mardi 31 janvier 2023

L’Alzheimer racontée aux enfants, Priska Poirier (Mortagne, 03/2023)




 L’Alzheimer racontée aux enfants, Priska Poirier (Mortagne, 03/2023)

💛💛💛💛

 

Voici un ouvrage à destination des enfants vraiment bien fait. Le petit conte introductif est touchant, utilisant des mots justes et adaptés à de jeunes lecteurs, et proposant de douces illustrations. Les pages suivantes proposent des explications abordables sur la vieillesse physique et mentale, des réponses aux questions susceptibles d’être posées par de jeunes (et moins jeunes) enfants, des trucs et astuces permettant d’aider les personnes souffrant de ce trouble neuro- dégénératif qu’est la maladie d’Alzheimer, et enfin, des conseils pour aider les parents à épauler leurs enfants.

 

« - Depuis plusieurs mois, a- t- elle dit, ton grand- papa oublie régulièrement ses rendez- vous. Il range la manette de télévision à toutes sortes d'endroits bizarres et il ignore à quel moment de la journée on est rendus. Parfois il pense que c'est le soir alors que c'est seulement le midi. C'est un peu comme si les routes qui permettent à l'information de bien circuler dans son cerveau se bloquaient. » Philippe apprend que son grand- père, affectueusement prénommé Louis- Chêne, souffre ‘une étrange maladie, « Alzheimer ». Il s’inquiète : eux qui vivaient tant de situations plaisantes sauront- ils poursuivre leurs moments de complicité ?   

 

« Chaque fois que je vais le voir, j'espère secrètement que je tomberai sur LA journée où il se souviendra de moi ! Sinon, ça me rend triste parce que moi, je me souviens de tout de lui. » Le petit garçon grandit, et en parallèle, la mémoire de son grand- père se réduit comme peau de chagrin…

 

Au final, un livre à la fois émouvant et instructif, usant de délicatesse pour expliquer, sans toutefois dédramatiser, l’impact de la maladie auprès des proches de celui qui s’en trouve affecté. C’est aussi une ouverture transgénérationnelle vers un vivre ensemble mieux compris et plus apaisé. Je recommande !

lundi 30 janvier 2023

Dangerous craving, tome 1 : on the surface, Caroline Costa (Elixyria, 01/2023)



 Dangerous craving, tome 1 : on the surface, Caroline Costa (Elixyria, 01/2023)


 💓💓💓💓💓

Je sens poindre le coup de cœur pour ce premier tome de la trilogie « Dangerous craving » dévoré en une après- midi. Il ne faut pas focaliser sur la catégorie « romance » dans laquelle il et catégorisée car pour ma part, c’est le côté aventures et enquête qui m’a captivée.  Cap sur les flots, entre Mer d’Arabie et Océan indien, à bord de « La Gazelle ».

 

« Sur le cockpit, Uma offrait son visage à l'air marin. Elle passa la pointe de sa langue sur ses lèvres. Les embruns y avaient laissé un goût salé. La large roue se manœuvrait avec aisance. Le bois lisse glissait sans aucun à- coup sous sa paume. » Uma est une jeune femme passionnée par la mer. Quand son parrain se retrouve incarcéré, pour défaut de versement de pension alimentaire, au moment de convoyer un étrange chargement par les mers, elle prend la relève sans se poser de questions.

 

« Rien à voir avec la petite croisière pépère qu'il avait imaginée. Uma n'acceptait pas sa présence à bord. Elle défendait âprement son minuscule domaine. Sauf qu'elle n'avait pas son mot à dire. » Pitt a été missionné pour veiller à ce que l’étrange chargement arrive à bon port. Armé jusqu’aux dents, cet ancien de l’aviation australienne tombe de haut (et c’est le cas de le dire !) lorsqu’il se rend compte du petit gabarit du capitaine du navire !

 

« Plus jamais Pitt ne voulait voir la peur envahir son regard. C'était une promesse secrète qui avait surgi avec violence du creux de son ventre. » Uma n’est pas celle qu’elle paraît être. De profonds traumatismes semblent avoir emmaillé son enfance. Pitt n’est d’ailleurs pas en reste ; quelle est donc cette blessure au torse qu’il cache à tout prix ? Et Uma, d’où vient-elle ? Des éléments qui restent – terriblement - en suspens à la fin de ce premier tome. Argh ! Je veux SAVOIR !!!

