dimanche 15 juin 2025

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)


 

Les saules, Mathilde Beaussault (Seuil Cadre noir, 01/2025)

Mathilde Beaussault est enseignante, écrivaine et fille d’agriculteurs. Dans son premier roman, elle retranscrit parfaitement l’ambiance qui règne dans l’univers rural de nos campagnes les plus reculées. C’est un monde de rustres, de « culs terreux » comme ils se nomment eux- mêmes, où les affaires sensibles se règlent entre paysans, et non en faisant appel aux fonctionnaires de justice. Un monde à part, parfaitement retranscrit par l’auteure.

« Fallait- il donner du grain à moudre aux moulins des mauvaises langues ! Peut- être. Marie- couche- toi- là. Et comme un prénom prémonitoire, Marie n'a plus été vierge à l'aube de ses quinze ans. » Le nœud de l’intrigue tient dans le meurtre de Marie, dix- sept ans, fille des pharmaciens du patelin, dont le corps a été retrouvé dans la Coulée, au lieu- dit de La Basse – Motte, là où vivent les paysans. Loin de son univers de privilégiée, dans la Haute – Motte. Qui a bien pu attenter aux jours d’une adolescente issue d’un milieu privilégié ?

« Elle ne comprend pas les histoires de grands comme dit sa mère quand elle veut se débarrasser du regard de moineau de sa fille qui la fixe par en dessous. » En parallèle de l’enquête, le lecteur suit Marguerite, petite sauvageonne qui traîne ses guêtres en tétant les manches de ses pulls partout où on ne l’attend pas. La petite est quelque peu délaissée par ses parents, des éleveurs débordés. Une gamine malmenée, harcelée à l’école mais dans l’indifférence générale. Taiseuse comme son père, elle distille ses mots judicieusement. Jusqu’à révéler des secrets dérangeants…

Au final, un roman noir rural qui respire l’authenticité de ce milieu qui survit grâce à ses propres règles. Les personnages sont terriblement attachants, entre la petite Marguerite, négligée mais dont les réflexions relatées par la narration sont terriblement perspicaces, et la tenancière du Bar, Mimi, dont l’intellectualité littéraire et éclairée va subjuguer les gendarmes en charge de l’enquête. Une plume oppressante et immersive… à suivre. 

lundi 9 juin 2025

La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

 


La valse des jours, Alizé Cornet (Flammarion, 05/2022)

💙💙💙💙

A l’occasion du tournoi annuel de Roland- Garros, je me suis décidée à lire le roman écrit par notre championne de tennis française, Alizé Cornet. Il n’y est absolument pas question de tennis, mais d’une saga familiale inspirée par les femmes de l’entourage de l’auteure. Cap sur Nice dans les années 60…

« Les livres étaient plus que jamais devenus son refuge, l'échappatoire qui lui permettait encore de laisser son esprit vagabonder librement, chose qu'elle ne s'autorisait que rarement désormais. Elle dévorait tout ce qui lui tombait sous la main ; des romans d'amour, des cahiers de poésie, des contes pour enfants, des classiques de la littérature. Hugo, Sartre, Zola, Molière, Hemingway, tout y passait. » La petite Jeanne est une fillette à l’intelligence vive. Au sein de sa famille, entre une sœur aînée délurée, un père employé et une mère au foyer, elle semble en décalage.

« Mais une fois la limite franchie, ce ne fut toutefois qu'une escalade exponentielle. Il se mit à l'insulter, à la menacer, à la violenter alors que les enfants étaient dans la pièce d'à côté, la tenant parfois si fort par le bras qu'elle gardait pendant plusieurs jours des marques qu'elle s'appliquait à camoufler de son mieux. » Le père de Jeanne est de plus en plus violent à cause de l’alcool. Hélène, femme battue, n’en peut plus de montrer cet exemple à ses enfants. Mais comment fuir, dans les années 60, quand on n’a aucune ressource, aucun diplôme, aucune expérience ?

« Oui, elle était heureuse, mais elle avait appris à ses dépens que cela ne durait pas. Elle chassa de son esprit le constat menaçant : oui, la vie était belle, mais pour combien de temps ? » Cette question, chacune des femmes de ce roman va se la poser. Hélène, Mouna, Jeanne, Sylviane, Ludmila… Les jours, les mois et les années passent. Les femmes acquièrent quelques libertés et le lecteur suit cette évolution sociétale en s’attachant à chacune des protagonistes.

Au final, un roman attachant comme ses personnages. Chacune de ses femmes trouve bien des barrières sur son chemin et Alizé Cornet sait très bien les mettre en scène. Sa plume est fluide tout en étant élaborée. Elle nous permet aussi de réfléchir au fait qu’on ne peut que se féliciter de vivre dans un pays qui a œuvré pour nous permettre de pouvoir aujourd’hui être indépendantes des hommes. Une auteure à découvrir…

mercredi 4 juin 2025

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)


 

Fils de tueurs, Rachel Corenblit (Nathan, 02/2025)

💙💙💙💙

Vous vous intéressez aux faits divers et au fonctionnement des tueurs en série ? Ce roman adressé aux adolescents à partir de quinze ans vous fera vivre une enquête « de l’intérieur », aux côtés d’un garçon ayant assisté aux meurtres perpétrés par ses parents. Une fiction largement inspirée par des affaires judiciaires ayant vraiment existé, comme l’affaire Fourniret (entre autres).

« Comme si c'était possible, ne pas être terrorisé à l'idée de ce qui m'attendait. J'allais rencontrer la Veuve Duval. Ma Mère.
La revoir. Elle. »
Clément accepte de rencontrer sa mère, emprisonnée depuis dix ans pour complicité de meurtre. Elle a en effet aidé son mari, Etienne, à enlever et éliminer plusieurs jeunes filles.

« Il restait huit corps.
Huit. Les huit dernières victimes du couple Duval. Les huit mortes qu'ils avaient gardées pour eux. »
La mère de Clément monnaye leurs rencontres à coups de révélations sur l’emplacement des corps ensevelis par elle- même et son mari.

« Elle veut que je me souvienne de tout et, peu à peu, ça me revient. Ça remonte des profondeurs.
Je crains de découvrir du sale. »
Clément a trouvé la paix en étant accueilli par la famille Aubry, des agriculteurs ayant la main sur le cœur. Grâce à eux, il a trouvé un semblant d’équilibre, la possibilité de se projeter dans un avenir en oubliant son passé. La démarche de sa mère risque de mettre à mal la stabilité du jeune homme de dix- sept ans.

