lundi 28 octobre 2019

Libres dans leur tête, Stéphanie Castillo-Soler


Libres dans leur têteStéphanie Castillo-Soler


★★★★☆



Cette lecture n’était absolument pas prévue dans mon « programme ». L’auteure m’a gentiment contactée via les réseaux sociaux pour me demander un avis sur son premier roman édité, suite à un concours d’écriture. Stéphanie Castillo- Soler est en effet lauréate d’un concours sur le thème du huis clos, organisé par la plateforme d’autoédition Librinova. Ma curiosité livresque a derechef été titillée et je me suis donc lancée dans la lecture de cette histoire d’amitié sur fond d’univers carcéral.



La plume de cette primo-romancière m’a tout de suite charmée. Le vocabulaire est bien choisi, la syntaxe se situe hors des sentiers battus, soignée, agréable à lire. Les deux principaux protagonistes, Romain et Laurent deviennent rapidement attachants car leur psychologie intime est finement dévoilée. Alors qu’ils sont incarcérés, on a envie de leur faire confiance, de les aider… Ils nous sont très vite sympathiques.



L’univers carcéral n’est qu’esquissé, afin que le lecteur ne se concentre que sur les relations entre nos deux prisonniers. Issus de niveaux sociaux opposés, les premiers jours ne sont pas propices à une entente cordiale. Laurent vient de la bourgeoisie reconnue et établie alors que Romain a cumulé les passages en foyers et familles d’accueil. Laurent était en école supérieure de commerce tandis que Romain vivait de petits boulots, n’ayant même pas réussi à obtenir son Brevet des collèges.

Mais tous deux se sont retrouvés là suite à un acte impulsif, sans aucune préméditation et avec un important sentiment de culpabilité. Ces deux jeunes naïfs au grand cœur vont avoir la chance de trouver en Serge, sexagénaire paisible, responsable de la bibliothèque de la prison, un appui culturel et une protection salutaire face aux caïds à deux balles qui peuplent l’établissement.
Au fur et à mesure des jours, une relation cordiale et sincère va naître puis s’amplifier : « La prison est toujours la prison, mais leur amitié partagée leur permet de voir avec d'autres yeux. La grisaille leur paraît moins grise, la lumière électrique moins crue, la puanteur moins prégnante, les surveillants moins bourrus. »

J’ai beaucoup aimé l’évolution de cette relation, le partage de l’univers culturel de Laurent, accessoirement, de Serge, en destination de Romain. Par contre, j’avoue avoir eu du mal avec la conception de style « tout le monde est gentil » au fur et à mesure des pages tournées. Je suis probablement trop pessimiste pour adhérer à un récit où tout le monde s’aime, s’excuse de ses erreurs et pardonne aussitôt à celui qui l’a fait souffrir. Ceci dit, je pense qu’il existe un public pour ce genre de récit ancré dans la réalité et tendu vers l’optimisme. Je retiendrai tout de même l’essentiel : la capacité de l’auteure à déclencher illico l’empathie de son lecteur envers ses personnages et sa plume habile, intelligente et délicate, qui fait mouche à chaque chapitre.
Auteure à suivre !



dimanche 27 octobre 2019

Orléans, Yann Moix


Orléans, Yann Moix

★★☆☆☆


J’ai voulu lire ce « roman » deux mois après sa sortie, une fois les polémiques sur le thème récurrent de style « doit-on écrire toute la vérité sur sa famille » évaporés. Et j’ai envie de conclure ce battage médiatique par une question qui m’est venue aussitôt à l’esprit une fois la dernière page tournée : « tout ça pour ça » ? Franchement, c’est vraiment parce que monsieur Moix appartient à « l’intelligentsia » parisienne bobo que tant de voix se sont élevées pour cancaner. En effet, la thématique de la maltraitance est récurrente dans les récits à portée autobiographique, et Yann Moix n’apporte rien de nouveau dans ce domaine… Les sévices sont toujours répugnants à lire quelque soit l’auteur qui a eu le courage de les écrire.



