mercredi 2 juillet 2025

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)


 

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)

💘💘💘💘💘

Cap vers le Québec à la toute fin du XIXème siècle, aux côté d’Almanda, la propre arrière- grand- mère de l’auteur, Michel Jean. Orpheline aux origines irlandaises, élevée par un couple de fermiers québécois par pur charité chrétienne, cette jeune fille de quinze ans va tomber sous le charme de Thomas, un jeune Innui qui vit de chasse et de pêche avec sa famille nomade.

« J'ai fixé les yeux de celui qui me demandait de le suivre jusqu'au bout du monde. J'y ai vu la rivière, le lac long et, au milieu, moi et ce jeune homme aux larges épaules et au regard confiant. » Entre Almanda et Thomas, le coup de foudre est immédiat. Malgré les réticences de ses parents adoptifs, la jeune fille va très vite épouser le jeune Indien et partir vivre à ses côtés une existence bien différente de celle qu’elle avait connue jusque-là.

« Petit pas à petit pas, mon corps autant que mon esprit s'adaptaient au mouvement quotidien de l'existence nomade. Au fil des jours, la notion même de temps devenait diffuse. » Dans la tribu de Thomas, on vit sous la tente et on mange ce que l’on pêche ou chasse au jour le jour. Ces nomades se déplacent autour du lac Saint -Jean (Pekuakimi en Innu), selon les saisons, et vendent les peaux qu’ils tannent eux- mêmes. Mais peu à peu, les Blancs envahissent leurs terres, coupant les arbres et construisant des chemins de fer pour faire venir encore plus de colons, intéressés par la richesse naturelle des lieux.

« J'avais beau savoir lire, écrire et calculer mieux qu'eux tous, je restais une ignare là-bas. » Les enfants de Thomas et Almanda ne sont pas voués à aller à l’école. Leur éducation se fait dans la nature, avec l’unique but de vivre libre. Mais les colons vont changer la donne et enlever les enfants des Indiens pour les envoyer dans des établissements scolaires gérés par des prêtres ; pour le malheur de tous…

Au final, j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce récit, pour ces personnages si touchants et pour la plume extraordinaire de Michel Jean. J’ai lu les dernières pages avec le cœur gros. Je compte bien me plonger dans ses autres romans. Un auteur à découvrir et à suivre !

lundi 30 juin 2025

Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)


 
Claustrations, Salvatore Minni (Mini +, 03/2023)

💗💗💗💗

Envie d’un thriller psychologique flippant ? Partez à la rencontre de Clara, M. Concerto, et Charles. Leurs points communs ? Ils sont tous les trois enfermés pour des raisons différentes et portent le même tatouage, le signe des Gémeaux, à l’intérieur du bras. Qui sont- ils ? Qu’ont- ils fait pour mériter d’être séquestrés ?

« La mort ne valait - elle pas mieux que ce simulacre d'existence ? Cette misérable vie qui le dépouillait de toute liberté avait- elle de l'importance ? » Charles vit reclus dans sa cave depuis qu’il a fêté ses soixante- cinq ans. Son épouse, Rose, vit dans la maison et descend voir son mari à l’heure des repas. Elle se montre la plus discrète possible car personne ne doit savoir que son mari se cache…

« Durant la journée qui s'était d'emblée annoncée obscure et rude, elle avait fait l'objet de représailles à chaque tentative de révolte. Elle n'avait pas le droit de parler, et encore moins celui de crier. » Clara est enfermée, elle, dans une pièce obscure et humide envahie par la vermine. Elle ne se souvient plus des raisons qui l’ont menée là ; ses gardes la droguant à intervalles réguliers. Elle ne pense qu’à une chose : s’échapper.

« Dans un coin de ce qui était devenu son repaire, son antre, sa tanière, il plaqua les mains sur ses oreilles pour ne plus entendre les voix qui s'emparaient de lui, l'enivraient, l'aliénaient. » M. Concerto est interné dans un asile psychiatrique. Il entend des voix jour et nuit. Il aimerait que les médecins parviennent à le guérir, mais son cas semble bien les désarçonner…

Au final, un thriller envoûtant, dans lequel on trouve une première partie distinguant les trois histoires puis une seconde partie mêlant les trois destinées de nos personnages jusqu’à la révélation finale, qui se révélera surprenante !  C’est un récit spiralaire rondement mené, dans lequel le lecteur va perdre ses repères. Original !

dimanche 29 juin 2025

Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

 


Plus vaste que le monde, Delphine Giraud (Fleuve éditions, 03/2025)

🌞🌞🌞🌞

Cap sur le Guatemala pour une histoire de secrets de famille comme je les aime ! Maya, une adolescente de quatorze ans en pleine recherche d’identité, a été adoptée au Guatemala par Zach et Cat (cette dernière étant décédée récemment) elle émet l’envie de découvrir son pays d’origine. D’autant plus que c’est aussi celui de Mamita, sa grand- mère paternelle d’adoption.

« Personne ne se souvient des premiers instants de sa vie. L'entourage les relate et ça suffit. Pour moi, c'est différent puisque j'ai été adoptée. Aucun membre de ma famille n'était là à ma naissance et dans les mois qui ont suivi. Il me manque le début de mon histoire. » Maya est d’humeur morose depuis quelques mois. Elle entend sa grand-mère raconter sa propre enfance au Guatemala alors qu’elle- même ne peut pas avoir ce genre de souvenirs du fait de son adoption.

« Mes souvenirs sont des remèdes à mes soirées de désespoir. L'amour a le pouvoir de tout garder en mémoire. » Zach, le père adoptif, culpabilise devant l’air chafouin de sa fille. Sa femme n’est plus là pour le conseiller et il a du mal à faire son deuil. Quand l’idée d’emmener Maya au Guatemala pour qu’elle puisse visiter la terre de ses ancêtres le prend, il pense trouver dans ce voyage l’occasion de retrouver la complicité qu’il avait eue jusque-là avec sa fille.

« Ce ne sont pas toujours les plus beaux récits qui forgent notre histoire. » Sur place, les surprises vont se succéder et la pauvreté, tout comme l’insécurité ambiante, vont choquer nos voyageurs français. Les découvertes vont parfois se transformer en déconvenues, mais heureusement, ils pourront compter sur la gentillesse des membres de la famille de Mamita et d’une avocate française rencontrée sur place.