Au final, un récit captivant. Personnellement, je ne me suis jamais projetée dans l’esprit d’un enfant de criminel et ce roman en donne un aperçu criant de vérité. Comment faire face au parent restant, insistant pour se justifier ? Que faire du conflit de loyauté ? Certains passages font froid dans le dos. Une lecture marquante.  

mardi 3 juin 2025

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)


 

Les Dragons, Jérôme Colin (Le Livre de poche, 05/2025)

💥💥💥💥💥

Je referme ce livre avec énormément d’émotion, les larmes au bord des yeux. Jérôme Colin a su parler à l’adolescente que j’ai été jadis, explosive et parfois (probablement souvent) violente face à mon incompréhension du fonctionnement du monde et mon statut actuel de professeur en collège, cette fois, désarmée par la souffrance ressentie par certains de mes élèves…

« Les bibliothèques ordonnées sont des cimetières. "Comment tu veux t'y retrouver dans ce foutoir", disait- elle. Elle n'a jamais compris que j'aimais justement m'y perdre. Promener mon regard sur les dos, saisir un roman au hasard, humer ses pages, retrouver une phrase soulignée lors de sa lecture. Chercher un livre. En trouver dix autres. » Jérôme, 35 ans, se retrouve en difficulté lorsque sa compagne depuis dix ans lui demande de coller au schéma sociétal attendu : un couple, une maison, un chien, des enfants. Pour cela, il faut ranger la maison. Et la bibliothèque ; ce lieu plein de secrets et de mystères…

« Quand doit- on rouvrir les pages de son enfance ? Quand est- il temps de retourner à l'endroit exact où l'on s'est pourtant promis de ne jamais revenir ? » Sur l’étagère, un carton plein de souvenirs de fin d’enfance… Enfin, plutôt d’adolescence, lorsque Jérôme a été interné dans un centre fermé pour jeunes en difficultés sociales et psychologiques. Le début d’une prise de conscience, ou plutôt une rencontre éclairante avec une certaine Colette, fardée de noir et suicidaire.

« Pour avoir envie de s'asseoir au premier rang, il faut y croire. Il faut avoir confiance en ce monde et envisager de pouvoir y trouver sa place. Or, je n'avais pas confiance. Et la place qu'ils avaient prévue pour moi, je n'en voulais pas. J'ai détesté l'école parce que je maudissais ce qu'elle me promettait. » Jérôme énonce des problèmes intrinsèques à son enfance ; ce rejet de la vie trop « normale » de ses parents et la difficulté d’y trouver une place. Jérôme a envie « d’autre chose » mais ne sait pas de quoi exactement…

Au final, une lecture bouleversante, fracassante même. Personne ne peut en sortir indemne, que ce soit du fait de son histoire, de celle de ses enfants, de cette société dans laquelle on ne se reconnaît plus. Indispensable.

samedi 31 mai 2025

A retardement, Franck Thilliez (Fleuve noir, 05/2025)


 

A retardement, Franck Thilliez (Fleuve noir, 05/2025)

💘💘💘💘💘

Avez- vous déjà entendu parler des U.M.D. (Unités pour Malades Difficiles) ? Franck Thilliez a choisi ce cadre bien particulier pour point de départ de cette enquête menée par Sharko et Henebelle. Un nouveau patient vient d’y être accueilli, délirant, sans papiers, il prétend être à la chasse de vers qui envahissent le monde… Au même moment, un homme est retrouvé assassiné cruellement, mais impossible là aussi de déterminer son identité. Les deux affaires seraient- elles liées ?

« Ils avaient agressé, violé, tué sous l'emprise d'une maladie psychique. "Des monstres", comme on les désignait à la boulangerie du coin. » L’U.M.D. de Chambly est un univers particulier, accueillant des malades atteints de psychoses diverses étant également des meurtriers aux actes particulièrement sauvages. Eléonore Hourdel y exerce le métier de psychiatre, luttant contre les « a priori » partagés sur les malades qu’elle prend en charge.

« Au fil des heures, cependant, l'effet du sédatif se dissiperait. Le voyageur sans bagage redeviendrait l'homme qu'il avait été deux jours plus tôt.
Bientôt, le dragon de la maladie allait le réveiller. »
Un jeune homme vient d’être accueilli à l’U.M.D. alors qu’il délirait sur le quai d’une gare au point de pousser un voyageur sur les rails. La police n’a pas pu communiquer avec lui et son état les a poussés à l’interner immédiatement. Eléonore Hourdel va le prendre en charge ; un cas qui va la laisser perplexe.    

« "Pourquoi voit- on surgir d'un coup cette silhouette de "La Nef des fous" et son équipage insensé envahir les paysages les plus familiers ?" C'était exactement ça, il avait cette sinistre impression qu'on était en train de lever une armée de fous. » Sharko et Eléonore vont devoir mener une enquête en parallèle pour comprendre les tenants et les aboutissants des divers drames atroces qui vont suivre les deux premiers. Le passé et le présent vont se mêler et faire remonter une histoire bien inquiétante…

Au final, j’ai été captivée du début à la fin. Certains passages m’ont fait frissonner… On sent que l’auteur a passé du temps dans un U.M.D. (il en parle à la fin du livre) car il en fait parfaitement ressentir l’ambiance. Et comme d’habitude, il sait faire en sorte qu’on s’attache à l’équipe de ses flics ! Un très bon Thilliez !

jeudi 29 mai 2025

La Très Catastrophique Visite du Zoo, Joël Dicker (Rosie & Wolfe, 03/2025)

 


La Très Catastrophique Visite du Zoo, Joël Dicker (Rosie & Wolfe, 03/2025)

🦏🦏🦏🦏🦏

Des enfants « spéciaux », des animaux et la plume de Joël Dicker ; il n’en fallait pas plus pour me donner envie de lire son dernier roman !!! Comment une sortie scolaire peut- elle virer autant à la catastrophe ? L’auteur nous livre ici une enquête hilarante, que des enfants peuvent aussi lire grâce aux niveaux de compréhension différents.

« Les parents des élèves normaux ont dit qu'ils étaient très inquiets que leurs enfants soient en contact avec les enfants de l'école spéciale. Certains parents ont même peur que leurs enfants soient contaminés par nous, comme si être spécial était une maladie. » La petite Joséphine est scolarisée dans une école « spéciale », autrement dit, une école qui accueille des enfants handicapés. Elle revient, une fois adulte, sur un épisode qui avait marqué la ville où elle habitait enfant ; une visite au zoo local qui avait tourné à la catastrophe…

« Non seulement j'ai trouvé que papier- cul était un superbe gros mot, mais surtout qu'inventeur de gros mots était un métier d'avenir : on en prononce tous les jours, on en aura toujours besoin et aucune technologie ne pourra les remplacer. » La petite Joséphine, qui raconte son histoire, n’a pas de filtre. Elle prend tout au premier degré. L’occasion pour l’auteur de montrer un certain talent pour l’humour, la dérision.

