vendredi 15 août 2025

Wasurenagusa, Aki Shimazaki (Acte sud, 2003)

 


Wasurenagusa, Aki Shimazaki (Acte sud, 2003)

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Voilà des années que je n’avais plus lu cette auteure ; quelle erreur ! Ses histoires à la fois poignantes et pleines de délicatesse me touchent toujours autant. Dans ce tome 4 de la saga « Le Poids des secrets », nous sommes aux côtés de Kenji Takahashi, un homme désespéré par l’impatience de ses parents, qui appartiennent à une famille de haute lignée, qui insistent pour qu'il leur donne un héritier.

Mon père lui dit : "Tout ça, c'est grâce à Sono, qui est bonne avec les enfants." Pourtant, ma mère lui dit : "Elle est d'origine douteuse. Elle ne convient pas à notre famille." Kenji, le narrateur, ressasse sans cesse les doux souvenirs qu’il a partagés avec sa nurse, Sono. Après avoir été renvoyée par ses parents, celle- ci s’est exilée en Mandchourie, mais a gardé le contact avec lui en lui écrivant régulièrement.

« Je ne voudrais pas rester célibataire toute ma vie. Cependant, je ne suis pas encore prêt à accepter l'idée de me remarier : j'ai un gros problème. Tôt ou tard, je devrai "le" dire à mes parents. Cela me pèse beaucoup, plus que le problème lui- même. » Le père de Kenji vient d’une famille illustre dont le nom s’est transmis sur de nombreuses générations. Au Japon, cette transmission est une institution ; la famille y est une valeur sacrée. C’est pourquoi le jeune homme peine à avouer « sa » vérité à ses parents….

« Si vous plaisez à Mariko et que vous la demandez en mariage, je veux que vous teniez parole quoi qu'il arrive. Si cela ne vous est pas possible, veuillez la laisser maintenant. Je ne veux plus qu'elle soit jamais blessée. » Résigné à ne pas fonder de famille, Kenji tombe pourtant sur le charme de Mariko, une mère célibataire étant elle- même orpheline. Mais comment faire accepter cette idée du couple à des parents traditionalistes ?

Au final, Aki Shimazaki met en œuvre ses talents d’écrivain pour parler d’un mal sociétal que l’on ne retrouve pas uniquement au Japon. De nombreuses grandes familles tiennent à ce que leur nom et leurs richesses soient transmises de père en fils. Elle questionne également le statut de l’épouse, et celui de la fille ; qui restent éloignées de la transmission, quand elles ne sont pas accusées à tort d’une stérilité rédhibitoire. Inspirant et tellement beau.  

jeudi 14 août 2025

D’entre les morts, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2025)

 


D’entre les morts, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2025)

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Quel plaisir de retrouver les paroles de mon « chanteur » préféré, Papa Het, en exergue de ce roman ! Les paroles de « Wherever I may Roam » donnent le « la » de ce troisième tome des enquêtes du duo Venturi – Montalvert…

« Une détonation sèche.
La balle vint la frapper en pleine poitrine. Fauchée, la frêle jeune femme s'effondra. »
Dès les premières pages, voilà que ma psy de fiction préférée se retrouve terrassée. Quelle angoisse ! Alexis Laipsker a su me saisir en quelques lignes ; parce que non, ce n’était pas possible de me laisser en plan avec cette mort « sur ma conscience » !

« La terre brune, tapissée d'épines et de pommes de pin fit place à un sol craquelé et recouvert de cendres. Elle eut l'impression d'entrer en enfer. Elle ignorait encore que chacun de ses pas la rapprochait effectivement de l'enfer, le vrai. Celui des hommes. » Alors que des incendies font rage dans les forêts d’Occitanie, des jeunes femmes sont brutalement enlevées puis assassinées. Les enquêteurs peinent à trouver le lien qui les lie et qui serait susceptible de les mettre sur les pistes d’un tueur toujours prêt à recommencer.

« L'impensable se matérialisait.
De ce tas abominable, elle commençait à distinguer des formes. Elle s'essuya le front du revers de la main.
Des jambes, des bras. En partie calcinés.
Puis, crescendo, vint le bourdonnement atroce d'une multitude de mouches. Elles étaient si nombreuses que la scène paraissait floue. »
L’assassin nourrit une obsession particulière pour un profil de femme. Les scènes de crime qu’il laisse derrière lui sont abominables de cruauté. Venturi et Montalvert sauront- ils l’arrêter à temps ?

