mardi 29 novembre 2022

Insignis, Charlotte Letourneur (Les nouveaux auteurs, 11/2022)

 


Insignis, Charlotte Letourneur (Les nouveaux auteurs, 11/2022) 

 💛💛💛💛

Je connaissais déjà Charlotte Letourneur grâce à ses précédents romans, publiés sous le pseudo de Charlie Genet, aux éditions Elixyria. Ceux-ci étaient catégorisés « romance » et « urban fantasy », et j’ai eu envie de découvrir la plume de l’auteure dans sa version « thriller ». Le fait que Maxime Chattam ait choisi ce livre pour le prix « 20 mn » a titillé encore plus ma curiosité. Direction le Dark web…

 

« - Présent.
Le regard fixé sur le bitume, il attend que son interlocuteur se présente :
- André, c'est l'heure.
Un claquement retentit dans la radio. Le silence fait place aux parasites de la CB, juste quelques secondes. »
Tout démarre avec un accident de la route : camion contre Porsche. Les stéréotypes semblent trouver une réponse à tout : le jeune conducteur de la voiture de luxe roulait trop vite et le conducteur, à un jour de la retraite, n’était plus capable d’être concentré sur la route…

 

« Elle garde les paupières closes, suit les ondulations magiques de la musique, et tourne doucement sur elle- même. Devrait- elle fuir ? En venant ici, elle se savait en sécurité. Le "Dark Night", c'est sa deuxième maison. Pourtant, elle ne trouve pas la tranquillité des autres soirs. Elle se force à oublier cette appréhension lorsque l'interphone a sonné, ce cliché qui lui a fait si peur. Elle devrait trembler... » Noémie, psychiatre le jour, séductrice la nuit, se retrouve la proie d’un mystérieux harceleur numérique : où est-elle en danger ? Où est-elle en sécurité ? Les limites se troublent.

 

« Les jeux morbides existent depuis toujours. Prends le cirque des Romains, on obligeait les esclaves à s'affronter et le peuple se pressait sur les gradins pour regarder. Aujourd'hui encore, avec la corrida, la chasse. On qualifie la mise à mort de sport. Sans parler des jeux vidéo, des séries télé sanglantes. La mort fascine, mais pas toujours de façon très saine. » Le lieutenant Brice Caley, dont c’est la première enquête, va se prendre en pleine face les dérives malsaines du Dark web. En parallèle, il développe une passion aux dérives charnelles pour Cassandra, double de Noémie…

 

Au final, une intrigue habile, qui part d’un accident de la circulation qui peut sembler banal, puis qui, par l’instinct d’un jeune enquêteur voulant faire ses preuves, va se retrouver sur le devant de la scène parce qu’il détonne dans le paysage policier habituel. Le Dark web concentre tous les fantasmes, ceux des pervers, des arrivistes et surtout, des criminels en tous genres. Charlotte Letourneur a su piocher dans cet univers numérique obscur les éléments d’un thriller à l’intrigue originale. Et son joli visage d’ange blond devient d’un coup si diabolique !

samedi 26 novembre 2022

Les larmes du silence, tome 2 : venge-moi, Sarah West (Evidence, 05/2021)



 Les larmes du silence, tome 2 : venge-moi, Sarah West (Evidence, 05/2021)

 💜💜💜💜💜

J’ai récemment dévoré le tome 1 de cette trilogie et la fin m’avait donné irrémédiablement envie de lire la suite. J’ai de nouveau adoré me laisser emporter par la plume énergique de Sarah West, car même si c’est violent, j’aime ce regard acéré sur le comportement des gens, dans cette société soi-disant civilisée qui est la nôtre. Au fond, combien d’entre nous agissent encore comme des bêtes ?

