vendredi 2 décembre 2022

Les Demeurées, Jeanne Benameur (Galimard, 06/2002)



 Les Demeurées, Jeanne Benameur (Galimard, 06/2002)

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L’idiot du village, cette personne impossible à comprendre, mais que l’on accepte avec un sourire en coin sur les lèvres. Jeanne Benameur s’en saisit au féminin, et y insère la problématique de l’enseignement : comment faire une place à l’école du village à la fille de La Varienne, cette simplette vivant à l’écart de la société ; exclue parce qu’elle est ignorante ; ou pour reprendre les termes de l’auteure, parce qu’elle est « demeurée » ?

 

« A l'abrutie, il manque de joindre.
Rien n'est assez puissant pour faire aller le geste jusqu'à l'objet, l'esprit jusqu'à l'image. Le temps n'y fera rien. La mère et la fille, l'une dedans, l'autre dehors, sont des disjointes du monde. »
L’auteure utilise volontiers l’onirisme pour placer cette histoire de duo mère- fille dans un genre d’univers parallèle où l’on vit dans le silence, se comprenant par les gestes et les regards. Nul besoin de savoir pour construire et entretenir un lien fusionnel entre la mère et son enfant, vivant heureuses à l’orée de la société.

 

« Elle demeure. Abrutie comme sa mère. Aimante et désolée. » Luce vit. Elle se contente d’un quotidien simple, composé de repas et de moments partagés avec sa mère. Pourquoi devrait-on la sortir de cet environnement contenant et suffisant ? C’est qu’en France, l’obligation scolaire est inscrite dans l’institution depuis la loi Jules Ferry de 1882...  

 

« Mademoiselle Solange soupçonne qu'au fond de la tête de cette enfant se niche une dureté têtue, une obstination qu'il s'agirait de vaincre. Luce n'apprend rien. Luce ne retient rien. Elle fait montre d'une faculté d'oubli très rare : un don d'ignorance. » Une nouvelle institutrice arrive et elle n’a qu’une idée : faire respecter cette obligation scolaire. Alors elle va venir chez La Varienne, lui « enlever » Luce, parce que c’est la loi, revenir la chercher quand elle ne paraît pas ; persuadée qu’elle va pouvoir en quelque sorte « guérir » la petite de son ignorance.

 

Au final, un roman court et éthéré, qui soulève la question de l’inclusion des personnes handicapées dans notre société. Des phrases courtes dans des paragraphes réduits au strict minimum, comme s’ils représentaient quantitativement les possibilités mentales de ces deux femmes. Un récit sensible, bref, trop bref, qui touche le cœur. Direct.

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