Bref, si je voulais lire le dernier roman de cet auteur, c’est qu’avant sa publication, des journalistes en avaient vanté la qualité stylistique, à tel point qu’on l’avait déjà sélectionné pour certains grands prix d’automne. Ayant particulièrement apprécié ses précédents romans, tels « Podium » et « Panthéon », ma curiosité livresque naturelle m’a fait me jeter sur ce livre dès sa sortie. Le pataquès médiatique en aura reporté la lecture, mais je ne regrette pas d’être aujourd’hui capable de me construire ma propre opinion, un peu sur le contenu donc, mais beaucoup sur ledit style.



Je dois donc reconnaître que les premières pages m’ont conquise par leur musicalité. Ainsi cette phrase : « Dans la salle de classe, éclairée par des néons grésillants, j'éprouvais, dans la bouche, ou plus exactement au fond du palais, un goût d'amande et d'abri. » m’a aussitôt transportée assise à côté du petit Moix sur un banc de classe de maternelle, suçotant la petite pelle d’une célèbre colle à l’effigie d’une Egyptienne, avec ce sentiment d’innocence et de bien-être qu’on ne connait que dans la plus tendre enfance.

Mais, hélas, les phrases vont vite se durcir, voire s’appauvrir, abordant dans la première partie du livre, intitulée « Dedans », les cruautés infligés par les géniteurs de l’auteur et dont le style se retrouve immanquablement assombri, ainsi que, avouons-le, beaucoup moins travaillé.



La deuxième partie, intitulée « Dehors », elle, m’a parue lourde, obséquieuse quant aux auteurs du siècle dernier tels Gide, Péguy et Ponge. Certains passages m’ont semblé même être proches du plagiat ! J’ai eu l’impression que plusieurs plumes se substituaient l’une à l’autre. Et puis, le petit Moix, là, reprend de la hauteur ! « A quatorze ans, j'étais riche déjà d'une œuvre inachevée et inachevable considérable. » : quelle fatuité ! Le jeune homme ne parvient pas à séduire les filles malgré les lettres enflammées qu’il leur envoie, et en conclut finalement qu’elles font preuve de mauvais goût.



Par ailleurs, de petites incohérences entre les deux parties me questionnent : dans la première, les parents semblent confisquer et détruire tout ce que Moix lit et écrit, alors que dans la deuxième partie, à la chronologie ancrée par les années scolaires de manière parfaitement identique, il y a profusion d’œuvres diverses et d’écrits rédigés de la main du petit Yann…
Bref, une lecture dont je ressors plus que désappointée…

jeudi 24 octobre 2019

Titan, Frédéric Zumbiehl

Titan, Frédéric Zumbiehl

★★★★☆


« Le concept du surhumain était lié intrinsèquement à l'histoire humaine. Il était à la base de toutes les religions, de tous les mythes et mystères. Les grands initiés, de Moïse à Jésus, en passant par Bouddha et Hermès Trismégiste, avaient des capacités extra- sensorielles hors du commun. »

Quand en 1801, au monastère de Gabal Umm Naqqat, Frère Grégoire assiste, impuissant à l’assassinat collectif des moines cisterciens au cœur même du cloître, par un pauvre hère, visiblement possédé par quelque force mystérieuse, ramassé dans le désert égyptien quelques jours auparavant ; il se demande si c’est Dieu qui veut le mettre à l’épreuve ou le début de l’Apocalypse sur Terre.



XXIe siècle. Ellen Menken, psychologue de renommée mondiale, est invitée par son ancien mentor et collègue de feu son mari, pour mener une expérience hors norme sur une plateforme pétrolière à la construction révolutionnaire nommée Titan. Il faut en effet un lieu tout à fait coupé du reste du monde pour mener à bien une expérimentation qui sera réalisée sous couvert de l’armée américaine. En effet, celle-ci souhaite tester une arme de masse au prétexte que : « Le vingtième siècle avait vu une explosion technologique sans précédent dans l'histoire de l'humanité, exacerbée par deux guerres mondiales, plus une troisième larvée nommée guerre froide.
A la lumière de tout cela, il fallait bien admettre que l'être humain était passé maître dans l'art de tuer son prochain. »

Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu. Ellen, accompagnée de son fils, Matthias, va vite se rendre compte qu’elle est tombée dans un guet-apens. L’équipe de spécialistes qui l’accompagne va vite se retrouver dépassée par les événements imprévus (et imprévisibles) qui vont remettre en question bien des certitudes au sujet du psychisme humain. Bien des masques vont tomber et des vérités effrayantes se révéler



Au final, Frédéric Zumbiehl nous livre un thriller passionnant, intelligent, et profondément inquiétant ! Si quelques passages peuvent paraître un peu longs, ils sont là parce que cet auteur, ancien pilote de chasse, veut apporter à son lecteur toutes les informations nécessaires à la compréhension du fonctionnement de l’armée.
Bref, un récit en huis clos sur une plateforme pétrolière qui joue habilement avec nos nerfs, en mêlant habilement faits de fiction et éléments bien réels de notre monde actuel.

mardi 22 octobre 2019

Dans les pas de Valeria, Elisabet Benavent

Dans les pas de Valeria, Elisabet Benavent

★★★★★


Mais quel plaisir de lecture que ce roman !!! Je l’ai littéralement dévoré, attendant avec impatience les moments où je pourrais retrouver Valeria et ses amies, entre deux activités du quotidien.  Les pages tournaient d’ailleurs bien trop vite et je n’ai qu’une envie : lire la suite des aventures du quatuor féminin le plus sexy de Valence !!!



Valeria, l’héroïne de cette saga de quatre tomes, est une jeune femme de vingt-huit ans qui a la chance d’avoir trois amies fidèles et attachantes au possible ; Carmen, la perfectionniste, Nerea, la réservée et Lola, la passionnée. Toutes sont à l’âge où l’on se pose des questions essentielles dans la vie : mariage ? Enfants ? Carrière ? Seule Valeria est mariée, depuis dix ans déjà, avec Andrea. Les trois autres sont encore plus ou moins à la recherche du grand amour et naviguent de rencontres plus ou moins heureuses en œillades discrètes mais appuyées sur le lieu de travail. Toutes les quatre se confient absolument tout de leurs histoires de cœur et d’expériences sous la couette lors de soirées passées dans des bars à siroter des cocktails jusqu’au bout de la nuit. C’est lors d’une de ces soirées alcoolisées et vouées au flirt que Valeria, qui se sent délaissée par Adrian depuis plusieurs mois, va se sentir irrésistiblement attirée par Victor, un ami de la sulfureuse Lola…

Craquera ? Craquera pas ?



Pour cette romancière en herbe, le dilemme est terrible : continuer à s’ennuyer dans une relation sécurisée mais sans saveur ou goûter à l’interdit d’une relation qui promet de lui apporter le piment dont son esprit a besoin, mais également son corps… Valeria est ancrée dans la société d’aujourd’hui et elle a ainsi parfaitement conscience des enjeux qu’un coup de couteau dans le canif d’une relation établie pourrait mettre en péril…



Il faut dire que l’auteure, dont c'est ici le premier roman, a vraiment le talent de savoir capter l’attention de son lecteur (enfin, plutôt sa lectrice ici quand même…) en créant des situations sous tension, érotique notamment, mais surtout en élaborant des personnages attachants et tout à fait contemporains, à un point qu’on ne peut que se retrouver dans l’une ou l’autre des principales protagonistes.
En tout cas, personnellement, je n’ai qu’une envie : me plonger dans le tome 2, « « Dans le miroir de Valeria » pour connaître la suite de ces aventures émoustillantes à souhait !!!

samedi 19 octobre 2019

Soeur, Abel Quentin


Sœur, Abel Quentin

★★☆☆☆

Difficile d’écrire un avis sur ce roman… Il m’a tellement emballée au début, puis agacée, au point d’avoir vraiment du mal à le terminer ! Ah, je peux dire qu’il m’a fait réagir ! Mais au final, c’est un sentiment de déception qui m’aura gagnée une fois la dernière page tournée.