 

« J'allume le contact et pars. J'attends d'être assez loin pour mettre ma musique en route. Dès les premières notes de Rammstein, je me détends tout de suite. Je m'enfonce dans mon siège et me laisse porter par la chanson "Du hast". La musique est mon salut, c'est ce qui permet de me contrôler. Si je n'avais pas ça, je défoncerais tout, je tuerais tout le monde. » Nous sommes ici en compagnie de Hayden, le pseudo demi- frère de Nina (je dis « pseudo » car ils n’ont aucun lien de sang), après la tentative de suicide de cette dernière. Hayden a compris pourquoi, mais surtout à cause de qui, elle en est arrivée là, et il va s’engager dans une véritable vendetta personnelle

 

« Toute ma rage, toute ma frustration se déversent à chaque coup. J'aime ça, j'aime cette sensation de bien- être, quand enfin j'arrête de les massacrer.
Je suis un drogué du crime, jamais je ne pourrai m'en passer. »
La vengeance va être terrible. Hayden va se servir de son goût pour la violence, pour le sang, pour massacrer tous ceux qui ont fait du mal à Nina, de près ou de loin. Les cadavres martyrisés vont se multiplier au fil des périples nocturnes de notre étudiant sanguinaire.

 

« Je me rends compte parfaitement de mon degré de folie, mais je m'en fiche carrément. Je commence à avoir les yeux qui papillonnent et je finis par m'endormir. Cette nuit, comme les autres où j'ai pu sortir le monstre en moi, je dors profondément et sans rêve. » Hayden est un monstre, c’est clair ; un psychopathe qui doit sa folie à ce qu’il a subi enfant. Le tome 1 donnait quelques indices par rapport à ce passé traumatique ; ici nous avons les détails du martyre qu’a subi Hayden lorsqu’il était petit garçon. Horrible.

 

Au final, j’ai encore une fois été bien remuée par ce qui est soulevé dans cette histoire, mais comme le souligne l’auteure en fin de livre « Mes histoires dark ne sont pas là pour faire rêver au prince charmant, mais pour raconter le pire de l’homme. » La plume est addictive, et les actions s’enchainent sans temps morts (oh, le vilain jeu de mots !). Je vais me ruer sur le dernier tome !

A réserver aux âmes insensibles !

jeudi 24 novembre 2022

Devil in me, Juliette Pierce (Black Ink, 12/20218 )


 

Devil in me, Juliette Pierce (Black Ink, 12/20218 )

💙💙💙

J’ai rencontré Juliette Pierce au DLF de Toulouse fin octobre. Ayant toujours été attirée par les récits se déroulant en milieu psychiatrique, je ne pouvais qu’être tentée par « Devil in me » et son tome compagnon « The devil is a gentleman »… J’ai donc été reçue par le docteur Madsen…

 

« - Tu te souviens de cette époque ? C'était si bien...
Son pouce s'égare sur mes lèvres et un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. De dégoût ou d'appréhension, je ne sais pas. Mon "oui" m'étrangle mais il a l'air satisfait car un sourire ourle ses rêves.
Oui, c'était bien.
Enfin, je crois.
Pour être honnête, je ne m'en rappelle pas. »
Alix est une toute jeune fille de dix- huit ans internée en hôpital psychiatrique pour schizophrénie. Elle vit dans un brouillard perpétuel, ponctué d’apparitions d’ombres menaçantes. Le psy qui la suit, le docteur Madsen, est sexy en diable et exerce une totale emprise sur sa patiente les autres pensionnaires, ainsi que sur le personnel soignant féminin.

« Parfois je me demande même si Jefferson est un vrai psychiatre. Il a des manières... Peut- être que lui aussi est fou. Peut- être qu'on joue tous aux fous et qu'ils s'amusent bien pendant que je me tue sur le chemin de la vérité. » Qui manipule qui ? Entre le personnel soignant et les patients, qui passent d’une unité à une autre selon leur potentiel de « dangerosité », il y a comme un jeu de chaises musicales. Alix, perdue dans les images d’un passé qui peine à lui revenir et des personnes en qui elle n’est pas sûre de pouvoir faire confiance, se perd.