Au final, une histoire bouleversante, qui part tranquillement sur une idée de voyage faisant office d’un retour aux sources, et qui, va se transformer en enquête qui dénoncera des faits véridiques absolument abjects. Pour le coup, les secrets révélés sont surprenants et la double narration entre le père et sa fille a été vraiment bouleversante. A lire sans hésitation.


mardi 24 juin 2025

Le pays de Rêve, David Diop (Rageot, 03/2024)


 

Le pays de Rêve, David Diop (Rageot, 03/2024)

💛💛💛💛

Voici un conte allégorique très court mais très agréable à lire. Nous y retrouvons une adolescente, prénommée Rêve, et sa grand- mère, qui vivent ensemble au milieu d’un bidon- ville jonché de déchets. Quel avenir pour la petite ? Partir ?

« La beauté d'une jeune femme dans le pays de Rêve était dangereuse, un appel au crime. Dans l'attente de jours meilleurs, la grand- mère l'avait enlaidie de haillons, de crasse et de misère. » La grand- mère de Rêve sait très bien ce qui arrive aux filles trop jolies dans son pays en guerre. Elle en a elle- même été victime. Alors elle cache sa petite- fille du mieux possible.

« La rouille qui mange les parois de notre taudis dévore mon cœur. Je le sens s'effriter, il tombe en poussière... » Vient le jour où Rêve en a assez de la misère. Pour elle, une seule solution ; partir. Mais peut- elle laisser sa grand-mère ?

« Comment une telle fleur de beauté avait- elle pu éclore dans la boue fétide des bas- fonds de la ville- bidon sans que personne au Palais ne l'ait su ? » Et puis un homme découvre la beauté de rêve ; son destin en sera très vite modifié….

Au final, un conte qui fait réfléchir sur le partage inégalitaire des richesses mais surtout le destin des filles dans un pays en guerre, où seuls les hommes armés ou riches ont le pouvoir de décider de leur sort. Un récit bien triste, un peu trop court à mon goût, mais dont j’ai adoré la poésie des mots. Un auteur à découvrir !

lundi 23 juin 2025

Solitudes, Niko Tackian (Calmann- Levy, 01/2021)

 



Solitudes, Niko Tackian (Calmann- Levy, 01/2021)

❄❄❄❄

Alors que nous sommes en pleine canicule, un petit tour dans les massifs du Vercors enneigés était une bonne idée. L’occasion de passer un moment avec Elie, un garde forestier à l’histoire personnelle compliquée. En effet, il a reçu une balle dans la tête douze ans auparavant et s’en est miraculeusement sorti… mais en subissant une totale amnésie de son passé. Quand il découvre une femme suppliciée pendue à un arbre dans le massif qu’il gère, des réminiscences troubles vont venir le perturber.

« L'homme n'était pas un animal prévisible et ça expliquait en partie la raison pour laquelle Elie préférait vivre ici, à l'écart de tout. » Un cadavre découvert en plein milieu de son espace de travail va profondément perturber le quotidien d’Elie, mais aussi son chef, Reda l’Indien. De mauvais esprits semblent avoir envahi leurs montagnes. C’est la lieutenant Nina Mellinsky qui va être envoyée sur le coup ; l’occasion pour elle de rebondir après une affaire qui l’a particulièrement perturbée...

« De cette nuit sans visage au milieu d'une casse, douze ans auparavant, il ne conservait que l'obscurité, la douleur et le froid abyssal du canon se posant sur son front. La balle avait emporté sa mémoire et sa chair. » L’enquête se resserre autour d’Elie, mais Nina est persuadée qu’il est innocent. Son instinct ne l’a jamais trompée jusqu’à présent. Mais comment composer avec un homme sans passé, sans souvenirs ?

Au final, une intrigue vraiment intéressante avec des personnages attachants. Les passages descriptifs de la montagne, ainsi que les moments oniriques liés au personnage de Reda l’Indien m’ont un peu ennuyée mais dans l’ensemble j’ai bien aimé cette histoire. Les rebondissements de la fin de l’enquête sont inattendus et nous tiennent en haleine jusqu’au bout. 

mercredi 18 juin 2025

Destination extrême – Fontaine de Jouvence, Mikaël Archambault (Mortagne, 02/2024)


 

Destination extrême – Fontaine de Jouvence, Mikaël Archambault (Mortagne, 02/2024)

Nouveau séjour avec l’agence DATO par procuration ! Cap sur les îles Bimini dans l’archipel des Bahamas, aux côtés de Pamela et de son fils Eloi, à la recherche de la fontaine de jouvence, dernière solution pour soigner l’adolescent atteint d’une tumeur au cerveau.

« L'annonce du DATO offrait des expéditions vers un point des Caraïbes dont les eaux souterraines auraient la vertu de soigner n'importe quelle maladie : rien de moins que la mythique fontaine de Jouvence ! » Pamela souffre de voir son fils atteint de la même affection qu’elle au même âge ; une tumeur au cerveau. Si elle a pu être opérée et guérie en son temps, il n’en est pas de même pour son fils qu’aucun spécialiste ne se risque à opérer. Elle cherche toutes les solutions, y compris celles proposées par le dark net et se retrouve engagée dans une expédition organisée par la mystérieuse DATO.

« - Quoi ?! Vous... vous ne venez pas avec nous ?!
Les narines de son interlocuteur frémissent. Il paraît terrifié.
- Non, madame... Je ne mets plus les pieds là- bas... »
Pamela est désappointée. Elle qui croyait participer à un séjour organisé se retrouve à devoir se débrouiller seule avec son fils sur une île hostile. Qui va l’aider à trouver la fontaine de jouvence sur cette île au décor particulièrement hostile ?

« C'est beaucoup d'émotions pour son cœur de mère. Il n'y a rien de plus difficile pour un parent que de voir son enfant souffrir. » Une fois débarqué sur la fameuse île, Pamela et Eloi vont se retrouver confrontés à des épreuves aussi inattendues qu’abominables. A défaut d’en sortir en meilleure santé, vont- ils pouvoir en sortir vivants ?

Au final, un roman surprenant ! Les péripéties se suivent sans jamais se ressembler, notamment grâce à l’humour spécifique de l’auteur ! Certaines scènes méritent d’avoir un estomac bien accroché, mais on ne peut être qu’ému par la détermination de Paméla, personnage digne de figurer aux côtés des meilleurs super héros de la fiction ! Personnellement, j’ai beaucoup aimé les références au monde de la piraterie, et particulièrement « L’île au trésor » de Stevenson. A lire pour un bon moment de détente !

lundi 16 juin 2025

Blondie, Guillaume Perrotte (Kubik, 04/2025)

 



Blondie, Guillaume Perrotte (Kubik, 04/2025)

☺☺☺

Intrusion dans le monde obscur de la prostitution aux côtés de Blondie, une femme de joie aux tendances intellectuelles et littéraires suffisamment développées pour lui permettre d’écrire un journal de bord de son quotidien auprès de trois de ses collègues (d’infortune) et de leur souteneur, Momo.

