mercredi 30 juillet 2025

La Reine Coax, George Sand (Déclic, Belin, 04/2025)

 



La Reine Coax, George Sand (Déclic, Belin, 04/2025)

🐸🐸🐸

Je connaissais George Sand pour ses romans et son incroyable autobiographie, mais je n’avais encore jamais lu l’un de ses contes. Ce petit livre m’a été envoyé en tant que spécimen, en lien avec le nouveau programme de français, et a été l’occasion pour moi de découvrir ce conte à la morale toujours d’actualité.

« C'était une enfant de quinze ans, très avisée, très courageuse et très obligeante, qui se faisait aimer de tout le monde, encore qu'elle ne fût point du tout jolie. Elle était très petite, très agile de son corps et assez gracieuse ; mais elle avait le nez trop court, les yeux trop ronds, la bouche trop grande. Madame Yolande, qui avait été belle en son temps, disait parfois : - Quel dommage qu'une enfant si aimable et si intelligente ait la figure d'une petite grenouille ! » La petite héroïne, Margot, est une enfant adorable mais pas particulièrement jolie. Alors qu’elle vient vivre chez sa grand- mère, elle décide d’assécher les fossés qui entourent le château pour en faire de beaux jardins. Ce faisant, elle déloge une belle et grosse grenouille qui dit être la Reine Coax.

« N'aie jamais l'idée de dessécher mon nouvel empire comme tu as desséché les douves de ton manoir, où j'avais daigné établir ma résidence ; sache que, si tu en faisais autant de ce pré, il t'arriverait de grands malheurs ainsi qu'à ta famille. » Alors que Margot fait en sorte d’aider la Reine Coax, cette dernière va se vexer et la transformer à son tour en grenouille…

Au final, un conte qui répond aux codes du genre, du schéma narratif à la morale. Toutefois, j’ai regretté de ne pas avoir pu adhérer au style, trop lourd lexicalement parlant. L’histoire est intéressante, entre le personnage détestable du cousin Mélidor de Puypercé et celui du cygne Névé, merveilleux protecteur. Mais je n’ai pas été conquise au point de le proposer à mes élèves. Dommage…

lundi 28 juillet 2025

Hurlements, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2024)


 

Hurlements, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2024)

💘💘💘💘💘

Je ressors de ce livre le souffle court. Alexis Laipsker a encore une fois bien joué avec mes nerfs durant les dernières pages ! L’histoire déroulée dans « Hurlements » est aussi machiavélique que cette des « Poupées ». Diabolique et malaisante à souhait. Les criminels dont il raconte les crimes sont des monstres, dont la cruauté manifeste est inimaginable. Pourvu que cela ne soit à jamais que de la fiction…

« - J'ai enlevé cinq femmes, commissaire. Je les fais souffrir. Lentement. Avec une savante cruauté. Et ce n'est qu'un début. » Alors que le commissaire Venturi est encore aux prises de l’IGPN, il reçoit ce message terrifiant. Un monstre rôde et il ne veut avoir affaire qu’avec celui qu’on surnomme « le cow-boy ». Cela tombe bien, Olivia « Menthe à l’eau », la jeune psychologue avec qui il fait équipe depuis peu vient d’échapper à une agression, et notre homme est plus que jamais prêt à en découdre !

« C'était une silhouette humanoïde. Mais pas humaine. Ce ne pouvait pas être un humain. Ce n'est pas possible. Il ne le fallait pas.
Un frisson d'effroi l'enveloppa. »
En parallèle de l’équipe de Venturi, un lieutenant, Julien Dastray, mène son enquête de son côté, à l’insu de son service. Ses raisons sont personnelles. Mais un flic seul n’est- il pas un flic en danger, comme le dit le proverbe ?

