de découvrir l’univers du « Sentier noir », dans lequel les sortilèges les plus morbides permettaient à quelques illuminés de faire aboutir des projets insensés, nous voilà en « 1943 », en plein cœur de l’Occupation. Dans quelles mains le Livre maléfique est- il tombé, en cette période trouble ?

 

« Ce soir- là, après le repas, je me décidai enfin à montrer ma cachette à Blanche, là- haut, dans les poutres, et bien sûr, Marcel suivit. Nous étions allongés, occupés à écouter les grands qui s'inquiétaient chaque jour un peu plus de l'avenir de la guerre.
C'est là qu'on toqua fort à la porte. »
Notre jeune narrateur, son petit frère Marcel, et leur cousine Blanche ont bien fait de se cacher en cette soirée funeste : des soldats allemands viennent arrêter leurs parents, assimilés aux Juifs. Nos adolescents vont ensuite tenter de se débrouiller seuls, mais en vain. Ils n’auront d’autre choix que de se laisser prendre en charge dans un orphelinat géré par des religieuses, aux pratiques bien douteuses…

 

1985. Changement de décor. Trois frères désobéissent à leur parent et restent dans l’eau de la rivière alors qu’un orage approche. Les conséquences seront funestes. Mais à l’approche de Pâques, qui symbolise la Résurrection, les miracles seront- ils permis ? Blanche, elle, réapparaît…

 

« Depuis l'Outre- Plan, le Iaos, qui depuis 1902 avait un peu continué à prendre de la substance, observait les événements terrestres sous l'œil apeuré de ses victimes, toujours piégées dans sa décoration. Et il se mit à rire de joie, et se félicita d'avoir laissé sur le livre un sortilège de scrutation. » L’influence de Lovecraft est palpable, et Fabienne Lejamble nous en offre une adaptation captivante. Les histoires, différentes au départ, s’imbriquent pour accentuer le côté horrifique de la légende inventée dans ce récit. Les pages défilent et les surprises sont de taille, portées par la plume fluide et manipulatrice de l’auteure ! Quel bonheur de savoir qu’il y a un troisième tome !  

samedi 6 novembre 2021

Ernest, Gab Stael (Elixyria, 10/2021)

 


Ernest, Gab Stael (Elixyria, 10/2021)

💓💓💓💓 

J’avais vraiment adhéré à l’univers proposé par l’auteure dans l’un de ses précédents romans noirs, intitulé « Human food » : Ernest, un personnage schizophrène souffrant d’un trouble dissociatif de l’identité : plusieurs personnes vivent à tour de rôle (voire en même temps !) dans sa tête ; se retrouvait confronté à une enquête policière dans laquelle des femmes étaient retrouvées étranglées, le corps démembré. Ici, point de police, mais un tour complet du personnage complexe d’Ernest ; un roman à lui tout seul !

 

« La matinée est silencieuse, cela ne lui plaît pas du tout ! Heureusement, il connaît le meilleur moyen pour entrer en contact avec les Autres quand ils décident de l'ignorer. Suffit d'appliquer la recette de maman. Sans hésiter, il se plante devant le miroir de la salle de bain, s'observe attentivement, grimace. » Ernest vit avec « les Autres » depuis son enfance. Ils prennent possession de son esprit, de son corps, et le font agir telle une marionnette. Et quand ils se font silencieux, notre bonhomme se sent en danger, comme un enfant abandonné.

 

« Ernest connaît l'inventaire dangereux de l'antre de son père. Il comptait les objets pour supporter les coups. Il souffrait moins. Ça passait plus vite. Là- dedans, on l'a presque battu à mort pendant des années. On lui a fait manger des excréments, des cadavres de bestioles. Les seuls souvenirs qu'il possède ici sont maculés de sang, et les preuves y dorment encore. » L’enfance est la période dans laquelle Ernest semble être resté. On comprend pourtant vite que ça a été un calvaire plus qu’autre chose. La fratrie en a d’ailleurs fait les frais.  