« Cet homme providentiel, beau parleur faussement altruiste, lui a promis de faire éclore tous ses talents sur la grande scène du monde. Ses yeux noirs l'ont transpercée, regard envoûtant dans lequel elle a aperçu le miroir d'un fascinant danger reflétant mille feux scintillants. » Momo a quatre filles sous ses ordres de proxénète. Ling, l’asiatique, Nath, la panthère noire, Sonia, la rousse incendiaire et Blondie, la blonde psychologue qui fait craquer les papys.

« Alors brusquement, en regardant Ling, Marguerite Duras s'est imposé à moi. Mon histoire tournerait autour de "L'Amant". Elles ont apprécié ce choix esthétique ambitieux. » Momo a une idée qu’il pense être de génie : filmer l’une de ses filles pour surfer sur la mode des vidéos tendancieuses. Un premier pas vers la prise de risque dans un milieu dans pitié…

« Lorsqu'il disait qu'il allait ruer, il massacrait vraiment, et rarement à l'anglaise. En matière de crime, il œuvrait dans le gore. Du sang et des tripes dans tous les coins. La générosité dans le carnage était son mode opératoire. » Momo est un sanguin. Pour masquer ses dérives meurtrières, il a tissé des liens avec des ripoux de la Police. Mais comment gérer les apparences entre les dérives des uns et des autres ?

Au final, un roman vraiment prenant durant les deux premiers tiers, puis qui prend une orientation qui ne m’a pas plu. J’ai pourtant beaucoup aimé le style littéraire de la narration, le récit cru de certaines déviances de la part des clients de cette espèce de communauté, narré avec une certaine délicatesse. Attention toutefois à quelques scènes très dérangeantes… Mais les délires de Blondie dans les derniers paragraphes, franchement, non merci. J’ai décroché, pas du tout adhéré à la fin. Dommage.   

dimanche 15 juin 2025

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)


 

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)

Mathilde Beaussault est enseignante, écrivaine et fille d’agriculteurs. Dans son premier roman, elle retranscrit parfaitement l’ambiance qui règne dans l’univers rural de nos campagnes les plus reculées. C’est un monde de rustres, de « culs terreux » comme ils se nomment eux- mêmes, où les affaires sensibles se règlent entre paysans, et non en faisant appel aux fonctionnaires de justice. Un monde à part, parfaitement retranscrit par l’auteure.

« Fallait- il donner du grain à moudre aux moulins des mauvaises langues ! Peut- être. Marie- couche- toi- là. Et comme un prénom prémonitoire, Marie n'a plus été vierge à l'aube de ses quinze ans. » Le nœud de l’intrigue tient dans le meurtre de Marie, dix- sept ans, fille des pharmaciens du patelin, dont le corps a été retrouvé dans la Coulée, au lieu- dit de La Basse – Motte, là où vivent les paysans. Loin de son univers de privilégiée, dans la Haute – Motte. Qui a bien pu attenter aux jours d’une adolescente issue d’un milieu privilégié ?

« Elle ne comprend pas les histoires de grands comme dit sa mère quand elle veut se débarrasser du regard de moineau de sa fille qui la fixe par en dessous. » En parallèle de l’enquête, le lecteur suit Marguerite, petite sauvageonne qui traîne ses guêtres en tétant les manches de ses pulls partout où on ne l’attend pas. La petite est quelque peu délaissée par ses parents, des éleveurs débordés. Une gamine malmenée, harcelée à l’école mais dans l’indifférence générale. Taiseuse comme son père, elle distille ses mots judicieusement. Jusqu’à révéler des secrets dérangeants…

Au final, un roman noir rural qui respire l’authenticité de ce milieu qui survit grâce à ses propres règles. Les personnages sont terriblement attachants, entre la petite Marguerite, négligée mais dont les réflexions relatées par la narration sont terriblement perspicaces, et la tenancière du Bar, Mimi, dont l’intellectualité littéraire et éclairée va subjuguer les gendarmes en charge de l’enquête. Une plume oppressante et immersive… à suivre. 

lundi 9 juin 2025

La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

 


La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

💙💙💙💙

A l’occasion du tournoi annuel de Roland- Garros, je me suis décidée à lire le roman écrit par notre championne de tennis française, Alizé Cornet. Il n’y est absolument pas question de tennis, mais d’une saga familiale inspirée par les femmes de l’entourage de l’auteure. Cap sur Nice dans les années 60…

« Les livres étaient plus que jamais devenus son refuge, l'échappatoire qui lui permettait encore de laisser son esprit vagabonder librement, chose qu'elle ne s'autorisait que rarement désormais. Elle dévorait tout ce qui lui tombait sous la main ; des romans d'amour, des cahiers de poésie, des contes pour enfants, des classiques de la littérature. Hugo, Sartre, Zola, Molière, Hemingway, tout y passait. » La petite Jeanne est une fillette à l’intelligence vive. Au sein de sa famille, entre une sœur aînée délurée, un père employé et une mère au foyer, elle semble en décalage.

« Mais une fois la limite franchie, ce ne fut toutefois qu'une escalade exponentielle. Il se mit à l'insulter, à la menacer, à la violenter alors que les enfants étaient dans la pièce d'à côté, la tenant parfois si fort par le bras qu'elle gardait pendant plusieurs jours des marques qu'elle s'appliquait à camoufler de son mieux. » Le père de Jeanne est de plus en plus violent à cause de l’alcool. Hélène, femme battue, n’en peut plus de montrer cet exemple à ses enfants. Mais comment fuir, dans les années 60, quand on n’a aucune ressource, aucun diplôme, aucune expérience ?

« Oui, elle était heureuse, mais elle avait appris à ses dépens que cela ne durait pas. Elle chassa de son esprit le constat menaçant : oui, la vie était belle, mais pour combien de temps ? » Cette question, chacune des femmes de ce roman va se la poser. Hélène, Mouna, Jeanne, Sylviane, Ludmila… Les jours, les mois et les années passent. Les femmes acquièrent quelques libertés et le lecteur suit cette évolution sociétale en s’attachant à chacune des protagonistes.