Au final, une plume très agréable à lire mais bien trop éthérée à mon goût. Les errances psychologiques d’Alix m’ont semblé bien trop longues et cette absence de rythme m’a endormie. Pour un récit étiqueté « dark romance », il a manqué d’actions pour me plaire. Ceci dit, je vais lire « The devil is a gentleman », histoire de voir l’évolution narrative de l’idée de départ (et peut- être, par envie de retrouver ce vicelard de Dr Madsen ?!! Chut…).   

dimanche 20 novembre 2022

Le manoir des sacrifiées, Olivier Merle (XO éditions, 10/2022)


 

Le manoir des sacrifiées, Olivier Merle (XO éditions, 10/2022) 

 💙💙💙

Un titre vraiment intriguant pour ce polar qui nous embarque à l’ère de l’homme de Néandertal ! En effet, un premier crime intrigant va mettre le commandant Grimm et son équipe sur une piste étonnante : l’homme assassiné est retrouvé dans une position de recueil, énucléé, et positionné sous un crâne de Néandertal. Son épouse, elle, a disparu. Aucun indice ne leur permet de trouver une piste. Hélas, très vite, le même scenario se reproduit.

 

« Muette dans un premier temps, impuissante face à l'horreur, elle fut secouée par un tremblement compulsif. Elle se mit soudain à hurler de toutes ses forces dans un état de panique insurpassable et une sensation de mort imminente.
Un cri primal, suraigu, d'une puissance inouïe, ininterrompu, et qui glaçait le sang. »

Si les époux ont été assassinés ; que sont donc devenues les épouses, que l’on ne retrouve pas ? Certains chapitres nous donnent un aperçu de leurs conditions de survie. Des passages, de l’enlèvement aux conditions de détention, glacent le sang.  

 

« Au moindre bruit, même le plus léger, le plus lointain, le plus anodin, elle s'interrompait, retenait son souffle et attendait, le front posé sur la pierre du mur. Puis, elle reprenait, avec la patience des damnés qui ont l'éternité pour accomplir une tâche insurmontable, tel Sisyphe remontant sans cesse son rocher au sommet de la montagne. » Alors que Grimm est écarté de l’enquête pour raisons personnelles, et que son équipe piétine, les femmes séquestrées essaient de trouver un moyen de s’échapper, de fuir des sévices que leur cerbère leur impose.

 

Au final, un thriller que j’ai aimé lire mais qui m’a semblé un peu « mollasson » dans les deux premières parties. Les personnages m’ont agacée et le style, bien trop plat pour un roman policier, m’a ennuyée. Et puis il y eut la troisième partie où, enfin, il y eut des actions dignes de ce nom. Une intrigue intéressante, bien ficelée, mais, à mon avis, bien mal servie. A réserver aux lecteurs qui aiment prendre leur temps.

mardi 15 novembre 2022

S’adapter, Clara Dupont- Monod (Le Livre de poche, 2021)


 

S’adapter, Clara Dupont- Monod (Le Livre de poche, 2021)

💚 

Avoir un petit frère qui se révèle être tellement différent que jamais on ne pourra jouer avec lui. Voilà l’idée de départ du livre de Clara Dupont- Monod, qui a eu du succès à sa sortie, remportant d’ailleurs le prix Goncourt des lycéens et le prix Fémina. Connaissant l’auteure pour avoir apprécié certains de ses précédents romans et ses chroniques sur France Inter, j’ai eu très envie de lire ce dernier opus.

 

 "Un être évanoui avec les yeux ouverts, résuma le frère aîné à la cadette.
- ça s'appelle un mort", rétorqua- t- elle malgré ses sept ans. »
L’arrivée d’un troisième enfant dans la famille va diviser la fratrie : l’aîné va le prendre en affection (pour ne pas dire adoration) et la cadette va le rejeter. Nous aurons la version de l’un, puis de l’autre avant de passer à un chapitre dédié à l’enfant handicapé. Tous vus de l’extérieur.  

 

« Progressivement, il décoda ses pleurs. Il sut lequel témoignait d'un mal de ventre, d'une faim, d'un inconfort. Il possédait déjà un savoir censé être découvert beaucoup plus tard, comme changer une couche et donner une purée de légumes. Régulièrement, il tenait à jour une liste de choses à acheter, comme un autre pyjama violet, de la muscade pour parfumer les purées, de l'eau nettoyante. » L’aîné prend le petit dernier sous son aile ; attendri par son incapacité à accueillir le monde qui l’entoure, et à s’y trouver une place. De grand frère, il déborde vite sur des fonctions plutôt maternelles, s’oubliant même en se dévouant au petit dernier.

