mercredi 18 mars 2020

Les jumelles martyres, Isabelle et Mireille Grenier


Les jumelles martyres, Isabelle et Mireille Grenier ( Editions de Mortagne, 2018)

★★★☆☆

Un témoignage percutant, qui met mal à l’aise. Âmes sensibles, passez votre chemin…

Isabelle et Mireille Grenier ont décidé de raconter le calvaire qu’elles ont vécu petites filles pour deux raisons : témoigner des insuffisances des Services sociaux (même si cela se déroule au Canada, on a déjà lu des reportages dénonçant ces mêmes manquements chez nos Services sociaux français), et montrer qu’une résilience est possible, qu’une vie heureuse en tant qu’adulte équilibré peut s’envisager quand on a connu les pires cruautés dans sa plus tendre enfance.

Les jumelles ont été abandonnées à la naissance par une maman qui avait déjà eu trop d’enfants. Le fait qu’elles soient à adopter ensemble ne facilite pas la démarche. Elles devront attendre l’âge de deux ans pour qu’une famille, les Lavoie, jette leur dévolu sur elles. Cette potentielle famille adoptante voit surtout en ces deux gamines une source de revenus non négligeables…

Très vite, les deux petites se retrouvent dénudées, attachées à leur lit, à se nourrir de restes et à subir des brimades d’une cruauté inqualifiable au quotidien. Certaines scènes des sévices subis racontés sont insoutenables. Par la suite, les fils Lavoie vont ajouter d’autres cruautés au calvaire des gamines, en assouvissant leurs besoins sexuels et en permettant à leurs copains de faire de même sur ces pauvres petites ; encore justement si petites… C’est honteux, cruel, inhumain. Les animaux ne font pas subir ce genre d’atrocités aux leurs.

Les services sociaux se doutent que quelque chose cloche, mais leurs visites s’espacent et rien n’est fait. Mme Lavoie prétend s’occuper si bien des petites.

La suite de leur expérience des familles d’accueil ou adoptantes n’est guère plus joyeuse, et pourtant, Isabelle et Mireille l’attestent, main dans la main : elles ont réussi à s’en sortir.
Un exploit vu ce qu’elles ont vécu.

mardi 17 mars 2020

L’homme aux murmures, Alex North

L’homme aux murmures, Alex North ( Seuil, 03/2020)

★★★★★

Vous avez aimé le film « Sixième sens » de Night Shyamalan ? Précipitez-vous sur ce thriller !!!
Moi qui suis un peu froussarde par rapport à ce qui a trait au surnaturel, à la présence parmi nous d’esprits de défunts, j’avoue avoir frissonné plusieurs fois en lisant certaines scènes !

Nous sommes ici sur une intrigue de disparition d’enfants. Pete, notre enquêteur, a l’impression de se réveiller d’un vilain cauchemar lorsqu’il apprend la disparition de Neil Spencer, six ans. En effet, il a enquêté vingt ans auparavant sur une série d’enlèvements et de meurtres de petits garçons à Featherbank, ville qualifiée de tranquille. L’assassin avait été arrêté et il est toujours incarcéré. Qui donc vient perpétrer de nouveau ce genre de crime selon le même mode opératoire ?

« Les cas de disparition d'enfants se divisent en cinq catégories : les rejetés, les fugueurs, l'accident ou la mésaventure, l'enlèvement par un proche, l'enlèvement par un membre extérieur à la famille. » Pete n’aura qu’un seul indice : Neil s’est plaint d’entendre sous sa fenêtre « L’homme aux murmures »…

Pendant ce temps-là, Tom, veuf depuis peu, vient s’installer dans une maison que l’on dit hantée avec son fils de sept ans, Jake. Ce dernier aussi entend des murmures sous sa fenêtre…

Alex North signe ici un premier roman remarquablement maîtrisé. Aucune incohérence, aucun défaut de style. Un récit construit comme un puzzle dont les parties sont distillées au fil des chapitres. Et cette fin !!! Brrr !!!! J’en frissonne encore !!!

mercredi 11 mars 2020

Les Mystères de Rowlington, Clara Le Corre

Les Mystères de Rowlington, Clara Le Corre (Fyctia, 02/20)

★★★★★

Ce roman est une jolie surprise ! Moi qui ne suis pas fan de fantasy, j’ai pris un immense plaisir à lire ce récit dans lequel une jeune fille, Dawn, livre un combat féroce contre les « Animaudits », des animaux modifiés par quelques sortilèges magiques imaginés par des sorcières toutes plus impitoyables les unes que les autres ! Ces pauvres bêtes, que ce soient des chats, des chiens ou des vaches, sont devenues depuis leur transformation des créatures cruelles dévoreuses d’homme.

Pour l’heure, nous sommes au jour de la rentrée au lycée pour Dawn qui ne décolère pas. Elle a rompu depuis peu avec son petit-ami, Armand, et celui-ci se pavane déjà, dès le premier jour, avec une jeune fille prétentieuse et « m’as-tu vu » au possible. De plus, un chat noir qui parle et qui dit s’appeler Cacho, ne la quitte pas d’un poil alors que les animaux sont interdits dans l’enceinte de son établissement scolaire.
Alors quand une nouvelle élève, Leotta, est intégrée dans sa classe et se met immédiatement à provoquer Dawn, celle-ci sent que les ennuis vont très vite s’accumuler.