Au final, un roman – très court finalement entre la taille de la police d’écriture et des chapitres aérés – qui se lit très vite. Il y a certes la tension liée à l’enquête, dont on comprend très vite qu’elle sera liée à une suite d’événements incongrue, mais surtout, il y a un humour régressif qui fait du bien, qui fait qu’on tourne les pages entre deux éclats de rire. Une fiction si près de la réalité quand on connait ces enfants dits « spéciaux », tellement formidables…  

dimanche 25 mai 2025

On a tous une bonne raison de tuer, Pétronille Rostagnat (Edition du 123, 03/2025)


 

On a tous une bonne raison de tuer, Pétronille Rostagnat (Edition du 123, 03/2025)

💓💓💓💓

Me voilà de retour aux côtés d’Alexane Laroche, au 36 quai des Orfèvres. La voilà bien en peine puisque la collaboratrice de son mari vient d’être retrouvée assassinée d’une horrible manière… Mais sa proximité avec l’affaire va l’écarter de l’enquête. Mais ça, Alexane va le gérer à sa manière !

« Il avait progressivement dépassé la ligne rouge sans en réaliser pleinement les conséquences. Tout lui était apparu si simple au départ. Il avait contourné sans encombre ses valeurs, ses principes, sans en être inquiété outre mesure. Il s'était senti pousser des ailes, mais à force de vouloir toujours plus, de monter trop haut, il avait fini par se brûler. » Philippe, collaborateur du mari d’Alexane, et ami de celle- ci, est rapidement suspecté. Mais au fur et à mesure de l’enquête, d’autres protagonistes vont également se retrouver sur le banc des accusés. Qui dit vrai ?

« Dans son rêve, elle ouvrait les yeux et apercevait un visage penché au- dessus d'elle. Malgré l'effet trouble provoqué par l'eau, elle avait reconnu la jeune inconnue surprise ce matin même dans son appartement via la caméra de surveillance. » Gabrielle, épouse de Philippe a été retrouvée dans sa baignoire, dans une scène évoquant une tentative de suicide. Elle n’en a aucun souvenir ; et si c’était un coup monté ? Alexane va devoir chercher et trouver la personne qui tire les ficelles de ce mauvais vaudeville.

Au final, une enquête qui devient haletante une fois la situation de chacun des protagonistes positionnée. L’entourage proche d’Alexane est malmené, quand en plus, elle doit subir un changement de direction au sein de la Direction régionale de la police judiciaire. Sa situation m’a touchée et j’ai hâte de la retrouver dans « Sur leurs traces ».

vendredi 23 mai 2025

L’anxiété racontée aux enfants, Ariane Hébert (05/2025)

 


L’anxiété racontée aux enfants, Ariane Hébert (05/2025)

💛💛💛💛💛

Un nouveau guide de cette collection que je recommande grandement aux parents d’adolescents qui se sentent désarmés par les changements de comportements de ceux- ci ou leur particularités, liées à des troubles comportementaux ou d’apprentissage. Un livre pratique, ici en édition revue et augmentée, qui s’adresse aussi bien aux enfants, aux parents et aux éducateurs ou enseignants qui prennent l’enfant en charge durant la journée.

« Anne- Sophie m'explique que mon cerveau est une espèce de superhéros qui me protège. S'il croit qu'une situation menace ma vie ou ma sécurité, il sonne l'alarme et ordonne à mon corps de réagir pour que je puisse me sauver ou me défendre. » Béatrice ressent de plus en plus souvent un mal- être qui la prend par surprise. Elle rencontre une psychologue qui lui annonce un diagnostic : elle souffre d’anxiété.

« Il faut prendre le temps d'examiner les situations, pour parvenir à contrôler son anxiété. Lorsque tout va trop vite dans ton esprit, tes pensées peuvent s'emmêler... » La psychologue donne des pistes de réflexion à la petite Béatrice, qui serviront d’astuce pour le lecteur du guide.

« Rappelle- toi ceci : si tu fuis les événements qui causent ton anxiété, ton cerveau va croire qu'il a eu raison de crier à ton corps de réagir et il va continuer de le faire. » Le guide me semble très clair sur ce fait : face à l’anxiété, il faut forcer un peu son subconscient à reprendre un chemin plus sécurisé sans fuir la première difficulté, au risque de sombrer dans un trouble plus grave, telles l’agoraphobie ou la phobie scolaire.

Au final, un guide éclairant sur l’anxiété, qui parle à l’enfant grâce à des mots simples et à une mise en situation fictive facilement assimilable. Les astuces données ont du sens et seront bienvenues en attente d’un rendez- vous chez un psychologue ou dans le cadre d’un suivi. Un livre bienvenu en cette période particulièrement inquiétante pour nos jeunes. 

mercredi 21 mai 2025

Epoque, Laura Poggioli (L'Iconoclaste, 01/2025)

 



Epoque, Laura Poggioli (L'Iconoclaste, 01/2025)

💛💛💛💛

Voici un roman qui ressemble énormément à un essai sur les addictions, celles des adolescents pour les écrans, mais celle aussi de la narratrice pour un homme qui fut quelques années auparavant un amant obsédant.

« Des tout- petits se retrouvent donc exposés à cette violence- là, à des images qui limitent le développement de leurs propres pensées. C'est une agression similaire à une agression physique, ça provoque des traumatismes psychiques. C'est de la maltraitance infantile. » Le point de départ de ce récit se trouve dans un service d’addictologie dédié aux adolescents. Les jeunes s’y suivent, différents à la base mais partageant la souffrance de troubles divers liés à un mal- être générationnel.

« Nous vivons dans un monde où tout est prétexte à s'offusquer, se plaindre, se déchirer, et nous consommons ces crispations multiples comme nous consommons tout le reste. » Le regard porté sur les réseaux sociaux est terriblement accusateur : entre les addictions des plus jeunes pour les jeux et les applis de discussions, les cas de harcèlement et les agressions multiples que permettent l’anonymat des écrans, la société actuelle a bien du mal à suivre les règles du bien- vivre ensemble et de l’empathie. La narratrice en a bien fait les frais suite à sa liaison avec celui qu’elle surnomme « Le docteur ».