 

Au final, un roman captivant, même s’il n’y a aucun mystère autour de l’intrigue amoureuse : un homme et une femme sur un bateau au large, hein, qui oserait penser qu’il ne se passerait rien entre eux ? Mais alors le reste : le chargement secret, le mafieux Cheng, les secrets des deux protagonistes bien cachées, les pirates et le dépaysement m’ont vraiment enthousiasmée ! Vivement le tome 2 !  

samedi 28 janvier 2023

Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson (Julliard, 01/2023)


 

Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson (Julliard, 01/2023)

 💝💝💝

Le titre du dernier roman de Philippe Besson m’a d’abord intriguée, puis les critiques élogieuses qui se multiplient autour de cette parution m’ont convaincue de me le procurer. « Ceci n’est pas un fait divers » est tout à fait approprié à l’histoire racontée. Il y est question d’un meurtre, mais avant tout, il s’agit d’un fait de société auquel on donne un nom encore difficilement accepté ; un féminicide, qui va y être relaté. Un fait social, puisque plus d’une centaine de femmes ont encore été tuées l’an dernier, par leur conjoint ou ex- conjoint. Les violences faites aux femmes s’invitent, décidément en cette rentrée littéraire ; un fait de société bien d’actualité. Hélas.

 

 « On croit toujours que la mort de ses parents surviendra tardivement, calmement, et quand on aura eu le temps de s'y préparer. On redoute la maladie. On écarte l'hypothèse de l’accident ; par manque d'imagination, ou par superstition. On n'envisage jamais le meurtre. Jamais l'exécution. » Le roman s’ouvre au moment où le narrateur reçoit un appel de la part de sa petite sœur de treize ans : « Papa vient de tuer maman ». Parti vivre une carrière de danseur d’opéra à l’autre bout de la France, le jeune homme revient en catastrophe au domicile familial… Enfin, ce qu’il en reste.  

 

« Depuis, j'ai appris qu'il faut plonger dans les profondeurs pour comprendre ce qui se passe à la surface. J'ai compris aussi que l'invisible est plus parlant que le visible. Et que les bribes ne deviennent des indices que si on les relie à quelque chose d'autre, ou entre elles. » Le père a assassiné la mère de dix- sept coups de couteau puis s’est enfui, avant d’être aussitôt incarcéré. Comment comprendre l’engrenage des faits qui ont conduit le couple jusqu’à cette dramatique extrémité ?

 

« Et j'avais besoin de comprendre si quelqu'un aurait pu empêcher l'irréparable, ou si nous avions été nombreux à avoir fait preuve d'une négligence blâmable, ou si nous avions tous été bernés de la même manière. » Les fils se nouent et se dénouent. Qui est coupable ? Celui qui a vu mais n’a rien dit ? Celui qui est parti lâchement en ne pensant qu’à lui ?

 

Au final, beaucoup de questions auxquelles on n’aura jamais de réponse. Ce roman, basé sur une histoire vraie, n’en apporte pas davantage. J’ai regretté l’absence de consistance des personnages et le côté victimaire et hypocrite du narrateur. Agit-on vraiment de la sorte lorsqu’on perd en quelques minutes ses parents ? Un récit bien écrit mais qui a manqué de profondeur à mon goût.  

jeudi 26 janvier 2023

Pourquoi tu pleures ? Amélie Antoine (Muscadier, 01/2023)


 

Pourquoi tu pleures ? Amélie Antoine (Muscadier, 01/2023)

 💔💔💔💔

J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver la plume d’Amélie Antoine dans son dernier roman. J’y ai retrouvé l’ambiance oppressante de « Sans elle » qui m’avait prise à la gorge et m’avait profondément déstabilisée. Cela a été le cas ici aussi…

 

« - Je pleure parce que mon cœur déborde. Parce que je me sens tellement heureuse que c'en est presque trop pour moi. Parce qu'aujourd'hui, c'est le plus beau jour de ma vie.
Il m'avait embrassée sur le front, tout doucement.
- C'est le premier des plus beaux jours de ta vie, avait-il rectifié, sûr de lui et de notre bonheur à venir. »
Lilas se confie depuis ses seize ans dans un journal intime, par le biais de lettres dédiées à son défunt père, avec qui elle entretenait une relation fusionnelle. Ces chapitres sont une remontée dans le temps éclairante sur le devenir de la jeune femme.

