Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy (Actes sud, 08/2022)
💙💙💙💙
Minh Tran Huy est une romancière et journaliste reconnue. Elle prend le pari ici de prendre la plume pour parler de son fils, Paul, qui jamais ne lira les mots couchés sur le papier par sa mère. Car Paul est autiste.
« Les Etats- Unis, tout comme le reste de
l'Europe, ont abandonné dans les années 1960 les théories psychanalytiques
attribuant l'autisme à un traumatisme psychologique. Pas la France, férue de
psychanalyse depuis longtemps - c'est le pays qui compte le plus grand nombre
de psychanalystes par habitant dans le monde. Le combat continue de faire rage
entre ceux qui considèrent qu'un enfant comme Paul, victime d'une hypothétique,
si ce n'est fantasmagorique, "blessure psychique", ne parle pas parce
qu'il ne veut pas parler ; et ceux qui pensent qu'il ne parle pas parce qu'il
ne peut pas parler, et qu'il faut par conséquent l'aider à acquérir les
compétences (communicationnelles, cognitives, sociales, motrices…) dont
disposent les enfants ordinaires. » La France, éternelle Lacanienne, a bien du mal à se
secouer et à envisager d’autres prises en charge que la psychanalyse pour
soigner les âmes en détresse. L’enfant va mal ? C’est la faute de sa mère…
« Nous sommes en 1990 et la réussite de
Temple est d'ores et déjà spectaculaire: la fillette qui tapissait sa chambre
de ses excréments, se débattait en hurlant pour des raisons que nul ne
parvenait à saisir, l'enfant violente, incontrôlable, que son père et les psychiatres
voulaient institutionnaliser, celle que ses camarades d'école, de collège, de
lycée traitaient de "tarée" avec un mélange de peur et de mépris,
occupe désormais le poste de professeur d'université en science animale, auquel
elle a ajouté les casquettes d'ingénieure et de femme d'affaires […]. »
La romancière prend
appui – et espoir- sur le chemin de vie de Temple Grandin ; ébahie de
constater que les soins qui lui ont permis d’avancer vers une espèce de « conformité
sociétale » sont nés de l’instinct de la mère, puis de l’attention d’un
professeur. Inspirant, mais ô combien culpabilisant quand on ne parvient pas à
faire de même…
« En jetant toutes nos forces dans une
bataille quotidienne contre l'autisme, Adrien et moi avons oublié qu'il
s'agissait d'un marathon et non d'un sprint. Nous avons négligé de prendre soin
de nous comme il l'aurait fallu et avons du mal à maintenir la tête hors de
l'eau. » Les parents ont tout
donné pour leur petit Paul : temps, énergie et argent. Au point d’en
souffrir. 85% des parents d’enfants autistes divorcent ; comment résister
malgré ces quotidiens sans répit qui se suivent et se ressemblent désespérément ?
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