Au départ, nous avons un cas extrêmement intéressant car véritablement actuel :  une adolescente mal dans sa peau, prise au piège des réseaux sociaux dans ce qui s’apparente à un cas de harcèlement scolaire, va trouver dans le djihad l’occasion d’obtenir la reconnaissance nécessaire au rétablissement de son estime de soi.

Jenny, en effet, s’ennuie auprès de ses parents, promoteur de l’image de la famille parfaite, et souffre de ne pas avoir d’amis au collège. Le passage au lycée va, pense-t-elle, être l’occasion de se refaire une réputation de fille « swag ». Elle franchit le portail de l’établissement scolaire avec un nouveau look et une nouvelle détermination chevillée au corps. Elle va donc immédiatement s’acoquiner avec les garçons les plus en vue, dont Clément, le beau gosse que toutes les lycéennes convoitent. Mais, naïve qu’elle est, elle va se retrouver très vite prise dans un guet-apens organisé par ses nouveaux « amis » et retrouver sa place peu glorieuse de « fille dont tout le monde se moque », suite à la diffusion d’une vidéo sur les réseaux sociaux.

La seule à lui apporter du réconfort sera Dounia, nouvelle adepte du djihad…



En parallèle, on suit les remous politique de l’ascension électorale de Benevento, prêt à tout pour renverses l’actuel président du pays, Saint Maxens. Et franchement, je me serais bien passée de cette partie. Ces passages ont alourdi la trame du récit concernant l’intrigue centrée sur Jenny, de manière inutile, ou presque. Ces longues tirées satiriques sur le pouvoir en place en France avec des noms à peine modifiés ont vraiment gâché ma lecture.
C’est dommage.

lundi 14 octobre 2019

Les recettes magiques de Pétronille, Evelyne Debourg

Les recettes magiques de Pétronille, Evelyne Debourg (M+ Editions)




A l'occasion de la semaine du goût au collège où j'enseigne, le livre de cuisine adapté aux enfants d'Evelyne Debourg a été proposé aux élèves au sein du C.D.I.:



Les recettes proposées sont vraiment très accessibles aux enfants (ou aux apprentis cuisiniers!) car elles se composent en trois étapes bien définies: les ustensiles nécessaires, les ingrédients à utiliser et les étapes imagées de la réalisation.



C'est clair, net et précis; les parents peuvent laisser leurs enfants jouer les petits chefs en autonomie, une fois que tout est préparé. Il ne leur reste plus qu'à allumer le four pour enfourner les préparations de quiches, pizzas, pain d'épices, ou gâteau roulé à la fraise (exemple illustré ici)… Et j'en passe, et des meilleures!

Des plats froids sont aussi proposés ainsi que des recettes pleines de vitamines, telle la brochette de kiwis!
Hmmm! Plein d'idées qui donnent l'eau à la bouche et qui feront le plaisir des palais des grands tout en faisant la fierté des petits!

Nous attendons avec impatience le retour de nos élèves et espérons vivement pouvoir goûter à leurs réalisations!!!

samedi 12 octobre 2019

Les Refuges, Jérôme Loubry

Les Refuges, Jérôme Loubry

★★★★★


Voilà un thriller machiavélique à souhait !!!

Jérôme Loubry a su me mener par le bout du nez dans les méandres d’une histoire à plusieurs tiroirs et je n’ai vraiment pas vu la résolution de l’intrigue venir ! Il a l’art de construire plusieurs récits en un, avec une multitude d’indices cachés dans des détails qui ne s’imbriqueront, comme les pièces d’un puzzle, que dans les toutes dernières pages du livre.