 

« Est- ce qu'il savait qu'il ne reviendrait pas, qu'il m'abandonnerait avec mes questions et ma terreur de ne jamais les revoir ? Est- ce que, si j'avais été moins fatiguée et que je les avais accompagnés ce soir- là, rien de tout cela ne serait arrivé, ou est- ce qu'il guettait l'occasion idéale depuis des semaines ? Avait-il disparu sur un coup de tête ou avait-il prémédité sa fuite de longue date ? » Le 18 juin 2022, aux premières lueurs du jour, Lilas se rend compte que son mari, Maxime, n’est pas rentré de la soirée où il s’est rendu avec leur fille de quatre mois, Zélie. Que s’est- il passé ? Et surtout, que leur est- il arrivé ?  

 

« On juge, toujours. Même si on voudrait ne pas le faire, on n'y parvient pas. On approuve ou on désapprouve, on félicite ou on condamne, on absout ou on lynche. » Et puis au fil des chapitres, Lilas se livre – ou pas. Elle endosse tour à tour le rôle de victime et de coupable. Les réseaux sociaux s’enflamment, mais qui est réellement là pour soutenir Lilas ?

 

Au final, c’est avant tout un sujet encore tabou dans notre société qui est mis en évidence de manière très habile par l’auteure, et qui saura à coup sûr trouver un écho chez toutes les femmes devenues mamans ces trente dernières années, pour qui le bonheur d’être mère était devenue une obligation. Perturbant et probablement clivant.  

mercredi 25 janvier 2023

La communauté de l’est, tome 2 : choisis- moi, Sarah West (Evidence éditions, 05/2022)

 


La communauté de l’est, tome 2 : choisis- moi, Sarah West (Evidence éditions, 05/2022)

💟💟💟💟

Retour aux côtés de Gabriel et d’Eve, après que celle-ci a pu s’échapper de la secte dans laquelle elle avait grandi jusqu’à sa majorité, la Communauté de l’Est, proche des Amish. La jeune femme va ici honorer la promesse qu’elle a faite à sa sœur Marie : l’aider à se sauver elle aussi. Zach, le meilleur ami de Gabriel, va leur prêter main forte, d’autant plus qu’il a pu rencontrer Marie à diverses reprises, lors des rendez vous organisés par nos tourtereaux du tome 1. Mais Zach sera- t- il capable de garder l’image de gentil garçon qu’il a montrée à Marie du temps de sa captivité ? Ce qu’il est au quotidien est tout autre…

 

« Et là elle se met à me raconter son histoire avec le fameux Gabriel. Un sourire naît sur mon visage. Ma sœur, si chaste, ne l'est pas autant en fait. Un homme de l'extérieur ? J'aurais aimé être à sa place, elle a de la chance. Et puis, d'un coup, elle me parle de l'ami de son Gabriel, Zach. » Retour sur le tome 1 du point de vue de Marie. Cette jeune fille est constamment en rébellion contre les règles strictes de sa communauté, et quand Eve noue le contact avec un homme de l’extérieur, elle y voit une échappatoire qui lui est vitale : la possibilité de vivre libre, sans contrainte de tâches ménagères, de messes imposées, et surtout, de mariage arrangé.

 

« Je ne veux pas souffrir, je ne veux pas qu'une fille me quitte. Marie aussi partira, même si c'est une fille sérieuse, quand elle verra le monde extérieur et tous les choix qui s'offrent à elle. Elle me laissera tomber comme ma mère. » Zach est un jeune homme torturé. Abandonné par sa mère au plus jeune âge, il n’a plus aucune confiance dans le genre féminin. Même si Marie l’attire, il ne se sent pas prêt à assumer une histoire sur le long terme. D’ailleurs, ses activités liées à un gang violent et sans scrupule l’associent à l’image parfaite du mauvais garçon en qui on ne pourra jamais faire confiance.