« - J'ai un traitement pour ce type de patient. Une balle de 9mm le matin. A renouveler si les symptômes persistent. » Il faudra tout le pragmatisme et la force de persuasion de Venturi pour faire avancer une enquête qui s’éparpille faute de lien concret entre les victimes et parce qu’on n’imagine pas qu’un seul homme puisse faire acte d’autant de cruauté…

Au final, un récit mené tambour battant (normal, pour un auteur citant James Hetfield en exergue de son roman !!!). J’ai, une nouvelle fois, eu l’impression de vivre au cœur de l’enquête, sans temps mort pour raconter la vie plan- plan de l’enquêteur, mais avec uniquement le terrain, le terrain, le terrain. Encore un peu et j’aurais sorti ma plaque de flic en refermant le livre !!!

dimanche 27 juillet 2025

Matrices, Céline Denjean (Pocket, 02/2023)


 


Matrices, Céline Denjean (Pocket, 02/2023)

💓💓💓💓

« Save the others ». Ce sont les derniers mots prononcés par une jeune femme enceinte qui vient de se faire renverser sur une départementale en pleine nuit d’orage. Louise Caumon et Violaine Menou vont être chargées de cette affaire qui va les mener sur la piste d’un trafic de femmes. Les deux majors ne sont pas au bout de leurs surprises…

« A bout de souffle, elle file au plus vite, soutenant son ventre protubérant. Elle trébuche, chute, se relève en criant de douleur et de rage, mais reprend sa course folle. Parce qu'elle veut sauver sa peau. » Le récit s’ouvre sur la course effrénée d’une jeune femme le long d’une route départementale. Malheureusement, elle est renversée par une camionnette et ne survit pas à l’accident. Un drame du quotidien ? Le fait que la victime soit d’origine africaine et que le bébé qu’elle portait était blanc va faire douter les enquêteurs…

« Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, de l'endroit où on nous trimballe... Mais je pressens que j'ai quitté l'extrême précarité de Makoko pour franchir les portes d'un enfer plus sombre encore. » En parallèle de ce qui se passe en France, nous suivons Obi, une jeune Nigériane vendue par sa tante à un trafiquant d’êtres humains. Elle ignore les objectifs qu’Isaac- le- balafré a pour elle… Future prostituée ou actrice de porno ?

« Comment peut-on à ce point mépriser le cycle de la vie sans lequel nous n'existerions pas ? » Et puis les deux histoires se mêlent et c’est une histoire glaçante que nous sert l’auteure ; basée sur des faits qu’on devine très proches de la réalité.

Au final, un roman policier habilement mené dans lequel les cartes s’abattent les unes après les autres, révélant des êtres abjects, que rien ne rebute du moment qu’ils en tirent des profits financiers. On se doute que la réalité n’est pas loin et c’est ce qui est terrifiant. Par ailleurs, le personnage de Louise a pris ici une dimension sensible qui m’a touchée. J’ai hâte de lire le suivant pour suivre son évolution !

jeudi 24 juillet 2025

Sous le ciel d’Eagle Bay, Sophie Jomain (Charleston, 01/2024)

 



Sous le ciel d’Eagle Bay, Sophie Jomain (Charleston, 01/2024)

💛💛

J’aime beaucoup les romans construits sur le thème des secrets de famille et les relations mère- fille. Ce récit de Sophie Jomain, auteure que je lisais pour la première fois, promettait de me plaire avec une base narrative mettant en scène Abigail et sa mère Emma, qui ne s’était plus vues depuis dix- sept ans. Qu’allaient révéler leurs retrouvailles après une si longue absence ?

« Sans Régine, Abby était certaine qu'elle aurait fané comme une plante dont personne ne s'occupe, parce que la tendresse que ses parents avaient vouée à cette île les aveuglait. Ils n'avaient pas vu combien elle la tuait à petit feu. » Subissant le rejet de sa propre mère depuis sa plus tendre enfance, Abby a décidé, à sa majorité, de quitter l’Alaska où vivaient ses parents pour s’installer en France, chez sa grand- mère. Elle y fera ses études et y débutera sa carrière professionnelle sans jamais revenir à Eagle Bay…

« C'était comme si Abby n'avait plus sa place dans leur famille, et qu'elle était responsable de ce qui était arrivé à Emma. Abby s'était d'ailleurs longtemps demandé si c'était parce qu'elle marchait encore et pas sa mère, qu'Emma lui en voulait autant. » Abby a cherché à se rassurer sur les raisons qui ont poussé sa mère à l’exclure de sa vie… L’accident qui a laissé Emma invalide est- elle LA véritable excuse ?