« Les problèmes d'addiction et d'autodestruction prennent
bien souvent leurs racines dans une simple volonté de supporter la douleur physique que provoquent les émotions. »
L’auteure termine son propos avec ce constat éclairant. N’importe qui peut devenir addict à n’importe quoi, du moment que ce dérivatif lui permet de réussir à continuer à vivre.

Au final, un livre estampillé « roman » mais qui propose une véritable réflexion sociétale : pourquoi ces écrans sont- ils devenus des béquilles, mais aussi des outils destructeurs ? Il est plus qu’urgent de décrocher de ces appareils et d’en éloigner au plus vite les plus jeunes.

dimanche 18 mai 2025

Recherche Lily désespérément, Carène Ponte (Fleuve éditions, 04/2025)


 

Recherche Lily désespérément, Carène Ponte (Fleuve éditions, 04/2025)

💮💮💮💮

Quand l’humeur est morose, Carène Ponte est la meilleure pour nous permettre de retrouver le sourire. Son regard clairvoyant sur les défauts de la société actuelle et son humour distillé à coups de répliques ironiques et de notes de bas de page hilarantes représentent la meilleure marque de fabrique de cette auteure que je suis maintenant depuis plusieurs années.

« Les mots se chevauchent et se mélangent. Et puis, soudain, tout s'éclaire. Je sais comment l'information de la mort de Shannen Doherty, premier contact entre mon cerveau et le monde ce matin au réveil, va avoir une influence sur ma journée. » Le récit commence sur le réveil de Lily, perturbée par le décès de Shannen Doherty, actrice de sitcoms ayant égayé ses soirées d’adolescente. Elle sent que cette mauvaise nouvelle va affecter sa journée, mais elle ne sait pas encore à quel point…

« Je suis impressionnée par le nombre d'adeptes de ce type de voyage solitaire. On dirait que c'est un peu comme pour la Rolex, si à cinquante ans tu n'as pas fait de retraite spirituelle, tu as raté ta vie. Ce qui ressort en premier dans tout ce que j'ai pu lire, c'est l'importance du lieu. » Lily, fortement influencée par les réseaux sociaux, se lance dans le projet partir en retraite spirituelle dans un lieu écarté afin de se retrouver. Ce qu’elle va trouver à Val- Flore- les- Bains va la décontenancer et bouleverser sa vie bien plus qu’elle ne le pensait…

Au final, un roman qui a rempli sa mission de me faire sourire, parfois même rire, tout en ciblant un phénomène de société délétère ; le culte de l’apparence promulgué par les réseaux sociaux. J’adore la plume de Carène Ponte, ses idées, sa bonne humeur communicative. 

samedi 17 mai 2025

Le cercle des mensonges, Céline Denjean (Pocket, 03/2022)


 

Le cercle des mensonges, Céline Denjean (Pocket, 03/2022)

💘💘💘💘💘 

Quel polar captivant et intelligent ! L’auteure noue habilement deux enquêtes pour un finish qui en inclue une troisième liée à l’un de ses romans précédents (Le Cheptel). J’ai été totalement embarquée aux côtés d’Eloïse Bouquet, gendarme que j’ai eu plaisir à retrouver, et le Zèbre, policier avec qui elle va devoir collaborer.

« Je me rends compte que j'observe mes mains d'assassin avec une sorte d'effroi et de fascination. J'ai frotté mon corps, j'ai brossé mes ongles, j'ai nettoyé chaque particule de ma peau mais le sang est là. Ineffaçable. » Les chapitres consacrés aux deux enquêtes sont entrecoupés de confessions des criminels y ayant agi, ce qui donne une certaine épaisseur au récit. J’ai trouvé ce procédé très intelligent et instructif sur la psychologie des meurtriers.

« Non seulement, elle avait été témoin d'un meurtre abject, mais, en plus, cet assassinat concernait la famille politique française ! » Le point de départ du roman réside dans la disparition d’un jeune étudiant : il aurait chuté du toit d’un immeuble en construction. Ce qui va d’abord s’apparenter à un suicide pour les policiers va être remis en question par l’oncle du jeune homme, qui est influent du fait de son statut de ministre des Finances.

« Anne Poey était de loin la criminelle la plus organisée qu'elle ait jamais rencontrée. Pousser l'anticipation et la précaution si loin relevait d'une véritable ingénierie du crime. » Eloïse, elle, va enquêter sur le meurtre d’une universitaire qui semble bien sous tous rapports. Mais en parallèle, elle ne lâche pas l’affaire « Anne Poey », la meurtrière agissant dans Le Cheptel, qui avait ôté la vie à son compagnon, Jean- Marc. L’heure de la vengeance va-t-elle enfin arriver ?

Au final, une histoire dense mais qui se déroule tambour battant ; on ne s’ennuie pas une seconde tellement les événements et les retournements de situation s’enchainent. Un excellent polar !

mercredi 7 mai 2025

L’Iguane, Carlo Lucarelli (Métailié, 03/2025)

 



L’Iguane, Carlo Lucarelli (Métailié, 03/2025)

💙💙💙💙

Cap sur Bologne, en Italie. Grazia Negro, enquêtrice de police, vient à peine d’accoucher qu’on l’emmène, avec ses petites à peine nées dans une villa secrète très protégée. La raison ? « L’Iguane », tueur en série qu’elle a jadis arrêté, vient de s’enfuir de l’établissement psychiatrique dans lequel il était retenu.

« Le Loup- Garou, le Pitbull, le Chien, l'Iguane, elle en avait un plein zoo, et même si, une fois pris, elle les oubliait, c'étaient justement les émotions de la chasse qui restaient en elle. » Grazia Negro a déjà enquêté sur plusieurs affaires de tueurs en série. C’est ici le troisième tome de ses enquêtes et j’avoue que, même si cette histoire peut se lire indépendamment des autres, j’ai regretté de ne pas avoir lu les deux premiers pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ces retrouvailles avec celui que l’on surnomme « L’Iguane », ainsi que la relation nouée jadis avec Simone.

« La peur me couvre les bras de frissons qui brûlent, serrés comme des nœuds.
Il y a quelqu'un dans le silence de ma salle obscure.
Quelqu'un.
Ou quelque chose. »
Un tueur rode. Il tourne autour des protagonistes de l’histoire. Il est discret, telle une petite souris qui se cache dans un coin pour vous espionner en toute tranquillité pour mieux vous mordre si vous l’approchez.