 

Au final, un second tome rondement mené, dans lequel le personnage de Zach se révèle dans toute sa complexité. Si Marie est un peu moins délurée que je l’avais escompté, Zach, lui, relève bien le défi du personnage psychologiquement instable ! Le tome 3, centré sur le personnage d’Elijah, annonce bien des promesses !!!

samedi 21 janvier 2023

Sur un arbre perché, Gérard Saryan (Taurnada, 01/2023)


 

Sur un arbre perché, Gérard Saryan (Taurnada, 01/2023)

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Quelle histoire !!!! Impossible de lâcher ce thriller sans en connaître le dénouement ! Et cette fin !!! J’en ai eu les larmes aux yeux ! C’est atroce ! Je suis tombée de haut, estomaquée par l’audace de l’auteur ; oui, quand même, il est allé jusque-là ?!! La disparition d’enfant du départ ? Une occasion de basculer dans le côté obscur de l’humanité : secrets de famille, trafics en tous genres et abus du monde médical vont ponctuer ce récit porté par une femme admirable, Alice, et mener le lecteur par le bout du nez avec bien des méandres !

 

« Je me retournai pour lui répondre mais un sentiment étrange m'envahit. Mon avant-bras ne m'avait jamais paru aussi léger Je chavirai : le blouson de Dimitri était suspendu entre mes doigts comme un trophée que l'on expose. » L’intrigue de base consiste en une disparition d’enfant qui peut sembler banale : une gare parisienne bondée, un garçon de quatre ans, attiré par de la musique qui échappe à sa belle- mère au milieu d’une foule compacte et affolée. Et puis, immédiatement après un accident, qui va envoyer ladite belle- mère, Alice, aux urgences, dans le coma. A son réveil, le garçonnet n’a toujours pas été retrouvé. Pour Alice, le retrouver devient vital. Elle va s’engager dans une quête dangereuse qui l’emmènera d’un camp de gitans à Montreuil à l’Albanie et la Suisse, avec autant d’étapes durant lesquelles elle risquera la vie.  

 

« Ses yeux pénétrèrent les miens avec une incroyable acuité. Cet homme aurait pu m'hypnotiser, dégageant une assurance surprenante.
"M'en voulez pas, je connais le refrain, et ce n'est pas le premier gamin qui est enlevé dans cette gare." »
En menant son enquête, Alice va mettre le doigt dans un engrenage inattendu et dangereux, dans lequel les Hommes et leurs mœurs vont être remises en question.

 

Au final, un roman aux multiples engrenages, qui engage le lecteur dans des pistes éventuelles multiples. Et puis, l’une après l’autre, les cartes s’abattent, de manière inattendue. Le personnage d’Alice est élaboré avec une finesse psychologique telle qu’on a l’impression d’être à ses côtés. J’ai frissonné avec elle, j’ai crié « stop » à sa place, et j’ai été terriblement émue lorsque la vérité, enfin, a été révélée. Un thriller excellement construit que je ne peux que recommander !

jeudi 19 janvier 2023

La communauté de l’est, tome 1 : libère- moi, Sarah West (Evidence éditions, 01/2022)


 

La communauté de l’est, tome 1 : libère- moi, Sarah West (Evidence éditions, 01/2022)

💗💗💗💗

Décidément, je ne comprends pas le choix des maisons d’édition de mettre des hommes « torse- poil » sur la couverture dès qu’il s’agit d’une romance ; c‘est tellement réducteur ! D’autant plus que ça n’a aucun rapport avec l’histoire, ici, celle de Gabriel qui va tenter de sauver la jeune Eve d’une secte assimilée à celle des Amish…

 « Je suis un homme qui accepte les coups de son père, encore à l'âge adulte, car il n'a même pas le courage de se défendre face à l'homme qui lui pourrit la vie. Je suis le genre d'homme qui ne mérite que de mourir dans un caniveau, sûrement trop saoul pour s'en rendre compte, ou peut- être de maladie vénérienne. » Gabriel est un jeune homme malmené par la vie depuis l’enfance. Ses parents vivent des aides sociales, logés dans une caravane, et s’alcoolisent du matin au soir. Régulièrement battu par son père, il se fait la promesse de s’en sortir un jour, et économise chaque pièce reçue de ses divers emplois. Avec son ami Zach, il passe ses soirées à boire et à multiplier les coups d’un soir.