« Pourquoi m'avoir mise au monde ? Pourquoi m'avoir conçue si tu étais à ce point incapable d'aimer comme un enfant le mérite ? » A l’heure où Abby revient à Eagle Bay car sa mère a besoin d’elle, entre son handicap et des problèmes de santé qui s’accumulent, les règlements de compte sont au programme…

Au final, un roman qui m’a peu touchée. Le début est intéressant par rapport aux questionnements sensés d’Abby, qui, désormais trentenaire, dispose de l’aplomb nécessaire pour questionner sa mère sur son rejet. Mais j’ai trouvé que le récit devenait ensuite trop contemplatif et larmoyant. De plus je ne me suis pas attachée aux personnages, ni d’Emma, froide et détestable qui va peu à peu faire tomber les barrières de sa forteresse, ni d’Abby, que j’ai trouvée « tiède » dans l’expression de ses (res)sentiments. 

lundi 21 juillet 2025

La maison des mensonges, John Marrs (City Editions, 03/2025)

 


La maison des mensonges, John Marrs (City Editions, 03/2025)

💘💘💘💘💘

Deux femmes vivent dans la même maison. Elles sont mère et fille ; elles se détestent. Nina part chaque matin au travail après avoir bien attaché sa mère à une chaîne, l’empêchant de sortir de la maison, et par là, de révéler sa présence… Comment en sont-elles arrivées là ?

« J'aurais aimé écrire un livre. J'ai plein d'histoires en tête, et autant de secrets. Mais je doute que cela arrive un jour. Beaucoup de choses n'arriveront jamais. Je ne quitterai plus jamais cette maison, par exemple. » Maggie a la soixantaine. Elle vit au grenier où sa fille l’a enfermée depuis deux années après que cette dernière a découvert des faits qu’elle estime impardonnables à son égard.

« Mensonges et réticence à communiquer efficacement : ce sont les termes qui décrivent notre fonctionnement à elle et à moi. Ou peut- être devrais- je plutôt parler de dysfonctionnement. » Le passé de Nina est lourd de silences, et de colères terribles. Ses rancœurs envers sa mère sont profondément ancrées dans son cœur. Et cette dernière ne comprend pas, persuadée d’avoir toujours agi pour le bien de sa fille.

« Est-il possible qu'après tout ce temps, elle commence à se souvenir de ce qui s'est passé ? Cette boîte représente- t- elle les événements de cette nuit- là, et ce qu'elle a perdu ? Peut- être recommence- t- elle à reconstituer ce qui s'est passé et me demande- t- elle mon aide pour aller plus loin ? » Le récit oscille entre Maggie et Nina, mais aussi entre le présent et deux époques ; vingt- deux ans plus tôt, à l’époque des drames, et deux ans plus tôt, lorsque des secrets douloureux sont mis à jour inopinément… Qui cache quoi ? Pour quelles raisons ?

Au final, un « page- turner » vraiment machiavélique ! Les codes des relations familiales volent en éclats ! J’ai été choquée par certaines scènes vraiment violentes ! Âmes sensibles s’abstenir, mais si vous avez le cœur bien accroché, prenez- vous une après- midi de libre et dévorez ce thriller surprenant ! 

dimanche 20 juillet 2025

Les poupées, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2023)

 


Les poupées, Alexis Laipsker (Pocket, 03/2023)

💘💘💘💘💘

Comme je comprends le succès qu’a remporté ce thriller, le troisième roman d’Alexis Laipsker ! Les chapitres se suivent sans temps mort et les découvertes réalisées par le commissaire Venturi sont souvent renversantes !