 

« En la cadette s'implanta la colère. L'enfant l'isolait. Il traçait une frontière invisible entre sa famille et les autres. Sans cesse, elle se heurtait à un mystère : par quel miracle un être diminué pouvait- il faire tant de dégâts ? L'enfant détruisait sans bruit. » La sœur, à l’inverse, considère ce frère différent comme un « empêcheur de tourner en rond ». Son grand frère la laisse de côté, ne joue plus avec elle, et ses amies sont effrayées par la présence de ce petit frère lourdement handicapé.

 

Au final, un récit que je n’ai pas du tout aimé. J’ai regretté que la nature prenne une telle place aux dépens des relations humaines. La description des paysages est, de plus, répétitive (la draille, les trois cerisiers, les pierres, pfffff !) formant comme un martellement avec l’utilisation à l’excès des pronoms personnels « il » et « elle », répétés à longueurs de phrases courtes. Je n’ai ressenti aucun affect, mais de l’agacement. Un récit qui a manqué de profondeur, et de style pour m’aimanter. 

dimanche 13 novembre 2022

Les larmes du silence, tome 1 : Aide- moi, Sarah West (Evidence Edition, 03/2021)


 

Les larmes du silence, tome 1 : Aide- moi, Sarah West (Evidence Edition, 03/2021)

💓💓💓💓💓

Je ne connaissais pas Sarah West avant d’assister à une conférence dans le cadre du DLF (Dark Love Fest) de Toulouse. Son intervention m’a captivée ; j’ai aimé la franchise, la sincérité et le franc- parler de cette auteure, qui, jamais, n’a cherché à embobiner son public pour vendre plus de livres. Il fallait que j’assouvisse ma curiosité et je n’ai pas été déçue § Ce tome 1, je lai dévoré en une journée, et il est conforme à aux propos tenus : glauque, énervant et hyper violent. Âmes sensibles, s’abstenir !

 

Glauque : « Je continue à boire mon verre tranquillement, et quand il est fini, je sens d’un coup ma tête qui tourne. Je m’accroche au mur, j’essaie de regarder vers Mélina, mais elle m’ignore, trop occupée à discuter avec Kyle. D’ailleurs, j’ai l’impression qu’il lui entoure les épaules et qu’il l’emmène plus loin. Je suis seule, et à deux doigts de tomber dans les vapes. J’ai de plus en plus de mal à tenir debout, j’ai la nausée. Je sens quelqu’un qui m’aide à me redresser, il passe un de ses bras sous mes jambes, l’autre au niveau de mon dos et il me soulève. » La drogue du violeur. On en a tous entendu parler. Ici, Nina, le personnage principal, en est victime lors d’une soirée. Menacée par ses agresseurs, elle ne va pas les dénoncer, mais subir un harcèlement moral et physique destructeur.  

 

Enervant. « Tout me stresse en ce moment. J’ai de la bile qui remonte le long de ma gorge quand je pense à ma vie d’aujourd’hui et de demain. J’ouvre les bras pour qu’elle s’installe sur moi et on continue de regarder le film, dans les bras l’une de l’autre. J’ai vraiment besoin d’’être consolée, moi aussi, pour ce qui m’attend ces prochaines semaines. » Nina n’a que dix- sept ans et personne ne s’occupe d’elle. Son père a quitté le domicile familial pour aller roucouler avec sa secrétaire, et sa mère n’a qu’une envie, se débarrasser d’elle, cette adolescente devenue trop rebelle. Nina ne s’alimente plus, ne parle plus. Et personne, que ce soit dans la sphère familiale ou scolaire, ne s’en préoccupe… Seule sa petite sœur, dont on va la séparer, lui offre encore un peu de réconfort.   

 

Hyper violent. « Et les coups pleuvent. Il me massacre carrément, je hurle, j’essaie de me protéger, mais il n’y a rien à faire, je suis trop faible face à lui. Le temps me paraît durer des heures, même si je suis sûre que ça ne dure que quelques minutes. Quand il a terminé, je suis incapable de bouger. J’ai mal partout, je reste inerte sur le sol, à attendre la suite, mais rien ne vient. J’entends la voiture de Kyle repartir, sans moi. » Nina n’est pas une héroïne. Nina est une victime. Victime d’un homme, mais aussi d’une société humaine devenue dangereusement hypocrite.

