dimanche 29 septembre 2019

Chère existence, Thierry Lefèvre - Perrone

Chère existence, Thierry Lefèvre - Perrone

★★★☆☆


J’ai pris le temps de lire cet essai, le deuxième écrit par Thierry Lefèvre – Perrone que je lis. J’ai en effet trouvé qu’il était plus profitable de lire puis de laisser germer ses réflexions dans mon esprit avant de passer à la suite. J’avais déjà apprécié le recul enclenché après la lecture de Chères attentes. J’ai donc lu chaque chapitre à distance des précédents.

Ici, l’auteur nous délivre quelques clefs nous permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’être humain, et il est intéressant de réfléchir aux concepts formulés par rapport aux personnes de notre entourage affublés de tel ou tel « défaut » ! Par exemple : « Il y a aussi ceux qui cherchent à imposer leurs idées parce qu'ils sont orgueilleux. Ils ne peuvent accepter que d'autres puissent avoir un avis tout aussi valable que le leur. » Que celui ou celle qui ne connaît personne répondant à cette définition me lance la première pierre !!!

Ou encore : « J'ai toujours trouvé pour ma part injuste qu'un responsable - quel qu'il soit - ait non seulement du pouvoir sur autrui, qu'il soit mieux payé, ait des avantages en nature, fasse moins que les autres et se permette, même occasionnellement, de mal se comporter. » Qui n’a jamais croisé dans sa carrière professionnelle un supérieur hiérarchique dont on se demande comment il en est arrivé là étant donné son manque d’investissement dans la tâche qui lui a été donnée de mener, en ayant l’impression intime de faire au moins le double d’efforts que lui pour honorer notre propre mission ?

Thierry Lefèvre – Perrone remet tout à plat : les désirs de chacun dans l’immensité des ambitions de tous. Il est impossible de tout faire coïncider ; c’est évident. Toutefois, il nous prouve qu’avec un peu de tact, de diplomatie, et beaucoup d’espérances dans l’avenir de l’Homme, il est possible, au prix de frustrations « minimes », d’envisager de vivre tous ensemble en harmonie.



Malheureusement, comme il a tendance à le répéter – ou peut-être suis-je devenue trop pessimiste au fur et à mesure des années – beaucoup de bonnes idées, concrètes pour le coup, relèvent un peu trop d’un rêve, d’un idéal…. Qui souhaite réellement abandonner des avantages chèrement acquis rien que pour avoir un peu plus d’estime de la part de ses collègues ? Plus j’avance dans ma propre carrière professionnelle, plus je peux répondre par ce terrible constat : « aucun ».
Cet essai a le mérite de permettre à ceux qui se posent des questions pour vivre dans un monde plus coopératif de trouver des indices, mais je doute qu’il soit susceptible de toucher un plus large public ; celui qui mériterait pourtant de sortir de son nombrilisme purement économique.

samedi 21 septembre 2019

L'imprudence, Loo Hui Phang



L'imprudence, Loo Hui Phang

★☆☆☆☆

Je connaissais l’auteure, Loo Hui Phang, par le biais d’une bande dessinée qu’elle a réalisée avec Frederik Peeters en 2016, « L’odeur des garçons affamés », que j’avais particulièrement aimée.

J’espérais retrouver la fièvre des personnages de ce livre dans ce roman. Hélas, ce ne fut pas le cas… La seule fièvre que l’on trouve dans ce récit est celle qui mène la narratrice de lits en lits, tant elle semble obnubilée par le plaisir sexuel que lui procurent les hommes, même ceux, surtout ceux rencontrés au milieu de la foule et emmenés directement dans une chambre.  Alors effectivement, on le comprend vite, ce roman questionne les origines, la narratrice ayant quitté le Vietnam à l’âge de cinq ans, sans connaître réellement ses grands-parents et les lieux de sa prime enfance. Mais de là à excuser cette frénésie sexuelle par le besoin de se démarquer des femmes de la famille, toutes pieuses et soumises à l’Homme, je trouve le raccourci un peu facile.


