mercredi 4 juin 2025

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)


 

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)

💙💙💙💙

Vous vous intéressez aux faits divers et au fonctionnement des tueurs en série ? Ce roman adressé aux adolescents à partir de quinze ans vous fera vivre une enquête « de l’intérieur », aux côtés d’un garçon ayant assisté aux meurtres perpétrés par ses parents. Une fiction largement inspirée par des affaires judiciaires ayant vraiment existé, comme l’affaire Fourniret (entre autres).

« Comme si c'était possible, ne pas être terrorisé à l'idée de ce qui m'attendait. J'allais rencontrer la Veuve Duval. Ma Mère.
La revoir. Elle. »
Clément accepte de rencontrer sa mère, emprisonnée depuis dix ans pour complicité de meurtre. Elle a en effet aidé son mari, Etienne, à enlever et éliminer plusieurs jeunes filles.

« Il restait huit corps.
Huit. Les huit dernières victimes du couple Duval. Les huit mortes qu'ils avaient gardées pour eux. »
La mère de Clément monnaye leurs rencontres à coups de révélations sur l’emplacement des corps ensevelis par elle- même et son mari.

« Elle veut que je me souvienne de tout et, peu à peu, ça me revient. Ça remonte des profondeurs.
Je crains de découvrir du sale. »
Clément a trouvé la paix en étant accueilli par la famille Aubry, des agriculteurs ayant la main sur le cœur. Grâce à eux, il a trouvé un semblant d’équilibre, la possibilité de se projeter dans un avenir en oubliant son passé. La démarche de sa mère risque de mettre à mal la stabilité du jeune homme de dix- sept ans.

Au final, un récit captivant. Personnellement, je ne me suis jamais projetée dans l’esprit d’un enfant de criminel et ce roman en donne un aperçu criant de vérité. Comment faire face au parent restant, insistant pour se justifier ? Que faire du conflit de loyauté ? Certains passages font froid dans le dos. Une lecture marquante.  

mardi 3 juin 2025

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)


 

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)

💥💥💥💥💥

Je referme ce livre avec énormément d’émotion, les larmes au bord des yeux. Jérôme Colin a su parler à l’adolescente que j’ai été jadis, explosive et parfois (probablement souvent) violente face à mon incompréhension du fonctionnement du monde et mon statut actuel de professeur en collège, cette fois, désarmée par la souffrance ressentie par certains de mes élèves…

« Les bibliothèques ordonnées sont des cimetières. "Comment tu veux t'y retrouver dans ce foutoir", disait- elle. Elle n'a jamais compris que j'aimais justement m'y perdre. Promener mon regard sur les dos, saisir un roman au hasard, humer ses pages, retrouver une phrase soulignée lors de sa lecture. Chercher un livre. En trouver dix autres. » Jérôme, 35 ans, se retrouve en difficulté lorsque sa compagne depuis dix ans lui demande de coller au schéma sociétal attendu : un couple, une maison, un chien, des enfants. Pour cela, il faut ranger la maison. Et la bibliothèque ; ce lieu plein de secrets et de mystères…

« Quand doit- on rouvrir les pages de son enfance ? Quand est- il temps de retourner à l'endroit exact où l'on s'est pourtant promis de ne jamais revenir ? » Sur l’étagère, un carton plein de souvenirs de fin d’enfance… Enfin, plutôt d’adolescence, lorsque Jérôme a été interné dans un centre fermé pour jeunes en difficultés sociales et psychologiques. Le début d’une prise de conscience, ou plutôt une rencontre éclairante avec une certaine Colette, fardée de noir et suicidaire.

« Pour avoir envie de s'asseoir au premier rang, il faut y croire. Il faut avoir confiance en ce monde et envisager de pouvoir y trouver sa place. Or, je n'avais pas confiance. Et la place qu'ils avaient prévue pour moi, je n'en voulais pas. J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait. » Jérôme énonce des problèmes intrinsèques à son enfance ; ce rejet de la vie trop « normale » de ses parents et la difficulté d’y trouver une place. Jérôme a envie « d’autre chose » mais ne sait pas de quoi exactement…

Au final, une lecture bouleversante, fracassante même. Personne ne peut en sortir indemne, que ce soit du fait de son histoire, de celle de ses enfants, de cette société dans laquelle on ne se reconnaît plus. Indispensable.