Le roman commence avec Sandrine, une jeune journaliste envoyée en province pour enfin travailler dans un périodique. Alors qu’elle revient de son reportage dans une ferme, le rédacteur en chef lui remet un courrier : elle doit se rendre sur une île pour récupérer les biens que sa grand-mère, tout juste décédée, lui a laissés en héritage. Elle rechigne dans un premier temps, n’ayant jamais vu son aïeule, puis se décide à se rendre sur ce bout de terre isolé en pleine mer. L’ambiance y est, de suite, propice aux mystères les plus sombres et aux secrets les plus terribles…



L’auteur alterne des épisodes qui se sont déroulés en 1949 et d’autres, en 1986. Les personnages portent tous leurs propres fardeaux et de nombreux secrets : l’inspecteur, la mamie accusée de folie, des enfants traumatisés par la Seconde guerre mondiale… Au son de la célèbre chanson d’entre-deux-guerres « Parlez-moi d’amour », interprétée par Lucienne Boyer, les révélations coups-de-poing vont se succéder à un rythme de plus en plus effréné. Mais je n’en dirais pas plus par crainte de « divulgâcher » des éléments, ce qui nuirait à votre plaisir de lecture !


Bref, je ne connaissais pas Jérôme Loubry mais je peux dire que là, il m’a littéralement bluffée !

lundi 7 octobre 2019

72h, Matthieu Biasotto


72h, Matthieu Biasotto

★★★★☆

Un thriller efficace sur fond de disparition d’enfant, avec un « détricotage » des faits habilement menés puisque le suspens dure jusqu’aux dernières pages.



L’intrigue tourne autour de Valentin, 12 ans, qui disparaît subitement. Sa mère, Nathalie, l’a pourtant inscrit dans l’établissement le plus côté de la ville de Saintes, le très prestigieux et rigoureux collège Sainte Sophie afin de lui permettre d’avoir un meilleur avenir que le sien. En effet, pour joindre les deux bouts, elle tient un petit cabinet de massages au cœur d’une cité malfamée. Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’il arrive quoi que ce soit à son fils alors qu’il était au collège.

On cherche alors ; est-ce un pari stupide propagé sur les réseaux sociaux, du genre « disparaître pendant 72h » ? Est-ce un enlèvement ? Une multitude de pistes vont s’ouvrir, et Nathalie va se retrouver trop souvent seule à retourner la fange de l’élite saintongeaise pour tenter de retrouver son fils. Que cache le directeur de Sainte Sophie ? Et le professeur de français, aux gestes troublants ? Et puis ce dessin de sucette rouge qui revient dans les carnets de dessins de Valentin ; à quoi correspond-il ?  

Les masques vont tomber…


Un roman bien écrit, qui se lit d’une traite. Le seul petit bémol, qui a empêché le coup de cœur, c'est la présence de trop nombreuses erreurs grammaticales. Mais c'est probablement mon œil de professeur de français qui est devenu assez exigeant dans ce domaine!

dimanche 6 octobre 2019

Les mutations, Jorge Comensal

Les mutations, Jorge Comensal

★★★★☆


Jamais je n’aurais imaginé éclater de rire en lisant un roman traitant, avec sérieux et discours scientifiques à l’appui, du cancer ! Le synopsis du roman n’a pourtant rien d’amusant : Ramon, avocat brillant à la verve oratoire reconnue se réveille un matin avec la langue douloureuse et gonflée. Emmené par son épouse, Carmela, chez le médecin, ils apprennent tous deux avec stupeur qu’il s’agit d’une tumeur et qu’une seule solution permettra à Ramon de guérir : l’ablation de ce précieux organe qui a permis, jusque là à son propriétaire d’exercer son métier avec art, mais aussi de régner à la maison sur sa femme, leurs deux enfants, ainsi que sur son frère, Ernesto, un truand sans cœur.  

La maladie, l’ablation, l’incapacité d’exercer sa profession et son autorité habituelle vont profondément affecter Ramon. Les médecins oncologues auront beau cherché l’origine de la tumeur, les possibles traitements, rien n’y fera. La mutation d’une cellule microscopique aura suffi à modifier profondément la vie de Ramon et de sa famille.

Il y aura bien la psychanalyste, Teresa ; qui permettra à cet homme diminué de trouver un certain soulagement aux douleurs physiques grâce à ses gâteaux verts, cuisinés avec du cannabis cultivé par la thérapeute avec amour.  

Et puis, surtout, il y aura Benito, ce perroquet offert par Elodia, la domestique. Elle demeure persuadée qu’un miracle est possible et qu’il pourrait passer par cet oiseau, le seul animal capable de parler comme un humain. Sauf que celui-ci ne sait proférer que des insultes !