 

Au final, un récit « compagnon » du roman « Human food » mais qui peut se lire de manière indépendante. La vie d’Ernest est glauque et l’auteure manie les mots, l’expression des sentiments de manière à ce que son lecteur soit tour à tour épouvanté et ému. Personnellement, j’aime beaucoup la plume de Gab Stael. Je ne soupçonne jamais ce qu’elle va me narrer, ni où elle va m’emmener et j’aime ça. Mais attention, âmes sensibles s’abstenir !!!

Dans l'œil du démon, Junichirô Tanizaki (Picquier Poche, 08/2021)




Dans l'œil du démon, Junichirô Tanizaki (Picquier Poche, 08/2021)

💙💙💙

Et vous, si on vous proposait d’assister à un meurtre sans aucun risque vital ni conséquence judiciaire ; accepteriez- vous ? C’est ce qui est proposé au narrateur, un écrivain en mal d’inspiration. Son meilleur ami, Sonomura, a réussi à déchiffrer un message secret grâce à sa connaissance du code utilisé dans la nouvelle d’Edgar Poe, « Le Scarabée d’or ». Ce dernier contient des informations sur le lieu, la date et la manière dont sera perpétré un assassinat.

 

« Au milieu de la nuit, vers une heure du matin, quelque part dans Tokyo, un forfait... que dis- je un forfait, un meurtre va être commis. Et moi, j'ai bien envie de m'y préparer dès maintenant, pour me rendre sur place avec toi et y assister, qu'en dis- tu ? Tu n'as pas envie de voir ça ? » Cette proposition ne peut que titiller l’esprit de notre narrateur. D’un côté, il craint de voir son meilleur ami tomber dans un traquenard, de l’autre, son imagination a indéniablement besoin d’un coup de pouce…

 

« Cette fois, il était devenu fou, cela ne faisait plus aucun doute. La montée de sève de ce mois de juin maussade et étouffant - et l'on dit que c'est la période de l'année où se déclarent le plus grand nombre de maladies psychiatriques - avaient dû lui porter au cerveau. » Sonomura est un riche héritier oisif qui a tendance à développer des troubles psychiatriques : faut- il croire ce qu’il raconte ? Notre narrateur doute….

 

« Mon principal étonnement, plus exactement, me vint de l'extraordinaire beauté de sa silhouette. Si jusque- là toute mon attention était accaparée par le crime, quelle ne fut pas ma stupéfaction en apercevant son visage ! » Nous sommes dans un roman japonais, et très vite, les possibilités d’une scène glauque font place à un détail plein de grâce : l’un des commanditaires du meurtre est une femme splendide. Alors, d’un coup, le récit s’égare dans la contemplation…

 

Au final, un roman très court, qui se lit d’une traite, et qui fait plutôt penser au genre de la fable. Ne pensez pas lire un thriller, on en est bien loin. Mais pour ce qui est du style, typique de la littérature japonaise, de la psychologie des personnages et de la manière d’amener les retournements de situation, c’est une expérience de lecture intéressante.

mercredi 3 novembre 2021

Ceux du Chambon, Kanellos Cob et Matz (Steinkis, 10/2021)



Ceux du Chambon, Kanellos Cob et Matz (Steinkis, 10/2021)

💙💙💙💙 

Une bien jolie bande dessinée, émouvante, d’autant plus qu’elle base son intrigue dans une histoire vraie. Un témoignage d’une époque qui s’éloigne dans le temps et qu’il est bon de rappeler aux nouvelles générations ; l’Histoire, dit- on, étant amenée à se renouveler…

 

Matz est scénariste de bande dessinée. Il a ici recueilli et illustré le témoignage d’Etienne Weil, qui a dû fuir Paris et se cacher durant l’Occupation, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Le fait qu’il soit né de confession juive faisait de lui un indésirable aux yeux des Aryens d’Hitler. Etienne Weil revient sur son parcours, mais aussi sur celui de sa famille ; partiellement éliminée dans les camps de concentration SS. L’abnégation de son père, qui coûte que coûte veut conserver un emploi et n'hésite pas à changer de région pour cela, ainsi que le courage de la maman, qui se dévoue à sa famille, jusqu’à accepter de se séparer de ses garçons pour leur donner toutes les chances de survivre, sont montrés avec force et pudeur. J’ai été émue par ses parents si forts, qui ne baissent jamais les bras face à l’ennemi.