« Il fit un pas en avant. Puis un autre.
Et il les vit.
Son sang se glaça.
Son visage se figea et devint livide.
Ses lèvres s'entrouvrirent. Mais aucun son ne put sortir. »
Le commissaire Venturi se retrouve face à une scène qui dépasse l’entendement, alors qu’il était en pleine course poursuite contre des trafiquants : six corps suppliciés, déguisés et perruqués ont été mis en scène dans une chapelle abandonnée.

« La face squelettique et décharnée avait achevé de se déchirer lors de la chute.
A présent, deux yeux brillants reflétant la lumière des projecteurs fixaient les policiers. »
C’est d’abord l’aspect des cadavres qui va guider l’enquête des policiers. Mais comment trouver un fou qui semble aimer jouer ?

« Il s'agit d'un psychotique extrêmement organisé: il parvient à capturer ses victimes sans attirer les soupçons. Et cela à six reprises. Il a développé un moyen de séduire si efficace qu'aucune disparition inquiétante n'a été signalée dans la région et que vous êtes toujours en train de chercher l'identité de ces six victimes. Je me trompe ? » Pour mieux comprendre l’itinéraire du tueur, le commissaire se voit adjoindre les services d’Olivia Montalvert. Les surprises ne sont pas terminées…

Au final, un thriller efficace et addictif. J’ai eu l’impression de visionner une série dans laquelle seules les scènes directement liées à l’enquête sont évoquées. Du pur plaisir !

jeudi 17 juillet 2025

Celle qui dit vrai, Véronique Petit (Rageot, 06/2024)

 



Celle qui dit vrai, Véronique Petit (Rageot, 06/2024)

💙💙

Ce sont des extraits publiés sur Babelio qui m’ont poussée à lire ce roman jeunesse. J’aimais la poésie des mots et les métaphores utilisées. Cap sur Etretat où la famille de Mya essaie de se reconstruire après un drame qui leur a fait quitter la capitale.

« Et d'ailleurs, c'est vrai que j'en veux à ma mère, mais pas pour ces choses- là.
Non, pas pour ces choses- là. »
La mère de Mya a avoué un meurtre et a été emmenée en prison. Ses enfants sont sous la charge de leur oncle, Théo, qui tente de maintenir une vieille auberge à flot.

« Des yeux attentifs, attentionnés, transperçants, bouleversants. Des yeux qui se sont attardés dans les miens, qui ont pris le temps de faire connaissance. » Mya, qui vient d’entrer au lycée, essaie de maintenir une distance maximale avec sa famille. Et voilà qu’elle craque pour un locataire de l’auberge, le beau Grégoire, professeur de mathématiques.

« Ce n'était pas parce qu'on était belle qu'on était heureuse.
Ma preuve, ma mère était belle.
Mais pas heureuse. »
La question de l’apparence est primordiale à l’adolescence. Mya se cherche, se compare à sa mère, se compare aux autres filles de son groupe d’amis, mais ne se plaît pas. Elle aimerait qu’on la remarque pour sa beauté. Jusqu’où est-elle prête à aller ?

Au final, un récit qui m’a un peu perdue entre les allers- retours dans le temps. Je n’arrivais pas à comprendre le rôle de chacun des protagonistes. Il a fallu la toute fin pour j’intègre les tenants et aboutissants de l’intrigue générale. Un roman intéressant toutefois sur le mal- être adolescent et la place de chacun au sein d’une famille. 

mercredi 16 juillet 2025

Le Livre des Baltimore, Joël Dicker (Editions de Fallois, 09/2015)

 


Le Livre des Baltimore, Joël Dicker (Editions de Fallois, 09/2015)

👪👪👪👪

Retrouvailles avec Markus Goldman, l’écrivain – narrateur de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, qui revient ici sur son enfance, passée avec deux cousins avec qui il partageait une belle complicité. Et pourtant, rétrospectivement, il se rend compte que tout n’était pas si rose entre les membres de sa famille ; il y a effectivement une espèce de rivalité entre les Goldman de Baltimore et les Goldman de Montclair…

« Ecrire un livre, c'est comme ouvrir une colonie de vacances. Votre vie, d'ordinaire solitaire et tranquille, est soudain chahutée par une multitude de personnages qui arrivent un jour sans crier gare et viennent chambouler votre existence. » Le récit est ponctué de passages introspectifs dans lesquels on imagine très bien l’auteur exprimer ses propres pensées. Ici, l’écriture est le prétexte d’une enquête sur une histoire familiale ponctuée de secrets et de jalousies. Une saga qui s’effondrera à la suite d’un événement appelé « le Drame ».