 

Au final, un roman qui m’a captivée mais aussi beaucoup interrogée. Les tensions psychologiques sont palpables et je me demandais jusqu’où le personnage de Kyle pouvait aller, car il est évident que des (sales) types pareils, notre société, malheureusement, en dégorge. Sarah West écrit là un récit fictif d’autant plus percutant qu’il est tout à fait plausible…  

samedi 12 novembre 2022

La Cage, Emma Seguès (Auzou, 09/2022)


 

La Cage, Emma Seguès (Auzou, 09/2022)

 💙💙💙

Eléa se réveille dans un lit qui n’est pas le sien, dans un dortoir où le blanc domine, et dans lequel émergent cinq autres jeunes femmes. Elles réalisent rapidement qu’elles sont enfermées dans cette pièce sans fenêtre, nourries par un système de monte- plat et anesthésiées la nuit. Etrangement, elles reçoivent ponctuellement des cadeaux qui leur fournissent une certitude : elles sont espionnées. Pourquoi sont-elles retenues prisonnières de la sorte ? Qui est derrière cette détention ?

 

« Ce.
Ma poitrine se soulève de manière frénétique…
N'est.
... comme si la mécanique de mes poumons déraillait…
Pas.
... s'emballait au rythme de mon cœur …
Ma.
... qui cogne, qui cogne...
Chambre.
... à en faire mal. »
Eléa a toujours été une grande angoissée ; alors se retrouver dans un lieu inconnu, entourée de filles de son âge aux caractères diamétralement opposés, représente un traumatisme psychologique important. La confrontation avec ses codétenues va être particulièrement violente.

 

« Ce regard, je le connais.
Ce regard, je l'ai déjà vu.
Ce regard, c'est celui qui m'obsède lorsque je ferme mes paupières et que je me laisse envahir par tout ce blanc pulsant d'un battement chaud et régulier.
Ce regard.
Il me terrifie. »
Les jours passent, apportant leur lot de questions, d’autant plus que des souvenirs affluent au fur et à mesure des cadeaux consentis par leurs geôliers. Des incohérences apparaissent. Mais pour Eléa et Kim, la rebelle, une préoccupation majeure va s’imposer : trouver le moyen de s’évader.

 

Au final, pour un premier roman, c’est vraiment un scenario complexe parfaitement maîtrisé. A destination des jeunes adultes, l’écriture est vraiment accessible et les scènes fortes sont aseptisées. Personnellement, c’est peut- être ce qui a fait que je me sois parfois ennuyée. Le suspense tente de se faire une place à la fin de chaque chapitre, mais il retombe rapidement. Ceci dit, je pense que c’est une histoire qui pourra captiver des adolescents lecteurs dès treize ou quatorze ans.  

dimanche 6 novembre 2022

Il était une fois la guerre, Estelle Tharreau (Taurnada, 11/2022)


 

Il était une fois la guerre, Estelle Tharreau (Taurnada, 11/2022)

💓💓💓💓

C’est la première fois que je lis un roman qui m’ouvre autant les yeux sur le stress post- traumatique, mais surtout sur le quotidien de nos militaires envoyés en zone de conflit. Estelle Tharreau réussit ici à faire côtoyer son lecteur et son héros, Sébastien Braqui, aussi bien sur le champ de bataille en Afrique que dans ses tentatives de réinsertion civile en France, auprès d’une famille dépassée par les conditions de travail du militaire.

 

« Le privilège des vaincus : chassés par les vainqueurs et honnis par leurs propres compatriotes. » Cette phrase m’a marquée. Comment peut- on détester ceux qui ont osé défendre nos valeurs ? Et puis, à la lecture du roman, j’ai compris cet engrenage malaisant.

 

« Le soldat Braqui a 40 ans. Il en a déjà tellement vu qu'il n'a pas peur. Il est simplement amer et usé d'être jeté en pâture, d'être montré du doigt, d'être honni par tous ceux qui ne savent rien des sacrifices et des cauchemars qu'il a endurés pour eux. » Quatre fois. On a envoyé Sébastien Braqui quatre fois en territoire Shonga. Pour qu’il y conduise des camions, mais aussi pour qu’il élimine toute personne (armée ou pas) s’opposant à l’avancement de son convoi.