 

« Le Chambon- sur- Lignon était un village protestant, dans une région qui avait eu à subir les persécutions, et qui en avait gardé la mémoire. » Autant je connaissais l’existence de ceux que l’on nomme remarquablement les Justes, autant je n’avais jamais entendu parler de ce village de Chambon- sur- Lignon. Ses habitants ont été vraiment admirables et ce livre rend un très bel hommage à leur courage.

 

Au final, une bande dessinée que j’ai dévorée. Une lecture fluide et agréable, servie par de beaux dessins soucieux du détail. Un livre que je vais m’empresser de mettre à disposition de lecteurs adolescents, et que je vais vivement recommander. Bientôt Noël ; pensez- y !

mardi 2 novembre 2021

Etre divisé, Blanche Edenn (Plume Blanche, 09/2017)



 Etre divisé, Blanche Edenn (Plume Blanche, 09/2017)

💛💛

 Ce sont des vidéos sur Booktube qui m’ont donné envie de découvrir ce petit livre. A l’heure d’Halloween, chacun y allait de ses propositions de lectures qui « font peur » et « Etre divisé » était unanimement cité comme étant une œuvre originale et apte à faire frémir n’importe quel quidam. La quatrième de couverture ne nous donne pas énormément d’informations spécifiques quant à l’intrigue, outre trois verbes : « envier, désirer, obtenir. » Alors voilà ; j’ai assouvi ma curiosité.

 

« Je connaissais cette maison dans ses moindres recoins. C'était d'ailleurs ce que je connaissais le mieux, les endroits sombres depuis lesquels, chaque jour et chaque nuit, durant sept ans, j'avais observé la vie de ma famille. » Alors que la naissance de jumelles fait le bonheur d’un jeune couple, une ombre est née, elle aussi ; une petite fille qui aurait pu être une triplée. Et pourtant, elle n’est qu’une ombre, à son plus grand désespoir. Elle qui rêve tant d’être câlinée, tout comme ses sœurs, par les bras de sa maman, ne peut vivre que dans l’obscurité et l’immatérialité.

 

« Pourquoi mes couleurs disparaissaient- elles ?
Pourquoi ne tenaient-elles pas sur mon âme ? »

Notre petite fille de l’ombre parvient à ses fins. Elle n’a pas de scrupule ; rappelez- vous la liste des verbes : envier, désirer, obtenir. Ses envies sont gigantesques et sa jalousie n’a aucune limite : elle a obtenu ce qu’elle voulait ; mais à quel prix ?

 

Au final, un petit roman qui met en avant la cruauté des enfants en prenant appui sur le folklore nordique mais dans lequel j’avoue m’être ennuyée. Le style est un peu trop surfait à mon goût et les personnages sont bien trop éthérés pour qu’on s’y attache. L’histoire est pourtant originale mais le style aurait mérité d’être retravaillé et les fautes (aïe la conjugaison !) corrigées avec davantage de rigueur. Alors oui pour le fond, mais non pour la forme. Dommage.

lundi 1 novembre 2021

Nuits silencieuses, Till Lindemann (L'Iconoclaste, 10/2021)



Nuits silencieuses, Till Lindemann (L'Iconoclaste, 10/2021)

💛💛💛 

J’avoue, je ne suis pas fan de poésie. Je m’explique cela par le fait d’avoir dû en lire et en étudier en trop grande quantité, et toujours de manière imposée, durant mes études de Lettres. Ai- je tord ? Toujours est- il que la collection « Iconopop » gérée par Cécile Coulon, une auteure que j’apprécie, m’a attirée plus d’une fois grâce à ses couvertures bariolées. Et quand j’ai vu que le chanteur du groupe de métal allemand « Rammstein », Till Lindemann, venait d’y faire publier un recueil de ses poèmes traduits en français, je me suis précipitée sur ce livre, ma foi, fort joliment réalisé. J’aime ce que fait le groupe ; aimerais- je ce qu’écrit le chanteur ?

