lundi 22 avril 2024

Ce qu’ils disent ou non, Annie Ernaux (Gallimard, 1977)


 

Ce qu’ils disent ou non, Annie Ernaux (Gallimard, 1977)

💭💭💭

Le dernier roman d’Aurélie Valognes m’a donné très envie de me replonger dans l’œuvre d’Annie Ernaux, plusieurs fois citée. J’ai choisi une œuvre d’adolescence, un récit d’à peine 150 pages, qui dévoile une fois encore la conscience éclairée de la romancière, qui sentait depuis l’enfance qu’elle n’appartenait pas au monde social de ses parents.

« J'ai pensé qu'elle avait changé depuis qu'elle avait quitté le travail à l'usine textile, ça doit être ça le progrès social, l'ordre, dommage qu'il n'y ait pas eu de progrès dans sa conversation. » Anne, double d’Annie, observe énormément sa mère, seul modèle féminin à sa disposition immédiate. Tout en elle la rebute, malgré leur proximité. Dans le regard de l’adolescente, il y a déjà deux figures féminines : celui de la mère et celui de la femme. La première la rassure tout en l’agaçant, mais la deuxième la dégoûte. Une dichotomie difficile à assumer…

« N'ont que leur certificat d'études mais mille fois plus chiants là- dessus que les parents de Céline, ingénieurs, quelque chose comme ça, c'est vrai qu'eux, ils n'ont pas besoin de hurler, ils sont l'exemple vivant de la réussite, tandis que les miens qui sont ouvriers, il faut que je sois ce qu'ils disent, pas ce qu'ils sont. » Anne ne sera pas comme ses parents ; ouvrière à 14 ans. Les professeurs lui ont trouvé des capacités à poursuivre ses études, et en ce mois de juillet, la voilà qui se « repose » du B.E.P.C., en attente d’intégrer un lycée.

« S'il y avait eu un autre moyen pour connaître des garçons intéressants, je m'en serais bien passée de l'amitié. » Il fait chaud durant cet été- là, et Anne, comme quelques- unes de ses amies, a envie de découvrir le corps d’un garçon, de vivre les émotions exprimées à demi- mots dans « Femmes d’aujourd’hui ».

Au final, un récit d’autofiction fidèle au style d’écriture d’Annie Ernaux. Phrases courtes, non verbales ; idées lancées comme elles viennent. Et malgré tout, un rythme. Mais ce texte manque clairement de maturité et se montre répétitif. Pas le meilleure de l’auteure, mais à lire pour avoir une vision plus globale de l’œuvre littéraire de notre Prix Nobel 2022.

samedi 20 avril 2024

Les sortilèges de Zora, tome 1 : Une sorcière au collège, Judith Peignen & Ariane Delrieu (Vents d'ouest, 04/2021)



 Les sortilèges de Zora, tome 1 : Une sorcière au collège, Judith Peignen & Ariane Delrieu (Vents d'ouest, 04/2021)

❤❤❤❤

Une bande dessinée toute colorée très agréable à lire. Zora est un personnage dynamique à laquelle les collégiennes actuelles devraient s’identifier.

« Te voilà une jeune fille comme les autres, prête à aller au collège... La première de la famille à intégrer le monde des nonsorciers...
A 12 ans, il est temps. Je t'assure, sorcière n'est pas un métier d'avenir... »
Zora est furieuse ; sa grand- mère l’oblige à aller au collège avec les « nonsorciers », en lui jetant un sort l’empêchant d’utiliser ses pouvoirs. Or, l’adolescente adore utiliser la magie.

« Mais rassure- toi, à Paris, nous sommes sous la protection de la tour Saint -Jacques.
Au sous- sol, se trouve une bibliothèque interdite. Elle agirait comme un méga- talisman pour nous autres, sorcières. »
Au bout de quelques jours au collège, Zora va faire la connaissance d’une autre élève qui cache elle aussi son statut de sorcière. Une complice en perspective ?

Un début d’histoire qui laisse présager des tomes intéressants. Les pages du grimoire de Zora vont intéresser les adolescents intéressés par l’univers de la magie. 

vendredi 19 avril 2024

La Lignée, Aurélie Valognes (Fayard, 02/2024)


 

La Lignée, Aurélie Valognes (Fayard, 02/2024)

💘💘💘💘💘

Je ressors très émue de cette lecture particulière. Même si le texte est fictif, il ne ressemble pas à un roman ordinaire, par sa forme épistolaire, et puis par son thème, l’écriture, et plus particulièrement l’écriture au féminin et les bouleversements que cette activité engendre tant dans la sphère familiale que dans le regard de la société, à vingt ans d’écart.