  « Je ne sais pas comment réagir dans cette situation. Je commence à paniquer, je deviens moite et j'ai du mal à respirer. Seul Dieu peut m'aider dans ces moments- là, je me mets donc à genoux, et commence à faire mes prières. Il faut qu'il me protège de ce malotru. » Alors que Zach et Gabriel vont se baigner illégalement dans un lac situé sur la zone appartenant à la Communauté de l’est, la jeune Eve, qui fait partie de celle- ci, va les surprendre. La jeune fille, d’abord apeurée, va pourtant se laisser apprivoiser par Gabriel, bien loin d’imaginer la vie archaïque qu’elle a mené jusqu’à leur rencontre fortuite.

 « Partir avec toi et t'épouser serait me condamner à la damnation et je ne parle même pas de ma communauté qui me bannirait à vie. Je ne pourrais revoir personne d'ici, jamais. Mais si c'est pour être avec toi, je serais prête à accepter tout ça, et tu sais pourquoi ? Parce que j'ai compris ce que tu m'expliquais sur les sentiments de l'amour. » Victimes d’un coup de foudre réciproque, les deux jeunes vont trouver des subterfuges pour se revoir. Mais Eve est promise depuis sa naissance au prophète Adam ; Gabriel aura-t-il les épaules assez larges pour l’enlever et lui permettre de s’adapter à une société dont elle ne connaît ni les coutumes ni les évolutions techniques ?


Au final, une romance qui m’a captivée, comme c’est souvent le cas avec Sarah West. Les personnages attirent l’empathie et les rebondissements sont inattendus. J’adore les enjeux psychologiques mis en place par l’auteure : rien n’est jamais gagné à l’avance. J’ai maintenant hâte de lire ce qu’il adviendra de Marie, la jeune sœur d’Eve, dans le tome 2 de cette saga !                                                                              

mardi 17 janvier 2023

Le chant du silence, Jérôme Loubry, (Calmann - Lévy, 01/2023)


 

Le chant du silence, Jérôme Loubry, (Calmann - Lévy, 01/2023)

Un port français, non nommé, mais plutôt situé dans le Nord de la France, là où le ciel et la mer ont tendance à confondre leurs gris. Un quadragénaire revient sur ces terres après vingt- quatre années d’absence, pour enterrer son père. Un retour sur les traces de son passé douloureux, mais aussi sur son amour d’enfance, Oriane, qu’il n’a jamais oubliée.

« Mais, alors que ma voiture filait vers mon passé, de mon propre abîme s'élevait le grondement de cette volonté, de ce désir resté trop longtemps inassouvi : je voulais voir son cercueil glisser dans sa tombe. Le regarder être recouvert de terre, lui qui ne jurait que par la mer.
Et plus que tout, je tenais à cracher sur le cadavre de ce père assassin. »
Damien a quitté le port où il vivait avec ses parents durant l’été de ses quinze ans, avec sa mère. Son père, alcoolique et solitaire est accusé de meurtre peu de temps après leur départ. Pour Damien, son père n’est plus qu’un monstre méprisable, qu’il n’a jamais cherché à revoir.

« Mais le temps ne cicatrise rien Il se contente d'observer les blessures avec son air narquois et de les griffer de temps à autre pour les raviver. » Damien se retrouve face à des obligations filiales qui lui sont incompréhensibles. L’absence, les barrières mentales érigées ont forgé un abîme entre le père et le fils. Ce dernier va tomber de haut, découvrant, par le biais de Franck, ancien adjoint de son père devenu policier, que son père n’était peut-être pas celui qu’il pensait être…

« Mais tu es un homme à présent et tu devrais envisager l'idée que cette ville, et toi également, vous soyez trompés depuis le début... » Damien va se retrouver face à la réalité de son passé. Qui sont réellement ses amis et ses ennemis d’adolescence ? Quel rôle Lilly la folle, qui les amusait tant a-t-elle réellement joué ? Et que dire des clients du café « Les Trois Sirènes » ?