Ce roman m’a également déçue par son écriture trop éthérée, abusivement abstraite et sans aucune rigueur temporelle permettant au lecteur d’ancrer les informations distillées au fil des pages. C’est dommage car il y a quelques passages très intéressants lorsqu’il est question de l’histoire de la grand-mère Waipo.
Bref, un roman qui n’aura pas réussi à m’intéresser.

mercredi 18 septembre 2019

Le bal des folles, Victoria Mas


Le Bal des folles, Victoria Mas

★★★★★

Les critiques concernant ce premier roman de Victoria Mas sont, jusqu’à présent, unanimes : il s’agit d’une réussite. Je ne peux aller que dans ce sens tant j’en ai trouvé la lecture plaisante.

Le sujet, déjà, est très attrayant : l’auteure nous emmène en 1885 dans le service de psychiatrie dirigé par le célèbre docteur Charcot. Les femmes qui y sont internées ne sont pas forcément malades, et encore moins folles. Elles ont souvent commis des impairs dans une société dirigée par des hommes sans scrupules où elles n’ont pas le droit d’avoir un mot plus haut que l’autre ou même d’avoir leurs propres envies d’émancipation : « Un dépotoir pour toutes celles nuisant à l'ordre public. Un asile pour toutes celles dont la sensibilité ne répondait pas aux attentes. Une prison pour toutes celles coupables d'avoir une opinion. »


Nous allons donc suivre ici plus précisément Eugénie, une fille de bonne famille qui se retrouve internée par son père car il s’avère qu’elle est capable de communiquer avec les morts. La Salpêtrière, c’est l’occasion de faire disparaître la jeune fille et cela, sans entacher le nom de la famille. Son arrivée dans le service de Geneviève, l’infirmière en chef, va bouleverser profondément cette dernière et lui permettre d’ouvrir les yeux sur les conditions de la femme de l’époque : « Libres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n'étaient en sécurité nulle part. »

Victoria Mas a fait le bon choix au niveau du sujet et elle a su le mettre en valeur par une écriture exigeante et fluide à la fois (même si le mot « mur » est répété à l’excès – j’aime croire que c’est dans le but d’atteindre mon subconscient de femme « libre »). Le fait qu’elle soit la fille de la chanteuse Jeanne Mas a probablement aidé à lui fournir une couverture médiatique conséquente, mais il faut dire que pour une fois, le succès d’une auteure, certes « fille de », est amplement mérité!

dimanche 15 septembre 2019

Mangoustan, Rocco Giudice


Mangoustan, Rocco Giudice

★★★★☆

Ce roman m’a tout d’abord attiré par sa couverture : cette femme de profil et de dos, assise de biais et vêtue d’une robe ceinturée, à la chevelure blonde délicatement crantée me faisait penser aux mannequins des années 60. Des femmes magnifiques aux courbes « normales » et au visage rayonnant, respirant le bonheur et la bonne santé.

Puis lors de l’une de mes nombreuses visites chez ma libraire, celle-ci m’a conseillé de lire les sorties de la rentrée littéraire de chez « Allary Editions ». L’occasion était trop belle pour ressortir du magasin avec le roman entre les mains !



Me voilà donc lancée dans cette histoire où trois femmes aimant le pouvoir chacune à sa manière se retrouvent à un point marquant de leur vie.

Mélania, l’épouse du très controversé président Trump s’agace de l’ultra médiatisation qui entoure son couple. En repoussant la main de son époux dans une vidéo diffusée dans le monde entier, elle va marquer pour la première fois son envie de « faire le buzz », de faire parler d’elle en son nom propre et non plus en tant que « Première Dame des Etats-Unis ».

Irina, elle, est d’origine ukrainienne. Ambitieuse depuis sa plus tendre enfance, elle a su mettre à profit sa beauté slave pour se sortir de la condition misérable dans laquelle vit (survit ?) sa famille. Elle a réussi à gravir les échelons lui permettant de rencontrer des hommes suffisamment fortunés pour l’aider à accomplir ses projets de réussite sociale, en « couchant utile » et de manière efficace : « Si elle constata avec regret que son jardinier de nuit n'avait guère la main verte, elle, en revanche, se révéla si bonne à la manœuvre qu'elle reçut bientôt tous les gages d'amour concevables parmi lesquels, inespéré, un aller simple pour la Suisse. » Elle met donc la main sur Edouard, un Genévois né dans une très bonne famille. Mais voilà qu’Irina veut plus que ce qu’Edouard consente à lui offrir…

Enfin, nous avons Laure, larguée par son mari qui a décidé de refaire sa vie avec la femme de ménage alors que les enfants viennent de quitter la maison. La voilà qui se retrouve seule et sans revenus, son époux lui ayant jadis demandé de rester à la maison pour s’occuper de leurs rejetons et du quotidien familial. Habituée à un certain train de vie, Laure va devoir remettre les modalités de son existence en question pour pouvoir garder un semblant de dignité.