« Lire, ce n'est pas un état d'esprit, c'est un état d'espoir. Une génération qui lit est une génération qui pense, réfléchit, questionne le monde, doute, écoute, veut comprendre, est prête à changer d'avis, respecte les différences, montre de l'empathie et de la sensibilité. » La première lettre est rédigée par Louise, dix ans. Elle s’adresse à son auteure favorite, Madeleine, lui avouant son souhait de devenir elle aussi romancière. L’écrivaine, après avoir connu le succès, vit recluse au bout de la Bretagne, seule avec son chien, son jardin et la mer à ses pieds. Elle va sortir de sa solitude en répondant à chacune des lettres envoyées par Louise, et suivre peu à peu l’émergence de cette nouvelle auteure.  

« Une femme qui lit est une femme dangereuse, une femme qui réfléchit est une femme dangereuse, alors une femme qui écrit... Oui, c'est dangereux. Dangereux parce qu'on ne maîtrise pas la réaction des autres et que cela se répercute dans notre vie. » Le quotidien de Louise va profondément être bouleversé par l’obsession de l’écriture. S’invite alors un regard sur la place des femmes dans le milieu littéraire. Longtemps cachées, « anonymées », elles se retrouvent encore trop souvent assignées aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants. Pour une femme, vouloir écrire à tout prix, c’est encore aujourd’hui au prix de nombreux sacrifices et source de lourds préjugés.

Au final, un récit très bien écrit, cohérent entre les deux univers. Le vécu des deux protagonistes se confronte au regard de leurs vingt années d’écart. Pourquoi est - il encore si compliqué pour une femme d’intégrer l’univers de l’écriture contemporaine ? Outre cette réflexion à deux voix, j’ai été très émue par certains passages. Un coup de cœur pour moi, que je relirai volontiers. 

Le goût des fraises, tome 2, Irono (Kurokawa, 04/2024)



Le goût des fraises, tome 2, Irono (Kurokawa, 04/2024)

🍓🍓🍓🍓🍓

Quel plaisir de retrouver Sara et Minori ! Entre deux récoltes de fraises, leurs sentiments amoureux sont nés et ont doucement évolué mais la différence d’âge entre les deux les retient. S’avoueront-ils enfin leur amour dans ce tome ?

« T'attends quoi au juste ? Il est beau garçon, si tu te dépêches pas, quelqu'un va finir par te passer devant... » Mori, le papy de Sara, hospitalisé dans le tome 1, revient s’occuper de ses serres. Sara peut donc reprendre l’esprit tranquille, le chemin vers la fac. Mais la reprise des études va l’éloigner de son beau Minori, qui, lui, est récoltant de fraises à l’année dans l’entreprise familiale. Mori, qui a vu clair dans son attrait pour Sara, décide de le bousculer un peu…

« Le fait que je risque de te voir encore moins à l'avenir... m'insupporte Sara... » Un jour, Minori prend son courage à deux mains, invite Sara à dîner et lui confie enfin – à moitié – ses sentiments.

Mais voilà que l’auteure décide de nous présenter un autre couple avant de nous révéler si oui ou non, Sara et Minori sont tombés dans les bras l’un de l’autre ! La suite ! Viiiiite !

jeudi 18 avril 2024

The blue flowers and the ceramic flowers, Yuki Kodama (Mangetsu, 02/2024)


 

The blue flowers and the ceramic flowers, Yuki Kodama (Mangetsu, 02/2024)

💙💙💙💙💙

Un second tome qui tient toutes les promesses du précédent ; on y retrouve la délicatesse des traits et la sensibilité des personnages qui œuvrent ensemble dans l’un des ateliers de poterie de la ville de Hasami. Si Aoko, peintre sur céramique, y travaille depuis un petit moment, étant native de la ville, Tatsuki, tourneur, vient d’arriver pour réapprendre les bases de la poterie.

« Tu dis ça... parce que c'est difficile pour toi de sympathiser avec eux... en sachant que tu ne comptes pas rester plus d'un an ? » Aoko est très sociable, et elle ne comprend pas que Tatsuki soit si renfermé, si solitaire. D’autant plus qu’elle a pu voir sur la tablette de celui- ci une photo de lui souriant et heureux.

« Tu es encore plus stupide que je le pensais. » Alors qu’elle tente de percer la carapace de son nouveau collègue, Aoko se prend cette réflexion terriblement humiliante…

« Ce motif est parfait parce que c'est toi qui l'as imaginé, Aoko... » Et puis quelques temps plus tard, dans le cadre d’un concours interne à leur atelier, dans lequel on leur demande de faire équipe, Tatsuki sort ces paroles plus que tendres. Que se passe-t-il ?

Au final, un deuxième tome dans lequel on voit nos deux protagonistes évoluer, et qui laisse le lecteur sur sa faim ! Heureusement que le tome 3 vient tout juste de sortir !