Une relation particulière va se développer entre notre malade et son perroquet, et permettre à l’auteur de rédiger de belles scènes hilarantes !


Le ton caustique de Jorge Comensal fait vraiment toute la qualité de ce premier roman. J’ai vraiment ri lors des passages concernant la famille de Ramon comme : « Concentrés sur leurs objectifs scolaires sans pour autant renoncer à leurs hobbies respectifs, la masturbation et le karaoké, ils n'avaient pas remarqué la détresse de leurs parents. »

Par contre, les passages consacrés aux recherches médicales m’ont paru ennuyants et superflus.
Mais hormis ce petit point négatif, « Les Mutations » a été un très bon moment de lecture et il est évident qu’il faudra compter sur Jorge Comensal pour représenter avec talent la littérature mexicaine de ces prochaines années !

samedi 5 octobre 2019

Un couple irréprochable, Alafair Burke

Un couple irréprochable, Alafair Burke

★★★★★


« Est- on jamais sûr de savoir quelque chose ? » Cette question philosophique émerge des réminiscences d’Angela Powell, personnage principal de ce thriller domestique efficace. Cette femme de trente ans mène une vie, en apparence, des plus routinières et agréables. Son époux, Jason, est un professeur d’université à la renommée grandissante depuis qu’il a écrit un livre sur l’économie qui se hisse régulièrement dans le classement des « best-sellers » américains.  Ils ont un enfant, un garçon prénommé Spencer, qui se révèle être surdoué par rapport aux gamins de son âge.  Leur train de vie est si confortable qu’Angela n’a pas besoin de travailler. Elle se consacre au bien-être de sa famille.

Bref, une image idéalisée de famille parfaite.


Quand Jason est accusé de comportement déplacé par l’une de ses stagiaires, puis de viol par l’une de ses collaboratrices, qui va ensuite disparaître, tout cet univers paisible et douillet s’écroule. Les questions fusent dans le cerveau d’Angela qui ne veut perdre ni son « standing », ni sa tranquillité d’esprit. En effet, on se rend compte au fur et à mesure que les pages se tournent que le passé de cette femme est bien trouble et qu’elle a été fortement sensibilisée par un drame vécu dans son adolescence.

Que faire alors ? Angela va tout faire pour préserver l’image de la famille parfaite mais très vite, les cartes vont tomber et les révélations concernant aussi bien Jason qu’Angela vont précipiter le lecteur dans un questionnement perpétuel : qui dit la vérité ? Qui protège l’autre ?

Les chapitres s’enchainent et il est difficile pour le lecteur de se faire une véritable idée de la personnalité réelle des principaux protagonistes. Même les remarques de Spencer, pourtant éloigné de ses parents pendant l’essentiel du roman, sèment le trouble.

L’acharnement de Corinne Duncan, une enquêtrice perspicace et obstinée, permet de guider le lecteur dans le méandre de la vérité si difficile d’accès…

Au final, c’est un thriller qui accapare son lecteur, grâce à de nombreux rebondissements inattendus, et cela, jusqu’aux dernières pages ! Alafair Burke sait nous mener par le bout du nez, nous faire dévier de nos certitudes, et nous surprendre par des comportements vraiment imprévisibles !

vendredi 4 octobre 2019

Les galeries hurlantes, Jean-Marc Dhainaut


Les galeries hurlantes, Jean-Marc Dhainaut

★★★★★

Je ne suis vraiment pas une habituée des romans dits « d’horreur ». Je suis bien trop froussarde pour me confronter aux maisons hantées, aux fantômes et autres esprits frappeurs qui, une fois le livre refermé, viennent me turlupiner dans mes pires cauchemars pendant des semaines.

Mais là, j’ai craqué pour ce roman de Jean-Marc Dhainaut en connaissance de cause : il allait y être question de paranormal et de phénomènes étranges…

Le fait que l’auteur soit du Nord et que l’intrigue dudit roman se déroule dans les galeries minières de cette région qui est celle où je suis née y sont pour beaucoup dans mon « effronterie livresque » : j’allais oser me plonger dans mes frayeurs par amour pour les Hauts de France !