Au final, un roman attachant comme ses personnages. Chacune de ses femmes trouve bien des barrières sur son chemin et Alizé Cornet sait très bien les mettre en scène. Sa plume est fluide tout en étant élaborée. Elle nous permet aussi de réfléchir au fait qu’on ne peut que se féliciter de vivre dans un pays qui a œuvré pour nous permettre de pouvoir aujourd’hui être indépendantes des hommes. Une auteure à découvrir…

mercredi 4 juin 2025

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)


 

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)

💙💙💙💙

Vous vous intéressez aux faits divers et au fonctionnement des tueurs en série ? Ce roman adressé aux adolescents à partir de quinze ans vous fera vivre une enquête « de l’intérieur », aux côtés d’un garçon ayant assisté aux meurtres perpétrés par ses parents. Une fiction largement inspirée par des affaires judiciaires ayant vraiment existé, comme l’affaire Fourniret (entre autres).

« Comme si c'était possible, ne pas être terrorisé à l'idée de ce qui m'attendait. J'allais rencontrer la Veuve Duval. Ma Mère.
La revoir. Elle. »
Clément accepte de rencontrer sa mère, emprisonnée depuis dix ans pour complicité de meurtre. Elle a en effet aidé son mari, Etienne, à enlever et éliminer plusieurs jeunes filles.

« Il restait huit corps.
Huit. Les huit dernières victimes du couple Duval. Les huit mortes qu'ils avaient gardées pour eux. »
La mère de Clément monnaye leurs rencontres à coups de révélations sur l’emplacement des corps ensevelis par elle- même et son mari.

« Elle veut que je me souvienne de tout et, peu à peu, ça me revient. Ça remonte des profondeurs.
Je crains de découvrir du sale. »
Clément a trouvé la paix en étant accueilli par la famille Aubry, des agriculteurs ayant la main sur le cœur. Grâce à eux, il a trouvé un semblant d’équilibre, la possibilité de se projeter dans un avenir en oubliant son passé. La démarche de sa mère risque de mettre à mal la stabilité du jeune homme de dix- sept ans.

Au final, un récit captivant. Personnellement, je ne me suis jamais projetée dans l’esprit d’un enfant de criminel et ce roman en donne un aperçu criant de vérité. Comment faire face au parent restant, insistant pour se justifier ? Que faire du conflit de loyauté ? Certains passages font froid dans le dos. Une lecture marquante.  

mardi 3 juin 2025

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)


 

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)

💥💥💥💥💥

Je referme ce livre avec énormément d’émotion, les larmes au bord des yeux. Jérôme Colin a su parler à l’adolescente que j’ai été jadis, explosive et parfois (probablement souvent) violente face à mon incompréhension du fonctionnement du monde et mon statut actuel de professeur en collège, cette fois, désarmée par la souffrance ressentie par certains de mes élèves…

« Les bibliothèques ordonnées sont des cimetières. "Comment tu veux t'y retrouver dans ce foutoir", disait- elle. Elle n'a jamais compris que j'aimais justement m'y perdre. Promener mon regard sur les dos, saisir un roman au hasard, humer ses pages, retrouver une phrase soulignée lors de sa lecture. Chercher un livre. En trouver dix autres. » Jérôme, 35 ans, se retrouve en difficulté lorsque sa compagne depuis dix ans lui demande de coller au schéma sociétal attendu : un couple, une maison, un chien, des enfants. Pour cela, il faut ranger la maison. Et la bibliothèque ; ce lieu plein de secrets et de mystères…

« Quand doit- on rouvrir les pages de son enfance ? Quand est- il temps de retourner à l'endroit exact où l'on s'est pourtant promis de ne jamais revenir ? » Sur l’étagère, un carton plein de souvenirs de fin d’enfance… Enfin, plutôt d’adolescence, lorsque Jérôme a été interné dans un centre fermé pour jeunes en difficultés sociales et psychologiques. Le début d’une prise de conscience, ou plutôt une rencontre éclairante avec une certaine Colette, fardée de noir et suicidaire.

« Pour avoir envie de s'asseoir au premier rang, il faut y croire. Il faut avoir confiance en ce monde et envisager de pouvoir y trouver sa place. Or, je n'avais pas confiance. Et la place qu'ils avaient prévue pour moi, je n'en voulais pas. J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait. » Jérôme énonce des problèmes intrinsèques à son enfance ; ce rejet de la vie trop « normale » de ses parents et la difficulté d’y trouver une place. Jérôme a envie « d’autre chose » mais ne sait pas de quoi exactement…

Au final, une lecture bouleversante, fracassante même. Personne ne peut en sortir indemne, que ce soit du fait de son histoire, de celle de ses enfants, de cette société dans laquelle on ne se reconnaît plus. Indispensable.

samedi 31 mai 2025

A retardement, Franck Thilliez (Fleuve noir, 05/2025)


 

A retardement, Franck Thilliez (Fleuve noir, 05/2025)

💘💘💘💘💘

Avez- vous déjà entendu parler des U.M.D. (Unités pour Malades Difficiles) ? Franck Thilliez a choisi ce cadre bien particulier pour point de départ de cette enquête menée par Sharko et Henebelle. Un nouveau patient vient d’y être accueilli, délirant, sans papiers, il prétend être à la chasse de vers qui envahissent le monde… Au même moment, un homme est retrouvé assassiné cruellement, mais impossible là aussi de déterminer son identité. Les deux affaires seraient- elles liées ?

« Ils avaient agressé, violé, tué sous l'emprise d'une maladie psychique. "Des monstres", comme on les désignait à la boulangerie du coin. » L’U.M.D. de Chambly est un univers particulier, accueillant des malades atteints de psychoses diverses étant également des meurtriers aux actes particulièrement sauvages. Eléonore Hourdel y exerce le métier de psychiatre, luttant contre les « a priori » partagés sur les malades qu’elle prend en charge.

« Au fil des heures, cependant, l'effet du sédatif se dissiperait. Le voyageur sans bagage redeviendrait l'homme qu'il avait été deux jours plus tôt.
Bientôt, le dragon de la maladie allait le réveiller. »
Un jeune homme vient d’être accueilli à l’U.M.D. alors qu’il délirait sur le quai d’une gare au point de pousser un voyageur sur les rails. La police n’a pas pu communiquer avec lui et son état les a poussés à l’interner immédiatement. Eléonore Hourdel va le prendre en charge ; un cas qui va la laisser perplexe.    

