L’événement, Annie Ernaux (Gallimard, 03/2000)
💙💙💙💙💙
Annie Ernaux
a reçu le Prix Nobel de littérature il y a quelques jours. Une récompense qui
me ravit et qui m’a donné envie de me replonger dans l’œuvre de cette grande
dame ! Il se trouve qu’après avoir lu « Le jeune homme », au
printemps, je m’étais procuré « L’Evénement » dans la foulée. Je l’avais
laissé de côté, et j’ai été ravie de pouvoir m’y plonger ces jours- ci.
« Si
beaucoup de romans évoquaient un avortement, ils ne fournissaient pas de
détails sur la façon dont cela s'était exactement passé. Entre le moment où la
fille se découvrait enceinte et celui où elle ne l'était plus, il y avait une
ellipse. » Nous sommes en 1963. L’avortement est interdit, tabou, secret. C’est une
honte pour les femmes qui y ont recours. Annie Ernaux est estimée du fait de
son statut d’étudiante en Lettres. Elle se détache du milieu prolétaire de ses
parents. Mais son état de jeune fille enceinte va la ramener directement, aux
yeux des gens, dans la condition sociale de ses parents
« Il y
a une semaine que j'ai commencé ce récit, sans aucune certitude de le poursuivre.
Je voulais seulement vérifier mon désir d'écrire là- dessus. Un désir qui me
traversait continuellement à chaque fois que j'étais en train d'écrire le livre
auquel je travaille depuis deux ans. Je résistais sans pouvoir m'empêcher d'y
penser. M'y abandonner me semblait effrayant. Mais je me disais aussi que je
pourrais mourir sans avoir rien fait de cet événement. » Ce récit
autobiographique a la particularité d’avoir été rédigé en deux temps : les
notes prises dans un journal intime en 1963, et une espèce de « retour sur
expérience » daté de 1999. Une prise de recul intelligente qui permet au
lecteur de mesurer la profondeur de la réflexion menée par Annie Ernaux sur son
projet d’écrire sur la Vie.
« J’ai
fini de mettre en mots ce qui m’apparaît comme une expérience humaine totale,
de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l’interdit, de la loi,
une expérience vécue d’un bout à l’autre au travers du corps. » La loi,
parfois immorale, souvent remise en question, a beau avoir évolué en France, il
est toujours aussi mal vu d’avorter. Et parce que ce droit est de plus en plus
en danger dans le monde, il est salutaire que des romans tels que « L’Evénement »
soient publiés et lus, encore et encore.
Au final, un récit touchant qui suscite nombre de réflexions, sur le corps des femmes, les valeurs, parfois (souvent) contradictoires, véhiculées par notre société, et la nécessité – toujours – de l’écriture. Un livre qui confirme le bien- fondé de la récompense du Nobel. Indubitablement.
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