Cette nuit qui m’a donné le jour, Frédéric Perrot (Mialet Barrault, 02/2022)
💙💙💙💙
Ah, ce thème des secrets de famille ; il
en aura fait couler de l’encre ! Frédéric Perrot s’en est emparé ici pour
produire un récit qui sort un peu de la norme de ce que j’ai pu lire jusqu’à aujourd’hui.
Avec poésie et délicatesse, il raconte à un jeune homme qui vient de perdre son
père, l’histoire d’amour que ce dernier a vécu en secret. Une révélation à la
saveur amère pour un fils qui voyait en lui un modèle de probité.
« Sans en avoir conscience, il vient d'activer un
engrenage qui va mettre un coup d'arrêt à quelques- unes de ses certitudes, de
ses croyances. C'est une religion toute entière qui est sur le point de
s'éteindre, celle de l'enfance et sa panoplie de trompe- l'œil. » C’est bien souvent au moment où l’on se décide de ranger les
affaires du défunt que l’on pénètre son intimité et que l’on en prend des
détails, jusqu’alors cachés, de plein fouet. Etienne découvre un texte qu’Henri,
son père, lui a destiné.
« On trinque et je songe que le bruit de deux bières
s'entrechoquant est le plus merveilleux sur terre. Avec, peut- être, celui qui
se produit quand vous les décapsulez. Le chant d'une mésange n'a aucune forme
d'intérêts à côté de ça. » Henri est un amoureux de la vie, de ses saveurs, de ses
couleurs, de ses odeurs. Mais cela, il l’a découvert à trente ans, à l’occasion
d’une rencontre qui aura bouleversé sa vie.
« Souvent je le hais, d'une haine haineuse, et la
seconde d'après je l'aime d'un amour amoureux. Qu'on me fond dans du métal,
qu'on m'aplatisse, qu'on m'affuble d'une crête et qu'on me foute en haut du
clocher d'une église, je serai la girouette idéale, je le jure, et le vent
chaud de ce printemps misérable achèvera d'assécher ma rancœur. » Il aurait fallu deux vies à Henri pour qu’il puisse vivre
chacune d’elle pleinement. Marlène, sa femme, la mère d’Etienne, prend la
parole vers la fin du roman pour nous livrer son point de vue. Les deux récits
sont rédigés à la première personne, pour leur donner une certaine force
émotionnelle, tandis que les passages concernant Etienne sont à la troisième
personne du singulier. Comme pour attester de son extériorité à l’histoire
parentale, pour faire de lui l’un des nombreux oiseaux qui passent dans le
récit, mais jamais ne s’y posent.
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