« J'avais envie de retrouver mon oncle Saul, et il n'existait qu'un seul moyen pour y parvenir. L'écrire. » L’oncle Saul représente la figure paternelle du patriarche tout- puissant. Il est riche, respecté et aimé. Avocat de renom, époux d’Anita, une femme resplendissante et médecin, et père d’Hillel, enfant H.P.I., il est l’image même de la réussite. Les parents de Markus, eux, sont plus modestes. Mais tout le monde fait comme s’il n’y avait aucune différence entre les Goldman. Evidemment…

« Tu vas appeler ta mère et lui dire que tu dors chez un copain, Markikette. Il est temps de prendre des risques dans la vie. Tu veux quand même pas rester un Montclair toute ta vie, non ? » En parallèle de l’histoire des Goldman, se déroule celle d’Alexandra Neville, étroitement imbriquée dans la vie des premiers. Dès l’adolescence, elle s’éprend de Markus, mais, toujours dans l’esprit de ne pas faire de préférence, elle va souhaiter taire leur idylle. Jusqu’à ce qu’un secret très lourd de conséquences mette fin à leur relation… Pourront- ils se retrouver une fois que Markus, par le biais de son roman familial, aura remis toutes les cartes sur table ?

Au final, un récit qui m’a tenue en haleine, tant par le suspens (qu’est- ce donc que ce Drame dont on nous parle depuis la première page ?) que par l’écriture de Joël Dicker, imagée et fluide. Captivant.

lundi 14 juillet 2025

Rosine : une criminelle ordinaire, Sandrine Cohen (J'ai lu, 09/2022)


 

Rosine : une criminelle ordinaire, Sandrine Cohen (J'ai lu, 09/2022)

💚💚💚💚

Je sors de cette lecture avec le souffle court. L’histoire de cette femme infanticide, enfin, plus exactement l’enquête réalisée par Clélia Rivoire pour découvrir les raisons qui ont poussé Rosine, une femme ordinaire, à réaliser un acte ignoble, est menée tambour battant. L’écriture de l’auteure se déroule sans pause ni chapitrage. Une lecture à bout de souffle.

« Comment survivre à l'univers carcéral quand on n'en a pas l'étoffe ? Quand on est devenu un criminel ordinaire, mais qu'on est avant tout quelqu'un de très ordinaire ? » Clélia Rivoire est enquêtrice de personnalité auprès d’un juge. Elle cherche et trouve toujours les raisons qui ont poussé un individu à commettre un crime. Sa personnalité borderline la fait passer pour une extravagante dans le milieu policé de la justice.

« Clélia voit très bien, la famille Ricoré, le modèle de la famille idéale façon société de consommation, elle n'y croit pas du tout. Elle sait que derrière la famille Ricoré se cachent souvent des tas de secrets inavouables. » La vie de Rosine semble appartenir à un conte de fée : tout le monde est gentil, tout le monde s’aime. Clélia va déconstruire cette image d’Epinal.

« Dans une histoire où il y a un meurtre, il y a toujours une histoire avant le meurtre. Elle a forcément vécu une tragédie elle- même. Ou ses parents ? Un destin pareil ne peut pas être le fait du hasard. » Clélia va devoir se montrer particulièrement pugnace pour remonter la trace de la violence dans la famille de Rosine. On s’est tu, on n’a pas voulu voir…

Au final, un récit étonnant servi par une écriture oppressante, qui ne sépare pas les dialogues de la narration et qui se fait enivrante en ne proposant aucune pause au lecteur. J’ai eu du mal à entrer dans ce roman du fait de l’originalité de l’écriture. Puis je me suis attachée au personnage de Clélia, tellement entier, passionné. Une lecture saisissante. 

vendredi 11 juillet 2025

Plus grand que le ciel, Virginie Grimaldi (Flammarion, 05/2024)

 



Plus grand que le ciel, Virginie Grimaldi (Flammarion, 05/2024)

💙💙💙💙

Après trois romans aux thèmes assez lourds, j’ai eu envie de me ressourcer avec une histoire pavée de bons sentiments. J’étais sûre que Virginie Grimaldi saurait me remonter le moral avec sa plume particulièrement sensible.