Au final, un thriller à l’atmosphère lourde et angoissante. Les soupçons se portent sur les divers protagonistes que l’on rencontre au fil des pages, d’autant plus que le récit est polyphonique. Et puis, en tant que mère, la présence de ces petites filles à peine nées représente un sacré degré de suspense ! Une découverte intéressante !

lundi 5 mai 2025

La fugue, Aurélie Valognes (J- C Lattès, 03/2025)

 


La fugue, Aurélie Valognes (J- C Lattès, 03/2025)

Crise de la quarantaine ou fuite nécessaire à la survie ? Inès, un beau matin, fait sa valise et roule, roule, roule, jusqu’au bout de la terre, un patelin en bord de mer dans le Finistère. Partir, quitter son quotidien dans lequel elle se sentait enfermée, était la seule solution, la seule issue de secours.

« "Nina & Simone". Tout de suite, j'y ai vu un signe. Une femme talentueuse qui en a bavé avant d'être libre. » Inès se raccroche à des références féminines de la littérature ou de la musique. En effet, ce roman est essentiellement féminin. On y rencontre des femmes célèbres au destin inspirant, mais aussi des femmes de fiction tout aussi marquantes par leur détermination.

« Car c'est fini de subir, de tolérer, d'encaisser, d'être à terre. Les autres ne se pensaient grands que parce que j'étais à genoux. Mais aujourd'hui, je me redresse. » Inès a trouvé son refuge, sa maison, son « lieu à elle » où elle va enfin se réaliser, se retrouver, être en accord avec elle- même.

« Certains rêvent leur vie et d'autres vivent la vie de leur rêve. » Inès va rencontrer d’autres femmes singulières, qui, comme elle, ont un jour assumé de ne plus être celles que les autres façonnaient.

Au final, un roman sur la renaissance d’une femme brisée, mais aussi sur la sororité, cet élan entre femmes qui osent défier les convenances et écouter leurs propres envies. J’ai beaucoup aimé les références littéraires et philosophiques, ainsi que les réflexions qui m’avaient séduite dans « La Lignée », mais quelques incohérences m'ont agacée (le frigo vide, la musique qui résonne puis l'absence de réseau...). Emouvant et inspirant malgré tout.

jeudi 1 mai 2025

La psy, Freida McFadden (J'ai lu, 04/2025)


 

La psy, Freida McFadden (J'ai lu, 04/2025)

💟💟💟💟

Après les tomes 1 et 2 de « La Femme de ménage », il fallait absolument que je me plonge dans « La psy ». Un véritable plaisir que de retrouver la plume de l’auteure (même traduite) ! Et que de nœuds au cerveau pour tenter de comprendre les tenants et aboutissants de l’intrigue. Encore une fois, je n’ai rien vu venir…

« Je n'ai jamais ressenti ça. Pas une fois dans les dizaines de maisons vides que nous avons visitées au cours des deux derniers mois. Je n'ai jamais éprouvé un sentiment aussi fort.
Il s'est passé quelque chose de terrible dans cette maison. »
Tricia et Ethan viennent de se marier et ils sont à la recherche d’une maison où s’installer pour fonder une petite famille. Les voilà en route pour la visite d’un manoir alors qu’une tempête de neige se lève. Arrivés sur place, ils n’auront d’autre choix que de rester passer la nuit dans cette demeure que Tricia trouve terrifiante. En effet, il s’agit de la maison dans laquelle Adrienne Hale, psychiatre connue pour le succès de ses livres, a disparu.

« Je ne suis pourtant pas une fouineuse, j'ai juste une curiosité tout ce qu'il y a de naturelle. Y a-t-il quelque chose de mal à ça ? » Alors que notre jeune couple cherche à passer au mieux cette nuit dans la demeure, Tricia trouve une pièce secrète qui renferme tous les enregistrements des séances de la psychiatre. Que vont- ils lui révéler ?

« Je crois que tout être humain est capable de faire des choses terribles si on le pousse à bout. » Les allers- retours entre le présent de Tricia et le passé d’Adrienne permettent d’avoir accès aux réflexions des deux femmes. La psychiatre s’était fait une spécialité de la thérapie des troubles liés à la peur et au mensonge.

Au final, un roman dévoré en peu de temps, qui m’a emportée vers une recherche urgente de la vérité. Bien des secrets vont être révélés dans les dernières pages, même si j’ai trouvé la résolution de l’intrigue un peu rapide et un chouïa décousue. Mais ce n’est que mon avis. 

lundi 28 avril 2025

Avalanche hôtel, Niko Tackian (Le Livre de poche, 03/2019)


 

Avalanche hôtel, Niko Tackian (Le Livre de poche, 03/2019)

⛇⛇

Joshua Auberson, agent de sécurité à l’Avalanche hôtel, superbe palace, enquête sur la disparition d’une jeune cliente, fille d’une famille d’habitués fortunés. Nous sommes en janvier 1980. Mais voilà que Joshua est pris dans une avalanche, et se réveille… en 2018. Que s’est- il passé ? Joshua, qui est finalement policier, va devoir remonter le temps et le fil de ses souvenirs pour pouvoir résoudre une enquête mêlant deux temporalités.

« Tu ne te souviens même pas de ton nom ? Il se massa les tempes, espérant secrètement que ça l'aiderait à retrouver la mémoire. Joe... Joseph... c'est comme ça qu'il devait s'appeler. » Le récit s’ouvre sur un trentenaire complètement perdu ; lors qu’il se réveille, il se rend compte qu’il n’a plus aucun souvenir, même pas celui de son prénom…

« 1980... quelque chose ne collait pas avec cette date. Quelque chose de grave, il le sentait. » Joshua oscille entre rêve et réalité. Alors qu’il est chargé d’une enquête suite à la découverte d’une jeune femme plongée dans un coma profond et dont on ne trouve pas l’identité, notre policier va devoir trouver des liens entre un passé qui l’obsède et un présent de plus en plus complexe.

« Stephen King - dont il avait dévoré tous les romans - disait qu'à vingt ans on croyait connaître la route, à vingt- cinq ans on soupçonnait qu'on tenait la carte à l'envers et à trente on en avait la certitude... » La référence fait sens quant à l’ambiance parfois surnaturelle qui règne dans les montagnes des Alpes suisses. Mais Joshua va devoir apprendre à se méfier des fantômes qui viennent le hanter.

Au final, un polar dont je ressors déçue. Je ne me suis absolument pas attachée aux personnages et je me suis perdue quelque part entre l’enquête de 1980 et celle de 2018 tant celle- ci m’a semblée floue. Dommage.

samedi 26 avril 2025

Et que Dieu me pardonne, Claire Norton (10 / 2024)



 Et que Dieu me pardonne, Claire Norton (10 / 2024)

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Jusqu’où pardonner ? Elodie ne vit plus depuis la disparition de sa fille aînée, Maëlle, alors âgée de huit ans. Déçue par la justice, elle ne vit plus que pour venger son enfant et découvrir ce qu’il s’est réellement passé, persuadée que toute la lumière n’a pas été faite sur le drame qui a anéanti son envie de vivre.