Au final, une histoire glauque mais captivante. Alexis Laipsker sait tenir son lecteur en haleine en lui servant uniquement les scènes d’action, à l’aide d’une écriture cinématographique parfaitement rodée. J’ai aimé encore une fois me laisser mener par le bout du nez, jusqu’à la révélation finale, bluffante !

lundi 4 août 2025

Les crédits, Damien Peynaud (Noir sur blanc, 08/2025)


 

Les crédits, Damien Peynaud (Noir sur blanc, 08/2025)

💛💛

Ce livre fait partie de la rentrée littéraire d’août 2025 et j’ai pu le lire en avant- première grâce à une Masse critique organisée par le site Babelio. L’auteur avertit le lecteur dans la 4eme de couverture ; ce n’est « ni une autofiction ni un témoignage ni un récit ». Pourtant, j’ai eu l’impression que le nœud de ce récit prenait bien son départ dans la propre vie de Damien Peynaud, entre une famille qui use des crédits à la consommation et un intérêt manifeste pour le cinéma (en lien avec la carrière de l’auteur).

« Les objets sont entrés par la porte de notre appartement, comme chez Berthier. Ils ont pris place. Je ne les ai pas tous vus entrer, mais j'ai vécu leur présence parmi nous. » C’est à l’occasion d’une soirée chez ses parents que le narrateur et son frère vont archiver des photos familiales. Par ces images, il va pouvoir constater que son père a été un acheteur compulsif et que ce comportement a été la cause de nombreuses souscriptions de crédits à la consommation, jusqu’à un étrangement financier mettant la famille en position de surendettement.

« Il n'y a pas d'avant. Je suis né, j'ai grandi avec le crédit et les crédits. Il n'est pas arrivé à moi par surprise. Il s'est lentement dévoilé, son sens m'a peu à peu pénétré. Ma mémoire a démarré avec le mot. » Le narrateur tente de rapprocher la situation de ses parents, employés tous deux, et donc, bénéficiant d’un salaire, de celle de Gérard Jugnot et de celle de Louis de Funès. Là, j’avoue que j’ai complètement décroché du récit…

Au final, une lecture intéressante dans le premier tiers, mais qui devient ennuyante par la suite. Je ne suis pas cinéphile et le rapport qu’entretiennent les acteurs et les réalisateurs avec l’argent m’indiffèrent au plus haut point. Par contre, ayant eu une famille qui a eu tendance à l’excès de souscriptions de crédits à la consommation, j’avais espéré lire une histoire dans laquelle j’aurais pu me retrouver, et comprendre – peut- être- cette nécessité d’avoir toujours plus que le voisin. Dommage.

Destination extrême : catacombes de Paris, Magali Laurent (De Mortagne, 04/2024)

 


Destination extrême : catacombes de Paris, Magali Laurent (De Mortagne, 04/2024)

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Nouveau voyage en compagnie du DATO (pour « Dark Tourism), direction les catacombes de Paris, mais attention, le but ultime de ce court séjour est d’explorer les anciennes carrières souterraines interdites au public pour y vivre des expériences morbides inoubliables !

« - L'apéritif de la marquise de Brinvilliers... Le pâtissier de la rue de Chanoinesse... Le docteur Satan et... une cérémonie sacrificielle... C'est quoi, tout ça ? » Mathys tombe des nues en découvrant le programme du voyage que lui propose sa petite amie, Lili. Mais comme il est prêt à tout pour qu’elle ne le quitte pas, il va fermer les yeux et la suivre dans cette aventure, en compagnie d’un couple adepte de l’échangisme, Odile et Joseph. L’ensemble ne lui plaît pas, mais pour Lili, il serait capable de faire tout et n’importe quoi… Mais c’est sans compter sur le fantôme de sa petite sœur, Maëlle, qui va venir le hanter et risquer de tout faire capoter…

Au final, un roman glauque qui ne m’a pas plu du tout. L’écriture est simpliste au possible (on dirait une rédaction d’adolescent !), le vocabulaire utilisé est souvent vulgaire et l’utilisation de termes et d’expressions canadiennes ne facilitent pas la fluidité de la lecture. Par ailleurs, l’histoire ne présente aucun intérêt, entre la sexualité des personnages et l’inutilisation du potentiel narratif qu’auraient pu déclencher les catacombes de Paris ! 