« "Pourquoi voit- on surgir d'un coup cette silhouette de "La Nef des fous" et son équipage insensé envahir les paysages les plus familiers ?" C'était exactement ça, il avait cette sinistre impression qu'on était en train de lever une armée de fous. » Sharko et Eléonore vont devoir mener une enquête en parallèle pour comprendre les tenants et les aboutissants des divers drames atroces qui vont suivre les deux premiers. Le passé et le présent vont se mêler et faire remonter une histoire bien inquiétante…

Au final, j’ai été captivée du début à la fin. Certains passages m’ont fait frissonner… On sent que l’auteur a passé du temps dans un U.M.D. (il en parle à la fin du livre) car il en fait parfaitement ressentir l’ambiance. Et comme d’habitude, il sait faire en sorte qu’on s’attache à l’équipe de ses flics ! Un très bon Thilliez !

jeudi 29 mai 2025

La Très Catastrophique Visite du Zoo, Joël Dicker (Rosie & Wolfe, 03/2025)

 


La Très Catastrophique Visite du Zoo, Joël Dicker (Rosie & Wolfe, 03/2025)

🦏🦏🦏🦏🦏

Des enfants « spéciaux », des animaux et la plume de Joël Dicker ; il n’en fallait pas plus pour me donner envie de lire son dernier roman !!! Comment une sortie scolaire peut- elle virer autant à la catastrophe ? L’auteur nous livre ici une enquête hilarante, que des enfants peuvent aussi lire grâce aux niveaux de compréhension différents.

« Les parents des élèves normaux ont dit qu'ils étaient très inquiets que leurs enfants soient en contact avec les enfants de l'école spéciale. Certains parents ont même peur que leurs enfants soient contaminés par nous, comme si être spécial était une maladie. » La petite Joséphine est scolarisée dans une école « spéciale », autrement dit, une école qui accueille des enfants handicapés. Elle revient, une fois adulte, sur un épisode qui avait marqué la ville où elle habitait enfant ; une visite au zoo local qui avait tourné à la catastrophe…

« Non seulement j'ai trouvé que papier- cul était un superbe gros mot, mais surtout qu'inventeur de gros mots était un métier d'avenir : on en prononce tous les jours, on en aura toujours besoin et aucune technologie ne pourra les remplacer. » La petite Joséphine, qui raconte son histoire, n’a pas de filtre. Elle prend tout au premier degré. L’occasion pour l’auteur de montrer un certain talent pour l’humour, la dérision.

Au final, un roman – très court finalement entre la taille de la police d’écriture et des chapitres aérés – qui se lit très vite. Il y a certes la tension liée à l’enquête, dont on comprend très vite qu’elle sera liée à une suite d’événements incongrue, mais surtout, il y a un humour régressif qui fait du bien, qui fait qu’on tourne les pages entre deux éclats de rire. Une fiction si près de la réalité quand on connait ces enfants dits « spéciaux », tellement formidables…  

dimanche 25 mai 2025

On a tous une bonne raison de tuer, Pétronille Rostagnat (Edition du 123, 03/2025)


 

On a tous une bonne raison de tuer, Pétronille Rostagnat (Edition du 123, 03/2025)

💓💓💓💓

Me voilà de retour aux côtés d’Alexane Laroche, au 36 quai des Orfèvres. La voilà bien en peine puisque la collaboratrice de son mari vient d’être retrouvée assassinée d’une horrible manière… Mais sa proximité avec l’affaire va l’écarter de l’enquête. Mais ça, Alexane va le gérer à sa manière !

« Il avait progressivement dépassé la ligne rouge sans en réaliser pleinement les conséquences. Tout lui était apparu si simple au départ. Il avait contourné sans encombre ses valeurs, ses principes, sans en être inquiété outre mesure. Il s'était senti pousser des ailes, mais à force de vouloir toujours plus, de monter trop haut, il avait fini par se brûler. » Philippe, collaborateur du mari d’Alexane, et ami de celle- ci, est rapidement suspecté. Mais au fur et à mesure de l’enquête, d’autres protagonistes vont également se retrouver sur le banc des accusés. Qui dit vrai ?

« Dans son rêve, elle ouvrait les yeux et apercevait un visage penché au- dessus d'elle. Malgré l'effet trouble provoqué par l'eau, elle avait reconnu la jeune inconnue surprise ce matin même dans son appartement via la caméra de surveillance. » Gabrielle, épouse de Philippe a été retrouvée dans sa baignoire, dans une scène évoquant une tentative de suicide. Elle n’en a aucun souvenir ; et si c’était un coup monté ? Alexane va devoir chercher et trouver la personne qui tire les ficelles de ce mauvais vaudeville.

Au final, une enquête qui devient haletante une fois la situation de chacun des protagonistes positionnée. L’entourage proche d’Alexane est malmené, quand en plus, elle doit subir un changement de direction au sein de la Direction régionale de la police judiciaire. Sa situation m’a touchée et j’ai hâte de la retrouver dans « Sur leurs traces ».

vendredi 23 mai 2025

L’anxiété racontée aux enfants, Ariane Hébert (05/2025)

 


L’anxiété racontée aux enfants, Ariane Hébert (05/2025)

💛💛💛💛💛

Un nouveau guide de cette collection que je recommande grandement aux parents d’adolescents qui se sentent désarmés par les changements de comportements de ceux- ci ou leur particularités, liées à des troubles comportementaux ou d’apprentissage. Un livre pratique, ici en édition revue et augmentée, qui s’adresse aussi bien aux enfants, aux parents et aux éducateurs ou enseignants qui prennent l’enfant en charge durant la journée.

« Anne- Sophie m'explique que mon cerveau est une espèce de superhéros qui me protège. S'il croit qu'une situation menace ma vie ou ma sécurité, il sonne l'alarme et ordonne à mon corps de réagir pour que je puisse me sauver ou me défendre. » Béatrice ressent de plus en plus souvent un mal- être qui la prend par surprise. Elle rencontre une psychologue qui lui annonce un diagnostic : elle souffre d’anxiété.

« Il faut prendre le temps d'examiner les situations, pour parvenir à contrôler son anxiété. Lorsque tout va trop vite dans ton esprit, tes pensées peuvent s'emmêler... » La psychologue donne des pistes de réflexion à la petite Béatrice, qui serviront d’astuce pour le lecteur du guide.

« Rappelle- toi ceci : si tu fuis les événements qui causent ton anxiété, ton cerveau va croire qu'il a eu raison de crier à ton corps de réagir et il va continuer de le faire. » Le guide me semble très clair sur ce fait : face à l’anxiété, il faut forcer un peu son subconscient à reprendre un chemin plus sécurisé sans fuir la première difficulté, au risque de sombrer dans un trouble plus grave, telles l’agoraphobie ou la phobie scolaire.