Ces trois femmes vont se retrouver à Hong Kong en même temps, pour des raisons diverses, mais vont subir le passage d’un typhon terrible, nommé Mangoustan et trouver, de ce fait, l’occasion de faire le point sur leurs ambitions passées et sur ce qu’elles peuvent encore attendre de leur futur car « Le temps qui passe rétrécit les rêves. »…



J’ai vraiment apprécié cette lecture, même si les personnages auraient pu être plus approfondis, mais rappelons-nous qu’il s’agit d’un premier roman ! L’écriture est plaisante, rythmée et les pointes d’humour permettent d’aborder les désarrois de ces trois personnages féminins sans lourdeurs.
Un auteur à suivre ; c’est sûr !

mercredi 11 septembre 2019

Et tout sera silence, Michel Moatti

Et tout sera silence, Michel Moatti
★★★★★



Lire un roman de Michel Moatti, c’est mettre les deux pieds dans le plat. Je ne sais même pas si on peut qualifier ses écrits de romans d’ailleurs – « polar social » ai-je lu quelque part ? – tant ce qu’il contient de vérité les rapprocherait du genre de l’essai. Car Michel Moatti sait de quoi il parle : il est sociologue. Il enseigne même sa spécialité à l’université de Montpellier.

Alors c’est vrai qu’en France, on préfère parler du salaire de Neymar ou des manifestations des gilets jaunes plutôt que de révéler les horreurs qui se déroulent dans les caves des barres d’immeubles ou sur les trottoirs des grandes villes. De ce fait, Moatti délocalise son récit : nous voilà à Londres. Mais son histoire aurait pu tout aussi bien se dérouler à Paris, Marseille ou Lille : on exploite des femmes et des gamins partout où on peut en tirer de l’argent lorsqu’on n’a aucun scrupule. Et les médias l’ont régulièrement prouvé à coups de scandales mettant en scène des hommes de pouvoir avides de parties fines avec des jeunes femmes venues d’on ne sait où…



C’est d’ailleurs un fait divers bien réel qui constitue le point de départ de ce roman : l’assassinat atroce d’une call-girl reconnue sur une photographie comme étant la compagne d’une soirée de débauche organisée par Lord Sewel, président adjoint de la Chambre des Lords, très à cheval sur le comportement remarquable que doivent avoir ceux-ci…

Notre journaliste du « Bumper », Lynn, saute sur l’occasion pour rédiger un scoop, tentant de tirer les vers du nez de son compagnon, Andy, enquêteur de police ; ça tombe bien…

Qui est donc cette jeune femme assassinée dans les toilettes d’un pub miteux ?

Personne ne parle. On apprend vite qu’il s’agit d’une Polonaise arrivée là on ne sait quand ni comment. La communauté « polak » est très présente dans cette banlieue de Londres où les lèvres sont verrouillées, les filles surveillées et les comptes en banque de certains bien garnis…

Lynn et Andy vont devoir enquêter, chacun de leur côté, pour chercher des réponses à de bien nombreuses questions.

En parallèle, nous suivons Magdalena, une jeune coiffeuse polonaise qui a payé un passeur pour aller « dans l’Ouest », suivre un « stage » qui lui permettra d’avoir un bon boulot avec un salaire décent qui lui permettra d’aller faire les soldes des Galeries Lafayette coudes à coudes avec les Chinoises pour remporter les dernières Louboutin rouges… La réalité, vous vous en doutez, sera bien différente.


Au final, il s’agit d’un roman passionnant et intelligent, avec parfois des moments malaisants tant la violence, tout à fait plausible, continue de choquer ; et heureusement…
A lire absolument.

dimanche 8 septembre 2019

Jour de courage, Brigitte Giraud


Jour de courage, Brigitte Giraud

★★★★☆

Ce roman n’est pas un thriller, mais il se lit tout comme ; on sent que tôt ou tard, un malheur arrivera…

Alors qu’il s’est engagé à produire un exposé sur le thème de l’autodafé, Livio, lycéen de 17 ans, présente les fruits de ses recherches sur Magnus Hirschfeld, médecin allemand, fondateur de l’institut de sexologie de Berlin, qui a effectué des recherches sur l’homosexualité, tentant de déterminer ce qui tenait de l’inné et de l’acquis, et luttant avec force contre le paragraphe 175 inscrit au code pénal allemand, stipulant que l’homosexualité était un crime.