Il faut dire que Dawn est une écorchée vive. Elle culpabilise énormément, et on la comprend, car elle est responsable de la disparition de son petit frère, Jay. C’est entièrement sa faute si celui-ci est sorti la nuit alors qu’un couvre-feu avait été mis en place. Cela fait un an, mais Dawn ne pourra jamais se le pardonner ; elle est marquée à vie par ce drame dont elle se sentira à jamais coupable.

Les évènements vont s’accélérer, les pages se tourner à une vitesse folle tellement j’ai été captivée !  J’avais peur de me retrouver dans une copie de Poudlard, mais pas du tout ! L’univers créé par Clara Le Corre est original, mêlant la magie à des sujets de la société actuelles tels l’homosexualité et l’exploitation animale.

Les personnages sont très bien construits, et j’aimerais adresser une mention spéciale au grand lord Oscar von Hawk, dont j’ai adoré les réparties. Par exemple : « Jeune créature, je suis un revenant, l'interrompit le squelette en levant son doigt d'un air docte. J'ai été réanimé pour de tristes desseins contre mon gré. Oui, demoiselle, acquiesça-t-il quand Leotta porta ses mains à sa bouche. J'étais dans mon manoir avant que cette gueuse à crapaud ne s'y installe. C'est elle qui m'a ramené à la vie. Dépendeuse d'andouilles. Elle disait qu'elle avait besoin de moi. Or, j'ai refusé d'être esclave dans mon propre manoir. Je n'ai pas l'allure, ni la patience, ni la docilité d'une soubrette. »

Clara Le Corre est, j’en suis sûre, une auteure à suivre !

dimanche 8 mars 2020

Toute la violence des hommes, Paul Colize


Toute la violence des hommes, Paul Colize (Hervé Chopin éditions, 03/2020)

★★★★★

Ce roman est mon premier coup de cœur thriller de ce début d’année ! J’ai tout aimé ; la forme, le fond, la psychologie des personnages, l’ancrage dans l’Histoire de la fin du XXème siècle, et le style de Paul Colize, que j’ai trouvé innovant dans le genre.

« La violence des hommes éclaboussait les siècles. Leur cruauté était sans limites. Les temps de paix n’étaient que de brefs intervalles entre les guerres, les génocides et les massacres. »
Nikolas Stankovic, né en Croatie, est accusé du meurtre d’Ivanka Jankovic, originaire du même pays. Ce jeune homme reste mutique. On découvre rapidement qu’il est le « Funambule », un artiste qui, depuis plusieurs mois, peint des fresques monumentales et choquantes sur les murs des immeubles de Bruxelles. Malgré des preuves attestant de sa culpabilité, il ne sort de son mutisme que pour prononcer ces mots : « C’est pas moi ».
Pauline Derval, directrice de l’établissement de santé mentale dans lequel « Niko » est interné, ainsi que Philippe Larivière, avocat de son dernier, vont tenter de remonter le fil de la vie de cet étrange inculpé, qui ne semble s’exprimer qu’à l’aide de ses Posca.

J’ai adoré la sensibilité de l’auteur qui lui permet de centrer l’attention du lecteur sur quelques personnages qui, dès le début, présentent des failles que l’on devine profondes sans qu’elles ne soient évidentes. Ses chapitres sont courts, incisifs. Les pages se tournent avec avidité parce que les indices sont distillés avec une parcimonie justement et intelligemment dosée.

« Personne ne penserait à se battre pour une question d’écriture. » Et pourtant…

Ne passez pas à côté de ce roman captivant et intelligent !

jeudi 5 mars 2020

La Chinoise du tableau, Florence Tholozan


La Chinoise du tableau, Florence Tholozan (M+Editions, 2019)

★★★★☆

Une jolie histoire pleine de tendresse mais aussi de fantaisie puisque l’histoire d’amour racontée s’entoure de réminiscences mystérieuses liées à un mystérieux tableau acheté par un couple dans un vide-greniers.

La narration en relais par les divers protagonistes de l’histoire et à des époques différentes donnent un dynamisme appréciable au récit, comme une espèce de suspense.
« Il s'agit d'une histoire d'âmes. Et, par la plus extraordinaire des coïncidences, les inclinations que l'on éprouve, amicales ou bien amoureuses, débutent toutes par la lettre A, tout comme âme ! » nous dit Mélisende qui a rencontré Guillaume depuis peu, avec qui tout est comme une évidence… Comme cette impression de « déjà vu, déjà vécu » que nous ressentons tous un jour ou l’autre. Mais aussi comme la pièce manquante du puzzle qui nous constitue : « J'ai pris conscience de ma fragilité. J'ai besoin de toi à mes côtés, dorénavant. Ton amour me nourrit, m'épaule, et donne une justification à ma vie. Tu me rends forte. »

Suite à l’achat de cet étrange tableau qui semble les représenter, Mélisende et Guillaume vont partir en Chine à la recherche de la Chinoise qui est représentée comme troisième personne du tableau. Les coïncidences vont se cumuler au fil de leurs déambulations dans la région du Guangxi. C'est un récit de voyage intéressant, mais j'avoue que certaines descriptions se sont révélées un peu longues pour moi.

Au final, c’est une jolie fable sur l’amour éternel, dont la morale pourrait être la suivante : « C'est à cela qu'on reconnaît l'amour, le vrai. A cette certitude que l'on sera là pour l'autre, quoi qu'il arrive, et qu'il sera également là pour soi. »