Au final, un guide éclairant sur l’anxiété, qui parle à l’enfant grâce à des mots simples et à une mise en situation fictive facilement assimilable. Les astuces données ont du sens et seront bienvenues en attente d’un rendez- vous chez un psychologue ou dans le cadre d’un suivi. Un livre bienvenu en cette période particulièrement inquiétante pour nos jeunes. 

mercredi 21 mai 2025

Epoque, Laura Poggioli (L'Iconoclaste, 01/2025)

 



Epoque, Laura Poggioli (L'Iconoclaste, 01/2025)

💛💛💛💛

Voici un roman qui ressemble énormément à un essai sur les addictions, celles des adolescents pour les écrans, mais celle aussi de la narratrice pour un homme qui fut quelques années auparavant un amant obsédant.

« Des tout- petits se retrouvent donc exposés à cette violence- là, à des images qui limitent le développement de leurs propres pensées. C'est une agression similaire à une agression physique, ça provoque des traumatismes psychiques. C'est de la maltraitance infantile. » Le point de départ de ce récit se trouve dans un service d’addictologie dédié aux adolescents. Les jeunes s’y suivent, différents à la base mais partageant la souffrance de troubles divers liés à un mal- être générationnel.

« Nous vivons dans un monde où tout est prétexte à s'offusquer, se plaindre, se déchirer, et nous consommons ces crispations multiples comme nous consommons tout le reste. » Le regard porté sur les réseaux sociaux est terriblement accusateur : entre les addictions des plus jeunes pour les jeux et les applis de discussions, les cas de harcèlement et les agressions multiples que permettent l’anonymat des écrans, la société actuelle a bien du mal à suivre les règles du bien- vivre ensemble et de l’empathie. La narratrice en a bien fait les frais suite à sa liaison avec celui qu’elle surnomme « Le docteur ».

« Les problèmes d'addiction et d'autodestruction prennent
bien souvent leurs racines dans une simple volonté de supporter la douleur physique que provoquent les émotions. »
L’auteure termine son propos avec ce constat éclairant. N’importe qui peut devenir addict à n’importe quoi, du moment que ce dérivatif lui permet de réussir à continuer à vivre.

Au final, un livre estampillé « roman » mais qui propose une véritable réflexion sociétale : pourquoi ces écrans sont- ils devenus des béquilles, mais aussi des outils destructeurs ? Il est plus qu’urgent de décrocher de ces appareils et d’en éloigner au plus vite les plus jeunes.

dimanche 18 mai 2025

Recherche Lily désespérément, Carène Ponte (Fleuve éditions, 04/2025)


 

Recherche Lily désespérément, Carène Ponte (Fleuve éditions, 04/2025)

💮💮💮💮

Quand l’humeur est morose, Carène Ponte est la meilleure pour nous permettre de retrouver le sourire. Son regard clairvoyant sur les défauts de la société actuelle et son humour distillé à coups de répliques ironiques et de notes de bas de page hilarantes représentent la meilleure marque de fabrique de cette auteure que je suis maintenant depuis plusieurs années.

« Les mots se chevauchent et se mélangent. Et puis, soudain, tout s'éclaire. Je sais comment l'information de la mort de Shannen Doherty, premier contact entre mon cerveau et le monde ce matin au réveil, va avoir une influence sur ma journée. » Le récit commence sur le réveil de Lily, perturbée par le décès de Shannen Doherty, actrice de sitcoms ayant égayé ses soirées d’adolescente. Elle sent que cette mauvaise nouvelle va affecter sa journée, mais elle ne sait pas encore à quel point…

« Je suis impressionnée par le nombre d'adeptes de ce type de voyage solitaire. On dirait que c'est un peu comme pour la Rolex, si à cinquante ans tu n'as pas fait de retraite spirituelle, tu as raté ta vie. Ce qui ressort en premier dans tout ce que j'ai pu lire, c'est l'importance du lieu. » Lily, fortement influencée par les réseaux sociaux, se lance dans le projet partir en retraite spirituelle dans un lieu écarté afin de se retrouver. Ce qu’elle va trouver à Val- Flore- les- Bains va la décontenancer et bouleverser sa vie bien plus qu’elle ne le pensait…

Au final, un roman qui a rempli sa mission de me faire sourire, parfois même rire, tout en ciblant un phénomène de société délétère ; le culte de l’apparence promulgué par les réseaux sociaux. J’adore la plume de Carène Ponte, ses idées, sa bonne humeur communicative. 

samedi 17 mai 2025

Le cercle des mensonges, Céline Denjean (Pocket, 03/2022)


 

Le cercle des mensonges, Céline Denjean (Pocket, 03/2022)

💘💘💘💘💘 

Quel polar captivant et intelligent ! L’auteure noue habilement deux enquêtes pour un finish qui en inclue une troisième liée à l’un de ses romans précédents (Le Cheptel). J’ai été totalement embarquée aux côtés d’Eloïse Bouquet, gendarme que j’ai eu plaisir à retrouver, et le Zèbre, policier avec qui elle va devoir collaborer.

« Je me rends compte que j'observe mes mains d'assassin avec une sorte d'effroi et de fascination. J'ai frotté mon corps, j'ai brossé mes ongles, j'ai nettoyé chaque particule de ma peau mais le sang est là. Ineffaçable. » Les chapitres consacrés aux deux enquêtes sont entrecoupés de confessions des criminels y ayant agi, ce qui donne une certaine épaisseur au récit. J’ai trouvé ce procédé très intelligent et instructif sur la psychologie des meurtriers.

« Non seulement, elle avait été témoin d'un meurtre abject, mais, en plus, cet assassinat concernait la famille politique française ! » Le point de départ du roman réside dans la disparition d’un jeune étudiant : il aurait chuté du toit d’un immeuble en construction. Ce qui va d’abord s’apparenter à un suicide pour les policiers va être remis en question par l’oncle du jeune homme, qui est influent du fait de son statut de ministre des Finances.

« Anne Poey était de loin la criminelle la plus organisée qu'elle ait jamais rencontrée. Pousser l'anticipation et la précaution si loin relevait d'une véritable ingénierie du crime. » Eloïse, elle, va enquêter sur le meurtre d’une universitaire qui semble bien sous tous rapports. Mais en parallèle, elle ne lâche pas l’affaire « Anne Poey », la meurtrière agissant dans Le Cheptel, qui avait ôté la vie à son compagnon, Jean- Marc. L’heure de la vengeance va-t-elle enfin arriver ?