Hé bien, je ne regrette pas ! J’ai été littéralement happée par cette histoire où, certes, apparaissent des revenants, où claquent les portes et où une petite fille parle avec un ami invisible. Mais au-delà de cela, c’est l’aspect profondément humain du personnage principal, Alan Lambin, « chasseur de fantômes », qui m’a passionnée. Loin de pratiquer ce que l’on connait par le biais de films ou de livres comme étant de l’exorcisme, Alan Lamblin est avant tout un scientifique, qui cherche l’origine du mal-être humain et les raisons qui pousseraient, éventuellement, des esprits à venir les tourmenter. Sa devise ? « Les fantômes, oui, pourquoi pas, mais pas si vite ». Il prend le temps d’écouter ces personnes dévastées, persuadées d’être les victimes d’esprits frappeurs revenus pour se venger, tout en analysant les potentielles perturbations telluriques et les ondes négatives. C’est un fin psychologue qui fonctionne à l’instinct, sans folklore ni gri-gri.

Alors au cœur du malheur de la famille Delbique, il lui faudra faire preuve de patience, d’empathie et de courage, notamment pour se rendre dans les anciennes galeries minières existant toujours sous le village, à la recherche de réponses…
Jean-Marc Dhainaut a su m’y emmener faire une ballade terrifiante, en apnée ! Mais quelle lecture !!!!

mercredi 2 octobre 2019

Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine


Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine

★★★★★

J’ai débuté la lecture de ce premier roman avec un doute immense : la prestation de la jeune auteure dans l’émission de La Grande Librairie, sur France 5, m’avait séduite, mais je craignais ne pas apprécier du tout le langage utilisé, celui des banlieues du XVIIIe. En effet, les phrases de type de celles utilisées par les jeunes des quartiers sensibles ne sont pas du genre à me rappeler de bonnes périodes de ma carrière d’enseignante : "Oh la victime, il a une tête de chelou!", "Obligé, c'est un cassos de la Ddass!", "Regarde ses pompes, abusé!", "La honte wallah… Moldavie wesh, sa daronne fait la manche au marché de Barbès… Attention, cache ton iPhone, ah c'bâtard, il va nous dépouiller…" Mais ici, l’utilisation de ce type de langage est un passage obligé (et momentané) puisque l’auteure laisse son petit héros maghrébin prendre la parole en tant que principal narrateur de ce bout de vie, ce morceau d’une année, celle d’un gamin de treize ans, né au Liban, atterri en banlieue parisienne du jour au lendemain, loin de sa mémé adorée.

C’est là, qu’à ses heures perdues, depuis l’arrière des stores de l’appartement familial qu’il joue l’observateur d’un microcosme polychrome en constante mouvance (« Certaines familles […] préféraient voir leur fils faire le jihadiste de pacotille au quartier plutôt que la victime au mitard »), plutôt vers le bas, dans la crasse, le malheur et la violence, d’un petit coin de la capitale française où l’imaginaire collectif se nourrit habituellement de récits élaborés au cœur des quartiers bobos où tout va bien, tout est beau, estampillé Vuitton, Chanel ou Dior et où tout rutile dans l’éblouissement de la ville Lumière…



Abad, de haut de ses treize ans, lui, n’est pas dupe. Tout juste adolescent, il nourrit une passion : il adore les « nichons » ! Toute fissure dans un mur est propice à des heures passées en espérant voir des filles se déshabiller et à pratiquer la « bagnette ». Quelle chance quand il a, pour un laps de temps, une « Femen » en guise de voisine ! Son obsession va mettre sur sa route Gervaise (comme dans Zola, oui…), jeune Africaine mise sur le trottoir, parce qu’elle « avait grandi mal et trop vite en passant des nattes et chaussettes blanches aux strings ficelle en l'espace de quelques années », de rêves perdus en désillusions douloureuses, elle n’en possède pas moins un cœur immense…