Au final, un roman noir construit sur des secrets bien gardés et une déchéance économique bien actuelle puisque hier encore on nous parlait de la pollution des « larmes de sirène » en baie de Pornic aux informations. L’auteur abat ses cartes de façon mesurée et méthodique, avec une chute intrigante à chaque fin de chapitre. Une lecture qualitative par le profil psychologique des personnages élaboré avec soin, certes, mais saupoudré d’une dose de sadisme dont on se délecte. Une très bonne lecture, même si le dénouement s’est révélé un peu trop tôt à mes yeux. Je recommande ! 

lundi 9 janvier 2023

A cœur et à sang, Sarah West (Evidence, 10/2020)



A cœur et à sang, Sarah West (Evidence, 10/2020)

 💙💙💙💙

Voilà donc le premier roman écrit par Sarah West. Ses ingrédients de prédilection sont déjà là : psychopathologies masculines (comme l’emprise), manipulations mentales, tortures physiques et psychiques… Et retournement – ouf – de situation ! Et dans ce pavé, on sent déjà les capacités de construction d’une trame psychologique originale et de portraits de personnages forts ; telle celle que l’on retrouvera dans les trois tomes de la saga « Les larmes du silence ». Rencontre de Camille, et de Logan, son prof de français…

« Elle parle de LUI. Lui, c'est notre professeur de français, M. Lodge. Une bonne trentaine, brun aux yeux bleus, une pure gravure de mode, un canon comme on en a rarement vu. Il doit mesurer 1m90, il est musclé avec la taille fine. Il est aussi beau, voire plus beau, que certaines stars de cinéma. Un régal pour les yeux. » Camille va fêter ses dix- huit ans. Comme toutes ses camarades de classe, elle fantasme sur le professeur de français, Logan Lodge un trentenaire beau comme un dieu mais terriblement froid et arrogant. Une gamine comme une autre.  

« Je m'assois au fond de mon siège et lui dis :
- C'est une hallucination due à l'alcool, ou bien c'est le réel, monsieur ?
Il me regarde avec un petit sourire et me répond.
- Oh, c'est bien réel ! Tu ne vas pas tarder à t'en rendre compte et appelle- moi Logan, s'il te plaît, pas monsieur. »
Voilà que pour la première fois de sa vie, Camille se rend en discothèque pour fêter son anniversaire avec sa meilleure amie, Maya. Quelle n’est pas sa surprise quand elle y retrouve son professeur de français, et que celui- ci lui propose de la raccompagner parce qu’elle a trop bu ! Mais elle n’est pas au bout de ses découvertes Hélas pour elle.  

« Personne ne m'a jamais aimée pour moi- même, il leur faut toujours quelque chose en retour. L'amitié ou l'amour a toujours un prix et il est bien trop élevé pour moi. Souffrir, toujours souffrir pour des gens. »  Camille fait partie de ces filles qui n’ont pas confiance en elles, qui sont souvent très tôt désignées comme souffre- douleurs, et qui, tout aussi rapidement, deviennent les cibles privilégiées des harceleurs et psychopathes en tous genres. Mais méfiez- vous des apparences : une victime poussée à bout peut se révéler, au bout de quelque temps, bien étonnante !


Au final, un premier roman étonnant par la violence qu’il dégage et par les images qu’il véhicule si peu de temps après la vague #Metoo ; non, les femmes ne sont pas des objets, des « chiennes » qui obéissent à leur compagnon, des filles qui arrêtent leurs études et épousent le prétendant choisi par papa, fut-il chef de la pègre locale.  Le personnage de Camille est révélateur en cela : de fille musardée et soumise, elle se transformera sous le coup des épreuves en femme maîtresse, cruelle et déterminée. 

vendredi 6 janvier 2023

Come back story, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2022)

 


Come back story, Lucie Goudin (Elixyria, 10/2022)

💛💛

La gloire, la célébrité internationale. Puis un accident et du jour au lendemain, plus rien. C’est ce qui arrive à Ellyne Maréchal, qui a monté un groupe de danseuses- chanteuses, les « Five BadTheés », au moment du lycée. Leur passage dans une émission musicale télévisée leur permet de gagner le trophée final, de signer avec une maison de production et de connaître le succès dans le monde entier. Mais la mort de celui qu’elle considère comme son âme sœur va sonner la fin prématurée du groupe.