 

« A cet instant jaillit une image qu'il avait cru oubliée depuis toutes ces années : celle du petit Momar. Comme une répétition de l'histoire. Celle de ce visage scarifié par une larme. Comme une malédiction. » Sébastien a eu une faiblesse : il a craqué devant les yeux suppliants d’un gamin abandonné et affamé, qui avait cru voir en lui l’opportunité de survivre. Une faiblesse qui va le suivre durant toute sa vie et affecter Sébastien au plus profond de son âme.

 

« Sous les yeux de Sébastien se déroulaient des scènes de vie étranges : des supermarchés d'où sortaient des chariots pleins d'abondance, des rues où des gens ne fuyaient pas, des enfants armés de cartables. Il se sentait étranger à ce monde qu'il avait pourtant connu toute sa vie. » Sébastien ne parvient plus à reprendre une vie normale lors de ses permissions. Le psy ? L’institution militaire se révèle incapable de lui en trouver un. Un emploi de réinsertion ? On lui donne une liste d’employeurs « partenaires » ; mais ceux- ci sont méfiants envers ces militaires critiqués depuis leur retour en métropole. Les amis ? Aussi brisés que lui. La famille ? Elle a fui.

 

Au final, un roman très dur, très noir, sur les horreurs que peuvent vivre nos soldats dans les pays qui sont en rébellion perpétuelle contre un système plus démocratique. Jamais je n’avais ressenti autant de détresse de la part d’un héros ayant été soldat de la République française, et même si j’ai conscience qu’il s’agit d’un récit de fiction, je ne peux m’empêcher de croire qu’il s’y trouve une certaine part de véracité.   

samedi 5 novembre 2022

Eté après été, Elin Hilderbrand (Les Escales, 06/2022)


 

Eté après été, Elin Hilderbrand (Les Escales, 06/2022)

 💕💕💕💕💕

Quel beau roman ! J’ai véritablement frôlé le coup de cœur ! « Eté après été » est une histoire dense, qui couvre la période contemporaine de 1993 à 2020 pour une héroïne plus ou moins du même âge que moi ; ce qui fait que j’ai pu facilement m’attacher à celle- ci. Alors bien sûr, l’intrigue se déroule aux USA et cela change un certain point de vue (pour une Française, s’entend), mais j’ai vraiment aimé cette évolution chronologique, qui introduit d’ailleurs chaque nouvelle année par ses principaux événements mondiaux : « De quoi parle -t-on en … ? ». Un système narratif bien pensé pour que le lecteur se reconnaisse peu ou prou dans l‘un des deux héros de cette romance hors norme ; Mallory et/ou Jake.

 

« Mais il y a aussi une autre histoire, cette année- là, dont personne n'a entendu parler. Une histoire qui a débuté vingt- huit étés plus tôt et qui ne touche que maintenant - à l'été 2020, sur une île à quarante- huit kilomètres de la côté - à sa conclusion.
La conclusion. Etant donné les circonstances, ça semble le seul point de départ possible. »
L’auteure fait ce choix étrange de commencer son histoire par la fin. Un court chapitre de cinq pages dont le sens se révèlera au fur et à mesure des pages qui vont suivre.

 

« Il est...
Peut- être qu'il n'est pas beau au sens classique du terme. Ou peut- être que si. Il est grand, bien bâti, soigné. Des cheveux bruns, des yeux marron foncé, rien de très remarquable, sinon que ses traits sont harmonieux et qu'il suffit d'un sourire pour que... la vache ! »
Nantucket, 1993. Mallory vient d’hériter d’une maison située en bordure de plage. Elle a 24 ans et s’apprête à recevoir son frère, et les amis de celui-ci, pour fêter son enterrement de vie de garçon. Parmi les amis de Cooper, Jake McCloud éblouit Mallory dès son arrivée. Le coup de foudre est réciproque, et immédiat. A partir de ce week-end-là, ils décident de se retrouver tous les ans à la même date, au même endroit, sans jamais nouer de relation au long cours…