 

« Comment peux- tu rêver
que je te dise
ce que j'ose à peine penser »

On découvre au cœur de ces pages une certaine sensibilité ; l’amour y ayant une place essentielle. Mais attention, nous sommes dans l’univers du métal et la maxime « sex, drug and rock’n’roll » semble être d’usage – attention à l’image ! Point de déclarations romantiques ou passionnelles, mais des propos souvent crus, et parfois à la limite de la vulgarité. Les illustrations de Matthias Matthies sont d’ailleurs dans la même veine…

 

« Quand les roses fleurissent au jardin
par les roses nous sommes tous captivés
or la violette soupire un si doux parfum
que l'on ne saurait les distinguer »

La nature est également au cœur de ce recueil, comme un puits d’inspiration sans fond, un retour à l’origine, à la Mère Nature que l’on peut remercier ou haïr, en fonction de son propre parcours de vie. La femme est au centre de la plupart des poèmes de Till Lindemann, comme elle l’est dans les chansons du groupe, avec un rapport – inévitable ? – à la violence.

 

Au final, une expérience de lecture en demi- teinte. Certains poèmes sont émouvants, tandis que d’autres m’ont paru vains : pas de rythme, ni de rime ; la faute à la traduction ? Emma Wolff exprime ses difficultés à traduire les nuances des pensées du chanteur dans une postface éclairante. Ceci dit, cette expérience littéraire m’a donné l’envie de découvrir d’autres titres de la collection. Et vous ; êtes- vous tentés ?

dimanche 31 octobre 2021

Human food, Gab Stael (Elixyria, 05/2019)


 

Human food, Gab Stael (Elixyria, 05/2019)

💓💓💓💓 

Quelle lecture surprenante ! Je ne regrette pas de l’avoir choisie dans le cadre de cet étrange événement qu’est Halloween ! On part sur des penchants cannibales pour embrayer sur un tueur en série qui œuvre sur Nancy et choisit ses victimes selon des critères bien particuliers ! Un roman noir, aux scènes parfois glauques, servis par des personnages étonnants ; et une ambiance vraiment originale !

 

« Il tranche des morceaux de viande saignante dans son assiette avant d'y piquer sa fourchette, les yeux exorbités. Du jus rouge et brûlant gicle dans la porcelaine. Il se lèche les babines à l'odeur du mets. » Ernest Frish est un personnage complexe ; il souffre d’un trouble de personnalités multiples. La nourriture qu’il ingère est une obsession : « A l'instant même où il a enfourné sa première fourchette de joue de petite fille, Ernest a décrété que plus rien au monde ne le forcerait à traquer dans la forêt, à se rouler dans la boue, pour avaler du sanglier ! » C’est décidé, il va devenir cannibale !

 

« On ne peut pas affirmer la préméditation, malgré la dislocation pointue. Un boucher ? Un chasseur ? Un toubib ? Des tas de métiers correspondraient volontiers à cette dépersonnalisation. »  Des corps de femmes disloqués sont retrouvés dans des lieux publics. Qui prend donc plaisir à faire souffrir et à exposer ensuite des corps à la manière d’œuvres d’art ? Le commandant Edouard Burke va mener l’enquête, en compagnie de sa chère collègue , Cécilia Barbara. Mais des événements dans leur vie personnelle va stopper leurs avancées dans leurs recherches ; d’autant plus qu’un copycat se met en action….

 

« Quitte à être un monstre, autant l'être avec classe, non ? » Les pages se tournent, et voilà que le coupable se dénonce lui- même au lecteur. Etonnement. Trouble. Explications. Quelques extraits du passé avaient mis la puce à l’oreille ; si glauques, si dérangeants.

 

Au final, un récit qui se dévore (sic !). La plume de Gab Stael est vraiment très agréable à lire, agrémentée de références pertinentes et ponctuée de piques ironiques qui prêtent souvent à sourire malgré les scènes bien glauques rédigées. Cela a été un moment de lecture vraiment agréable, et je me répète, surprenant ! J’ai hâte de lire « Ernest », qui reprend la genèse de ce personnage schizophrène vraiment extravagant !