« Fermer les yeux sur les incivilités. Continuer à dire "bonjour", "merci". Se taire en cas d'agression verbale. Courber le dos pour ne pas tomber dans le jeu de la surenchère. Elle a fait ça toute sa vie. Elle a même enseigné cela à ses enfants. Pour quel résultat ? » Elodie se fait un devoir de rester calme et civilisée face à des individus de plus en plus agressifs. Elle éduque ses filles Maëlle et Zoé avec ces mêmes préceptes emprunts de civisme.

« Tu vois, je n'ai pas été capable de te protéger, mais je m'inscris aujourd'hui dans un devoir de justice et de justesse. Je mettrai ma rage et ma haine de côté, écouterai, prononcerai la condamnation et infligerai le châtiment. C'est cela, pour moi, une justice "juste". Ce sera peut- être œil pour œil, dent pour dent. Puisque la loi française n'a rien fait pour toi, je suis prête à faire mienne la loi du talion. » Maêlle taquinait souvent sa mère au sujet de son inoffensivité ; « toi, tu ne ferais pas de mal à une mouche ». Mais la disparition tragique de son enfant représente la limite à laquelle l’esprit d’Elodie va devoir se confronter… et se voir basculer.

Au final, un roman axé sur le combat d’une mère, qui s’est longtemps retenue de réagir à la violence ambiante et qui, d’un coup, libère toute sa colère et toute sa frustration, frôlant le point de non- retour. Une idée de départ très intéressante, mais le récit s’enlise par moment dans des descriptions trop longues et des monologues existentiels sur les valeurs du pardon. A lire en connaissance de cause. 

mercredi 23 avril 2025

Toutes ses fautes, Andrea Mara (Points, 04/2025)

 


Toutes ses fautes, Andrea Mara (Points, 04/2025)

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Cap sur l’Irlande, dans les beaux quartiers de Dublin, où la disparition d’un petit garçon de quatre ans, Milo, remue toute la communauté. En effet, la kidnappeuse semble être l’une des nounous qui s’occupent des bambins pendant que leurs mères exercent un métier à responsabilités.

« Alors que la femme s'apprêtait à referler la porte, Marissa fut soudain envahie par un malaise. Comme le week-end précédent, lorsqu'elle avait perdu Milo des yeux, au terrain de jeux. Il était là, quelque part, bien sûr, mais elle n'avait pas pu se détendre avant de l'avoir retrouvé. Ce qui avait été le cas quelques secondes plus tard. Et aujourd'hui, il était de nouveau introuvable. » Marissa Irvine se présente, confiante, au 14 Tudor Grove, adresse donnée par Jenny, dont le petit Jacob est dans la même classe que Milo. Cette maman a en effet organisé une après- midi « jeux » à laquelle Milo a été invité. Mais arrivée sur place, Marissa découvre dépitée que Milo n’est pas là. Ni Jacob. Ni Jenny.

« Parce que tu es mon mari et que ce que tu penses compte pour moi, même si ce que je pense ne compte plus beaucoup pour toi, conclut-elle tristement en attrapant les clés sur le comptoir et en franchissant la porte d'entrée. » La disparition du petit Milo entraîne bien des règlements de compte dans les familles qui résident aux alentours… Des rancœurs explosent, alourdies par de profonds secrets.

« Mais rien ne pouvait échapper à la personne qui vivait sous votre toit, à la personne à qui vous confiiez votre enfant. La personne qui passait des heures chez vous en votre absence. La personne qui avait accès à chaque pièce, chaque tiroir, chaque courrier, chaque centimètre carré de votre maison. A chaque cheveu sur la tête de votre enfant. » Cette enquête met en lumière la question de la confiance que l’on accorde à une personne extérieure pour s’occuper de notre maison, et plus important, de nos enfants.

Au final, une histoire très intéressante, aux nombreux rebondissements et à l’issue inattendue. La première partie est toutefois un peu trop longue et languissante, mais la suite et la fin, heureusement, nourrissent de nouveau le suspense. 

samedi 19 avril 2025

Villa Gloria, Serena Giuliano (Robert Laffont, 03/2025)


 

Villa Gloria, Serena Giuliano (Robert Laffont, 03/2025)

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Cap sur l’Italie, grâce à mon rendez- vous annuel avec Serena Giuliano. En effet, je lis cette auteure depuis ses débuts et ne rate jamais la sortie de ses romans. Ce dernier cru nous emmène dans les Pouilles, à la villa Gloria, maison d’hôtes tenue par Iris, et sa propre mère, qui a donné son nom à la demeure. Récit d’une semaine type au cœur de ce lieu atypique.

« Nos clients ont toujours des histoires à raconter. OK, certaines sont chiantes à mourir, alors je les remodèle à ma sauce pour les rendre intéressantes. D'autres en revanche, valent leur pesant d'or et n'ont nullement besoin d'être pimpées. Espérons que cette semaine soit un bon cru ! » Gloria accueille les nouveaux venus avec curiosité ; voilà Gregorio le râleur, Valentina et Bianca, sa filleule marquée par le décès de sa mère, Carla, qui a fait vœu de silence, ainsi que Doria et Eduardo, un couple fusionnel et secret.

« Ma mère est officiellement ma collègue, mais, en réalité, c'est comme si je devais partager les tâches quotidiennes avec un adolescent en pleine crise : impossible de compter sérieusement sur elle. » Le couple mère- fille gérant la villa est aussi atypique que complémentaire. On comprend vite que la fille, Iris, est celle qui mène la barque, alors que la mère, Gloria, vit comme une adolescente, proclamant son désir de liberté et son rejet des responsabilités. Pourtant, sa manière de voir la vie va la mettre en difficulté lorsque des éléments du passé vont réapparaître brutalement.

« Souffrir fragilise, le manque abîme. Et on aura beau se persuader du contraire, on passe notre vie à combler ce trou béant pour éviter d'être englouti. » Jour après jour, les souffrances des vacanciers vont faire écho aux soucis personnels de nos deux hôtes…

Au final, une histoire touchante et dramatique, ponctuée de touches d’humour salvatrices. Serena Giuliano a une nouvelle fois ravi mon cœur et mon esprit. Vivement l’année prochaine !

vendredi 18 avril 2025

Qu’un sang impur, Michaël Mention (Belfond, 03/2025)


 

Qu’un sang impur, Michaël Mention (Belfond, 03/2025)

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Quel kiff ! Je viens de refermer ce roman, dévoré en deux jours, et je suis épatée par les émotions qu’il m’a fait traverser ! Nous sommes ici dans une dystopie qui porte pourtant le goût du déjà vu – déjà vécu, à travers une épidémie mystérieuse touchant en priorité l’Europe. Le lecteur se retrouve emprisonné dans un huis clos situé en banlieue parisienne, dans un immeuble où résident quelques rescapés qui vont s’unir pour survivre.