Tous les ouvrages sur le sujet amassés durant des années dans les rayonnages de la bibliothèque de l’institut seront brûlés en mai 1933 par des soldats nazis, ne sachant même pas forcément s’y prendre : « Ils tiquèrent devant les flammes paresseuses, et sans doute de mèche avec la littérature désignée par eux comme honteuse et ordurière, qui ne produisaient rien d’autre que de la fumée et de petites quintes de toux qu’ils eurent du mal à contenir. »

Effectivement, le grand autodafé du 10 mai 1933 sur la place de l’Opéra à Berlin ne sacrifiera pas uniquement les livres consignant les comptes-rendus médicaux liés aux recherches sur la sexualité dite « déviante », ce seront des milliers d’ouvrages d’artistes dits décadents qui seront livrés aux flammes : Zweig, Brecht, Freud seront les auteurs dont les pages finiront dans un brasier gigantesque parce qu’ils ne collent pas avec l’idée de l’Allemand « pur race ».



Pourquoi Livio a-t-il donc choisi ce sujet ? A-t-il eu la moindre conscience du regard des autres lycéens de sa classe sur lui, suite à cet exposé ? La professeure d’histoire n’avait pas prévu cette éventualité : qu’un élève remonte dans l’Histoire pour faire surgir un malaise sociétal contemporain. Les réactions des élèves de la classe de Livio sont éloquentes : il ne sera jamais accepté du fait de sa différence, son orientation sexuelle, ainsi révélée, en ce « Jour de courage ».



Une lecture qui happe, qui touche, qui fait réfléchir à la constante difficulté de vivre sa différence face au regard de l’autre, toujours aussi important, avec pour preuve deux expériences séparées d’un siècle.


J’ai envie de dire « Bravo Livio », même si… 
Et personnellement, j'aurais souhaité mieux cerner ce personnage visuellement.

samedi 7 septembre 2019

Soif, d'Amélie Nothomb

Soif, Amélie Nothomb
★☆☆☆☆


Voilà plus de dix ans que je n’ai plus lu les romans d’Amélie Nothomb. Autant j’avais adoré ses sept- huit premiers romans ; autant j’ai trouvé les suivants répétitifs au niveau du style et peu intéressants au niveau du sujet. 


C’est alors que de premiers échos médiatiques positifs ont attiré ma curiosité ; le cru 2019 de l’auteure serait de qualité, digne des premiers écrits de la Belge au grand chapeau. Ma curiosité a été titillée. En parallèle, j’ai écouté une série radiophonique sur France Culture, « A voix nue » : Amélie Nothomb y était interviewée sur des thématiques précises durant cinq épisodes d’une petite demi-heure. J’ai trouvé ces émissions passionnantes et eu envie de relire l’auteure.

La sélection du roman par l’académie Goncourt a fini de me convaincre.
Je me suis procuré « Soif ».


Constat : ma lecture a été très fastidieuse. L’écriture est soporifique à souhait. Il n’y a plus les effets de style des premiers romans, et c’est bien dommage. Le sujet, pourtant, prêtait bien aux circonvolutions intellectuelles : les dernières pensées de Jésus. Nous suivons celles-ci lorsqu’il pense aux miracles qu’il a accomplis, aux personnes qui l’ont entouré, puis lors du chemin de croix, de la crucifixion et de la résurrection. Mais, hélas, ce n’est que paroles qui tournent en boucle sans relief, avec un discours très négatif sur l’espèce humaine.

Un bla-bla répétitif et sans saveur.

Bref, une déception.


lundi 2 septembre 2019

Chères attentes, de Thierry Lefèvre (Perrone)

Chères attentes, Thierry Lefèvre (Perrone)
★★★★☆


J’ai lu cet essai avec intérêt car mon métier d’enseignante fait que je construis beaucoup d’attentes au sujet de mes élèves. J’ai d’ailleurs trouvé cet extrait opportun : « Un professeur peut attendre que ses élèves l'écoutent et se donnent la peine d'apprendre ce qu'il enseigne, dans la mesure où lui-même s'investit dans sa mission. » Effectivement, je m’investis toujours (parfois trop, paraît- il) dans le but de construire des cours efficaces qui permettent à mes élèves d’acquérir des connaissances. Et finalement, c’est vrai que ce que j’attends d’eux de manière consciente, c’est qu’ils s’investissent autant que moi dans les activités que je propose, mais qu’il est évident que ce qui demeure sous-jacent, c’est mon attente inconsciente qui consiste à espérer que l’on dise de moi que je suis une bonne prof… 