Deux autres figures féminines vont aider Abad à ouvrir les yeux ; sa voisine, Odette, mamie fan de musique et de littérature, et Mme Futterman, psychologue survivante de la Shoah. Au final, trois portraits de femmes aux secrets lourds et à la vie partiellement brisée. Trois survivantes.
Et je pense que c’est grâce à ces trois personnages féminins que ce roman est devenu pour moi, au fil des pages, un véritable coup de cœur. J’ai senti mon émotion grandir au fur et à mesure des évènements qui se sont succédés dans la vie de ce petit bonhomme, mais aussi dans celles des personnages corollaires. Aucun n’est épargné. Et on se rend bien compte que même si nous sommes dans un roman, ce texte colle tellement à la réalité de milliers de personnes vivant en France actuellement qu’il ne peut laisser indifférent. 
Il me marquera pendant un moment, je pense.

mardi 1 octobre 2019

Love after dark, G.H. David


Love after dark, G.H. David

★★★★★

Je ne suis vraiment pas romantique pour deux sous et pourtant, Geny H. David a encore réussi à me prendre par les sentiments et à me faire frissonner tant par le suspens que pour ses personnages ! Elle est en effet parvenue à rendre les deux héros de ce roman très attachants alors que ce ne sont pas des personnes des plus recommandables : elle est meneuse de revue et se dénude chaque soir sur les scènes de Pigalle, au milieu « des putes, des trav', des clodos, des dealers » ; il est braqueur, voleur et assassin. Et pourtant, l’auteure a l’art d’en faire des êtres complexes, aux fragilités déconcertantes une fois celles-ci révélées au grand jour.


David est donc un bel homme mystérieux, un tombeur mais aussi un mâle dominant qui peut être violent. Sa vie est faite d’excès en tous genres. L’Amour ? Il ne connaît pas, enfin, si, il a connu mais une balle reçue dans le dos lors d’un rendez-vous avec le « milieu » a effacé partiellement sa mémoire. Il ne se souvient que de son côté obscur. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on le surnomme « Le Baron » : il exhale la terreur envers qui l’approche. Un soir, il tombe pourtant sous le charme du numéro de scène d’une effeuilleuse reconnue dans le milieu de la nuit, du fait de son agilité et de sa particularité : ses bras sont entièrement tatoués.

C’est le coup de foudre réciproque. Cependant, pour David, il est important de prévenir la jeune artiste : « Pour entretenir une liaison avec moi, il y a des règles. Des principes à ne pas enfreindre. Ce n'est pas romantique, je sais, mais nécessaire pour ta sécurité et pour la mienne. » Mais Mahira est un personnage créé par G.H. David : autrement dit une femme qui ne s’en laisse pas mener, qui prend ses décisions seule et qui ne va certainement pas hésiter à sortir de ses bas une lame ou un philtre mortel pour arriver à ses fins !

Alors que Le Baron est à deux doigts de se faire coincer par la Brigade de répression du banditisme s’il ne collabore pas, tout en devant surveiller ses arrières car il est aussi traqué par un parrain de la mafia italienne à qui il doit des comptes, sans être sûr de la sincérité de ses hommes de main, voir une femme entrer dans sa vie devient un casse-tête pour David. Est-ce le bon moment ? D’autant plus qu’il va vite se rendre compte que Mahira a elle aussi des secrets peu avouables et qu’elle est bien loin de l’image du petit colibri virevoltant avec légèreté qu’il aimerait qu’elle soit… Bref, hors de question de roucouler au soleil pour nos deux tourtereaux !

Les deux amants vont devoir faire preuve de patience et d’intelligence pour déceler les divers dangers de leurs milieux respectifs et avant tout, rester sains et saufs !



Un roman qui se lit d’une traite car l’intrigue est menée tambours battants, tout en étant ponctuée de révélations inattendues au fil des pages. L’écriture et le style de G.H. David ont encore évolué pour coller de plus en plus au genre du thriller. Les personnages « satellites » prennent ainsi de l’ampleur, ajoutant du suspens au fur et à mesure que les doubles personnalités se dévoilent et se cognent les unes aux autres.
Une fois la dernière page tournée, on reste encore quelques temps dans l’atmosphère du roman et ça, c’est réjouissant !