« Pour l'heure, il se détend en musique, observe la rue, les mollets des passantes dont les chevilles aux contours délicats l'éloignent de ce siècle étrange. Mondialisation. Précarité. Covid. Attentats. Repli communautaire. Jul. Réchauffement climatique. Ukraine et cette guerre qui n'en finit pas. Drôle d'époque où des starlettes du Net vendent l'eau de leur bain 5 000 balles tandis que des agriculteurs crèvent la dalle en bossant 20 heures / 24. » Matt, jeune père de famille, décompresse de sa semaine de travail en sirotant une bière à la terrasse d’un café. Quand tout à coup, les arbres perdent tous leurs feuilles en une seconde. Puis une secousse met tout et tout le monde à terre…

« Des dizaines, des centaines de fuyards qui n'ont plus rien de civilisé. Hommes, femmes, Blancs, Noirs, juifs, musulmans... les clivages qui pourrissaient le monde s’annulent : tous égaux dans le chaos. Les peaux, les peurs se confrontent, fusionnent en un gigantesque bordel. » Mouvements de panique face à des êtres humains devenus des monstres. Une épidémie mystérieuse et la société se divise en deux mondes : infestés et rescapés.

« Au début, la superficie a facilité la cohabitation mais la chaleur, le rationnement et l'abolition de toute intimité ont eu raison du "vivre- ensemble". » Matt et Clem habitent le dernier étage d’un petit immeuble, avec leur fils Téo. Face aux attaques des infestés, ils décident de loger tous les habitants dans leur loft. Mais après l’empathie et l’entraide, l’agacement lié au manque d’intimité va naître…

Au final, une histoire qui plaira aux fans de « The Walking dead » par son côté sensationnaliste. Alors bien sûr, il y a de lourds rappels de la période Covid et ses errements diplomatiques. Il y a aussi probablement trop de passages de digressions socialo- politiques, mais moi, j’ai aimé le suspens lié à l’évolution du virus, et à la chute de masques portés par les protagonistes de l’histoire ! Oui, quel kiff !

jeudi 17 avril 2025

L’empathie racontée aux enfants, Emmanuelle Jasmin (Editions de Mortagne, 05/2024)


 

L’empathie racontée aux enfants, Emmanuelle Jasmin (Editions de Mortagne, 05/2024)

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L’empathie est récemment entrée dans les programmes scolaires de l’école primaire, pour faire face à l’attitude de plus en plus égocentrique de notre société ; laquelle entraîne trop souvent chez nos jeunes indifférence et violence. Emmanuelle Jasmin propose ici des activités concrètes pour mettre en place des ateliers auprès des enfants, que l’on soit enseignant, éducateur ou parent.

« Selon le directeur, la méchanceté des élèves se propage comme de la mauvaise herbe et ça doit cesser. Mais comment l'empêcher de gagner du terrain ? » Le guide ici présent propose des ateliers intéressants à mettre en place ainsi qu’une charte à adapter à chaque situation.

« Au même titre que l'empathie, votre fleur s'épanouira dans un climat dans lequel elle se sent à l'aise. Il lui faut une température clémente, comme quand l'harmonie règne dans la classe, et de la lumière, comme qualités autres font briller vos qualités. » Ici il est proposé aux enfants de prendre en charge une fleur pour prendre en compte la dimension des besoins physiologiques mais aussi émotionnels du vivant qui nous entoure. Une idée efficace et pertinente pour développer les liens entre les enfants quelque soit le lieu de leurs relations.

Au final, un guide vraiment bien construit entre les ateliers proposés, les pages d’auto- observation qui permettent à l’enfant de réfléchir concrètement à son comportement, la partie « Trucs et stratégies » qui propose des pistes pour améliorer nos capacités empathiques, et bien sûr, le dossier adressé aux parents pour accompagner leur enfant dans ce cheminement. Un indispensable.  

Ton dernier souffle, Pétronille Rostagnat (123 poche, 2017)



 Ton dernier souffle, Pétronille Rostagnat (123 poche, 2017)

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C’est ici le deuxième roman de Pétronille Rostagnat ; également la deuxième enquête pour le commandant Alexane Laroche, que j’ai toujours plaisir à retrouver. Alors que celle- ci revient de vacances reposantes en famille, elle est aussitôt appelée à se rendre sur une scène de crime macabre : on vient de découvrir le corps d’une jeune femme enterrée vivante dans le bois de Boulogne.

« Pourquoi suis- je allongée nue sur cette planche, dans l'obscurité la plus totale, sans pouvoir bouger ? » Alors que la brigade criminelle de Paris vient de se saisir de l’enquête et de mener ses premières investigations, une autre femme se retrouve enfermée dans un cercueil fabriqué en bois grossier, enterrée dans un autre bois de la capitale, à peine quatre jours plus tard. Qu’a-t-elle fait pour mériter de mourir de cette manière ignoble ? Alexane et ses hommes sont affolés par la cruauté méthodique de l’assassin et sa capacité à agir sans laisser d’indice.

« S'il lui fallait trouver un point négatif à cette rencontre, elle ne parlerait que de ses mains. En effet, elle avait été étonnée de constater que ses ongles étaient assez sales, comme s'il avait travaillé la terre avant de venir. Pour un homme sortant directement de son travail et habillé en costume, elle avait trouvé ce détail étrange. » Si le lecteur trouve rapidement l’identité du coupable, Pétronille Rostagnat excelle dans la maîtrise du suspense, car on avance dans l’histoire en même temps que les victimes, avec l’envie de crier : « Non ! N’y vas pas ! ». Et cette prévision terrifiante nous accroche jusqu’à la dernière page !

Au final, un très bon deuxième roman qui nous tient en haleine grâce à des personnages charismatiques, un récit ponctué de rebondissements et de retournements de situation, et une écriture déjà addictive

mercredi 16 avril 2025

La chance de sa vie, Sophie Astrabie (Flammarion, 05/2024)

 



La chance de sa vie, Sophie Astrabie (Flammarion, 05/2024)

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Sophie Astrabie est une auteure locale que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire. Chose est faite avec son dernier roman, axé sur les retrouvailles entre Stanislas et Sara, deux quadragénaires qui s’étaient aimé alors qu’ils étaient au lycée. Le décès d’un homonyme va les amener à enquêter sur ce mystérieux « jumeau » de Stanislas, mais aussi à remonter le fil de leur vie respective depuis leur rupture.