Coup de foudre dans l’avion ! Kevin Tran (Michel Lafon, 06/2025)

 



Coup de foudre dans l’avion ! Kevin Tran (Michel Lafon, 06/2025)

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J’ai vu passer ce manga sur plusieurs comptes Bookstagram et je connaissais l’auteur de nom, même si je ne suis abonnée à aucun de ses comptes car leur contenu ne m’intéresse pas, j’avoue… Vu les avis positifs concernant ce livre, j’ai pensé que c’était pour moi l’occasion de changer d’avis. Fausse « bonne » idée !

« On a joué au sudoku pendant une heure, c'est pas une blague ! Normalement tu demandes à ton crush son numéro... Eh bah moi, je lui en ai demandé plein !! » Dans le vol Séoul – Paris qui le ramène chez lui, Kevin tombe sous le charme de la passagère voisine. Mais il est tellement troublé qu’il en perd tous ses moyens…

« Quels sont ses rêves dans la vie ? Comment c'est, de grandir en Corée ? On aurait pu partager tant de choses... Si seulement j'avais eu plus de temps. » A mesure que leur conversation avance, Kevin se rend compte qu’il va être compliqué d’envisager une relation amoureuse avec la jolie Coréenne ; en effet, elle ne compte passer qu’une nuit à Paris. Le jeune homme va devoir faire preuve d’imagination et de courage pour permettre la possibilité d’un futur avec elle.

Au final, un manga qui se lit très vite, trop vite, et qui m’a laissée vraiment sur ma faim. Je comprends bien que ce manga existe pour que le travail de mangaka de Kevin Tran soit connu, mais l’ensemble est tout de même beaucoup trop léger à mon goût. J’aurais apprécié des efforts dans la syntaxe et davantage de contenu en ce qui concerne les personnages (leur passé, leur quotidien, etc).

Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu (Actes sud, 08/2018)

 


Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu (Actes sud, 08/2018)

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C’est le film « L’amour ouf » qui m’a donné envie de sortir ce Prix Goncourt de ma PAL. J’avais envie de retrouver cette ambiance des années 90, celle de mon adolescence… Même si le personnage principal est un garçon, j’ai pu facilement m’identifier à lui. En effet, c’était pour moi aussi la période où l’amitié était si forte, les premiers flirts si troublants et les relations avec les parents si houleuses ; d’autant plus que j’habitais une petite ville qui me semblait terne, inintéressante et loin de tout…

« Chez eux, on était licencié, divorcé, cocu ou cancéreux. On était normal en somme, et tout ce qui existait en dehors passait pour relativement inadmissible. Les familles poussaient comme ça, sur de grandes dalles de colère, des souterrains de peines agglomérées qui, sous l'effet du Pastis, pouvaient remonter d'un seul coup en plein banquet. » Heillange, petite ville industrielle de l’est en plein déclin. L’ennui, le désœuvrement et l’alcool y font des ravages. Anthony, quinze ans, cherche son premier amour, entre autres premières expériences…

« Ils n'étaient pas tellement méchants, mais durcis déjà, orgueilleux et cogneurs. Après le CM2, on ne les voyait plus. Sans doute qu'ils allaient s'agglutiner dans les filières spécialisées en attendant l'âge légal. Ils menaient ensuite des vies marginales, d'allocations et de menus larcins, familles tuyaux de poêle qui faisaient le coup de poing et accouchaient de temps en temps d'une force de la nature qui foutait la frousse à tout le canton. » Des clans séparent les jeunes : les enfants d’ouvriers, les « grosses têtes » (ou « Cassos »), les Bourgois et les Arabes ne se mélangent pas. Des différences qui créent des tensions, qui vont prendre de l’ampleur au fur et à mesure des années.

« Et Steph soudain découvrait que le destin n'existait pas. Il fallait en réalité composer son futur comme un jeu de construction, une brique après l'autre, et faire les bons choix, car on pouvait très bien se fourvoyer dans une filière qui demandait des efforts considérables et n'aboutissait à rien. » Nos jeunes héros ont du mal à trouver leur voie dans un environnement professionnel local sans avenir. Mais difficile pour eux de s’extraire de leur ville d’origine… et de leur condition sociale !

Au final, un roman prenant, surtout parce que j’y ai trouvé des références propres à mon parcours, mais aussi parce que Nicolas Mathieu sait parfaitement retranscrire l’ambiance pesante de ces années- là, le désœuvrement ambiant qui coupe toute envie d’essayer de réussir aux adolescents. Une époque qui pourrait se résumer à l’expression « à quoi bon ? » avec une utilisation subtile de l’expression des émotions. Un roman parfait pour les quinquas !