« Je ne sais pas trop à quoi ça sert, tout ça. A chaque fois, je me dis que c'est la dernière. Et je reviens. Tout ça pour causer tout seul et faire un chèque à la fin. Ça fait cher le monologue. » Vincent est dépressif. Il n’a goût à rien. Il se retrouve à suivre une psychothérapie auprès du docteur Chaumet sur la demande de sa maison d’édition.

« Les routines matinales sont très personnelles : certaines personnes font du yoga, d'autres vont aux toilettes avec un journal ; Elsa, elle, avait envie de crever. Chacun son truc. » Elsa vient de perdre son père et elle n’arrive pas à surmonter son deuil. Elle aussi est amenée à consulter le docteur Chaumet. Et c’est là, dans la salle d’attente de ce médecin, qu’elle va rencontrer Vincent.

« S'il y a bien un super- pouvoir que j'aurais voulu garder de l'enfance, c'est celui – là : donner autant d'importance aux petites joies qu'aux grands chagrins. » Gérer ses émotions est délicat car nous sommes tous différents face aux épreuves de la vie et face aux conséquences induites par les traumatismes du passé. Quand Elsa et Vincent se rencontrent, ils vont se méfier l’un de l’autre, et évidemment, se détester d’abord. Pour mieux s’apprivoiser ensuite…

Au final, une histoire touchante avec des passages qui m’ont occasionné de sacrés éclats de rire. Elsa et Vincent sont terriblement touchants et on peut facilement s’identifier à l’un ou à l’autre selon notre propre histoire. Un livre qui ne peut laisser personne indifférent. 

jeudi 10 juillet 2025

Celle qui ne pleurait jamais, Christophe Vasse (Pocket, 07/2017)

 



Celle qui ne pleurait jamais, Christophe Vasse (Pocket, 07/2017)

💓💓💓💓💓

Pour le coup, c’est le dernier roman de Christophe Vasse, Celles qui sortaient de l’ombre, qui m’attirait énormément. Mais en me renseignant, j’ai lu qu’il était le troisième tome d’une trilogie. J’ai alors voulu bien faire les choses et je me suis plongée dans ce qui représente le premier opus de la « saga ».

« C'était son premier meurtre. Perdue au beau milieu de la Brie, trop provinciale pour la région parisienne et trop parisienne pour la province, la ville de Morency était une laissée- pour- compte dont l'anonymat ne tentait pas même les assassins. » Séverin Berthelot est un flic de campagne. Il s’ennuie dans son quotidien, constitué de mains courantes entre voisins et excès de vitesse. En plus de la monotonie de son travail, il souffre de bipolarité ; ce qui le rend particulièrement asocial. Quand un meurtre a lieu dans sa commune, il pense que sa vie va quelque peu s’animer… Mais il ne sait pas encore à quel point !

« Le quotidien des flics comme moi est largement moins excitant que celui des flics de romans, figure- toi. » Séverin, insomniaque, passe son temps libre à écrire. Il y trouve une véritable raison de vivre, suite à son divorce et au rejet de sa fille adolescente, Gabrielle. Et puis ce meurtre, qui s’est déroulé sur sa commune, va le rattraper. Quand la fiction et le réell se rencontrent…

« Une femme a été assassinée dans la nuit de jeudi à vendredi, expliqua-t-elle. Egorgée dans sa voiture. Ça s'est passé à une trentaine de kilomètres d'ici. Tu ajoutes à ça le meurtre de Morency et tu as tous les ingrédients pour commencer une bonne histoire de serial killer... » Voilà qu’un deuxième meurtre secoue la brigade de Séverin. Même s’il ne fait pas partie de la P.J., il va se lancer sur une enquête dangereuse, étant indirectement impliqué. Trouver la vérité, comprendre, vont devenir les impératifs de sa vie.