Au final, une histoire dense mais qui se déroule tambour battant ; on ne s’ennuie pas une seconde tellement les événements et les retournements de situation s’enchainent. Un excellent polar !

mercredi 7 mai 2025

L’Iguane, Carlo Lucarelli (Métailié, 03/2025)

 



L’Iguane, Carlo Lucarelli (Métailié, 03/2025)

💙💙💙💙

Cap sur Bologne, en Italie. Grazia Negro, enquêtrice de police, vient à peine d’accoucher qu’on l’emmène, avec ses petites à peine nées dans une villa secrète très protégée. La raison ? « L’Iguane », tueur en série qu’elle a jadis arrêté, vient de s’enfuir de l’établissement psychiatrique dans lequel il était retenu.

« Le Loup- Garou, le Pitbull, le Chien, l'Iguane, elle en avait un plein zoo, et même si, une fois pris, elle les oubliait, c'étaient justement les émotions de la chasse qui restaient en elle. » Grazia Negro a déjà enquêté sur plusieurs affaires de tueurs en série. C’est ici le troisième tome de ses enquêtes et j’avoue que, même si cette histoire peut se lire indépendamment des autres, j’ai regretté de ne pas avoir lu les deux premiers pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ces retrouvailles avec celui que l’on surnomme « L’Iguane », ainsi que la relation nouée jadis avec Simone.

« La peur me couvre les bras de frissons qui brûlent, serrés comme des nœuds.
Il y a quelqu'un dans le silence de ma salle obscure.
Quelqu'un.
Ou quelque chose. »
Un tueur rode. Il tourne autour des protagonistes de l’histoire. Il est discret, telle une petite souris qui se cache dans un coin pour vous espionner en toute tranquillité pour mieux vous mordre si vous l’approchez.

Au final, un thriller à l’atmosphère lourde et angoissante. Les soupçons se portent sur les divers protagonistes que l’on rencontre au fil des pages, d’autant plus que le récit est polyphonique. Et puis, en tant que mère, la présence de ces petites filles à peine nées représente un sacré degré de suspense ! Une découverte intéressante !

lundi 5 mai 2025

La fugue, Aurélie Valognes (J- C Lattès, 03/2025)

 


La fugue, Aurélie Valognes (J- C Lattès, 03/2025)

Crise de la quarantaine ou fuite nécessaire à la survie ? Inès, un beau matin, fait sa valise et roule, roule, roule, jusqu’au bout de la terre, un patelin en bord de mer dans le Finistère. Partir, quitter son quotidien dans lequel elle se sentait enfermée, était la seule solution, la seule issue de secours.

« "Nina & Simone". Tout de suite, j'y ai vu un signe. Une femme talentueuse qui en a bavé avant d'être libre. » Inès se raccroche à des références féminines de la littérature ou de la musique. En effet, ce roman est essentiellement féminin. On y rencontre des femmes célèbres au destin inspirant, mais aussi des femmes de fiction tout aussi marquantes par leur détermination.

« Car c'est fini de subir, de tolérer, d'encaisser, d'être à terre. Les autres ne se pensaient grands que parce que j'étais à genoux. Mais aujourd'hui, je me redresse. » Inès a trouvé son refuge, sa maison, son « lieu à elle » où elle va enfin se réaliser, se retrouver, être en accord avec elle- même.

« Certains rêvent leur vie et d'autres vivent la vie de leur rêve. » Inès va rencontrer d’autres femmes singulières, qui, comme elle, ont un jour assumé de ne plus être celles que les autres façonnaient.

Au final, un roman sur la renaissance d’une femme brisée, mais aussi sur la sororité, cet élan entre femmes qui osent défier les convenances et écouter leurs propres envies. J’ai beaucoup aimé les références littéraires et philosophiques, ainsi que les réflexions qui m’avaient séduite dans « La Lignée », mais quelques incohérences m'ont agacée (le frigo vide, la musique qui résonne puis l'absence de réseau...). Emouvant et inspirant malgré tout.

jeudi 1 mai 2025

La psy, Freida McFadden (J'ai lu, 04/2025)


 

La psy, Freida McFadden (J'ai lu, 04/2025)

💟💟💟💟

Après les tomes 1 et 2 de « La Femme de ménage », il fallait absolument que je me plonge dans « La psy ». Un véritable plaisir que de retrouver la plume de l’auteure (même traduite) ! Et que de nœuds au cerveau pour tenter de comprendre les tenants et aboutissants de l’intrigue. Encore une fois, je n’ai rien vu venir…

« Je n'ai jamais ressenti ça. Pas une fois dans les dizaines de maisons vides que nous avons visitées au cours des deux derniers mois. Je n'ai jamais éprouvé un sentiment aussi fort.
Il s'est passé quelque chose de terrible dans cette maison. »
Tricia et Ethan viennent de se marier et ils sont à la recherche d’une maison où s’installer pour fonder une petite famille. Les voilà en route pour la visite d’un manoir alors qu’une tempête de neige se lève. Arrivés sur place, ils n’auront d’autre choix que de rester passer la nuit dans cette demeure que Tricia trouve terrifiante. En effet, il s’agit de la maison dans laquelle Adrienne Hale, psychiatre connue pour le succès de ses livres, a disparu.

« Je ne suis pourtant pas une fouineuse, j'ai juste une curiosité tout ce qu'il y a de naturelle. Y a-t-il quelque chose de mal à ça ? » Alors que notre jeune couple cherche à passer au mieux cette nuit dans la demeure, Tricia trouve une pièce secrète qui renferme tous les enregistrements des séances de la psychiatre. Que vont- ils lui révéler ?

« Je crois que tout être humain est capable de faire des choses terribles si on le pousse à bout. » Les allers- retours entre le présent de Tricia et le passé d’Adrienne permettent d’avoir accès aux réflexions des deux femmes. La psychiatre s’était fait une spécialité de la thérapie des troubles liés à la peur et au mensonge.