« Mon cœur, piètre survivant, fêlait mes côtes. Mes mains se crispaient. Je ne savais plus ce que c'était d'avoir la tête haute. Et tout le monde sur cette terre savait pourquoi. Je culpabilisais de vivre quand lui en avait été privé. » Trois ans déjà que cet accident a conduit Ellyne à se couper du monde. Elle a tourné le dos à tout son entourage, y compris à ses quatre amies du lycée, avec qui elle avait pourtant tant partagé.

« En ranimant mon amitié avec les filles du groupe, j'avais fait un grand pas. En acceptant de danser sur nos chorégraphies, j'en avais fait un deuxième. En partageant mon lit avec un autre homme que Maxence, j'étais allé de l'avant. En écrivant des paroles, je marquais un véritable tournant. Je pris alors conscience que je n'avais pas été morte pendant ces trois dernières années. » Et puis un jour, un déclic : Ellyne décide de sortir de son repli sur elle- même. Direction la salle de sport, et son mystérieux directeur, Blaise, mais aussi – et enfin – contact de ses anciennes amies, membres du groupe. Mais est- il possible de tout reprendre de zéro si facilement ?

Au final, j’ai vraiment eu du mal à accrocher. Le personnage d’Ellyne m’a semblé d’emblée terriblement antipathique par son côté égocentrique. J’ai eu du mal à accepter que les quatre amies du lycée soient mises de côté, quitte à mettre leur carrière entre parenthèses et à devoir chercher des boulots alimentaires, en attendant que la demoiselle daigne les contacter au bout de trois ans, passant son temps à se lamenter sur elle- même et refusant tout contact. D’autant plus qu’elle se jette sur le premier homme rencontré une fois sortie de son antre. Deux - trois autres petites choses m'ont aussi déplu. Un loupé pour le coup car j’ai vraiment adoré tous les précédents romans de Lucie Goudin, plus tournés vers la fantasy. 

mercredi 4 janvier 2023

Les armoires vides, Annie Ernaux (Folio, 1ère édition en 1974)


 

Les armoires vides, Annie Ernaux (Folio, 1ère édition en 1974)

💗💗💗💗

Premier roman écrit et publié par notre récente Prix Nobel de Littérature, et déjà, ce style âpre, ces phrases qui tournent et qui se collent les unes aux autres, dans des idées inextricables et pourtant si souvent évidentes dans leur ensemble. Autobiographique, on y apprend les éléments de l’enfance de l’auteure, le rejet de son milieu social (qui reviendra régulièrement dans les livres qui suivront) et son envie, urgente de s’en extraire. Et déjà, son projet littéraire « d’écrire la vie » se profile…

« Travailler un auteur du programme peut- être, Victor Hugo ou Péguy. Quel écœurement. Il n'y a rien pour moi là- dedans sur ma situation, pas un passage pour décrire ce que je sens maintenant, m'aider à passer mes sales moments. Il y a bien des prières pour toutes les occasions, les naissances, les mariages, l'agonie, on devrait trouver des morceaux choisis sur tout, sur une fille de vingt ans qui est allée chez la faiseuse d'anges, qui en sort, ce qu'elle en pense en marchant, en se jetant sur son lit. Je lirais et je relirais. Les bouquins sont muets là- dessus. » Le roman s’ouvre alors que la narratrice sort de la chambre d’une faiseuse d’ange. Denise Lesur a vingt ans et étudie la littérature pour devenir enseignante ; mais voilà que la nature « poisseuse » la rattrape à sa condition de fille populaire : elle est tombée enceinte comme la première venue appartenant à sa classe sociale.

« Et puis toutes ces remarques, ces ricanements, non, les choses de mon univers n'avaient pas cours à l'école. Ni les retards, ni les envies, ni les mots ordinaires n'étaient permis. » Pourtant ses parents, qu’elle méprisera très vite, ont tenté de bien faire les choses ; tenant un café- épicerie, ils se sont privés pour envoyer leur fille à l’école libre, ancêtre de nos établissements privés, afin qu’elle soit suivie de près et qu’elle reste, à coups de confessions au prêtre, au plus près du droit chemin. Mais pour la petite fille, vite adolescente et rebelle, il est difficile de faire le lien entre les deux mondes qu’elle fréquente ; les poivrots du café et les bourgeoises de l’école.