Au final, un roman policier intelligent et captivant. L’intrigue est rondement menée et on ne peut que s’attacher au personnage perturbé de Séverin Berthelot, incapable de trouver un équilibre émotionnel, et que la vie met à l’épreuve. Certaines scènes m’ont secouée mais elles étaient nécessaires. J’ai hâte de lire la suite ! 

mercredi 9 juillet 2025

La dernière allumette, Marie Vareille (Le Livre de Poche, 04/2025)


 

La dernière allumette, Marie Vareille (Le Livre de Poche, 04/2025)

💘💘💘💘💘

J’avais été tentée par ce roman au moment de sa sortie, et puis le temps a passé, d’autres livres ont eu la priorité et je l’ai oublié. Sa sortie en poche et une nouvelle « hype » sur les réseaux sociaux à cette occasion m’ont poussée à le lire. Et j’en suis ravie !

 « Alors pour qu'on soit heureux tous les quatre, pour pas que Papa soit en colère, j'invente des histoires dans le bureau du docteur Hassan. J'invente des histoires dans ma tête, quand je parle à Gabriel, à Maman, aux autres enfants de l'école. » Abigaëlle est une petite fille surdouée qui a le malheur de vivre dans une maison où la violence est quotidienne. On la découvre par le biais d’un récit rétrospectif qu’elle mène depuis le couvent dans lequel elle s’est réfugiée une fois adulte, mais aussi grâce à des extraits du journal intime qu’elle a rédigé naguère.  

« Peut- être est- ce une loi fondamentale de l'univers que la lumière et l'obscurité cèdent toujours à la tentation de se fondre l'une dans l'autre. » Gabriel, le grand frère, a fui sa famille, à peine majeur. Il est devenu un artiste reconnu pour la beauté de ses dessins, malgré la noirceur qui habite son âme. Et puis il rencontre Zoé, toujours souriante, toujours joyeuse. Réussira-t-elle à redonner le sourire au jeune homme ?

« Avoir des remords, même sincères, n'a rien à voir avec le fait d'assumer ses responsabilités et de prendre des mesures concrètes pour canaliser sa violence et protéger ceux qui en sont victimes. » Le docteur Garnier, psychiatre à l’aube de sa retraite, accueille, lui, une patiente chaque vendredi à 17h. Très vite, il se rend compte qu’elle est victime de violences conjugales. Comment l’aider ?

Au final, un roman polyphonique qui débute en douceur, le temps de poser les pions de l’intrigue, qui vont très vite engendrer une ambiance lourde dont le lecteur ne parvient pas immédiatement à dénouer les fils. Et puis, les liens vont se nouer les uns après les autres, les pages vont tourner à un rythme croissant et affolant, pour éclater dans un final glaçant. Une histoire poignante qui va me hanter longtemps…

lundi 7 juillet 2025

Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon (Editions du sous- sol, 02/2025)

 



Mon vrai nom est Elisabeth, Adèle Yon (Editions du sous- sol, 02/2025)

😮😮😮😮


Pour un premier livre, Adèle Yon s’est appuyée sur sa crainte personnelle de devenir folle et ses recherches universitaires au sein du laboratoire SACRe ; lesquelles aboutiront à ce récit qui constitue sa thèse de doctorat. Un récit glaçant qui va au- delà de l’exploration d’un cas de schizophrénie identifié dans l’histoire familiale.

« Ce que je veux savoir, moi, c'est si mon arrière- grand- mère était schizophrène comme on le dit. Ce que je veux savoir, moi, c'est s'il y a un risque, pour moi et toute ma descendance jusqu'au siècle des siècles. » La narratrice se trouve entre deux relations amoureuses, entre deux orientations professionnelles, et elle se sent perdre la tête. Etant donné que son arrière- grand- mère prénommée Betsy avait été diagnostiquée schizophrène, elle se demande si la « folie » n’est pas une maladie héréditaire.  