Au final, un roman dévoré en peu de temps, qui m’a emportée vers une recherche urgente de la vérité. Bien des secrets vont être révélés dans les dernières pages, même si j’ai trouvé la résolution de l’intrigue un peu rapide et un chouïa décousue. Mais ce n’est que mon avis. 

lundi 28 avril 2025

Avalanche hôtel, Niko Tackian (Le Livre de poche, 03/2019)


 

Avalanche hôtel, Niko Tackian (Le Livre de poche, 03/2019)

⛇⛇

Joshua Auberson, agent de sécurité à l’Avalanche hôtel, superbe palace, enquête sur la disparition d’une jeune cliente, fille d’une famille d’habitués fortunés. Nous sommes en janvier 1980. Mais voilà que Joshua est pris dans une avalanche, et se réveille… en 2018. Que s’est- il passé ? Joshua, qui est finalement policier, va devoir remonter le temps et le fil de ses souvenirs pour pouvoir résoudre une enquête mêlant deux temporalités.

« Tu ne te souviens même pas de ton nom ? Il se massa les tempes, espérant secrètement que ça l'aiderait à retrouver la mémoire. Joe... Joseph... c'est comme ça qu'il devait s'appeler. » Le récit s’ouvre sur un trentenaire complètement perdu ; lors qu’il se réveille, il se rend compte qu’il n’a plus aucun souvenir, même pas celui de son prénom…

« 1980... quelque chose ne collait pas avec cette date. Quelque chose de grave, il le sentait. » Joshua oscille entre rêve et réalité. Alors qu’il est chargé d’une enquête suite à la découverte d’une jeune femme plongée dans un coma profond et dont on ne trouve pas l’identité, notre policier va devoir trouver des liens entre un passé qui l’obsède et un présent de plus en plus complexe.

« Stephen King - dont il avait dévoré tous les romans - disait qu'à vingt ans on croyait connaître la route, à vingt- cinq ans on soupçonnait qu'on tenait la carte à l'envers et à trente on en avait la certitude... » La référence fait sens quant à l’ambiance parfois surnaturelle qui règne dans les montagnes des Alpes suisses. Mais Joshua va devoir apprendre à se méfier des fantômes qui viennent le hanter.

Au final, un polar dont je ressors déçue. Je ne me suis absolument pas attachée aux personnages et je me suis perdue quelque part entre l’enquête de 1980 et celle de 2018 tant celle- ci m’a semblée floue. Dommage.

samedi 26 avril 2025

Et que Dieu me pardonne, Claire Norton (10 / 2024)



 Et que Dieu me pardonne, Claire Norton (10 / 2024)

💙💙💙

Jusqu’où pardonner ? Elodie ne vit plus depuis la disparition de sa fille aînée, Maëlle, alors âgée de huit ans. Déçue par la justice, elle ne vit plus que pour venger son enfant et découvrir ce qu’il s’est réellement passé, persuadée que toute la lumière n’a pas été faite sur le drame qui a anéanti son envie de vivre.

« Fermer les yeux sur les incivilités. Continuer à dire "bonjour", "merci". Se taire en cas d'agression verbale. Courber le dos pour ne pas tomber dans le jeu de la surenchère. Elle a fait ça toute sa vie. Elle a même enseigné cela à ses enfants. Pour quel résultat ? » Elodie se fait un devoir de rester calme et civilisée face à des individus de plus en plus agressifs. Elle éduque ses filles Maëlle et Zoé avec ces mêmes préceptes emprunts de civisme.

« Tu vois, je n'ai pas été capable de te protéger, mais je m'inscris aujourd'hui dans un devoir de justice et de justesse. Je mettrai ma rage et ma haine de côté, écouterai, prononcerai la condamnation et infligerai le châtiment. C'est cela, pour moi, une justice "juste". Ce sera peut- être œil pour œil, dent pour dent. Puisque la loi française n'a rien fait pour toi, je suis prête à faire mienne la loi du talion. » Maêlle taquinait souvent sa mère au sujet de son inoffensivité ; « toi, tu ne ferais pas de mal à une mouche ». Mais la disparition tragique de son enfant représente la limite à laquelle l’esprit d’Elodie va devoir se confronter… et se voir basculer.

Au final, un roman axé sur le combat d’une mère, qui s’est longtemps retenue de réagir à la violence ambiante et qui, d’un coup, libère toute sa colère et toute sa frustration, frôlant le point de non- retour. Une idée de départ très intéressante, mais le récit s’enlise par moment dans des descriptions trop longues et des monologues existentiels sur les valeurs du pardon. A lire en connaissance de cause. 

mercredi 23 avril 2025

Toutes ses fautes, Andrea Mara (Points, 04/2025)

 


Toutes ses fautes, Andrea Mara (Points, 04/2025)

💙💙💙💙

Cap sur l’Irlande, dans les beaux quartiers de Dublin, où la disparition d’un petit garçon de quatre ans, Milo, remue toute la communauté. En effet, la kidnappeuse semble être l’une des nounous qui s’occupent des bambins pendant que leurs mères exercent un métier à responsabilités.

« Alors que la femme s'apprêtait à referler la porte, Marissa fut soudain envahie par un malaise. Comme le week-end précédent, lorsqu'elle avait perdu Milo des yeux, au terrain de jeux. Il était là, quelque part, bien sûr, mais elle n'avait pas pu se détendre avant de l'avoir retrouvé. Ce qui avait été le cas quelques secondes plus tard. Et aujourd'hui, il était de nouveau introuvable. » Marissa Irvine se présente, confiante, au 14 Tudor Grove, adresse donnée par Jenny, dont le petit Jacob est dans la même classe que Milo. Cette maman a en effet organisé une après- midi « jeux » à laquelle Milo a été invité. Mais arrivée sur place, Marissa découvre dépitée que Milo n’est pas là. Ni Jacob. Ni Jenny.

« Parce que tu es mon mari et que ce que tu penses compte pour moi, même si ce que je pense ne compte plus beaucoup pour toi, conclut-elle tristement en attrapant les clés sur le comptoir et en franchissant la porte d'entrée. » La disparition du petit Milo entraîne bien des règlements de compte dans les familles qui résident aux alentours… Des rancœurs explosent, alourdies par de profonds secrets.

« Mais rien ne pouvait échapper à la personne qui vivait sous votre toit, à la personne à qui vous confiiez votre enfant. La personne qui passait des heures chez vous en votre absence. La personne qui avait accès à chaque pièce, chaque tiroir, chaque courrier, chaque centimètre carré de votre maison. A chaque cheveu sur la tête de votre enfant. » Cette enquête met en lumière la question de la confiance que l’on accorde à une personne extérieure pour s’occuper de notre maison, et plus important, de nos enfants.

Au final, une histoire très intéressante, aux nombreux rebondissements et à l’issue inattendue. La première partie est toutefois un peu trop longue et languissante, mais la suite et la fin, heureusement, nourrissent de nouveau le suspense.