« Il allait avoir 40 ans, et il avait beau prétendre le contraire, cette idée le perturbait. Il y avait le fait qu'il était à la moitié de sa vie, bien sûr, mais cela faisait longtemps qu'il avait compris que le présent était un bus qui nous passait devant sans s'arrêter. » Stanislas va avoir quarante ans, et pourtant, il n’a rien fait – ou presque – de sa vie. Célibataire et sans enfant, son quotidien se compose de journées de travail entrecoupées de moments avec son collègue Laurent, devenu ami, et ses dimanches passés chez ses parents.

« On connaît désormais la météo heure par heure. Les GPS nous font prendre le chemin le plus court. Un moteur de recherche tranche sur chacune de nos hésitations. On n'est plus chanceux. On n'est plus malchanceux. On est efficace. » Et puis Sara réapparaît. Elle a lu un avis de décès au nom de Stanislas Gélin et s’inquiète de savoir s’il s’agit de son amoureux de jeunesse. Heureusement, il s’agit d’un homonyme. Vient la question de la chance ; celle d’être encore en vie ?

« Le temps ne s'arrête pas, sauf dans les chambres des enfants qui ont quitté le domicile familial. » Il aura fallu à Stanislas un ancrage dans le présent, grâce au retour de Sara, pour se rendre compte du chemin perdu depuis son enfance.

Au final, un début très agréable grâce à des réparties intelligentes au petit goût de satire, mais qui fait place ensuite à une atmosphère morose, lourde, dans laquelle chaque personnage porte le lourd poids de ses regrets. J’ai eu du mal à m’attacher à eux, même si la fin m’a touchée. Toutefois, j’ai trouvé l’écriture intéressante ; elle a titillé ma curiosité. A suivre…

dimanche 13 avril 2025

La Menace, Niko Tackian (Calmann Lévy noir, 03/2025)


 

La Menace, Niko Tackian (Calmann Lévy noir, 03/2025)

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J’ai découvert tout récemment le phénomène des « Incels – Involuntary Celibates », ces hommes qui ne parviennent pas à séduire les femmes et qui accusent celles- ci de leur préférer des hommes plus séduisants et plus beaux qu’eux. Niko Tackian a ici parfaitement saisi ce sujet incroyable en le mettant en scène de façon remarquable.

« Vous êtes ici depuis soixante- douze heures. Vous vous réveillez deux à trois fois par jour. A chaque fois, je suis à votre chevet et je vous pose les mêmes questions. Jusqu'au moment où vous perdez connaissance. Cela se produit généralement à l'étape où nous sommes actuellement. » Julien se réveille péniblement dans une chambre d’hôpital. Ses souvenirs lui reviennent peu à peu quand il a soudain une révélation : sa femme Chloé a été enlevée. Comment ? Par qui ? Il l’ignore mais sait avec certitude qu’elle court un grand danger.

« Je ne sais pas, c'est juste que... j'ai l'impression qu'il va se passer quelque chose de terrible dans cette forêt. » La forêt de la Treille, petit massif provençal, va devenir le lieu principal des recherches de Julien, ainsi que de deux autres malades, rencontrés à l’hôpital.

« Les filles comme toi ne parlent pas aux hommes comme moi. C'est ainsi que le monde est fait. » Chloé, de son côté, est séquestrée dans un appartement factice, sans aucun lien avec l’extérieur, si ce n’est la présence ponctuelle d’un homme portant un masque lui expliquant qu’il va la transformer, la faire évoluer de manière à devenir parfaite…

Au final, l’auteur traite un sujet d’actualité qui se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, entraînant avec lui des adolescents mal dans leur peau dans un mouvement masculiniste aux dérives dangereuses. Les personnages sont finement élaborés au niveau psychologique et on sent les heures de travail préparatoire sans que cela n’alourdisse le récit. Les chapitres sont courts, incisifs et les pages se tournent à une vitesse folle. Un récit spiralaire addictif ! J’ai adoré avoir le cerveau retourné ! 

samedi 12 avril 2025

La résilience des fleurs sauvages, Micalea Smeltzer (Roncière, 04/2024)



 La résilience des fleurs sauvages, Micalea Smeltzer (Roncière, 04/2024)

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J’ai acheté ce roman quand il faisait le buzz il y a un an mais je n’ai pas voulu le lire tout de suite, craignant d’être déçue au regard des avis dithyrambiques. J’ai peut- être bien fait, ou pas, car finalement, j’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé cette histoire. Je ne me rappelais plus qu’il s’agissait d’une romance avec une différence d’âge, mais je savais qu’il y avait quelques noirceurs dans la relation racontée. Et effectivement, l’histoire de Salem et Thayer est loin d’être un long fleuve tranquille…

« Me plier aux désirs de quelqu'un d'autre, c'est ma vision de l'aller simple pour l'enfer - l'enfer, j'ai déjà donné, pas question d'y retourner. » Le roman s’ouvre sur l’enterrement du père de Salem. On comprend aussitôt que l’enfance de cette jeune femme a été traumatique. Salem vit avec sa mère et sa sœur, trois femmes brisées par un seul homme.

« C'est chez moi, c'est là que je veux être.
Là que je me sens le mieux.
De plus, où que j'aille et quoi que je fasse, mes cauchemars me trouveront toujours. »
Salem a dix- huit ans. Elle aurait pu prétendre à des études universitaires, comme Caleb, son petit- ami, ou s’engager dans la vie active à New- York, comme sa meilleure amie Lauren. Mais non. Salem préfère rester dans sa petite ville natale, aider sa mère dans sa boutique d’antiquité et vendre ses bougies artisanales.

« J'aimerais avoir la résilience des fleurs sauvages - ne jamais renoncer à grandir et à m'épanouir. » Et puis voilà qu’un jour, la maison voisine de celle de Salem trouve un acquéreur, Thayer, un homme de 31 ans, divorcé, papa d’un petit garçon de six ans. Et pour Salem, cet homme va représenter la possibilité d’une renaissance pour la petite fille brisée qu’elle a été.

Au final, une histoire touchante, mettant en lien deux personnages brisés par un passé insupportable. Bien des aléas vont se mettre sur leur chemin, mais on sent tellement, en tant que lecteur, la symbiose qui s’installe rapidement entre Salem et Thayer ! Un lien renforcé dans le tome 2 que je vais m’empresser de lire !