Thierry Lefèvre analyse avec précision les sentiments et les émotions liés à nos diverses attentes : pourquoi est-on frustré ? pourquoi a-t-on peur ? de quoi avons-nous réellement honte ? Il distingue les attentes conscientes rationnelles des attentes conscientes irrationnelles et des attentes inconsciences : chacune fonctionne d’une manière précise et trouve sa satisfaction de diverses façons… l’essentiel étant de les identifier !

Au final, un essai qui se lit avec attention parce qu’il est accessible et intéressant. Les explications liées à la mise en pratique sont explicitées à l'aide de schémas clairs. Les exemples sont judicieux mais les propos ont tendance à être un peu trop répétitifs Mais il s’agit du seul point négatif que j’ai pu reprocher à cet essai.

dimanche 1 septembre 2019

Et pour le pire, Amanda Prowse


Et pour le pire, Amanda Prowse

★★★★★

Je referme ce roman et déjà, j’ai une certitude : il va me hanter longtemps. Je sens bien qu’il ne va pas m’être possible d’oublier le personnage de Kathryn Brooker de sitôt. La plume habile d’Amanda Prowse m’a permis de côtoyer cette femme, héroïne de papier, dont la vie n’a rien d’un conte de fée. Combien de fois ai-je eu une boule dans la gorge ou le ventre contracté à la lecture d’un passage ? Impossible de les compter. Ces moments de lecture, si bien écrits, peuvent se montrer éprouvants car l’auteure sait créer une réelle empathie entre son personnage et le lecteur. J’avoue avoir eu les larmes aux yeux, en même temps que Kathryn lors d’un passage particulièrement éprouvant au niveau de la violence psychologique que lui fait subir son mari, Mark. Je ne dirai pas lequel, par discrétion…

Mais quel monstre que cet homme ! Impossible de me rassurer en me disant qu’il ne s’agissait qu’un personnage de fiction : les actualités nous révèlent trop souvent l’existence de ces pervers narcissiques qui ne savent se réjouir qu’en humiliant leur épouse. Mais là, sachez que nous sommes encore au-delà… Chez les Brooker, l’humiliation passe par des actes de torture.

Kathryn assassinera son mari.

Cet acte étonnera leur entourage ; leurs deux enfants en premier lieu. Car cette épouse modèle a toujours tu son calvaire et joué le rôle de l’épouse et mère épanouie.

Se taire pour ne pas risquer de perturber les enfants…

Le choix de ce texte par l’éditeur Stéphane Marsan est vraiment judicieux en cette période « post- #Metoo » car il narre sous forme fictionnelle le calvaire qu’endurent des milliers (millions ?) de femmes à travers le monde. Car outre Kathryn, d’autres femmes elles aussi malmenées par les hommes ou la vie traversent le roman. C’est parce qu’il est si justement sensible à la cause féminine que Stéphane Marsan a choisi de publier ce texte en cette rentrée littéraire. Sa maison d’édition, créée en mars 2018, publie une dizaine de romans par an ; des récits qui sont donc choisis avec soin. Dans le cas de celui-ci, c’est Claire Kennedy, l’éditrice d’Amanda Prowse qui a proposé ce texte à notre éditeur français, se doutant que l’émotion qu’il engendre saurait séduire le lectorat français. Deux éditeurs qui ont vu juste quant à la pertinence de ce récit qui mérite d’être lu, partagé, débattu autant par des lectrices que par des lecteurs… du monde entier.
Sa construction, basée sur une narration alternée qui revient sur les « racines du Mal » et sur la vie après la prison de Kathryn, qui tente de se reconstruire, permet de comprendre les étapes qui ont mené notre personnage principal là où elle en est au tout dernier chapitre, permet de construire un suspens addictif tout en permettant au lecteur d’aborder la vie des Brooker avant de se faire son propre avis sur la culpabilité de Katryn.

Bref, un roman brillant, utile et vraiment émouvant. 
Une pépite dans toutes ces publications de la rentrée littéraire de septembre 2019.