« Sartre, Kafka, Michel de Saint- Pierre, Simone de Beauvoir, moi Denise Lesur, je suis de leur bord, toutes leurs idées sont en moi, je croule sous l'abondance. Je m'inscris des passages sur un petit carnet réservé, secret. Découvrir que je pense comme ses écrivains, que je sens comme eux, et voir en même temps que les propos de mes parents, c'est de la moralité de vendeuse à l'ardoise, des vieilles conneries séchées. » Denise a la chance d’être une excellente élève, ayant à la fois de très bonnes dispositions et une envie féroce de réussir à intégrer un niveau social supérieur à celui de toute sa famille.

Au final, un roman étouffant, dans lequel transpire un mépris parfois dérageant de la part de la narratrice envers ses parents, certes, peu éduqués, mais disposés à tout faire pour la réussite de leur fille. Le rythme de l’écriture est intense, presque sans respiration, ni chapitre et énormément métaphorique ; comme si l’auteure voulait aussi mettre de la distance avec ses lecteurs. Percutant et féministe, tout juste avant l’heure.

lundi 2 janvier 2023

Amphore et Damnation, Samantha Morgan (Plumes du Web, 03/2022)

 


Amphore et Damnation, Samantha Morgan (Plumes du Web, 03/2022)

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Commencer cette année de lecture avec une comédie romantique si drôle et si originale est, à mon avis, de bon augure pour la suite !!!! En effet, j’aurais ri du début à la fin de cette histoire mêlant dieux de l’Olympe et les êtres humains, leurs descendants à divers degrés !

« Quelle que soit la quantité d'essence divine dans le sang, il y a toujours des traits de caractère communs. Un fils du dieu de la Guerre s'orientera plus facilement vers les métiers de la sécurité ou de l'armée que vers une carrière de chanteur d'opéra. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais nous avons tout de même de fortes prédispositions génétiques. En tant que fille de la déesse de la Justice, j'ai toujours soif de vérité et ce n'est pas pour rien si je me suis dirigée vers le journalisme d'investigation. » Sophia évolue dans une nouvelle ère du XXIème siècle, dans laquelle les humains possèdent des gênes caractéristiques établis en fonction de leur ancêtre divin.

« Avec le temps et les nombreux enfants directs, nous avons appris qu'afin de donner naissance à un être divin - même à moitié - un amour pur et sincère doit exister entre l'humain et le dieu au moment de la conception. Autant dire que c'est une chose extrêmement rare. » Les habitants de la Terre n’ont pas la même histoire, ni les mêmes prédispositions, et forcément, pas le même destin. Sophia est terriblement pragmatique, exigeant la vérité et la justice, toujours, même si le temps de réflexion nécessaire est conséquent ! Alors quand les dieux de l’Olympe lui imposent de faire équipe avec Alejandro Kretos, descendant d’Arès, dieu de la guerre, pour mener une enquête sur l’assassinat d’Albert Polinus, son ami, de grands doutes s’imposent à elle. Saura- -telle collaborer avec un être qui n’obéit qu’à ses instincts ?

« Peu importe si au passage, elle manque de mourir asphyxiée ou se fait broyer le cœur. Et si elle échoue ? Oh, ce n'est pas grave, on la condamnera au choix impossible et les dieux auront eu leur petite émission de télé réalité sur un mois ! J'espère que vous vous êtes bien amusés à me regarder courir partout pour découvrir qui avait tué Polinus ? » Notre héroïne, à fond dans l’enquête qui déterminera qui aura tué Albert, se retrouve mise à pied par les Dieux de l’Olympe. Mais de qui se moque -t-on ? Notre Athénienne n’a pas dit son dernier mot !

Au final, un roman hilarant, axé romance sur un schéma « ennemies to lovers », mais quelle régalade !!! J’ai adoré les expressions remaniées à la sauce mythologie grecque et l’incursion de cette espèce de magie dans le quotidien potentiel d’humains assujettis aux caractéristiques morales et comportementales de leurs ancêtres divins ! Une lecture jouissive et addictive qui change bien les idées !!!