jeudi 23 janvier 2020

Murène, Valentine Goby

Murène, Valentine Goby

★★★★★


« Il choisit le roman, sans doute parce que seule la fiction peut convaincre un lecteur de se risquer à entrer dans pareille histoire. » Cette phrase a attiré mon regard, fait tourner mes méninges… J’avais repéré ce roman dès sa sortie, mais je le tenais éloigné, volontairement, de mes mains. Il m’effrayait… J’ai travaillé quelques années avec des adolescents polyhandicapés ; j’en garde un souvenir ému et j’avais peur de tomber sur un cumul d’idées préconçues sur les personnes handicapées.  J’étais effrayée à l’idée de lire le portrait trop clinique d’un homme diminué.


Il aura fallu la venue de l’auteure dans une librairie située dans la ville où je vis pour que je me décide à lire ce roman contre lequel j’avais construit une barrière mentale.


Au final, c’est bien moi-même qui suis coupable de projections d’idées préconçues : ce roman, terriblement humain m’a emportée par la justesse de son récit. 


Hiver 1956, François, jeune homme dynamique va, suite à une imprudence, se voir amputé des deux bras. Deux choix vont s’offrir à lui : s’en vouloir et se laisser gagner par la rancœur : « Ce qu'ils font à ce corps il s'en fout, il pèse le poids d'un noyau de pêche, vingt et un grammes maximum, ce que pèse l'âme selon les calculs de Duncan MacDougall, médecin américain. » Ou alors, tout à l’inverse, tenter le pari de vivre… Survivre… 


En 1956, les appareillages ne sont pas les prothèses d’aujourd’hui. Il faut une sacrée rage de vivre pour pouvoir les utiliser. Mais François tâtonne sous la plume de Valentine Goby. L’auteure lui laisse le droit de se plaindre, de râler, de tout casser. François n’est pas un personnage lisse qui accepte toutes les contraintes. A eux deux, ils font appel aux classiques de la mythologie, aux « Métamorphoses » d’Ovide qui permettent aux humains qui souffrent de trouver un havre de paix dans le milieu naturel : « J'écris sur le pari de vivre, les métamorphoses qu'il engendre, et le réel n'est pas moins cruel que la fiction dans son obstination à défier notre préférence pour la vie. »

François trouvera son salut dans l’eau, d’où le titre. 

Mais la route  qui va le mener jusque-là sera un véritable chemin de croix que je vous invite à emprunter…

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