 

« Il a fait tout ce chemin pour venir voir sa femme, or non seulement elle ne répond pas au téléphone, mais en plus elle a omis de prévenir la réception de son arrivée. Elle n'a vraiment aucune considération pour lui. Et elle n'en a jamais eu. Pourquoi l'accepte-t-il depuis aussi longtemps. » Si Mallory reste célibataire, Jake, lui, épouse l’amie d’enfance de sa défunte sœur, mais il est malheureux. Pourtant, jamais il ne va la quitter pour Mallory. D’ailleurs, celle- ci ne le souhaite pas non plus. Leur histoire va rester secrète pendant des années, jusqu’en 2020, où tout va basculer.

 

Au final, un roman vraiment agréable à lire ; la plume habile, prend parfois le lecteur à partie, et bascule de Jake à Mallory avec fluidité. Le récit est pourtant dense, du fait de la nécessité de raconter la vie de chacun des deux protagonistes et de tricoter le fil narratif, qui enserre d’autres personnages et tout autant d’événements, jusqu’au dénouement final. Un roman captivant à déguster lentement.

mardi 1 novembre 2022

Emilyn Carlisle – Le masque de lune, Eva de Kerlan (Inceptio, 09/2022)

 



Emilyn Carlisle – Le masque de lune, Eva de Kerlan (Inceptio, 09/2022)

💙💙💙 

Halloween ; et si on lisait du fantastique, histoire de frissonner avec des légendes issues de lieux passéistes et reculés dans lesquels auraient évolué sorcières et démons ? C’est chose faite, en temps et en heure, avec le dernier roman d’Eva de Kerlan : cap sur la Russie, à la recherche de la mystérieuse propriétaire d’un pendentif au charme inexpliqué.

 

« Je frémis. Quelque part, je crois, j'ai peur de découvrir ce qui est réellement arrivé à la personne qui possédait ce bijou. Peut- être serait- il plus simple - plus facile - de rester sur la croyance d'un incendie ?
Peut- être... peut- être pas... »

1998. France. Emilyn est une jeune fille qui se destine à des études d’archéologie. Elle a la chance de trouver un stage qui va l’amèner en Russie, terre sur laquelle ses parents, globe-trotters ayant fait le tour du monde avec elle, ne l’avaient étrangement jamais emmenée. Alors que sa tutrice la fait travailler sur des restes humains calcinés retrouvés sur un chantier ; Emilyn tombe sur un bijou retrouvé dans le même site de fouille et se sent irrémédiablement attirée par ce pendentif. Elle va trouver les arguments qu’il faut pour que l’équipe dans laquelle elle intervient programme rapidement un voyage en Russie, et plus précisément, une fouille en république des Komis, afin de pouvoir y participer.

 

« Le hurlement me fait sursauter. J'ouvre la bouche pour me justifier. Ils ne m'en laissent pas le temps. Un déferlement de haine explose le silence en un milliard de grains de poussière. Les cris se superposent, les accusations s'enchaînent, les pleurs se multiplient. Les injures m'atteignent, me blessent. J'en retiens l'essentiel : quoi que je dise, quoi que je fasse, je suis coupable à leurs yeux.
Coupable d'être différente. Coupable de ne pas avoir grandi ici. Coupable de tous leurs malheurs et espoirs déçus. »

1921. Russie, terre reculée des Komis dont Roman, le mari de Nastya, est le propriétaire. La colère monte chez les paysans car un mystérieux champignon dévaste les cultures, entraînant la mort du bétail mais aussi des habitants les plus faibles, touchés par la famine. Il leur faut un coupable et Nastya, l’étrangère, est rapidement désignée.

 

Au final, un récit très bien écrit, avec du vocabulaire et des tournures de phrase élaborés. On sent que l’auteure maîtrise le sujet et se passionne pour l’Histoire des lieux. La double temporalité est habilement utilisée pour maintenir un suspens tangible. Par contre, personnellement, j’ai trouvé quelques longueurs dans les passages où nos deux héroïnes parcourent la forêt bordant le manoir de Zelenyy, et je suis restée sur ma faim quant à l’explication de quelques phénomènes surnaturels.