« Il est aisé de penser, maintenant qu'un homme est mort, mais pourtant si juste, que cette histoire ne pouvait mener qu'à ce point précis, qu'il fallait un corps d'un bond soit jeté en chute libre pour remplacer un autre corps, emporté par des hommes en blanc un autre matin de janvier soixante- dix ans plus tôt. » Le récit commence par le suicide d’un homme de la famille, l’un des fils de Betsy. On comprend très vite que dans cette famille nombreuse appartenant à la bourgeoisie, il y a de nombreux non-dits et que ceux- ci ont généré une longue série de souffrances. En silence.

« Je me demande s'il n'y a pas quelque chose de l'ordre de la lignée de femmes, qui est tellement violentée qu'il n'est pas anodin d'être femme dans cette famille. » La narratrice remonte le fil des souvenirs des membres de la famille autour de Betsy. Les rencontres sont retranscrites entre les écrits narratifs, ainsi que les compte- rendus médicaux que l’auteure a retrouvés en fouillant les archives des hôpitaux psychiatriques. On en apprend ainsi énormément sur la lobotomie et son utilisation abusive, notamment sur les femmes…

Mais ce qui ressort le plus, c’est le constat effarant de la maltraitance envers les femmes qui manifestaient le moindre désir d’indépendance. Pour elles, impossible d’exister par autre chose qu’un mari et des enfants. Et l’histoire d’Adèle Yon ne date pas d’un siècle : Elisabeth est décédée en 1990. Un livre choc et utile.

mercredi 2 juillet 2025

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)


 

Kukum, Michel Jean (Points, 09/2022)

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Cap vers le Québec à la toute fin du XIXème siècle, aux côté d’Almanda, la propre arrière- grand- mère de l’auteur, Michel Jean. Orpheline aux origines irlandaises, élevée par un couple de fermiers québécois par pur charité chrétienne, cette jeune fille de quinze ans va tomber sous le charme de Thomas, un jeune Innui qui vit de chasse et de pêche avec sa famille nomade.

« J'ai fixé les yeux de celui qui me demandait de le suivre jusqu'au bout du monde. J'y ai vu la rivière, le lac long et, au milieu, moi et ce jeune homme aux larges épaules et au regard confiant. » Entre Almanda et Thomas, le coup de foudre est immédiat. Malgré les réticences de ses parents adoptifs, la jeune fille va très vite épouser le jeune Indien et partir vivre à ses côtés une existence bien différente de celle qu’elle avait connue jusque-là.

« Petit pas à petit pas, mon corps autant que mon esprit s'adaptaient au mouvement quotidien de l'existence nomade. Au fil des jours, la notion même de temps devenait diffuse. » Dans la tribu de Thomas, on vit sous la tente et on mange ce que l’on pêche ou chasse au jour le jour. Ces nomades se déplacent autour du lac Saint -Jean (Pekuakimi en Innu), selon les saisons, et vendent les peaux qu’ils tannent eux- mêmes. Mais peu à peu, les Blancs envahissent leurs terres, coupant les arbres et construisant des chemins de fer pour faire venir encore plus de colons, intéressés par la richesse naturelle des lieux.

« J'avais beau savoir lire, écrire et calculer mieux qu'eux tous, je restais une ignare là-bas. » Les enfants de Thomas et Almanda ne sont pas voués à aller à l’école. Leur éducation se fait dans la nature, avec l’unique but de vivre libre. Mais les colons vont changer la donne et enlever les enfants des Indiens pour les envoyer dans des établissements scolaires gérés par des prêtres ; pour le malheur de tous…

Au final, j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce récit, pour ces personnages si touchants et pour la plume extraordinaire de Michel Jean. J’ai lu les dernières pages avec le cœur gros. Je compte bien me plonger dans ses autres romans. Un auteur à découvrir et à suivre !